Que sur toi se lamente le Tigre – Emilienne Malfatto – Alexandre Zeff – Théâtre de la Tempête

Une très belle mise en scène au service du texte et des droits des femmes.

Adaptée du Prix Goncourt 2021 du 1er roman Que sur toi se lamente le Tigre d’Emilienne Malfatto, la pièce mise en scène par Alexandre Zeff met en valeur avec intelligence toute la tension existant entre liberté individuelle et poids de la tradition et de la religion.

En héroïne tragique, Lina El Arabi interprète face public une jeune irakienne en quête de liberté, découvrant progressivement tout au long de son éducation le poids de la tradition, du nouveau vêtement qu’elle devra porter, de l’inégalité des droits entre les hommes et les femmes, de la religion. Tombée amoureuse d’un homme, enceinte sans être mariée, la voici désormais condamnée aux yeux de tous, prêts à la tuer, ou à l’inaction pour défendre ses droits, car trop lâches. Tout cela sous le regard terrifié du millénaire fleuve Tigre personnifié en fond de scène par un immense panneau de voile fluide et flottant, en résonnance avec l’Epopée de Gilgamesh.

Vidéoprojection de textes, film d’animation projeté, plateau recouvert d’eau, musiques et chants polyphoniques en arabe, tout concourt à plonger le spectateur dans une douce intimité en contraste avec la dureté des faits au sein d’une société irakienne régentée par l’autorité masculine et le code de l’honneur. Très beau monologue d’Afida Tahri dans le rôle de la mère dénonçant à 50 ans, en colère, les chaines qui l’ont empêchée de vivre, cloisonnée chez elle entre quatre murs, condamnée à la privation de liberté. Emouvante interprétation chorégraphiée de l’amoureux mort sous les bombes.

En magnifiant l’environnement scénique au service du texte, en théâtralisant les témoignages des personnages issus du roman sous forme de tragédie, la cible est atteinte. L’alerte est une fois de plus sonnée concernant les droits des femmes et le poids d’une tradition avec son Fatum devenue dogmatique et religieuse ayant perdu le sens même des valeurs élémentaires et universelles comme l’amour, la liberté, l’égalité, la fraternité, la reconnaissance de l’autre dans toute sa dignité.  Une très belle mise en scène pour aborder un sujet sensible en sortant des clichés radicaux actuels. Politique et poétique.

Le spectacle finit avec une citation de la poétesse guerrière Audre Lorne :

« Je ne suis pas une femme libre tant qu’une femme n’est pas libre même si ses chaines sont très différentes des miennes. »

A voir.

Théâtre de la Tempête : Que sur toi se lamente le Tigre • Théâtre de la Tempête (la-tempete.fr)

du 12 janvier au 11 février 2024 – du mardi au samedi 20h, dimanche 16h
Salle Serreau • Durée : estimée à 1h20

40° sous zéro – Copi – Munstrum Théâtre – Louis Arene – Théâtre du Rond-Point

Cathartique, percutant. D'utilité publique !

40° sous zéro est un des petits bijoux de ce début d’année 2024 à ne pas manquer. Totalement fidèle à l’œuvre de Copi, avec un surréalisme, un humour trash et obscène cherchant à briser tous les codes, la mise en scène de Louis Arene parvient avec le spectaculaire Munstrum Théâtre à embarquer le spectateur dans un univers théâtral unique entre grotesque et œuvre esthétique d’une étrange et poétique beauté.

La création sonore de Jean Thévenin qui structure l’entrée des personnages et rythme certains tableaux avec des nappes sonores lyriques et de la musique techno, la création costume de Christian Lacroix, contribuent à ce voyage onirique en créant pour les deux pièces une continuité plastique à découvrir. Aussi étranges que les monstres de Jérôme Bosh et aussi fantastiques que les Mondes de Jodorowsky, les personnages dans une performance théâtrale défendent un texte qui veut se jouer de toute vraisemblance en toute liberté.

L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer créée en 1971 résonne avec le mouvement Queer, en dehors de toute norme. Le jeu de François Praud dans Irina, objet marionnette sexuelle est particulièrement décisif et marquant. Il faudra toute la dérision et la vacuité du chien interprété par Alexandre Ethève, toute la cruauté de Madre jouée par Louis Arene pour rappeler que tout n’est que fable théâtrale, tragi-comédie. Un éloge de la laideur et du détour.

