An Irish Story, Kelly Rivière, Théâtre de Belleville
Kelly Ruisseau utilise la riche tradition narrative de l’Irlande pour nous raconter sa quête pour retrouver son grand-père Peter O’Farrel, né dans les années 30 en Irlande du Sud et et qui disparaît dans les années 70.
En 1949, à l’âge de dix-neuf ans, Peter O’Farrel quitte un minuscule village de l’Irlande du Sud, pour venir chercher du travail à Londres. Il est parti par amour avec Margaret. Ensemble, ils auront six enfants.
Dans l’Angleterre des années 1950-60, la vie n’est pas facile tous les jours pour les Irlandais. Il faut lutter pour obtenir du travail, de l’argent ou un logement… Peter noie son chagrin dans l’alcool et disparaît régulièrement sans donner de nouvelles. Un jour, il disparaît définitivement, laissant des questions sans réponse.
Ce n’est pas une chose aisée d’aborder cette histoire dans la famille de Kelly. Mais lorsque celle-ci devient mère, elle décide d’entreprendre une quête pour découvrir la vérité sur son grand-père, traversant les époques et les frontières. Cette enquête révèlera les secrets et les non-dits d'une famille marquée par l'exil, offrant un voyage au cœur d'une histoire intime devenue universelle.
Seule sur le plateau, l'autrice, metteuse en scène et comédienne Kelly Rivière interprète une multitude de personnages. Avec une énergie communicative, elle donne vie à 25 rôles différents. Elle change de langue, d'accent, adapte sa gestuelle et maîtrise parfaitement l'équilibre juste entre humour et émotion.
On se laisse emporter avec grand plaisir dans cette fresque à la fois personnelle et familiale mêlée à la grande Histoire.
Retrouvez un autre regard sur la pièce en cliquant ICI !
Jusqu'au 30 janvier 2024 (reprise)
Théâtre de Belleville
Durée 1h25
Chamonix – 26 000 couverts – P. Nicolle – G. Rassov – Théâtre du Rond-Point
L’art de l’extravagance et de l'auto-dérision
La Compagnie 26 000 couverts est de retour avec Chamonix sur la grande scène du Théâtre du Rond-Point. Chamonix est une parodie d’exploration spatiale racontant l’histoire d’un équipage de terriens revenus sur la planète bleue après 4 000 ans de voyage intergalactique. La Terre est désormais dominée par une larve extra-terrestre vivant dans l’intra-monde. La larve pose une question existentielle : faut-il redonner une chance à l’humanité de repeupler la planète après l’avoir saccagée ou pratiquer sur elle le « suppositage » ?
Dans la grande tradition de l’humour français digne des Nuls et d’Objectif Lune au siècle dernier, la Compagnie présente une farce haute en couleur agrémentée de chansons et de textes aussi absurdes les uns que les autres. À la manière des opérettes ou des opéras-bouffons qui parodiaient les opéras pour chercher à faire rire le public, dans cette fantaisie burlesque, la Compagnie s’amuse à tordre en musique les clichés cinématographiques de science-fiction en les théâtralisant et en se jouant avec efficacité des codes théâtraux : oubli de sorties de scène, sortie de jeu des comédiens, comique de répétition.
La force de la représentation tient dans l’énergie collective déployée par la troupe, une scénographie de qualité en cohérence avec le comique recherché – dans la démesure - et un comique de mots fondé sur une novlangue dégradée de la langue française : erreurs de syntaxe, de conjugaison, mots coupés. Le travail d’écriture de Gabor Rassov et Philippe Nicolle suffit à lui-seul à projeter un imaginaire comique. Une manière de se moquer avec autodérision des dérives de la simplification de la langue qui finit par ne se réduire qu’à quelques mots, jusqu’à l’absurde. Un babillage régressif.
Très rapidement le spectateur se retrouve embarqué dans ce monde coloré de l’absurde très enfantin qui joue avec grande liberté de références et jeux de mots artistiques. Très drôle scène d’atterrissage, jeu remarquable d'Ingrid Strelkoff dans le cyborg Sophie, amusant Buffet-voyageur-dans-le-temps au nom de Bernard s’exprimant au travers du portrait de Clown de Bernard Buffet, ignoble larve à la voix proche de l’Empereur de Star Wars, costumes délirants de spationaute orange rappelant Tintin. Un jusqu’au-boutisme théâtral qui finit par créer une forme picturale et poétique de l’absurde.
