Je vais essayer de ne pas trop vous en dire sur DEM, le livre de William Melvin Kelley, tout en tâchant de vous donner envie de le lire.
Il semble assez délicat de parler de ce roman sans divulgâcher l’histoire ; peut-être est-ce pour cela
que la quatrième de couverture révèle sans vergogne l’intrigue du chapitre intitulé « Les jumeaux », ruinant ainsi une bonne partie du bouquin…
DEM s’apparente davantage à un recueil de nouvelles qu’à un roman. Plusieurs histoires courtes se succèdent avec vivacité et énergie, avec pour nominateur commun Mitchell, un publicitaire qui lutte pour maintenir l’illusion de sa vie de famille alors qu’il vit une succession de mauvais rêves, mauvais rêves qui se transforment par moment en véritable cauchemar, comme par exemple dans la première partie (« Quand Johnny revient de guerre »).
Le livre est assez étrange et il n’est pas toujours évident de distinguer la réalité des hallucinations de ce type blanc, plus blanc que blanc, dont « l’arrière-arrière… comment appelle-t-on ça… était l’un des trois cents hommes qui ont pris New Amsterdam aux Hollandais avec le colonel Nicolls » en 1664 (page 129). Toujours est-il que ces mésaventures – vécues ou fantasmées – vont faire toucher du doigt au personnage la réalité de la vie des noirs de son pays.
Car, en bon homme blanc des années 1960, Mitchell est ordinairement raciste et se rêve en bon maître chez lui. Mais ses ambitions de domination raciale et patriarcale vont se fracasser sur l’émancipation des femmes et des afro-américains dont certains ont « de vieux compte à régler » avec lui, « des comptes vieux d’il y a quatre-cents ans, du temps de son grand-père, de son arrière-grand-père. » (page 228)
Parution le 18 août 2022
chez 10/18, Littérature étrangère
Traduit de l’anglais (USA) par Michelle Herpe-Voslinsky
240 pages / 7,90€