Dans Les Quatre Jumelles (1973), transportés dans un monde japonisant rappelant graphiquement le théâtre Nô des démons japonais, les quatre personnages déroulent un Feydeau surréaliste dans lequel la drogue est au centre d’une intrigue prétexte à une débauche de dialogues et jeux de scènes burlesques. Une fuite en avant sans fin qui se joue des morts scéniques et des rebondissements. Hors de toute vraisemblance mais avec une réelle nécessité dionysiaque.

Le spectateur rit, se tait, médusé devant la violence du verbe, bouche-bée devant des scènes flash d’une intense beauté dès que musique de Jean Thévenin et la lumière de François Menou s’en mêlent. La fraternelle beauté nait de la violence cruauté et du contraste permanent d’une scène ou tout semble possible. Proche à de nombreux moments d'une performance, la pièce finit sur un splendide tableau visuel après des mots qui rappellent le Indignez-vous ! de Stephan Hessel. Le Munstrum Théâtre proclame dans Les Quatre jumelles : « Nous sommes vivantes ! Nous sommes vivantes ! Réveillez-vous ! ». Un théâtre plus politique qu'il n'y parait. Percutant et d'utilité publique. Une partie des spectateurs ce soir-là applaudit debout.

NB : Après le salut, la Compagnie lira une lettre pour demander un cessez-le-feu inconditionnel pour la vie sur l'ensemble des territoires actuellement en guerre.

40° sous zéro - L’Homosexuel ou la Difficulté de s’exprimer & Les Quatre Jumelles - Théâtre du Rond-Point Paris (theatredurondpoint.fr)

Tournée : 7 — 10 février 2024 Les Célestins, Théâtre de Lyon (69) // 13 et 14 février 2024 La Comédie de Valence, Centre Dramatique National (26)

En attendant les surprises de 2024

Vous avez sûrement fait vos cadeaux. Et puis c’est un peu has been un CD ? Offrir un vinyle c’est même devenu désormais hors de prix. Pourtant on va se remémorer quelques souvenirs musicaux qui ont marqué cette année. Bien entendu tout ceci est très personnel mais bon, le partage à cette période de l’année, c’est important !

On commencera avec le plaisir le plus régressif de l’année : en novembre, les glamrockeurs des Struts sortaient Pretty Vicious et nous renvoyaient dans les années 70 entre T. Rex et Iron Maiden. Du bon gros rock qui ne veut que dérouiller les oreilles et les jambes.

Pour cela, il y a une voix nasillarde et virtuose. Une guitare déjantée. Une basse survoltée et un batteur qui s’essuie le front sans arrêt. Tout cela avec une idée du bon goût tout à fait douteuse. Typically english. Avec tant d’énergie, cela dépasse l’effort révérencieux et Pretty Vicious devient une petite obsession rock’n’roll bien agréable, à écouter 1000 fois.

Tout comme la potion magique qu’ont découvert Joey Valence & Brae. Ces deux-là ne sont là que pour le fun et un rap qui s’approche du punk. Les deux lascars ont décidé donc d’être les dignes descendants des Beastie Boys.

Le duo sait y faire. Ça pulse, ça gigote, ça crache et ça dégage un rythme incroyable. Le rap se conjugue au rock et leur premier album, Punk Tactics, est l’objet effectivement le plus punk de l’année. Une fois encore pas de mélancolie : juste du plaisir assumé et jouissif !

On appréciera aussi toute la classe des Géorgiens de Mgzavrebi et leur rock qui se mélange aux traditions locales. C’est joli comme tout. On voyage mais pas que. La voix est très caressante et les arrangements sont plus subtiles qu’ils n’y paraissent.

Malgré le folklore, on est très vite proches de ses musiciens. Le disque dispose de nuances que l’on n’attendait pas. C’est un disque très touchant et l’attendue rencontre entre l’ancien et le moderne sort réellement de l’ordinaire.

Celui qui parvient à nous faire oublier le quotidien, c’est bel et bien Voyou qui a ouvert cette année ses Royaumes Minuscules. Chacune de ses chansons est un petit monde attendrissant et complexe. Le musicien devient une sorte de Thomas Fersen pour les plus jeunes. Les idées sont souples et savoureuses. Les textes torpillent la morne plaine et le musicien enchante avec une déroutante facilité.

