La Marquise, jeune veuve ayant perdu l’Amour de sa vie, fait le serment de plus jamais aimer (« mon veuvage est éternel »). Lisette, sa servante dévouée et optimiste, fait pourtant tout son possible pour lui faire oublier son chagrin.
« LA MARQUISE.
Il est vrai que votre zèle est fort bien entendu ; pour m’empêcher d’être triste, il me met en colère.
LISETTE.
Eh bien, cela distrait toujours un peu : il vaut mieux quereller que soupirer
LA MARQUISE.
Eh ! Laissez-moi, je dois soupirer toute ma vie.
LISETTE.
Vous devez, dites-vous ? Oh ! Vous ne payerez jamais cette dette-là ; vous êtes trop jeune, elle ne saurait être sérieuse »
Le Chevalier lui aussi est en deuil ; sa bienaimée est entrée dans les ordres pour échapper à un mariage arrangé avec un autre. Lui aussi se voudrait inconsolable, mais c’est sans compter sur les intrigues de Lubin, son valet, qui se met en tête de marier son maitre à la Marquise afin de lui-même se rapprocher de Lisette.
Il saute aux yeux dès le départ que la Marquise et le Chevalier sont épris l’un de l’autre. Chacun, voyant l’autre inconsolable d’avoir perdu un amour, l’estime donc capable d’aimer d’une façon absolue… et ne l’aime que davantage pour cela. Mais comme avouer son amour reviendrait à démontrer qu’on ne sait soi-même pas aimer, puisqu’on est capable de passer outre son amour perdu, il ne faudrait en aucun cas (s’)avouer ses inclinations.
Au cas où vous ne m’auriez pas suivi, je résume: le Chevalier et la Marquise s’aiment mais n’osent se l’avouer.
Il s’ensuivra évidement des quiproquos et des rebondissements cocasses et très amusants, le tout servi par une langue classique et riche. Les imparfaits du subjonctif fusent: « que vous fussiez, crussiez, honorâtes, connussiez, avant que vous n’arrivassiez, je souhaiterais que vous restassiez » etc.
La mise en scène d’Alain Françon est, elle aussi, très (voire trop) classique. Le décor est archétypique du théâtre, sans invention aucune, même s’il est aussi beau que simple. Le jeu des acteurs est, lui aussi, sans surprise. Les comédiens jouent toujours face au public, même dans les dialogues ou les soliloques. Nous sommes donc résolument au théâtre, et c’est tant mieux.
On passe un agréable moment. Les comédiens sont talentueux, avec une mention spéciale pour les servants : Suzanne De Baecke incarne une Lisette pétillante et Thomas Blanchard excelle dans le rôle du valet. Par contre, le Marquis joue si mal et il est si raide que cela ne peut être qu’un fait exprès ; étonnant parti-pris…
La Seconde Surprise de l’Amour telle que proposée par Alain Françon est en définitive une pièce d’une fort belle facture, très classique. Dommage qu’elle manque de sel.
Jusqu’au 18 février 2022
Durée 1h50 / de 5€ à 39€
texte de Marivaux
mise en scène Alain Françon assisté de David Tuaillon, dramaturgie David Tuaillon, décor Jacques Gabel, lumières Joël Hourbeigt, costumes Marie La Rocca, musique Marie-Jeanne Séréro, chorégraphie Caroline Marcadé, coiffures et maquillages Judith Scotto, son Léonard Françon
avec Thomas Blanchard, Rodophe Congé, Suzanne De Baecke, Pierre-François Garel, Alexandre Ruby, Georgia Scalliet
production Théâtre des nuages de neige
coproduction Théâtre du Nord-Lille Tourcoing, Théâtre Montansier-Versailles