Sexe et justice: un grand sujet de cinéma et une obsession des années 80. A double tranchant en profite pour égratigner le système américain, si sûr de lui!
Dans Cocktail, Tom Cruise réussit à prendre l’ascenseur social en faisant des mélanges alcoolisés et culbutant une jeune fille de riche. Pourquoi pas? L’Amérique des années 80 est celle de Reagan: le rêve américain est obligatoire. Puissant, orgueilleux et belliqueux si on le remet en cause.
Tout est repensé dans un grand déni extraordinaire et culturel au cinéma. Par exemple, Rambo et Chuck Norris refont le Vietnam pour que l’on ne voit plus cela comme une défaite cuisante. Les ambiguités au cinéma ne doivent plus exister. Le manichéisme s’impose sans vergogne. Une raison de plus pour apprécier ce petit polar qui réunit deux héros de la décennie.
D’un coté nous avons donc Glenn Close, pas encore vénéneuse dans Liaison Fatale, mais elle fait déjà chavirer les coeurs sur le grand écran malgré son physique particulier. C’est un peu une version féminine de John Malkovich ou Jeremy Irons. Une séduction extrême. De l’autre coté, il y a Jeff Bridges. A l’époque il est le frétillant jeune premier, héros de nombreux films plus ou moins réussis. Là encore son physique est un atout. C’est un bellâtre.
La première joue l’avocate du second. Il est accusé d’avoir tué son épouse et la bonne. Il doit hériter une très grosse somme d’argent donc il est le suspect idéal. Le scénario est connu et la réalisation de Richard Marquand (Le retour du Jedi quand même) n’est pas d’une grande originalité
La réussite sociale et la lutte des classes, voilà ce que l’on peut trouver dans le scénario habile de Joe Eszterhas, autre champion des années 80, scénariste millionnaire qui confirmera son goût pour les sujets sulfureux avec Basic Instinct et Showgirls. Il mélange donc, comme un hommage à Hitchcock, tous les faux semblants de la richesse mais aussi de la loi.
Le thriller va toujours un petit plus loin que le divertissement. Au delà de la permanente de l’héroïne et de ses épaulettes, au delà de l’architecture froide de la ville, au delà du thriller soi disant sexy, au delà du film de procès, A Double Tranchant montre une société relativement aveugle, qui perd ses esprits pour quelques dollars ou quelques sentiments. C’est assez âpre comme constat. Dans les années 80, ce film ne veut pas faire la fête et glorifier les bonnes grosses valeurs américaines. Quelle bonne idée!