Il est aussi facile d’encenser l’effort des trois artistes indépendantes, Phoebe Bridgers, Julien Baker et Lucy Dacus. A trois, elles forment Boygenuis et ose appeler leur premier album : The Record. Au final, il y a tellement de sentiments et d’émotions dans leur disque, qu’on respecte ce choix impétueux. C’est un grand disque à l’américaine où les harmonies se conjuguent avec les egos des artistes. C’est populaire dans le bon sens du terme. Les trois femmes sont complices avec nous comme elles le sont sur leurs chansons.

On voyage aussi en Amérique sur le dernier disque de Geese, groupe de Brooklyn qui se met à errer dans le désert californien. Cela donne 3D Country, un ovni qui mélange effectivement de la country avec des éléments post punk ou très indépendant. On a l’impression d’entendre le groupe culte Télévision faire du rodéo !

Mais l’humour est ambitieux et le groupe en profite pour faire un chouette disque qui se colle rapidement dans la mémoire. On a l’impression de redécouvrir le Grand Ouest et ses vastes plaines. Et ils sont très nombreux les chouettes disques qui nous font oublier les mauvaises nouvelles, les vilaines guerres et les cyniques en tout genre… Mais là ce ne sont quelques exemples qui vous mettront de bonne humeur pour commencer 2024

Vermines, Sébastien Vanicek, Netflix

Pour Noël, voici un vrai bon film d’horreur à la française. Si vous arrivez à lire les prochaines lignes, vous pourrez vous laisser tenter par ce premier film qui fait monter le trouillomètre au plafond.

Donc commençons par ce petit test :
Mygales !
Venin !
Tarentules !
Morsures !
Veuve Noire !
Faucheux !

Vous êtes encore avec moi ? Très bien car nous allons disserter sur le cauchemar à mille pattes imaginé par Sebastien Vanicek dans nos jolies banlieues bien pourries. Le héros, Kaleb a dû souvent se faire traiter de vermine mais surtout il est passionné par tous les insectes gluants ou exotiques.

Il vit avec sa sœur dans une cité grise sans âme et vit de petits trafics sans gravité. Un beau jour, il découvre une araignée du désert qui se révèle très énervée. A peine libérée de sa boite, la bestiole se multiplie et se met à bouffer tous les résidents de l’immeuble.

On ne va rien vous cacher : on est venu pour cela. Du gros arachnide sous stéroïde. Le réalisateur et principal artisan du projet va tout faire pour que l’on ait désormais peur du moindre insecte. Et il y arrive plutôt bien. Votre humble serviteur n’a pas peur des araignées mais Vanicek réussit à créer une belle ambiance de cinéma dans une banlieue sordide. Et on regardera peut-être différemment une toile d'araignée dans un parking !

Les effets spéciaux sont évidemment très convaincants, et le son et l’image fabriquent de jolies émotions bien effrayantes. Le cinéaste nous fait goûter aux petits détails gluants ou adipeux.

Les héros pourraient être insupportables mais finalement le récit les rend assez touchants et l’interprétation, pour une fois dans un film de genre, semble fonctionner. On devine les nombreuses références mais le film parvient à créer son propre style et son petit effet qui fait froid dans le dos. Confinement et araignées : rien de plus pour un spectacle tendu et divertissant.

Si le discours social est un poil téléphoné, le film fourmille de bonnes idées et de rebondissements efficaces. Vermines devient alors une excellente série B française. Ce qui est assez rare. On tremble devant ces petites bêtes qui en se limitant à faire peur, propose peut être l’un des meilleurs films de terreur de l’année !

Au cinéma le 27 décembre 2023
avec Théo Christine, Lisa Nyarko, Finnegan Oldfied et Sofia Lesaffre
Netflix My box – 1h40

Perfect Days, Wim Wenders, Haut et court

La vie ordinaire d’un type mutique qui nettoie les toilettes publiques ? Une émouvante réflexion sur le beau du quotidien.

A sa place, on se sentirait terriblement seul. Hirayama se contente d’une vie très simple. Il a un métier particulier : il entretient les toilettes publiques de la ville de Tokyo. Discret et peu bavard, il est un exemple d’obstination et semble apprécier son travail. A la différence de ses jeunes collègues.