On salue l’audace de cette production qui apporte de la légèreté et beaucoup d’autodérision sur l’homme et sa finitude dans une société qui n’a de cesse que de se prendre au sérieux sur de très nombreux sujets sans se soucier réellement de ce qui le mènera à sa perte. Une mise en abîme finalement malheureusement assez réaliste... On sourit. On rit. Un Objet Théâtral Non Identifié à découvrir en famille qui assouplit les zygomatiques.
Chamonix - Théâtre du Rond-Point Paris (theatredurondpoint.fr)
Dates de tournée : 12 et 13 janvier 2024 Points Communs — Scène Nationale Cergy-Pontoise (95) // 19 et 20 janvier 2024 TAM — Rueil-Malmaison (92) // 1er et 2 février 2024 MARS — Mons (Belgique)
Pauline & Carton, Charles Tordjman, Théâtre La Piccola Scala
Une femme est seule sur scène. Une femme qui nous fait rire pendant une heure. Dans cette période difficile et douloureuse, c’est un véritable miracle. Et pas une seule place vide, deuxième miracle.
Avez-vous déjà vu ça ? Des gens qui rient sans cesse pendant une heure ? Et qui, en sortant de la salle, se sourient, sans se connaître, heureux tout simplement.
Oh, Christine Murillo, nous ne vous remercierons jamais assez de ce moment-là où vous avez été elle, la grande Pauline Carton, mais aussi vous, la comédienne aux quatre Molière, l’actrice, la réalisatrice, celle qui écrit. Bref, celle pour qui les mots sont une vibration, un souffle, une respiration. Et les vivre de tout le corps, une seconde nature chez vous.
J’avais eu l’occasion de vous voir dans Dis à ma fille que je pars en voyage en 2004 au Théâtre du Rond-Point. Pour cette magnifique prestation, vous aviez obtenu un Molière. Malgré les années qui ont passé et les pièces que j’ai vues depuis, je n’ai jamais oublié celle-là. Idem pour la personne qui m’accompagnait.
J’ai vu Pauline Carton dans de nombreux films, toujours en bonne, en gouvernante ou en concierge pas commode. Mais pourquoi donc cette grande bourgeoise, fille du bras droit d’Haussmann, affectionnait-elle tant ces rôles-là ?
Sacha Guitry l’appréciait beaucoup, et aimait sa grande culture. Toutefois, contrairement à l’une de ses rivales dans les rôles de concierges et de bonnes, Jeanne Fusier-Gir, elle ne l’a jamais tutoyé.
Pauline Carton cultivait aussi l’autodérision, comme le prouve cette citation : “Je n'ai jamais pu faire un concours de beauté : on me colle toujours dans le jury.”
Et c’est ce personnage savoureux, cette comédienne comme on n’en fait plus qu’interprète Christine Murillo avec brio. Sans oublier d’y mettre sa touche grâce aux mimiques et aux imitations. Et la mise en scène sobre de Charles Tordjman, épurée, dans une atmosphère bleutée, obscure mais pas trop, une chaise, une table, quelques objets, met en valeur le (beau) travail de la comédienne.
Jusqu’au 17 décembre 2023,
puis du 16 mars au 23 juin 2024
Théâtre La Scala
13, boulevard de Strasbourg - 75010 Paris
Le samedi à 15H30 et 19H30 et le dimanche à 15H30
Le règne animal, Thomas Cailley, StudioCanal
Le cinéma de genre à la française est souvent une longue succession de déceptions. L’ambition du Règne Animal fait plaisir à voir mais est-ce bien le film qui nous fera rugir de plaisir ?
Les larmes de crocodiles, le rire de hyènes, les noms d’oiseaux, tout d’abord, on enlève toutes ses expressions avant de s’intéresser au film de Thomas Cailley, responsable de l’excellent Les Combattants, qui date tout de même de 2014.
Depuis tout ce temps, il a mûri ce second essai et cela se voit à l’écran. Il s’agit bien d’un film fantastique français et la première scène tente de faire preuve d’une efficacité nouvelle. On est surpris par l’implication de la mise en scène pour nous faire croire à une épidémie hors du commun.
Après le covid, nous aurons donc le malheur de voir nos contemporains se transformer en animal sauvage. Sans aucune raison. Petit à petit, certaines personnes reviennent à l’état de nature et mutent en créatures fascinantes ou inquiétantes.
La fable, voilà peut-être ce qui sauve le film de la malédiction du film de genre franchouillard. Thomas Cailley fait preuve d’une grande maîtrise et ne semble pas faire cela par cynisme. Il croit à son histoire et tente tout pour faire croire à cette fantasmagorie. Les effets spéciaux sont astucieux et soignés. Les comédiens sont habités. Les rebondissements sont convaincants.
