Autour du puits, dans un décor aride de plaine algérienne, Antigone et Ismène se retrouvent. Entre sœurs, elles prient et s’interrogent sur leur réaction face à l’édit du roi Créon de n’accorder qu’à un de leurs frères une sépulture et laisser l’autre en nourriture aux rapaces.
Antigone questionne avec toujours autant de force la soumission à l’ordre établi, les conflits d’intérêts entre le code d’honneur, l’amour de la famille, le respect de Dieu, des vivants et des morts. L’ entrée en scène de Créon nous vaut un fou rire totalement inattendu et si salvateur. François Clavier incarne le personnage avec bien plus de complexité et d’ambivalence que le simple tyran. Cette adaptation internationalise la colère d’Antigone. Elle lui donne une résonance très actuelle avec la présence de femmes aux destinées singulières. “Quatre femmes rencontrées au Foyer Emmaüs de Saint-Maur-des-Fossés. Quatre forces venues d’ailleurs ayant connu l’exil. Des Ismène, des Antigone. Elles forment ici le Choeur du spectacle”, nous explique le metteur en scène Sébastien Kheroufi. Et elles mettent leurs tripes sur scène. Avec gravité et dignité. Remarquablement mises en confiance par Edwina Zajdermann, très prometteuse, dont je salue ici la diction et la prestance.
Leur monde s’ouvre à nous, venant de sociétés où la mort est sacrée. On entend dans leurs cris la colère contre l’ordre établi dans leurs pays d’origine, leur indignation contre les lois dictées par les hommes. C’est comme une tribune ouverte de relecture de leur propre histoire que leur offre Antigone avec ses mots, son combat : “Ce n’est pas une honte de ne pas penser comme les autres”, “je ne souffre pas si l’honneur est sauf,” j’ai le droit d’enfreindre une loi si elle atteint en profondeur mes valeurs.
On peut regretter certains choix de mise en scène dans l’obscurité, la fin sanguinolente qui s’éternise.
Mais dès la sortie du théâtre, la lecture des textes lus en langue originale renvoie à l’essentiel : l’actualisation audacieuse de cette figure mythique. Cet hommage à des femmes oubliées de l’histoire comme Aline Sitoé Diatta, résistante sénégalaise, pacifique et écologique contre la colonisation française, réveille notre sens citoyen. Et l’on repart avec l’admiration chevillée au corps pour cette figure libre, résistante, insurgée, insoumise, radicale, courageuse, comme ces femmes du foyer Emmaüs.
du 4 juin au 1e juillet 2023
Pièce jouée dans le cadre du Festival départ d’incendies, festival de jeunes troupes que la metteuse en scène Ariane Mnouchkine accueille dans la salle de répétition du Théâtre du Soleil à la Cartoucherie dans le bois de Vincennes www.festival-depart-d-incendies.com
Art-scène, Théâtre
Antigone, Sophocle, Sébastien Kheroufi, Théâtre du Soleil
Autour du puits, dans un décor aride de plaine algérienne, Antigone et Ismène se retrouvent. Entre sœurs, elles prient et s’interrogent sur leur réaction face à l’édit du roi Créon de n’accorder qu’à un de leurs frères une sépulture et laisser l’autre en nourriture aux rapaces.
Cette adaptation internationalise la colère d’Antigone. Elle lui donne une résonance très actuelle avec la présence de femmes aux destinées singulières.