Le vieil homme a cette particularité d’apprécier une existence épurée. Les livres l’accompagnent. Et ses vieilles cassettes de rock qui attisent la curiosité des jeunes. Il déjeune tous les jours dans le même jardin et observe les arbres. Avec son appareil photo d’un autre temps, il prend des clichés du lieu. Et c’est à peu près tout…

Comme Wim Wenders est derrière la caméra, ce type austère sera la porte d’une invitation au temps qui passe et à la contemplation. L’acteur, Koji Yakusho, mérite largement son prix d’interprétation à Cannes. On remonte à l'expressionnisme des comiques du muet pour comprendre les joies et les peines de son personnage si anonyme.

C’est un incroyable personnage qui lutte contre le spleen et trouve ses joies dans les petits riens de l’existence. Après une si longue carrière, Wim Wenders continue de surprendre en réduisant sa technicité mais réussit à augmenter l’émotion dans le dépouillement.

Car il nous touche ce vieux monsieur qui ne demande rien à personne. Il y a de la nostalgie mais elle ne sclérose jamais l’effort du cinéaste à nous montrer la beauté du monde de cet homme si humble. Au contraire, une fois de plus, Wim Wenders prouve qu’il est un cinéaste obsédé par l’espace qui finit par contenir et structurer ses récits.

Ici, il nous plonge dans un Tokyo qui finit par bercer et soigner les blessures du héros mais aussi des rencontres qu’il fait. Ode à la douceur, Perfect Days n’est jamais niais. Il nous propose une promenade étonnante et intérieure dans un monde fait d’espoir, de prudence et de plaisir simple. Un film qu’il ne faut pas bouder du tout.

Sortie le 29 novembre 2023
Avec Koji Yakusho, Tokio Emoto, Arisa Nakano et Yumi Asou
Dire – 2h04    

CAR/MEN – Compagnie Chicos Mambo – Philippe Lafeuille – Théâtre Libre

Que ça danse !

Un je-ne-sais-quoi de folie travers le plateau dès l’ouverture du spectacle. Huit danseurs et un chanteur troquant la robe à pois blanche du flamenco pour une combinaison moulante blanche à pois rouges structurent l’espace : corps à corps, mouvements outranciers et provocateurs. Les visages cagoulés annihilent toute expression. Seuls les corps, les costumes, l’espace, la musique, et les Car/Men sont là. Comme pour mettre les compteurs à zéro et annoncer la couleur : vous ne retrouverez pas la Carmen de l’opéra-comique de Bizet, mais vous retrouverez l’intention première de Bizet : aller à l’encontre des carcans moraux, incarner la liberté en célébrant le parcours de la gitane qu’est Carmen au travers du corps et sa provocante sensualité.

Car/Men dès lors mettra en avant l’improbable mais convaincante et féminine masculinité des huit danseurs entrainés par un Antionio Macipe en meneuse de revue jouant les diva avec humour, classe et détachement. Dès lors tout semble possible. Le chorégraphe Philippe Lafeuille, en s’appuyant sur les costumes remarquables de Corinne PetitPierre - tout oscille entre noir, blanc et rouges - et une bande son éclectique d’Antisten, se jouera des tableaux mythiques de la Carmen de Bizet pour créer durant tout le spectacle des Car/Men aux figures multiples, féminines et masculines.

Avec une très belle énergie, les danseurs s’emparent de tous les codes espagnols de l’opéra-comique de Bizet et de l’image de la gitane, jupes à volant, robes, accessoires tels que castagnettes, éventails, mantillas, chaussure de flamenco pour se réapproprier une Car/Men du XXIe siècle s’amusant du mélange des sexes et des genres musicaux. Les airs de Bizet basculent sur ceux de Goran Gregovic et du Temps des gitans. Les danses font parfois référence au hip hop, Antonin «Tonbee» Cattaruzza est de la partie. Le flamenco flirte avec les claquettes irlandaises. Les danseurs apportent une nouvelle dimension imaginaire entre revue, danse contemporaine, et comédie-musicale.

Le spectateur se laisse rapidement emporté par cette belle folie. L’ambiance est festive et joyeuse. La danse de Stéphane Vitrano apporte une grande légèreté à l’ensemble des tableaux.  Magique solo de danse de Phanuel Erdmann avec des éventails. Puissante danse animale de Samir M’Kirech face à la projection d’une tête de taureau sur le cyclo de fond de scène pour une corrida toute en sensualité. Très réussi chœur des soldats. Très parodique toréador aux drôles de castagnettes. Les tableaux s’enchainent avec énergie et rigueur. Rien de plus difficile que de faire simple.

