Film d’un vénérable cinéaste de 83 ans, ce mélo assume sa désuétude pour y fonder tout son charme. Pur produit japonais et exotique!
Dans la tête du Yoji Yamada, doit se trouver un souvenir fort du cinéma de Ozu, roi du drame intimiste et du quotidien nippon, entre boulot et salle à manger. La Maison au Toit Rouge nous enferme effectivement dans la vie d’une famille japonaise aisée quelques mois avant la guerre.
Le Japon est belliqueux mais la bourgeoisie vit tranquillement dans des petits pavillons élégants. Taki quitte sa campagne pour servir la famille Masaki. Le papa dirige sérieusement une usine de jouet. La maman s’occupe de la maison et des traditions. Le petit garçon joue dans le jardin. Taki s’attache rapidement à ce trio sans histoire.
Mais la vie idéale est vite perturbée par l’arrivée de Ikatura, un jeune collègue du père. Irrésistiblement, il trompe l’ennui de la mère qui semble de plus en plus attirer par l’ingénieur. Pendant que la Japon entre dans des conflits de plus en plus dangereux, Taki doit surveiller sa maîtresse, qui finirait par s’opposer à une société de plus en plus conservatrice.
C’est la partie la plus exotique: le quotidien japonais durant la guerre, qui a commencé par une opposition meurtrière avec la Chine. Sans emphase, le cinéaste préfère s’enfermait dans la maison au toit rouge. Les horreurs ne rentrent jamais dans la demeure. La famille devient un piège fait de confort et de coutumes.
Les lourdeurs du Monde s’effacent derrière la porte (sauf l’humour grassouillet du père). Ici tout est délicat. Les gestes sont choisis et ordonnés. Yamada prend bien son temps. Ca pourrait être un défaut. Ca nous transporte dans une autre époque. Où le rythme lent avait du sens au cinéma. Et ne faisait pas peur! Le cinéaste rend ainsi la situation de plus en plus vénéneuse sans faire grand chose. Cette antique façon de faire deviendrait presque culottée. Sur un autre support, on zapperait aisément. Dans une salle de cinéma, on se fait délicieusement avoir!
La description des habitudes et des moeurs relève de l’étude détaillée mais l’émotion se glisse à travers les personnages féminins, discrets mais si forts, menant un combat énorme et silencieux entre le coeur tendre et la règle établie. Le film joue avec la nostalgie en se présentant comme une succession de flash-backs mais finalement cela s’apparente à de la mélancolie. Le refus de modernité fait justement la richesse émotionnelle du film.
Ce n’est jamais réactionnaire. Peut être un peu trop naïf dans son ambition et son traitement, le cinéaste fait confiance à des vertus rares au cinéma: la délicatesse et la minutie. A tout point de vue, c’est un film hors du temps et totalement exotique!
Avec Takako Matsu, Haru Kuroki, Takataro Kataoka et Hidetaka Yoshioka – Pyramide – 1 avril 2014 – 2h15 –