Une émouvante et fougueuse version de « Carmen », chorégraphiée et interprétée par Dada Masilo, en ce moment au Théâtre du Rond-Point. Quelle énergie! Un spectacle qui nous subjugue! Et pourtant, c’est avec prudence et étonnement que les 16 danseurs saluent et accueillent les applaudissements enthousiastes du public réuni au Théâtre du Rond-Point.
De Carmen, Dada Masilo dit: « Elle est tellement méchante. Elle est tout ce que maman vous dit de ne pas être. » De quoi nourrir la créativité provocante, fantaisiste, presque juvénile, de la chorégraphe. Dans cette version toute personnelle, on retrouve les personnages clés: Carmen, la cigarière; son amour le Capitaine; leur rival(e) respectif; et leurs compagnons de travail, de danse, de fête et d’infortune. Pour notre plus grand bonheur, on retrouve aussi les grands airs de l’opéra de Bizet, mais aussi des musiques plus contemporaines de Rodion Chtchedrin et d’Arvo Pärt. Quant à la fable, elle a été triturée et resserrée autour de son noyau dur, l’élément primordial: le désir.
Les rivalités amoureuses, l’art d’inspirer le désir, de le faire enfler et de le retenir, est un superbe sujet pour la danse. Cette compagnie a su s’emparer du sujet et enflammer la scène. Ici les hommes dansent en smoking et les femmes en robe longue: soie écarlate, rose, rouge, or ou verte, bustier de dentelle noire, coiffées de chignons rehaussés d’énormes roses ouvertes.
Dada Masilo, qui vient de Johannesburg, est passée par l’école bruxelloise d’Anna Teresa de Keersmaeker, invente une danse où affleure l’influence africaine et s’approprie ici l’art brûlant du flamenco. La fable y gagne une fin aussi cruelle que dans le livret de l’opéra de Bizet, mais où les rôles de victime et de bourreau s’inversent; le désir contrarié entraîne la confusion des esprits et la perte des héros.
Car Dada Masilo choisit d’aborder le sujet de la violence sexuelle en tant que crime d’honneur et le drame prend ainsi une connotation toute contemporaine. Le viol exutoire remplace le duel, vengeance conventionnelle plus ou moins policée de l’ancien code d’honneur.
jusqu’au 10 janvier 2015 au Théâtre du Rond-Point
puis en tournée (à Annecy, Besançon, Oyonnax, Blagnac, Alès, Toulon, Macon, Aix-en-Provence) jusqu’au 15 février 2015.