En ramenant l’opéra en 4 actes de Bizet à 1h15 de danse, Philippe Lafeuille propose une version tonique de Car/Men dans un style qui tient en haleine le spectateur. Les danseurs démontrent avec talent que la sensualité, la liberté sont universelles et dépassent le seul carcan du genre. Les spectateurs sortent avec le sourire et des images plein la tête. Lafeuille réaffirme que la danse est enfant de bohème et n’a jamais connu de loi. Convaincant. Réjouissant. A voir.

Le Théâtre Libre Paris et La Scène Libre (anciennement le Comedia) (le-theatrelibre.fr)

Tournée : Du 14/12/23 au 04/02/424 Théâtre Libre - Paris (75)
28/02 - 01/03 et 02/03/24 International Music Arts - Carpi (IT)
08 et 09/03/24 Maison des Arts du Léman - Thonon-les-Bains (74)
16/03/24 Scène conventionnée - Laval (53)
25 et 26/05/24 Opéra - Reims (51)
31/05/24 C’est Central - La Louvière (71)

Durée : 1h15
Conception / Chorégraphie : Philippe Lafeuille
Assistante : Corinne Barbara
DISTRIBUTION
Danseurs : Antoine Audras, François Auger, Antonin «Tonbee» Cattaruzza, Phanuel Erdmann,
Jordan Kindell, Samir M’Kirech, Jean-Baptiste Plumeau, Stéphane Vitrano
Chanteur : Antonio Macipe
Conception Vidéo : Do Brunet
Conception lumières : Dominique Mabileau assistée d’Armand Coutant
Création Costumes : Corinne Petitpierre assistée d’Anne Tesson
Bande son : Antisten
Régisseur Général : Vincent Butori
Régisseur Lumière : Armand Coutant / Maureen Sizun Vom Dorp
Régisseur Vidéo : Christian Archambeau
Régisseur Plateau : Jessica Williams / Clarice Flocon-Cholet
Habilleuse : Cécile Flamand
Chauffeur : Arnaud Baranger
Diffusion : Quartier Libre
Compagnie La Feuille d’Automne : Xavier Morelle, Matthieu Salas
CRÉATION : Compagnie La Feuille d’Automne
Co production : Victor Bosch-Lling music / Quartier Libre Productions / Le Théâtre de la Coupole de Saint Louis /
Alsace - Le Quai des Arts - Relais Culturel Régional à Argentan, KLAP Maison pour la danse à Marseille (résidence
de finalisation 2019)
Avec le soutien de : L’Orange Bleue - espace culturel d’Eaubonne - L’Espace Michel Simon de Noisy-le-Grand -
Micadanses / résidence d’accompagnement spécifique - Remerciements à Marc Piera

An Irish Story, Kelly Rivière, Théâtre de Belleville

Kelly Ruisseau utilise la riche tradition narrative de l’Irlande pour nous raconter sa quête pour retrouver son grand-père Peter O’Farrel, né dans les années 30 en Irlande du Sud et et qui disparaît dans les années 70.

En 1949, à l’âge de dix-neuf ans, Peter O’Farrel quitte un minuscule village de l’Irlande du Sud, pour venir chercher du travail à Londres. Il est parti par amour avec Margaret. Ensemble, ils auront six enfants.

Dans l’Angleterre des années 1950-60, la vie n’est pas facile tous les jours pour les Irlandais. Il faut lutter pour obtenir du travail, de l’argent ou un logement… Peter noie son chagrin dans l’alcool et disparaît régulièrement sans donner de nouvelles. Un jour, il disparaît définitivement, laissant des questions sans réponse.

Ce n’est pas une chose aisée d’aborder cette histoire dans la famille de Kelly. Mais lorsque celle-ci devient mère, elle décide d’entreprendre une quête pour découvrir la vérité sur son grand-père, traversant les époques et les frontières. Cette enquête révèlera les secrets et les non-dits d'une famille marquée par l'exil, offrant un voyage au cœur d'une histoire intime devenue universelle.

