A better life

Comme beaucoup de groupes anglais, Spring King a fait une entrée fracassante dans le petit monde du rock avec une nonchalance légendaire. Comme peu de monde, ils réussissent leur second essai avec une aisance quasi adolescente.

C'est à dire qu'il n'y a pas grand chose de nouveau dans ce groupe venu de la ville méconnue de Macclesfield, au milieu du Royaume Uni. Depuis les quatre dadais ont conquis leur pays. Ils ont l'air de sortir de l'adolescence et leurs compositions conservent cette étrange naïveté.

Ils ne s'essaient pas à la pop. C'est le point fort de ce groupe atypique. Spring King joue vite et fort. Un punk mainstream mais loin des délires californiens et tatoués. Ils font cela parce qu'ils en ont les moyens. Leur volonté est simple et exubérante!

C'est joyeux et bordélique. Pourtant comme ils sont anglais, c'est naturellement mélodique. Les titres se plantent dans votre mémoires comme des fléchettes. Ca sent bon le délire dans un pub sale et l'optimisme un peu forcé. Un pied de nez aux grises mines!

Moins brut que le premier opus, A better life profite un peu du confort. Les quatre musiciens se font plus légers. Ils recherchent l'hédonisme électrique et très souvent ils y arrivent. Ils suent pour vous emmener sur un son épicurien, heureux dans ses baskets sales et poussiéreuses. C'est beau la jeunesse!

Island records - 2018

Plaidoiries, Eric Théobald, Matthieu Aron, Richard Berry, Théâtre Antoine

 

Incarnant les grandes figures du barreau, Richard Berry vous fait revivre ces grands procès qui révèlent des faits de société majeurs ayant marqué l’histoire judiciaire de ces quarante dernières années.  À Bobigny, Gisèle Halimi défend l’avortement. En 1976, c’est à la peine de mort que Paul Lombard s’attaque, en voulant éviter la peine capitale à Christian Ranucci. A Clichy-sous-Bois, Jean-Pierre Mignard défend les familles de Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés dans un poste électrique pour avoir tenté d’échapper à un contrôle de police. En 2006, l’acte infanticide de Véronique Courjault lève le tabou du déni de grossesse. À Bordeaux, le procès de Maurice Papon revisite les heures sombres de l’histoire de France. 

Richard Berry incarne ces avocats.  Sa performance est remarquable. On en oublie qu'il est seul sur scène défendant l'inconcevable. Tellement convaincant, il place le spectateur dans la tête des jurés. Son jeu fait transparaître l'ardeur d'un avocat pouvant parfois être seul contre tous et prêt à tout pour défendre ce qui lui semble être légitime : tout le monde a le droit à être défendu.

Avec une mise en scène sobre mais subtile, le spectateur comprend le contexte historique. 

Il ressent toute l’importance de ces plaidoiries qui ont marqué l'histoire de la justice française. Dans la lignée du documentaire, A voix haute on prend un extraordinaire cours d’éloquence et d’humanité.

 

 À partir du 12 septembre 2018

Avec Richard Berry 

Mise en scène : Eric Théobald

D’après Les grandes plaidoiries des ténors du barreau de Matthieu Aron

Théâtre Antoine

Sicario la guerre des Cartels

Est ce bien nécessaire de faire une suite au polar noir et  solaire de Denis Villeneuve?

L'élément féminin du premier film a disparu. Il reste le sombre tueur (Benicio Del Toro) et l'agent manipulateur (Josh Brolin). Les deux hommes doivent de nouveau copiner lorsque la frontière mexicaine est de nouveau le coeur des violences les plus abjectes.

Ce n'est plus de la cocaïne qui passe la frontière mais des hommes et des femmes... mais aussi des terroristes.  Ca ne peut plus durer. Donald Trump n'a plus le temps de construire son mur en béton. Les barons des Cartels font dans le trafic humain et ce n'est pas du gout du duo de justiciers, qui ne connaissent aucune loi pour faire régner l'ordre.

La frontière mexiciaine est donc le symbole de cette ambiguité des lois, de la violence, de la justice. Le bien et le mal s'entremèlent. Les maux de la Terre se compriment sur cette ligne. Et le spectateur est une nouvelle fois interrogé sur son rapport à la violence, l'action et le "fun"!

Villeneuve n'est plus à la barre. Stefano Sollima se débrouille lui aussi pour nous jeter de la poussière dans les yeux et nous demander ce que l'on pense de la violence. Moins évaporé que Villeneuve, ce second volet reste avant tout un néo western toujours crépusculaire.