Cailley est d’une grande générosité et veut nourrir le spectateur mais, hélas, il s’éloigne parfois de son sujet initial. Il s’éparpille en réflexions. Elles sont souvent intéressantes mais nous perdent dans une narration un peu confuse.
Heureusement, son observation de la paternité est d’une grande sensibilité et nous permet de redécouvrir un Romain Duris subtil. Il incarne un père qui tente désespérément de retrouver sa femme mutante dans une forêt du sud, aidé par son fils plus intéressé par les filles et les fêtes.
Thomas Cailley, au lieu d’imiter le style américain, assume totalement son étude psychologique et la mélange avec des idées de cinéma plaisantes que l’on ne trouve plus dans un cinéma très standardisé. C’est effectivement une sorte de cinéma mutant mais tellement vivant.
Au cinéma le 04 octobre 2023
Avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos et Tom Mercier
2h08 – StudioCanal
Un état de nos vies, Lola Lafon, Rond-Point
Lola Lafon, l'écrivaine du formidable Quand tu écouteras cette chanson,monte sur les planches pour nous livrer son regard affuté sur le monde.
Une femme et un homme se font face, chacun à une extrémité d'une longue table en bois. Comme dans une expérience scientifique, ou un test psychologique, il prend un petit carton, énonce un mot et attend sa réponse. Elle donne alors sa définition toute personnelle du mot, livre ce que cela lui évoque. En une heure de spectacle et à travers quelques mots ("être", "gauche", "jamais"... ) nous naviguerons dans notre société.
En observatrice avisée et lucide, Lola Lafon nous met gentiment face à nos contradictions, nos lâchetés, notre hypocrisie. Elle moque la Gauche réduite à "une alternative, c'est-à-dire un autre moyen d'aller au même endroit".
Elle pointe l'absurdité d'un système qui rend "l'inégalité de traitement désirable" et qui nous pousse à "être envahis du désir d'avoir ce qu'on ne désire pas", d'une société qui valorise la punchline alors que "savoir réduire son propos en quelques mots, c'est un idéal d'agent immobilier".
Lola Lafon interroge également la pingrerie de notre générosité et la faiblesse de nos actions face à l'horreur et l'injustice. "On ne pourra pas dire qu'on ne savait pas" certes, mais en réalité "plus on sait, moins on peut".
Mais n'allez pas croire que vous allez vous faire gronder ou bêtement culpabiliser pendant une heure. Vous allez rire et, l'air de rien, réfléchir en profondeur.
Jusqu'au 09 décembre 2023
Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIème
Un spectacle de et avec : Lola Lafon
Composition et interprète : Olivier Lambert
Collaboration artistique et lumières : Emmanuel Noblet
50 ans – Les Folies Gruss à Paris – Compagnie Alexis Gruss
Le nouveau spectacle musical équestre et aérien de la famille Gruss est à l’affiche ! Un nouvel émerveillement !
Cette année, la Compagnie fête en musique trois anniversaires : la 50e création à Paris, les 170 ans de la dynastie Gruss et les 80 ans d’Alexis Gruss. La Compagnie, on ne la présente plus, est une institution. Celle d'un art équestre cultivé de génération en génération. On revient voir les Gruss chaque année comme on revoit une partie de sa famille ou des amis éloignés qu’on aime retrouver régulièrement. Une valeur sûre. « Tiens ! les jumeaux ont grandi. Tiens ! ils sont tatoués ! Extra ! Alexis et Gipsy sont encore en scène ! » Le spectacle tient déjà avec l'idée de cette famille elle-même. Une désormais rare exception.
Sous le chapiteau Gruss du Carrefour des Cascades à Paris, on retrouve bien les trois générations, d’Alexis et Gipsy Gruss à Célestine Gruss. 16 circassiens équestres, sans compter l’orchestre et deux nouveaux chanteurs de talent, Candice Parise et Xavier Ducrocq. 25 artistes sans compter les 50 chevaux de la cavalerie. Cette 50e création à Paris a des accents de comédie musicale, une forme originale pour articuler l’ensemble des numéros présentés dans la grande tradition du cirque.
L’histoire est celle d’une chanteuse, Louise, qui souhaite intégrer la troupe des Folies Gruss mais arrive en retard au casting. Avec l’appui d’un technicien du cirque, Piotr, elle finira par rencontrer Firmin Gruss en musique qui acceptera de l’entendre. Ce sera le début d’un nouveau récit musical.
