Christophe Honoré est un peu le cauchemar de ceux qui veulent défendre le cinéma français dans sa diversité: on ne peut pas faire plus cliché que Christophe Honoré. Héritier de la Nouvelle Vague, il fait un cinéma parisien, avec des références inattaquables et un sens du bon gout qui devenait écoeurant. On se demandait constamment s’il n’y avait pas du cynisme chez ce metteur en scène boulimique et lettré.
Pourtant on est touché par son dernier film, personnel, Aimer Plaire et Courir Vite. La sincérité transperce l’écran assez rapidement lorsqu’il décrit un jeune écrivain, Jacques, atteint du sida face à Arthur, jeune étudiant Rennais, à l’âge de tous les possibles. L’un avance vers la mort et le second n’a pas peur de la vie.
Les deux hommes vont s’aimer. Jacques va redouter ce personnage joyeux et innocent. Il pourrait lui donner de nouveau le gout de la vie. Il se sait condamner. Il doit faire une croix sur sa famille, son art et ses amitiés. Mais Arthur ne lache rien.
Même face à la fin, on vit! C’est ce que semble dire le réalisateur qui nous plonge dans les années sida avec un romantisme étonnant. On est loin du didactisme de 120 battements par minute. Ici, on devine l’amateur de roman, celui qui se passionne pour les livres, les héros sombres et les destins tragiques.
Cela fonctionne car ce n’est pas ampoulé. C’est vif. Chaque instant est filmé avec un empressement réjouissant. Vincent Lacoste, drôle, s’intégre parfaitement dans l’univers de Honoré, un poil poseur mais honnête dans cette histoire d’amour triste et enlevé en même temps.
Le comdédien principal, Pierre Deladonchamps, est bluffant. Il joue parfaitement de la mélancolie. Tout comme Denis Podalydes, en confident désoeuvré. Le film pourrait être d’une tristesse absolue. Et pourtant, il ruisselle de joie, de plaisirs simples, de crudités évidentes, d’humour réparateur. Il y a des redites ici ou là mais cela va aussi avec les élans du coeur de l’écrivain, toujours tenté par une expérience amoureuse.
Honoré s’offre sa playlist préféré et se passionne pour ce héros en fin de parcours. Ce n’est plus le style qui occupe le cinéaste mais bel et bien la franchise romanesque d’un récit amoureux, évidemment cruel, mais superbement vivant. Christophe Honoré n’est plus le pédant du cinéma français: juste un auteur épanoui et passionné!
Avec Vincent Lacoste, Pierre Deladonchamps, Denis Podalydes et Clément Metayer – Ad Vitam – 9 mai 2018 – 2h10