Traumatisme d’enfance et déception américaine, le réalisateur James Gray nous plonge dans l’automne de son existence, le moment où l’innocence s’est brisée.
C’était donc en sixième. Dans un collège public, où tout le monde cohabite. Paul, alter égo jeune et roux du réalisateur, taquine son nouveau professeur, aidé par son ami, Johnny. Les deux se plaisent à faire des bêtises ensemble. Ils jouent avec les limites et défient le monde des adultes. Car les parents de Paul ne sont pas tendres. Mais il a la chance d’avoir des parents, à la différence de son ami noir qui se planque pour ne pas finir dans une famille d’accueil et devoir abandonner sa grand-mère.
Aux yeux du petit Paul, seul son grand-père fait office de véritable autorité. Il faut dire que l’homme est doux malgré un destin difficile, exilé juif de la Seconde Guerre Mondiale. Nous sommes à l’aube du règne de Ronald Reagan. Le rêve américain va prendre un coup sur la tête et Paul va comprendre la réalité du monde qui l’entoure…
James Gray se raconte sans fioriture ! Une nouvelle histoire de famille mais rapidement se dessine tout un monde. Logique pour un enfant de 11 ans. Chacun est à sa place avec un papy jovial comme maître du monde. Mais ce dernier ne pourra pas le défendre contre l’injustice et la haine.
Le style de James Gray pourrait se décrire ainsi : du cinéma tendre, calme et poli pour décrire de cruelles désillusions. Il se cachait derrière les genres comme le polar ou le film d’aventures. Là, il joue la carte du dépouillement. Chronique intime, sincère et d’une simplicité désarmante. La force de l’art c’est de dépasser le récit établi pour suggérer autre chose comme la compréhension d’un monde rude et belliqueux.
James Gray n’est pas un optimiste, c’est certain. Surprenant, sa petite histoire en dit long sur le racisme et l’antisémitisme. Entre ombres et lumières, il fait du cinéma où tout prend du sens. C’est ce qu’on apprécie chez lui : il fabrique des univers d’une cohérence subtile. Et la photographie y est pour beaucoup. Tout comme les acteurs qui ne dépassent pas de leurs rôles. Ou encore des cadres élégants. Jamais spectaculaire, Gray caresse son spectateur et le soigne afin de l’attraper dans un monde de cinéma : de sensations et de sentiments. Pour cela, Armageddon Time est un grand et beau film.
Sortie le 9 novembre 2022
Avec Anne Athaway, Jeremy Strong, Anthony Hopkins et Banks Repeta – Universal
Durée 1h50