D’un autre temps, le vieux Woody Allen disserte toujours et encore… et conserve cette vivacité qui fait tout le charme de cette comédie ibérique.
Un cinéma de dinosaure. Woody Allen rend hommage à ses héros. Son nouveau film est un catalogue de références aux grands maîtres du septième art. Bergman, Godard et tous les autres. Effectivement son dernier film ne fait pas preuve de modernité. Mais à quoi bon?
Dans le monde de Me-too, détesté par la presse américaine, banni des grands studios, Woody Allen se recroqueville sur son vieux monde et offre un joli petit film en forme de comédie ensoleillée.
Mort Rifkin est un écrivain raté et rabougri. Il voyage jusqu’en Espagne pour accompagner son épouse, une plantureuse attachée de presse. Très vite, il se demande si elle n’a pas une aventure avec ce cinéaste ambitieux et prétentieux, donc français.
Il désespère d’avoir raison mais la ville de San Sebastian réserve bien des surprises à ce new-yorkais perdu en Europe. C’est un thème récurrent d’ailleurs chez Woody Allen: l’Américain perdu sur le vieux continent, région aux mœurs étranges. Mort Rifkin va donc découvrir la vie rabelaisienne et la réalité débridée de quelques espagnols.
Et cela va révéler bien des choses sur son existence. Toujours éclairées par le génie Vittorio Storaro, les pérégrinations des alter egos de Woody Allen sont toujours aussi charmantes car tout cela est fait avec classe. Les acteurs se régalent. La musique est douce et caressante. Les dialogues fusent de constats toujours aussi judicieux et l’amertume se brise sur l’art.
Allen pourrait être un vieux monsieur aigri qui ne comprend plus son époque. Il fouille dans ses souvenirs de cinéma et dans la comédie quasi de boulevard, des petits bouts de vérité sur la vie, l’amour et la mort.
Allen, à contre courant, filme la crise conjugale comme un révélateur et surtout montre tout cela sans hystérisation, syndrome de notre époque. Il ne fait pas la morale non plus. En bon américain, il prône finalement un bonheur individuel et réservé. A 86 ans, après tout ce qu’a vécu ce personnage controversé, on ne va pas jouer les effarouchés.
Son humour juif, son amour du cinéma et son cynisme quasi romantique résistent au temps. Shawn Wallace, acteur sous-évalué (inoubliable méchant dans Princess Bride) est un excellent comédien pour reprendre toutes les mimiques de Woody Allen. Le casting est savoureux. Au crépuscule de sa vie, Woody Allen sourit encore face à ses contemporains. Il sait qu’il ne pourra plus faire de chefs d’œuvre. Alors il se limite à ce qu’il sait faire. Du cinéma. Et il le fait encore plutôt bien.
Sortie le 13 juillet 2022
Avec Shawn Wallace, Elena Enaya, Gina Gershon et Louis Garrel
Appolo Films