Seule sur le plateau, l'autrice, metteuse en scène et comédienne Kelly Rivière interprète une multitude de personnages. Avec une énergie communicative, elle donne vie à 25 rôles différents. Elle change de langue, d'accent, adapte sa gestuelle et maîtrise parfaitement l'équilibre juste entre humour et émotion.
On se laisse emporter avec grand plaisir dans cette fresque à la fois personnelle et familiale mêlée à la grande Histoire.

Retrouvez un autre regard sur la pièce en cliquant ICI !

Jusqu'au 30 janvier 2024 (reprise)
Théâtre de Belleville
Durée 1h25

Chamonix – 26 000 couverts – P. Nicolle – G. Rassov – Théâtre du Rond-Point

L’art de l’extravagance et de l'auto-dérision

La Compagnie 26 000 couverts est de retour avec Chamonix sur la grande scène du Théâtre du Rond-Point. Chamonix est une parodie d’exploration spatiale racontant l’histoire d’un équipage de terriens revenus sur la planète bleue après 4 000 ans de voyage intergalactique. La Terre est désormais dominée par une larve extra-terrestre vivant dans l’intra-monde. La larve pose une question existentielle : faut-il redonner une chance à l’humanité de repeupler la planète après l’avoir saccagée ou pratiquer sur elle le « suppositage » ?

Dans la grande tradition de l’humour français digne des Nuls et d’Objectif Lune au siècle dernier, la Compagnie présente une farce haute en couleur agrémentée de chansons et de textes aussi absurdes les uns que les autres. À la manière des opérettes ou des opéras-bouffons qui parodiaient les opéras pour chercher à faire rire le public, dans cette fantaisie burlesque, la Compagnie s’amuse à tordre en musique les clichés cinématographiques de science-fiction en les théâtralisant et en se jouant avec efficacité des codes théâtraux : oubli de sorties de scène, sortie de jeu des comédiens, comique de répétition.

La force de la représentation tient dans l’énergie collective déployée par la troupe, une scénographie de qualité en cohérence avec le comique recherché – dans la démesure -  et un comique de mots fondé sur une novlangue dégradée de la langue française : erreurs de syntaxe, de conjugaison, mots coupés. Le travail d’écriture de Gabor Rassov et Philippe Nicolle suffit à lui-seul à projeter un imaginaire comique. Une manière de se moquer avec autodérision des dérives de la simplification de la langue qui finit par ne se réduire qu’à quelques mots, jusqu’à l’absurde. Un babillage régressif.

Très rapidement le spectateur se retrouve embarqué dans ce monde coloré de l’absurde très enfantin qui joue avec grande liberté de références et jeux de mots artistiques. Très drôle scène d’atterrissage, jeu remarquable d'Ingrid Strelkoff dans le cyborg Sophie, amusant Buffet-voyageur-dans-le-temps au nom de Bernard s’exprimant au travers du portrait de Clown de Bernard Buffet, ignoble larve à la voix proche de l’Empereur de Star Wars, costumes délirants de spationaute orange rappelant Tintin. Un jusqu’au-boutisme théâtral qui finit par créer une forme picturale et poétique de l’absurde.

On salue l’audace de cette production qui apporte de la légèreté et beaucoup d’autodérision sur l’homme et sa finitude dans une société qui n’a de cesse que de se prendre au sérieux sur de très nombreux sujets sans se soucier réellement de ce qui le mènera à sa perte. Une mise en abîme finalement malheureusement assez réaliste... On sourit. On rit. Un Objet Théâtral Non Identifié à découvrir en famille qui assouplit les zygomatiques.

Chamonix - Théâtre du Rond-Point Paris (theatredurondpoint.fr)

Dates de tournée : 12 et 13 janvier 2024 Points Communs — Scène Nationale Cergy-Pontoise (95) // 19 et 20 janvier 2024 TAM — Rueil-Malmaison (92) // 1er et 2 février 2024 MARS — Mons (Belgique)

Pauline & Carton, Charles Tordjman, Théâtre La Piccola Scala

Une femme est seule sur scène. Une femme qui nous fait rire pendant une heure. Dans cette période difficile et douloureuse, c’est un véritable miracle. Et pas une seule place vide, deuxième miracle.

Avez-vous déjà vu ça ? Des gens qui rient sans cesse pendant une heure ? Et qui, en sortant de la salle, se sourient, sans se connaître, heureux tout simplement.