Del Toro est toujours charismatique et Brolin a toute son énergie pour nous embrouiller dans un projet de vengeance nationale plus que casse gueule. Le film avance sans se retourner, se permet quelques facilités agacantes, mais continue de creuser une apreté que l'on connait peu. Et juste pour cela, cette suite est loin d'être indigne et vaut un petit détour...

Avec Benicio del Toro, Josh Brolin, Isabella Moner et Jeffrey Donovan - Sony - 2018

Le Poulain

Joann Sfar, Riad Sattouf et maintenant Mathieu Sapin: ils sont nombreux les auteurs  (ou les stars) de BD à se confronter au grand écran. Et il faut l'avouer: le passage est plutot réussi.

Parce qu'ils ont l'habitude du "cadre" et du "point de vue". La bande dessinée est finalement un très bon moyen d'apprendre tout sur l'elipse et la narration. Et les auteurs de BD se sont bien débrouillés ces dernières années. Ils sont ambitieux et déterminés pour des projets indépendants, des comédies souvent drôles et satiriques. Plus que les adaptations de séries dessinées au cinéma. Catastrophique!

Eux, ils font le boulot, à la différence de nos simples faiseurs qui produisent de la comédie pour les prime time des grandes chaines. Allez on se calme et on boit du petit lait avec le premier film de Mathieu Sapin, auteur de la Salade de Fluits ou des Sardines de l'Espace.

Ce n'est pas un film extravagant. La mise en scène est assez sage. On n'est pas loin du téléfilm mais ce qui est montré est plutot culotté et assez rare au cinéma. La politique. Celle des coups de fil assassins, des tweets qui font le buzz et des retournements de situation qui ne font plus au cinéma depuis bien longtemps.

C'est ce que découvre l'innocent Arnaud Jaurès, qui doit partir dans quelques semaines au Canada mais qui voit ses plans contrariés lorsqu'il rencontre Agnès Karadzic, une femme politique sans scrupule. Il entre comme assistant de cette arriviste blonde dans une campagne présidentielle qui s'annonce folle...

Et on n'est pas déçu par le lot de coups bas, de petites phrases ambigues et de personnages iconoclastes. Mathieu Sapin, connu pour avoir croqué la vie politique sous Hollande, s'inspire de la réalité pour un récit d'initiation simple, carré et souvent moqueur.

Il réussit à rendre attachants tous ses personnages, un peu idiots, un peu mégalos, beaucoup décevants. Il doit à un casting judicieux et des dialogues souvent truculents. On regarde avec bienveillance le petit monde médiatico politique. On pourrait désespérer de cette comédie mais comme le ton n'est jamais acerbe. Ce n'est pas la petite soupe populaire du "tous pourris". Le film est assez enthousiaste et réjoui. C'est simplement une bonne comédie sur le pouvoir. Ce n'est pas frileux. Ca fait du bien!

Avec Alexandra Lamy, Finnegan Olfied, Gilles Cohen et Valérie Karsenti - Bac Films - 19 septembre 2018 - 1h30

Le Procès, Franz Kafka, Krystian Lupa, Odéon Théâtre de l’Europe

Le Procès de Kafka et de Lupa, où comment la vie se rompt, et avec soudaineté et violence s’engage dans un labyrinthe d’angoisses et d’interrogations jamais résolues.

Au moment où notre monde bascule en son entier dans la dictature, où la Pologne, comme l’Europe, se reprend à éructer des discours gammés, où le directeur du théâtre même où travaillait Lupa est évincé pour laisser place à une marionnette conservatrice, notre époque comme jamais se définit kafkaïenne. C’est à n’y rien comprendre, à n’y rien supporter, à ne plus savoir, à endurer, à entrer absolument en clandestinité pour préserver la liberté.
Liberté de penser de créer de parler d’exister.

K., lui, ne jouit plus d’aucune de ces libertés. Encadré par la ligne flambant rouge de la scène, par des gardiens, des proches, des lointains, il traverse le plateau et les heures, réclamant justice et réponse, ne recevant rien, rien d’autre que plus de ténèbres, plus d’interdiction, plus de médiocrité, plus de bêtise.
Ce poids immense de la bêtise.
Ne dira-t-on jamais assez comme elle pèse, comme elle dirige, comme elle nourrit le pouvoir.
Entre ses mâchoires le pouvoir, monstre sans visage, broie l’humanité, la liberté et la réalité.
L'angoisse kafkaïenne est celle d'un monde qui a perdu son âme, celle d’un homme égaré dans le labyrinthe, sans fil conducteur.
Krystian Lupa tend un fil ténu, il relie l’hier et les demains, les comédiens et le public, les niveaux de narration et de représentation auscultés par tous les côtés, il n’y plus guère d’endroits vides, d’intimité, de replis possibles.

