Musique

Bertrand Belin / Bertrand BELIN / (Quai de Scène / Sony Music – 2004)

belin

Oui, je sais, on n’est plus tout à fait dans l’actualité brûlante avec ce disque sorti à l’orée de 2005. Quoique…

 

Lorsque l’intemporalité est aussi flagrante, lorsqu’on est convaincu d’avoir entre les oreilles quelque chose d’aussi unique, d’aussi fort… Que pèse l’actualité face à l’universalité d’une œuvre qui durera ? La seule urgence qui compte pour le moment, c’est de réparer l’incroyable erreur de n’avoir pas su vous parler, dès qu’il vit le jour, de ce parfait bonheur musical et poétique.
Retard qui nous aura au moins permis de soumettre au test du temps qui passe (et qui souvent efface) ces douze chansons.
Conclusion : leurs effets enthousiasmants, trois ans après leur enregistrement, continuent d’aller croissant.
Ce qui est assez rare ; et avec plusieurs centaines de chroniques d’albums au compteur, votre serviteur est bien placé pour vous assurer que le tri a posteriori entre le persistant et le non-persistant aboutit inexorablement à la constitution de deux tas de tailles malheureusement très inégales…

Guitariste recherché depuis qu’il a quitté son Quiberon natal pour Paris, Bertrand Belin a mis depuis quinze ans l’incomparable son claquant de sa guitare Fender Telecaster ‘77 au service de nombreux groupes et artistes : des cajun-zydeco Stompin’Crawfish, aux géniaux Sons Of The Desert, en passant par la folle Trabant (groupe à taille variable, emmené par l’ex-VRP Sébastien Libolt) ; il continue par ailleurs de cachetonner régulièrement derrière Bénabar (tout point commun s’arrêtant heureusement là…). À côté de toutes ces expériences en tant que musicien, quatre années (deux albums et des concerts) auprès du Néry (encore un ex-VRP) lyrique de la dernière mouture lui ont affermi la plume, l’orientant vers une approche poétique originale et précise.
Et pour emballer le tout, une voix de crooner romantique comme on n’en fait plus, superbement timbrée, douce, flatteuse, envoûtante…

Porto, qui ouvre l’album et qu’on peut prendre pour référence, est ce qu’on appelle une chanson parfaite, un petit miracle plein d’images, d’ambiances et d’odeurs sur une mélodie inouïe, des ponts étonnants, un tempo délicatement chaloupé… Beau à pleurer. Et j’ai pleuré. Sans savoir pourquoi. Juste parce que c’est beau. Et enivrant. Le vin, l’ivresse, quasi-omniprésents au fil des titres (on ne dit pourtant pas « beurré comme un p’tit Belin »), contribuent à l’impressionnisme mélancolique de l’ensemble, fait de noires romances, d’énigmatiques histoires et de nostalgiques souvenirs embrumés. Tout ceci trempé dans de subtils arrangements musicaux où piano, cordes, cuivres et sèche batterie viennent appuyer la fameuse Telecaster au son mat qui mène allègrement le bal.

Un fabuleux voyage. Un fabuleux artiste. Une fabuleuse découverte. Forte et persistante comme un bon vin de Porto.

 

Roland Caduf

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