La force de la Compagnie est sa polyvalence et sa capacité à basculer en un temps record d’un numéro à l’autre avec une forte intensité d’action et de risques sous les yeux du spectateur ébahi par les épreuves de forces et d’équilibres, avec et sans chevaux. Le « Fait maison » est la règle d’or et cela fonctionne parfaitement. On frémit. On sourit. On questionne parfois leur folie. Equilibres, portés, jonglages, sauts sur les chevaux, dressage, équilibre sur fil ou sur échelle, acrobaties aériennes, maniement du fouet, du lasso, danse acrobatique dans l’eau, jeux avec le feu, les numéros d’adresse témoignent d’une rigueur et expertise étonnantes. Rien de plus difficile que de faire simple. La machine humaine est en action sous nos yeux, en interaction avec les chevaux. La famille s’empare de tous les exercices et se plait à relever les défis de la gravité terrestre. Une prouesse en chasse l'autre.
Le spectacle est très réussi et réjouira les petits comme les grands pour les fêtes de fin d’année. La nouvelle formule présentée par la Compagnie Gruss est efficace. La standing ovation en hommage à Alexis Gruss en fin de spectacle en témoigne. Les spectateurs peuvent s’ils le souhaitent rencontrer les artistes présents en sortie du spectacle pour quelques photos et échanger quelques mots. On se demande où les artistes trouvent encore de l’énergie après cette heure et de demi de folie.
Vous l’avez compris ce spectacle est à offrir et à voir. Satisfaction garantie !
Les Folies Gruss – Ici les artistes sont vos hôtes ! (folies-gruss.com)
L’Antichambre, J.C. Brisville, Tristan Le Doze, Théâtre Le Ranelagh
Quel homme incroyable que Jean-Claude Brisville, hélas peu connu du grand public. Écrivain, dramaturge, il a obtenu le Grand Prix du théâtre de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre. Scénariste de Beaumarchais, l’insolent, c’est surtout Le Souper en 1991 qui l’a fait connaitre. Peu de temps après, il a créé L’Antichambre, que Tristan Le Doze vient de mettre en scène dans le joli théâtre du Ranelagh.
Nous sommes en 1750, plus de vingt ans après la fin de la Régence. Marie du Deffand a été ce qu’on nommait une « salonnière ». Nombreuses à l’époque, riches et cultivées, elles accueillaient lors de leur « jour » savants et écrivains. Pendant la Régence (1715-1723), son amant le président Hénault s’est servi de ses relations pour la faire connaître. Mais hélas, le temps a passé et Marie du Deffand devient aveugle et a besoin d’une lectrice. Son choix se porte sur Julie de Lespinasse, la fille illégitime de son frère. Mais elle a deux requêtes : Julie ne rentrera pas au couvent et ne dévoilera jamais son identité. Mais les choses ne se dérouleront pas comme elles devraient…
Trois personnes sur scène. Deux être assis qui ont beaucoup vécu. Un homme. A sa droite, une femme. Dignes dans leurs fauteuils, dans cette pièce à la lumière diffuse, les bougies, les ombres, ils semblent dépenser leur dernière énergie à préserver ce qui fut eux. Mais ils parviennent encore à rester drôles, surtout le président Hénault, (talentueux Rémy Jouvin), qui arrive, malgré son dos courbé et ses jambes hésitantes, à camper encore la vie. Il reste cependant trop souvent statique. Et ne parlons pas de sa partenaire.
Soudain, à droite de la femme arrive une jeune fille si grande si vivante, qui danse, bouge et chante. C’est la lectrice. Personne ne l’a reconnue, mais la bâtarde est flamboyante et sa jeunesse insouciante. La haine que Marie du Deffand exprime à son égard va crescendo. Surtout que la jeune fille essaie d’émoustiller l’ancien amant de sa « tante ». Mais on n’y croit pas une seconde. La comédienne, bien que jolie, n’a pas la sensualité adéquate. Cette scène, comme d’autres, reflète une direction d’acteurs parfois poussive. Ils font ce qu’ils peuvent et ne s’en sortent pas mal.
Jusqu’au 14 janvier 2024
Théâtre Le Ranelagh, Paris XVIème
Les jeudis, vendredis et samedis à 19 H
Et les dimanches à 15 H
Déclarations d’amour à Dominique Dalcan, Caravane Passe et Silvestre y la Naranja
Cher Dominique Dalcan,
Je vous aime. Depuis votre album Cannibale en 1994. A l’époque vous mettiez tout le monde à terre avec des orchestrations léchées et des textes solaires. Et depuis, discrètement, vous avez œuvré avec un certain génie dans l'électro.
Et cette année, alors que les guerres explosent un peu partout, vous revenez avec un album féminin qui transpire toute la beauté du Monde Arabe. Je vous aime parce que ce disque est apaisant. Last Night a Woman Saved my Life m’a réveillé de ma torpeur.