Au commencement quelqu’un est sur scène et le public toujours à s’installer toutes lumières allumées. Nous faisons partie. L’a-t-on-vue cette femme, cette comédienne ? Quelle étrange solitude, la solitude sociétal que nous trainons derrière nous, tandis que les écrans s’allument, que les actualités polonaises énoncent des discours extrêmes, que K. commente son procès en regardant l’écran. Sans cesse nous allons d’une époque à l‘autre puisque la réalité historique est répétition, lassante et épuisante répétition.

Les silences qui soudain tombent, la scène qui soudain se démultiplie, les propos et les versions qui se marchent dessus, tout est dispositif scénique et langagier, jusqu’à l’incompréhension parler ou ne pas parler.
Une procédure est en cours, mais laquelle ? Une farce est en cours, mais où ? Et pourquoi tous ces gens se rencontrent-ils et se parlent, et pourquoi mon voisin se lève et s’agite, et pourquoi le comédien descend de scène et s’assoit ailleurs, et pourquoi et quelles sont les raisons de ce procès ?
On a beau filmer, diffuser, en plusieurs tailles, en direct, sous toutes les coutures, les mots les visages les images agglutinés, ce n’est pas par ici que l’on entendra la vérité.
Existe-t-elle ?
Un grommellement vient d’ailleurs, du fond du théâtre peut-être, encore une autre langue, une autre version, il faut être attentif à tout, à tous, à soi. Que dit-il le langage ?
Finalement le procès a lieu, celui de l’auteur, de l’artiste, de l’humain, du personnage, le procès K. avec ces demi-mots ces abrégés ses sens interdits le banal de l’énoncé, des dénouements des renoncements d’identité. La procédure parfois sert à se définir provisoirement. Ce qui nous arrive c’est l’effondrement de la raison, place libre au mal qui nous encercle.
L’organisation du langage est mensonge, et l’opposition est bâillonnée, debout comme des fusillés.
Quelque chose va arriver à notre monde.
Nous sommes tous accusés.
Nous sommes tous condamnés.

Proces
[Le Procès]
d'après Franz Kafka
mise en scène Krystian Lupa
en polonais, surtitré en français — durée estimée 4h30 (avec deux entractes)
jusqu’au dimanche 30 septembre 2018 – Odéon, théâtre de l’Europe, Place de l'Odéon, Paris 6e

Infestation

Bon il y a toujours de la place dans cette partie du site donc je continue avec mes petites lectures à huit pattes, qui font très peur!

Ezekiel Boone a de la suite dans les idées. Eclosion parlait d'une invasion mondiale de petites araignées amatrices de viande humaine. Insfestation parle du choc qu'a provoqué cet événement qui a mis les pays du Monde entier sur les nerfs.

Car nos bestioles carnassières se sont retirés après avoir bouffés copieusement sur tous les continents. Les survivalistes jubilent. Les politiciens se désolent et les scientifiques s'inquiètent. Ils ne comprennent comment les araignées agissent et surtout ils s'interrogent sur leur retrain soudain.

Le pire n'est pas passé. Il est sûrement à venir. Et c'est la réussite de ce second volume d'une trilogie annoncée. Il fait le pont entre deux points et échappe à son aspect fonctionnel. L'auteur nous promène dans tous les coins du Monde pour nous montrer l'horreur et l'angoisse.

Il le fait sans gore et hémoglobine. A la différence du premier livre. Cette fois ci il organise une course contre la montre où la terreur grimpe au fil des pages. Redoutable dans son écriture, Boone va à l'essentiel et construit un thriller addictif. Il joue sur nos habitudes de terreur. Il sait que nous sommes habitués aux scénarios catastrophes. Et il augmente le curseur en nous faisant des relais incessants entre plusieurs personnages, situés à plusieurs niveaux du drame.

Au final, c'est une lecture légère et prenante, qui vous oblige à regarder dans chaque recoin de la pièce où vous êtes et qui définitivement, va vous brouiller avec les petites bêtes qui montent, qui montent...

Actes sud - 384 pages

At Weddings

On continue de s'intéresser aux artistes qui peuvent nous aider à rentrer dans l'automne. C'est le cas de la toute jeune Tomberlin, impressionnante dès son premier album.

Il ne faut pas grand chose: quelques gratouillis sur une guitare et une voix. En une chanson, Sarah Beth Tomberlin vous chope et nous vous lache plus. Un sentiment adolescent. Une émotion crue. Any Other Way est une chanson prenante et parfaite pour introduire la discrète chanteuse.

