Une pièce que les deux chorégraphes travaillent depuis 2010 est l’occasion pour Anne Teresa De Keersmaeker de renouveler son dialogue avec la musique de Bach.
Un duo accompagné par la musique en live de la violoniste Amandine Beyer : pour la chorégraphe flamande, une nouvelle pièce travaillant les liens entre le mouvement et la musique, les infinies possibilités de faire de la danse un outil d’analyse visuelle de la musique.
Après s’être confrontée à la musique de Bach avec Toccata et, plus récemment, Zeitung, Anne Teresa De Keersmaeker choisit Partita 2 de Bach que la violoniste joue d’abord dans le noir absolu de la salle : une manière de proposer une immersion totale dans la partition sonore qui sera le point de départ de la danse en duo qui va suivre, longuement et dans le silence.
Partita 2 interroge la mémoire sonore et visuelle : comment regarder une partition chorégraphique composée à partir d’une partition musicale en les séparant dans un premier temps l’une de l’autre, en les faisant se succéder pour qu’elles se retrouvent finalement ensemble dans la troisième partie de la pièce.
Les deux danseurs jouent avec les nombreux cercles dessinés au sol et avec une seule source de lumière qui, de manière elle aussi circulaire, traverse petit à petit la scène. Les mouvements de De Keersmaeker et de Charmatz travaillent de l’intérieur la structure de la musique de Bach, ils en révèlent l’ironie, la joie, les répétitions, les moments de surprise.
Lorsque les deux partitions, celle musicale et celle chorégraphique, se retrouvent enfin unies, les spectateurs ont assisté à un long travail d’analyse, et les retrouvailles du son et des mouvements sont à la fois intrigantes et émouvantes.
Les créations de De Keersmaeker sont toujours un moment de partage avec le public d’une joyeuse et passionnante analyse structurelle de la musique à travers le plaisir de la danse, danse qui dans Partita 2 est faite de marches, de courses, de suspensions, de jeux de correspondances et de démarcations entre les deux danseurs.
Les pièces de la chorégraphe flamande oscillent savamment entre intelligence et émotion, entre distance et immersion.
Gloria Morano
© Etat-critique.com – 10/12/2013