Voilà un petit moment que je n’étais allé à Montmartre. Quelle laideur et quelle désolation ont apporté dans leurs valises les touristes de masse ! Heureusement, certaines choses du quartier des Abbesses sont immuables, comme le Théâtre de l’Atelier qui trône si joliment sur une petite place arborée.
La laideur environnante sera totalement oubliée dès que vous franchirez la porte du théâtre pour assister à une représentation de Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures, d’Hector Obalk. Car j’espère bien vous convaincre de ne pas passer à côté de ce spectacle aussi drôle qu’édifiant.
Le critique d’art Hector Obalk s’est lancé le défi de nous expliquer en moins de deux heures toute la peinture, du XIIIème au XXème siècle. Dès le départ, il désamorce les bombes sexiste et wokiste ; oui, il ne parlera que de peintres mâles et occidentaux, non par choix mais parce que c’est là que cela se passe.
Pendant (un peu moins de) deux heures, Hector Obalk évoquera avec le même entrain les primitifs italiens (qui « ne savent pas faire les décors, alors (qui) font des fonds or » !) jusqu’aux contemporains qui ont déconstruit la peinture. Il isolera quelques œuvres, les agrandira, les comparera et les disséquera grâce à un mur d’images allant de Giotto à Yves Klein, une mosaïque de chefs d’œuvres picturaux projetée sur le fond de la scène.
Hector Obalk laisse une large part à l’improvisation et adopte un ton léger (voire parfois grossier), ce qui nous met à l’aise. Ma fille de bientôt neuf ans était morte de rire, comme le reste du public. Parfois, cet érudit décontracté a même l’élégance de faire semblant d’hésiter sur certains noms de peintres, comme pour se mettre à notre niveau. Il est très agréable de ne pas avoir l’impression d’être écrasé sous le poids des connaissances du conférencier ; c’est comme une discussion de bistrot.
A un rythme effréné seront évoqués Giotto, Corègge, Parmigianino, Fra Angelico, Leonardo da Vinci, Le Greco, Bronzino, Rubens, van Ruisdael, Le Caravage (un immense merci à Monsieur Obalk de me l’avoir fait découvrir !) et tant d’autres… sans que cela soit pesant.
Hector Obalk ne cherche pas le sens de l’œuvre, il ne s’attarde pas sur sa place dans l’Histoire mais, sans faire montre d’autorité, il cherche à nous donner envie d’ouvrir les yeux et nos cœurs à la poésie d’une œuvre. Il nous donne des clefs pour regarder attentivement, analyser et apprécier un tableau. En osant dénigrer certains grands peintres, le conférencier (ou devrais-je plutôt dire le showman!) désacralise la Peinture en même temps qu’il la célèbre. En affirmant qu’on a même le droit de ne pas trouver Van Gogh génial, il rend l’Art (avec un grand A) beaucoup moins intimidant pour le profane. Cela me touche car, pour moi, une œuvre doit pouvoir se suffire à elle-même – vous prendre aux tripes ! – sans avoir besoin d’explications.
Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures est un spectacle que l’on aimerait revoir (ce que l’on pourra faire aisément car il se décline en deux versions, A comme Alpha, et B comme Bravo). Surtout, c’est un moment que l’on a envie de partager avec ceux qu’on aime, c’est pourquoi je vous le recommande chaudement !
Spectacle vu le 18 septembre 2022
au Théâtre de l’Atelier, Paris 18
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Le parcours A (comme ALPHA)
PRIMITIFS ITALIENS (Dormition de la Vierge de Giotto)• ANGELICO (Dormition de St François) • VAN EYCK (Vierge au Chevalier Rolin) • LÉONARD (Annonciation) • MICHEL-ANGE (Le Serpent d’Airain) • CORRÈGE (Léda et le cygne) • BRONZINO (Triomphe de Vénus) • CARAVAGE (L’Amour vainqueur) • RUISDAEL (Paysages hollandais) • VERMEER (Dame écrivant une lettre) • WATTEAU (Voulez-vous triompher des belles) • CHARDIN (Le Gobelet d’argent) • CÉZANNE (Allée du Jas de Bouffan)… et enfin un peintre contemporain (surprise du jour).