Oh, Christine Murillo, nous ne vous remercierons jamais assez de ce moment-là où vous avez été elle, la grande Pauline Carton, mais aussi vous, la comédienne aux quatre Molière, l’actrice, la réalisatrice, celle qui écrit. Bref, celle pour qui les mots sont une vibration, un souffle, une respiration. Et les vivre de tout le corps, une seconde nature chez vous.

J’avais eu l’occasion de vous voir dans Dis à ma fille que je pars en voyage en 2004 au Théâtre du Rond-Point. Pour cette magnifique prestation, vous aviez obtenu un Molière. Malgré les années qui ont passé et les pièces que j’ai vues depuis, je n’ai jamais oublié celle-là. Idem pour la personne qui m’accompagnait.

J’ai vu Pauline Carton dans de nombreux films, toujours en bonne, en gouvernante ou en concierge pas commode. Mais pourquoi donc cette grande bourgeoise, fille du bras droit d’Haussmann, affectionnait-elle tant ces rôles-là ? 

Sacha Guitry l’appréciait beaucoup, et aimait sa grande culture. Toutefois, contrairement à l’une de ses rivales dans les rôles de concierges et de bonnes, Jeanne Fusier-Gir, elle ne l’a jamais tutoyé.

Pauline Carton cultivait aussi l’autodérision, comme le prouve cette citation : “Je n'ai jamais pu faire un concours de beauté : on me colle toujours dans le jury.”

Et c’est ce personnage savoureux, cette comédienne comme on n’en fait plus qu’interprète Christine Murillo avec brio. Sans oublier d’y mettre sa touche grâce aux mimiques et aux imitations. Et la mise en scène sobre de Charles Tordjman, épurée, dans une atmosphère bleutée, obscure mais pas trop, une chaise, une table, quelques objets, met en valeur le (beau) travail de la comédienne.

Jusqu’au 17 décembre 2023,
puis du 16 mars au 23 juin 2024
Théâtre La Scala
13, boulevard de Strasbourg - 75010 Paris

Le samedi à 15H30 et 19H30 et le dimanche à 15H30

Le règne animal, Thomas Cailley, StudioCanal

Le cinéma de genre à la française est souvent une longue succession de déceptions. L’ambition du Règne Animal fait plaisir à voir mais est-ce bien le film qui nous fera rugir de plaisir ?

Les larmes de crocodiles, le rire de hyènes, les noms d’oiseaux, tout d’abord, on enlève toutes ses expressions avant de s’intéresser au film de Thomas Cailley, responsable de l’excellent Les Combattants, qui date tout de même de 2014.

Depuis tout ce temps, il a mûri ce second essai et cela se voit à l’écran. Il s’agit bien d’un film fantastique français et la première scène tente de faire preuve d’une efficacité nouvelle. On est surpris par l’implication de la mise en scène pour nous faire croire à une épidémie hors du commun.

Après le covid, nous aurons donc le malheur de voir nos contemporains se transformer en animal sauvage. Sans aucune raison. Petit à petit, certaines personnes reviennent à l’état de nature et mutent en créatures fascinantes ou inquiétantes.

La fable, voilà peut-être ce qui sauve le film de la malédiction du film de genre franchouillard. Thomas Cailley fait preuve d’une grande maîtrise et ne semble pas faire cela par cynisme. Il croit à son histoire et tente tout pour faire croire à cette fantasmagorie. Les effets spéciaux sont astucieux et soignés. Les comédiens sont habités. Les rebondissements sont convaincants.

Cailley est d’une grande générosité et veut nourrir le spectateur mais, hélas, il s’éloigne parfois de son sujet initial. Il s’éparpille en réflexions. Elles sont souvent intéressantes mais nous perdent dans une narration un peu confuse.

Heureusement, son observation de la paternité est d’une grande sensibilité et nous permet de redécouvrir un Romain Duris subtil. Il incarne un père qui tente désespérément de retrouver sa femme mutante dans une forêt du sud, aidé par son fils plus intéressé par les filles et les fêtes.

Thomas Cailley, au lieu d’imiter le style américain, assume totalement son étude psychologique et la mélange avec des idées de cinéma plaisantes que l’on ne trouve plus dans un cinéma très standardisé. C’est effectivement une sorte de cinéma mutant mais tellement vivant.

Au cinéma le 04 octobre 2023
Avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos et Tom Mercier
2h08 – StudioCanal

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