Katel nous revient avec « Decorum ». Un album aux tonalités pop forgé dans des chemins de traverse rock. Entre bousculades et dédales, Katel enfonce le clou de l’anticonformisme. Bravo.
Quelle joie de retrouver la voix de Katel ! Une énergie positive mise au service d’une parole qui s’amuse à chercher perpétuellement les ruptures. Si ce nouvel album est plus pop que rock dans les arrangements, on retrouve la hargne vocale de la demoiselle et surtout l’art de prendre les chemins de traverse pour nous surprendre et bousculer notre âme.
Les textes sont toujours appuyés par une articulation volontaire de mots qui ont tout leur poids, sans excès. Un Dominique A au féminin qui assume sa féminité et son humanisme. « Je suis la racine et le papillon mais au fond je ne sais plus le nom » « Je suis une Muse ou une putain, avant la fin tu n’en sauras plus rien » (Decorum). Un incessant aller-retour entre une tumultueuse intériorité et la banalité du réel rejeté en bloc. Une démarche poétique en somme.
Les arrangements penchent clairement sur des ambiances oniriques. Alors on ne sera pas surpris de retrouver Nosfell sur le Chant du cygne, un chant percutant propulsé par des chœurs puissants et vertigineux qui mettent Katel en avant sur un fond de guitares mordantes. Une projection qui la place entre perdition et élévation.
La musique tourbillonne quand les phrases enchainent non sens et contournement pour toucher une forme d’absolu. Katel cherche de toute évidence à s’évader du réalisme pour toucher une abstraction figurative qui donne la part belle à la musique. Les motifs se répètent, se superposent, s’entrechoquent, s’épuisent, s’effacent, se « réverbent » (Les Parfums d’été).
L’album est émouvant par la forme du texte volontairement déstructurée et chanté par un timbre aigu souvent porté par des chœurs. Le désir de se livrer aux aléas de la vie remet au goût du jour l’envie de liberté. « Où est l’insoumis qui vivait en vous ? Où est ce chien qui mordait votre cou ? Ce chien invisible quand vous deveniez fou, mon vieil ami ? Où sont les phrases ? » (Mon vieil ami) Une bénédiction !
La pochette de l’album rend clairement hommage au travail d’Escher qui détournait le réel pour construire l’impossible et mettre en abîme une géométrie de l’infini.Chez Escher lui rend un brillant hommage en finissant sur un angoissant violoncelle…
Katel parle souvent de folie et de délivrance. Un chant amoureux de l’abandon pour partir dans l’Ailleurs et célébrer l’intouchable. L’album est le parfait reflet d’une tête qui prend le risque de s’échapper de la circularité du monde pour atteindre l’inattendu et l’impossible verticalité. A écouter. En boucle.
Sébastien Mounié © Etat-critique.com – 06/05/2010