Un spectacle intimiste et court qui tient du rêve éveillé.
Belkheïr Djenane, alias Bébel Le Magicien, n’a plus rien à prouver en termes de brillante cartomagie et d’extraordinaire habileté. Il met ici son savoir-faire au service d’un rêve inspiré de sa relation intime aux cartes. La note d’intention indique que Bébel et la metteuse en scène Anne Artigau créent « une partition dramaturgique composée des sensations que dessinent les cartes ».
Dans le dispositif mis en place, on voit d’abord le magicien marchant tel un druide, une longue canne à la main (peut-être un bâton de sourcier ?) ; l’écran derrière lui diffuse des images d’un lac le soir, ou d’un ciel chargé de nuages.
Quand Bébel s’assoit derrière une table noire, sur l’écran en fond de scène est reproduite en gros plan l’image de ses mains. On admire pendant une première partie sa dextérité et l’on s’étonne de ne rien comprendre ; certaines cartes que l’on cherche ont glissé, elles se déplacent en obéissant à des lois complètement invisibles. Bébel ponctue cette démonstration de sa voix humble et profonde ; en aucun cas, l’on ne peut penser qu’il se moque de nous, qu’il cherche à nous duper. C’est un jeu bien trop sérieux pour cela. Plus tard, le « numéro » qui commence classiquement s’interrompt. La voix de Bébel se perd dans le silence et le bruit du vent. Une carte lui chuchote à l’oreille, puis une autre. La reine de trèfle disparaît. Le roi de carreau la cherche. Bébel semble les guider l’un vers l’autre. Quelqu’un frappe à la porte. Il dit « entrez » et une carte apparaît. Des sons évoquent des frôlements, le passage de fantômes, et la mise en scène permet un jeu entre le visible (Bébel lui ne disparaît jamais) et un monde invisible, que l’on devine, comme un pan caché du réel : cet endroit précisément où les cartes disparaissent. Le néant ? Non, juste l’invisible. Mystérieux et multiple, indéfini.
Dans la dernière partie, Bébel nous perd un peu. Un jeu de tarot (de cartomancie) remplace le traditionnel jeu de cartes. Bébel interroge les symboles. Peut-être cette partie touchera-t-elle les connaisseurs du célèbre tarot de Marseille ? Elle m’a laissée perplexe.
Malgré tout, Djénane est un beau spectacle qui a le mérite de renouveler le genre en osant un pas (de géant) de côté : un pas de druide sur la terre des cartes.
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du 24 septembre au 16 octobre 2021
Au Théâtre du Rond-point, salle : Roland Topor
sur une idée de : Bébel Le Magicien,
création magie et interprétation : Bébel Le Magicien,
écriture : Anne Artigau, Belkheïr Djenane,
mise en scène : Anne Artigau,
voix : Élise Caron
Horaires : du vendredi 24 septembre au samedi 16 octobre, 20h30 – dimanche, 15h30 – Relâche : les lundis
Durée : 1h