La pièce-fleuve de la compagnie flamande De Koe est un tour de force drôle et touchant qui mélange faits privés et histoire avec un grand H de manière passionnante et inventive.
Les trois comédiens de la Compagnie De Koe construisent leur dernière pièce, Le Relèvement de l’Occident, sous forme de trilogie/triptyque – blanc, rouge, noir – avec une volonté de décrire de manière exhaustive l’histoire de la pensée et de l’art en Occident : rien que ça !
Cette pièce extrêmement bavarde et ironique réussit l’impossible, bien évidemment en nous mettant devant l’histoire de l’Occident d’une façon complètement détournée et surprenante. Les digressions perpétuelles constituent le centre du sujet, en sont le jus jubilatoire, dont le ton renvoie par exemple à l’hilarité et à la profondeur existentielle du flux de conscience de La Conscience de Zeno d’Italo Svevo.
Le blanc est l’histoire du commencement, entre petites anecdotes personnelles et remise à plat fraîche et humoristique de la difficulté de débuter une action.
Le rouge est la vie d’Elizabeth Taylor et de Richard Burton, de la jetset et de sa frivolité dramatique.
Le noir est la tentative folle et enthousiasmante de tout dire de la philosophie et de l’art modernes.
La parole des comédiens – incessante, tumultueuse, réjouissante – joue intelligemment avec les décors, les objets et les mouvements des artistes. La parole remplit l’espace et l’enrichit : les images deviennent réalité, la fantaisie peut se développer dans un dialogue inépuisable des esprits.
Le Relèvement de l’Occident est une pièce extrêmement méta-théâtrale, il ne pourrait pas être autrement, peut-être très post-moderne dans ses questionnements, ses références multiples, sa destruction du texte théâtral par un trop-plein de texte : tout donner en excès, tout détruire et faire exploser pour que de la démesure et de l’ironie qui la porte surgisse une vérité.