Pour ceux qui ne le connaissent pas, Jean-Luc Lagarce est un dramaturge français né en 1957 et mort du sida en 1995. De son vivant, il eut un certain succès notamment avec la célèbre pièce Juste la fin du monde, qui est jouée à la suite de celle-ci au Théâtre de l’Atelier. Trente ans après sa mort, Lagarce reste un auteur reconnu et régulièrement adapté au théâtre comme au cinéma. Toute sa vie, il écrivit son journal qui court sur plus de 800 pages adaptées au théâtre par Vincent Dedienne.
Au commencement résonne la voix de la mère de Jean-Luc Lagarce, qui explique avec son accent franc-comtois combien son fils, tout petit déjà était différent. Puis arrive sur scène Vincent Dedienne, tout de noir et de cuir vêtu, qui incarne le dramaturge. Il commence par expliquer que, tout petit déjà, il décevait ses parents : « Je n’étais pas un fils comme dans les livres. (…) Je lisais ! »
Comme Vincent Dedienne a adapté et condensé les 800 pages de journal intime en une heure de spectacle, le spectacle est très bien rythmé ; les années passent vite : « A 22 ans, j’ai eu une voiture… et la syphilis! ».
Dans un coin du plateau, en bord de scène, une jeune femme (Irène Vignaud) dessine sur sa tablette des images qui sont projetées sur un rideau lamellé noir. Ses dessins servent d’illustration et de décor en temps réel, au gré du récit. C’est la première fois que je vois un tel dispositif – les dessins font la scénographie – et je trouve cela très convaincant et efficace. Par contre, j’ai été nettement moins convaincu par le pantin qui représente Garry, l’un des amants de Lagarce).
Vincent Dedienne se tient debout, il dit le texte avec justesse, campe tout en finesse toute une série de personnages (parents, sœur, amants…). Il est pétillant, enjoué et si charmant qu’il peut débiter des choses crues avec élégance. Il nous fait rire, souvent, et peut aussi se faire plus grave en un instant.
Car à partir de ses 34 ans, Jean-Luc Lagarce a lutté avec acharnement contre une maladie terrifiante qui décimait particulièrement les homosexuels. La souffrance physique est épouvantable et décrite sans fard. La solitude est prégnante : impossible d’avoir une relation suivie, ou d’obtenir du soutien de la part de sa famille à qui il dissimule sa maladie… La mort rôde, mais l’instinct de vie est puissant. Face à l’horreur et la solitude, Lagarce cultive une sorte de joie résolue et déconcertante qui est bien restituée par l’élégance de Dedienne. On rit beaucoup plus qu’on ne pleure !
À partir du 23 janvier 2025
Théâtre de l’Atelier, 75018
A partir de 20€
Mise en scène, scénographie et direction d’acteur Johanny Bert
Assistante à la mise en scène Lucie Grunstein
Adaptation et interprétation Vincent Dedienne
Dessinatrice au plateau Irène Vignaud
Création lumières Robin Laporte
Création silhouette Amélie Madeline
Costumes Alma Bousquet