Entre confession masculine, réflexions sur la négritude… et le cinéma, Beau rôle, roman de Nicolas Fargues, est la confirmation d’un style, d’un univers et d’un ton très personnels.
Nicolas Fargues est de ces auteurs que l’on adorerait détester. Jeune (il est né en 1972), beau et talentueux, il publie déjà son sixième roman et se fait tranquillement une place de choix sur la scène littéraire française, quelque part entre Frédéric Beigbedder pour son goût des thèmes ancrés dans leur époque et Patrick Modiano pour la justesse et la précision de son style. Si J’étais derrière toi (2006) lui a permis de rencontrer le succès, Beau rôleest sans conteste le roman de la confirmation.
Il y présente Antoine Mac Pola, acteur métis trentenaire qui connaît enfin un début de succès grâce à son rôle dans un film intitulé White stuff. Castings et conquêtes féminines faciles d’un côté, éloignement familial et culturel de l’autre : la vie d’Antoine Mac Pola est tout entière résumée dans ce grand écart permanent entre deux mondes qui s’ignorent absolument.
Rien de dramatique pour autant. Plutôt le portrait sincère, et souvent empreint d’autodérision, d’un homme fragile qui ne peut s’appuyer ni sur ses racines lointaines, ni sur une carrière sujette à trop d’aléas…
Dans un style faussement « facile », Nicolas Fargues a ce talent particulier de se glisser dans la peau de ses personnages, dans leurs sentiments, dans leur intimité intellectuelle, et de les restituer avec une sincérité touchante. Au diable les bonnes intentions ou la mièvrerie des conventions sociales. Etre Antoine Mac Pola, c’est partager ses pensées, ses réactions, ses envies, ses tricheries et ses désarrois.
Alors le lecteur se laisse prendre à cette « confession » et partage avec plaisir les quelques semaines de « vie commune » que lui propose l’auteur. Un casting étrange, une liaison people jamais consommée, quelques soirées entre « amis », un débat avec des lycéens, un retour aux sources outre-mer et, pour lier le tout, de grandes théories sur le cinéma et sur la condition de noir dans la société occidentale.
On l’aura compris, si Nicolas Fargues n’est pas porteur d’idéologie au sens strict, il excelle à restituer, à hauteur d’homme (plutôt que de femme), l’atmosphère de notre temps et à aborder les questions humaines essentielles qui lui sont liées. Pour ces raisons, ses romans ont cette saveur particulière qui touche tellement le lecteur. Il n’est pas certain, toutefois, que la lectrice éprouve la même émotion…
273 pages – Folio