Massés aux portes de la salle encore fermée, un décompte régulier nous avertit que quelque chose va commencer. Quand les portes s’ouvrent, le plateau est à vue, le sol marqué de la cartographie de l’imminent voyage à venir, depuis le fond de scène émergent six podiums accueillant chacun des objets nombreux et disparates, ici une poupée, là, un mannequin, des vases, un tabouret, une télé…, Un toboggan se hisse au plus haut de la salle, en avant scène des câbles, manette de manutention et une table à nouveau, regorgeant de platines, synthés, micros, batterie… Le compte à rebours se poursuit. Une femme vêtue d’un peignoir en satin, capuche rabattue sur les oreilles sillonne le plateau, notre imaginaire s’ouvre sur celui d’un boxeur attendant le combat imminent. Son partenaire adopte le même rythme nerveux, déambule lui aussi.
Le bric à brac commence à s’ordonner. Le décompte n’est plus seulement auditif, il est aussi visuel. Un panneau recouvert de tissus brodés de chiffres prend le relai du décompte. Tandis que le paravent s’effeuille, Vimala Pons empile, par lui cachée, les couches de vêtements en vue d’un mémorable striptease. Le ton du spectacle est donné, un imaginaire de music-hall revisitant les classiques du genre tout en les détournant dans un hétéroclite quotidien qu’on serait tenté de qualifié de bordel sans nom mais dont on comprendra rapidement qu’il est soigneusement organisé, méticuleusement ordonné. La précision est de rigueur dans le cirque où les interprètes jouent leur vie au millimètre près.
Avant le spectacle, une « map » nous est distribuée. Elle nous guidera pendant le voyage à travers une histoire d’amour contemporaine, n’ayant peur ni de son lyrisme ni de ses médiocrités, montant littéralement dans les hautes sphères puis s’écrasant de nouveau, avant de repartir à travers huit revues imbriquées et séparées les uns des autres par des intermèdes musicaux durant lesquels des techniciens remettent en place le plateau.
Ici tout se fait à vue, Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel choisissent de tout nous montrer, faisant quasiment passer sous silence l’intensité de leurs prouesses respectives, comme si elles allaient de soi, comme si elles nous concernaient tous. Ebahi par le voyage, le public se lève pour saluer d’une standing ovation le génie de l’entreprise. Comme pour mieux nous indiquer que tout cela existe aussi grâce à nous, le public, salué à son tour par les interprètes, sort par le plateau.
Grande –
du 19 février au 02 mars 2019
104, Paris