LE MORAL DES MÉNAGES » c’est une expression qu’on entend plus dans les débats télé qu’au théâtre. Une expression toute faite qui prétend que, si le moral des ménages est au beau fixe, alors les Français consomment, et c’est tout le système qui s’en trouve renforcé. Et inversement… Chez les parents de Manuel Carsen, quand il était enfant, le moral était plutôt en berne. En grandissant, il a tout fait pour échapper à vie morose de sa famille, en tout cas pour s’extraire de leur condition, cette condition de « classe moyenne » dont il est beaucoup question dans le roman d’Eric Reinhardt.
La metteur en scène Stéphanie Cléau a adapté le texte pour la scène, en le resserrant; elle a fait appel au dessinateur Blutch pour les décors et a convoqué des musiques de films qui participent à l’ambiance assez féroce du spectacle. Des passages sont proclamés frontalement, au micro, à l’avant-scène, sur la musique forte, et constituent comme une épure du message en son noyau d’émotion (une parole concentrée, forte, tremblante, donnée d’un acteur à un public, par opposition à une parole qui s’éparpillerait dans une conversation). D’autres passages sont plus conventionnels, mais l’ensemble reste très original.
Le spectacle est court (1h05) et bien rythmé, avec une première partie dans le ressassement, une seconde partie plus enlevée et une finale dans la confrontation et le choc. Une pièce qui donne matière à réfléchir sur la filiation, l’humiliation dans le monde moderne (induit par lui?), le couple…
Last but not least, ce spectacle est porté par deux comédiens d’exception: Mathieu Amalric interprète Manuel Carsen et Anne-Laure Tondu, les différents personnages féminins qui l’entourent.
du 22 au 31 octobre, puis du 3 au 20 décembre 2014.
Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, Paris 11ème
D’après le roman d’Eric Reinhardt, adaptation et mise en scène de Stéphanie Cléau, avec Mathieu Amalric et Anne-Laure Tondu.