Venue de Louisville, Tomberlin se sert du folk pour sortir ses tripes, ses doutes et de temps en temps ses joies. Les réverbérations de sa guitare sont liées à ses états d'âme. C'est simple. C'est surtout très beau. Très doux. Très touchant.

Au sortir de l'adolescence, Tomberlin fait preuve d'une grande maturité. Car elle arrive à transmettre des sentiments, des idées et un spleen idéal en cette saison. Certes c'est un peu longuet et ca semble s'étirer. Pourtant c'est maîtrisé: la jeune femme s'épanouit dans ses titres, personnels et tout de même envoutants. C'est un délice, frais et féminin.

saddle creek - 2018

Le Roi Arthur – Jean-Philippe Bêche – Théâtre de l’Epée de Bois

Une légende arthurienne tout en énergie

Mettre en scène la légende arthurienne est un réel défi. Parce que la culture populaire en a une représentation, parce que la littérature et les fictions en ont créé de multiples versions. Si l’existence d’Arthur n’est toujours pas attestée, la légende bâtie au cours de l’histoire autour de ce roi défenseur de la Bretagne se renouvelle régulièrement dans l’imaginaire collectif.

La version écrite et mise en scène par Jean- Philippe Bêche présente une légende arthurienne dans un site remarquable qui se prête au voyage dans le temps : le plateau dénudé du Théâtre de l’Epée de bois à la Cartoucherie de Vincennes. Le mur de fond de scène en pierre, les lampes en fer forgé, l’immense plateau cabossé diffusent d’emblée chez le spectateur un dépaysement favorable à la bascule médiévale. La présence de Merlin dès l’entrée du public et la diffusion d’encens dans la salle finit pas plonger totalement le public dans un autre monde.

S’engage ensuite une narration vive et puissante de la légende en 1h45. Avec force et beaucoup d’ardeur les comédiens enchaînent un texte qui s’imprègne d’un ton shakespearien. Si le jeu se veut réaliste, les costumes ne tombent pas dans la caricature, les chevaliers et roi portent des manteaux longs rappelant ceux de la grande guerre et non des costumes d’époque qui alourdiraient le plateau. Le costume de la fée Morgane proche de la Fée des Lilas de Jacques Demy interroge néanmoins.

On suit ainsi au fil du temps la chronologie des événements. L’ensemble est de qualité, certes, mais le jeu en force et parfois en cri, du début à la fin de la pièce, part pris assumé comme une animalité, enlève toute possibilité de nuances à un texte de qualité qui pourtant le permettrait. La magie de Brocéliande en est pour le coup estompée, comme la dimension sensible de la fin'amor entre Guenièvre et Lancelot, bien loin de L’Enchanteur de Barjavel et de sa page blanche.

La très jolie trouvaille reste sans doute l’intervention d’un percussionniste qui scande et rythme la narration. L’utilisation d’un thérémine apporte une dimension mystique et lyrique qui fait écho au jeu théâtral d’un excellent Merlin qui pourrait encore aller plus loin dans la folie. Une version à voir en famille qui redore le blason de la légende.

https://www.epeedebois.com/un-spectacle/le-roi-arthur/ 

chanson du jour: love is here to stay

The joy of living

Elle chante bien une chanson qui s'appelle "spring is coming soon" mais son disque pourrait nous faire rentrer tranquillement dans l'automne!

Jackie Oates n'est pas à la pointe de la modernité. On ne peut pas dire qu'elle est hype. Anglaise typique, elle aime le piano, le calme et les airs folk. Elle a une voix qui vous emporte pour une promenade venteuse dans les campagnes mouillées de l'Angleterre.

Elle laboure les terres des traditions. Il y a tout pour se croire au fin fond des ancestrales chansons britanniques, avec tous les instruments et surtout la voix. Heureusement il y a une toute petite chose qui fait la différence: l'inspiration.

Jackie Oates transforme sa vie en titres certes tristes mais pas désespérés. En dehors de l'artistique, les derniers mois ne furent pas un long fleuve tranquille pour la chanteuse. Mais cette souffrance se transforme en toute simplicité sur des chansons, originales ou des reprises.

L'album est complexe, jouant entre les nuances, les aspirations, les émotions. Il n'y a pas de naïveté. La tradition n'est pas un échapattoire, un porte de sortie sur un quotidien plus ou moins sombre. Jackie Oates semble jongler, cherche l'équilibre, trouve l'harmonie.

Cela donne un disque boisé, reposant et réflexif. Après le beau soleil, les vacances, le stress de la rentrée, la violence du quotidien, le chant de Jackie Oates nous console des feuilles mortes qui commencent à se ramasser à la pelle...

ECC records - 2018

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