En voiture ! Venez faire un tour dans le vieux break cabossé du père Harrison, disparu aujourd’hui. A tous les sens, ça déménage. Une chronique sur l’auteur et le temps qui passe!
Une odyssée américaine, est un roman qui fait du bien. Il réchauffe le cœur et les tripes, il émeut et il fait rire. Plus important que tout, il procure du bonheur à son lecteur. De plus, c’est un roman qu’on pourrait qualifier de terre à terre mais je préfère dire qu’il est écrit à hauteur d’homme.
C’est-à-dire qu’Harrison a dépassé à ce moment là les 70 ans et n’a plus rien à prouver. S’il écrit encore, c’est que cela lui donne encore un frisson essentiel et existentiel. Cependant, adieu les grandes envolées ! La littérature, si elle aide à vivre, n’a pas vocation à changer l’existence.
Certaines personnes atteintes de myopie du cœur, peuvent prendre une telle attitude pour de la vulgarité. On les plaint et on leur répond qu’il s’agit de la même vulgarité qui anima Rabelais. Foutredieu !
Et l’existence est une chose à la fois prosaïque et admirable. Même si nos corps accusent le poids des ans, même s’ils grincent et souffrent, ils sont capables de connaître plaisir et extase. En gros, on peut à la fois avoir mal au dos et apprécier un bon vin ou un bon repas.
Cliff a dépassé la soixantaine. Il a d’abord été prof de lettre en fac avant de reprendre la ferme de son beau-père et de devenir agriculteur, vivant au rythme de la nature et des animaux. Sa femme est promotrice immobilière et s’est éloignée de son mari au point de le tromper et de divorcer. La maison commune est vendue et le prof paysan se retrouve sans rien à faire ni personne à aimer.
Il décide alors de partir en voyage dans les états voisins des Etats-Unis. Commence un road-movie terrien où Cliff redécouvre les plaisirs de la chair et tente de trouver un sens non pas à sa vie, mais au moment de vie à venir, au moment futur qui s’ouvre à lui.
A la différence des récits de jeunesse initiatiques, la quête ne mène pas à l’épiphanie, à peine et surtout à un aménagement de la réalité. On ne rêve plus, on n’a plus d’illusions, mais on sait apprécier une jolie femme ou un bon steak (précisons qu’il n’y a pas d’échelle de valeur !).
En vieillissant, Jim Harrison tend moins vers le sublime mais apprécie chaque jour en en suçant la substantifique moelle
J’ai lu- Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent – 317 pages