Il y a quelques mois Marc Malès nous proposait un très bel album, format à l’italienne: « Mettez des mots sur votre colère ». Et voilà que la même année, les Humanos rééditent un autre album de Marc Malès paru en 2004: « L’autre laideur l’autre folie ». Ces 2 albums offrent de nombreux parallèles reflétant quelques unes des obsessions
de l’auteur.
Marc Mallès, c’est d’abord l’auteur qui a su dépeindre l’Amérique. Une Amérique proche de Faulkner quand il travaillait aux côtés de Jean Dufaux sur la série « Les révoltés ». l’Amérique des grands espaces aux côtés de Philippe Thyraud pour la série « 1 000 visages ». Marc Malès, c’est d’abord un dessin élégant, reconnaissable entre tous. Un dessin d’une rare intensité qui rend toujours des ambiances si particulières.
C’est donc encore aux Etats Unis que se passent les 2 albums « Mettez des mots… » et « L’autre laideur… ». Le premier serait plutôt proche du Steinbeck ‘Des raisins de la colère ». L’auteur y romance la vie du photographe Lewis Hine. Malès s’attache au début de sa carrière quand Hine travaillait pour le National Child Labor Committee. Il fera pour cet organisme des photos dénonçant l’exploitation des enfants. Ses photos sont très impressionnantes et participeront à l’évolution de la législation sur le travail des enfants.
Tout en racontant le périple de Hine, Malès imagine la vie et la personnalité du photographe. Malès y dépeint un homme très éloigné de ses convictions: Violent, aux pulsions souvent noires, le héros est montré sous un visage qui est bien éloigné de son travail. C’est un des grands intérêts de l’album. Le héros est « humanisé ». Sur la forme, la monochronie sépia de l’album en couleur directe est magnifique, renforçant le côté photographique de l’histoire.
Pour ce qui est de « L’autre laideur l’autre folie ». L’album est tout en noir et blanc. L’histoire se passe à l’apogée de la radio. Marconi règne en maître incontesté. Tout le monde écoute religieusement le poste où les voies sont capables de soulever des montagnes.
Le récit tourne autour de l’une de ces voies. Un certain Lloyd Goodman, est une de ces idoles incontestée de la radio. Mais voilà, il vient de disparaître sans laisser de traces. Les magnats de la station ne savent comment s’en sortir. Il faut retrouver Goodman.
Parallèlement à la disparition de Goodman, on suit la fugue d’une jeune femme schizophrène. Celle-ci parcourt le pays en parlant à sa soeur qui n’est autre que son reflet dans le miroir. Son périple l’amènera chez Goodman reclus au milieu de nulle part.
On se retrouvera donc face à ce couple étrange: d’un côté une jeune et belle femme un peu dérangée et de l’autre un présentateur vedette qui ne s’accepte pas. Là encore, les gens ne sont pas ce qu’ils représentent, les apparences sont trompeuses et ce qui se cachent à l’intérieur de chacun est parfois très éloigné de ce qui est donné à voir.
Marc Malès est très pertinent dans ces 2 albums, on reconnaîtra son talent de scénariste à la hauteur de son dessin. Il ne donne pas dans la facilité et sait aborder des thématiques sous des angles particuliers. Ces 2 albums, s’ils se répondent peuvent être lus séparément, mais dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de 2 albums puissants qui ne laissent pas indifférents.