On y entend des voix. Douces. Chaleureuses et combatives. A la manière de Grand Corps Malade, Dominique, vous saisissez en musique les troubles agréables que provoquent le chant des femmes.
D’origine libanaise, vous avez cette excellente idée d’offrir des plages sonores ouvertes à des chanteuses merveilleuses qui montrent la vitalité, la grâce et la diversité de l’art oriental. Grand bidouilleur devant l’éternel, vos chansons sur ce disque sont vraiment charnelles et nous transmettent une émotion vibrante et forte.
Entre modernité et traditions, le disque est une échappée belle dont on avait vraiment besoin. Pour tout cela, je vous apprécie toujours autant Dominique.
Cher Caravane Passe,
Je vous aime aussi. Comme Dominique Dalcan, vous possédez une ouverture d’esprit qui devrait être enseignée partout. Vous mélangez votre folie punk avec des folklores qui viennent de tout horizon.
On veut construire des murs en permanence et continuer à faire peur à tout le monde avec le mythe de l’étranger. Mais vous, vous défendez depuis des années, ce plaisir qu’il y a à rire, jouer et rencontrer l’autre contre tous les clichés possibles. Votre musique est une pétaradante démonstration de pensées humanistes et joyeuses.
Hotel Karavan montre que les portes sont grandes ouvertes à tous. Il y a plein d’invités qui entrent et sortent dans cette musique généreuse, ouverte à un style nomade. On entend même un fantôme, Rachid Taha. Mais tout cela reste festif. Face aux injustices qu’il devine, le groupe continue à faire la fête et veut faire rebondir dans tous les sens son auditeur.
Au bout de vingt ans de carrière, La Caravane Passe y arrive encore. Dans leur hôtel, les ambiances sont toujours différentes selon les pièces visitées mais il y a encore et toujours un humour irrésistible et une générosité qui se révèle en ce moment nécessaire pour ne pas céder à la déprime du mois de novembre.
Cher Silvestre y la Naranja,
Je vous aime depuis peu. Argentins, vous avez désormais du pain sur la planche avec un président ravi d’être le clone de Donald Trump. Il veut tout détruire (de l’enseignement aux aides sociales) parce que le marché doit décider de ce qui est nécessaire. Et pour ce genre de triste sire dopé à l'ultra libéralisme, la culture est un danger.
Donc comme tous les groupes d’Argentine, je vous aime et je vous soutiens. On sait que dans ce coin du Monde, le rock est farouche et ne devrait pas se laisser faire. Même si vous, Silvestre y la Naranja, vous ne faites pas dans le style bruitiste.
Mais j’aime beaucoup votre ironie à jouer avec les canons de la musique contemporaine. L’air de rien, vous avez aussi beaucoup d’humour pour fabriquer des petits hits pop, tranquilles et assez acides pourtant.
Sueno Citrico est donc un petit plaisir appétissant où les musiciens se laissent aller à des morceaux faussement légers. Les arrangements sont délicieux et l’exotisme vient plutôt de l’ironie du chanteur et de la gourmandise des musiciens. Ils en font trop dans la pop mainstream mais cela fonctionne bien et l’apparente inconséquence de ce quatuor peut avoir valeur de refuge pour les tristes jours à venir dans la politique ce pays si musical…
Aimer un artiste c’est aimer la liberté, la bienveillance et la richesse qui habitent chacun d’entre nous. Certains l’ont oublié. D’autres le chantent avec un talent entraînant et une espérance mélodique.
The Marvels, Marvel Studios
En tentant de féminiser à outrance son dernier film, Marvel montre un peu plus son incompétence à nous émerveiller.
Ça fait quelques temps que Marvel, machine à cash d’Hollywood, a bien du mal à se renouveler ou comprendre tout simplement ce que c’est, le cinéma.
Très fier d’avoir échafaudé tout un montage de liens entre les super héros, il y a désormais trop de nœuds entre les films ou les séries pour simplement faire un bon film. The MarvelS est moins décevant que les derniers long métrages mais on est loin des débuts de la firme…
Car désormais, si vous n’êtes pas à jour sur l’actualité des super héros Marvel, c’est dur de suivre. Si Captain Marvel avait droit à un premier film plutôt réussi, elle doit désormais partager l’affiche avec des copines beaucoup moins fascinantes mais présentes sur d’autres supports médiatiques made in Disney.
Il y a trop de monde dans le multiverse et il faut composer avec des méchants de pacotille et un scénario qui fera l’apologie de l’intelligence, l’entente et les bonnes blagues qui décontractent tout climax un peu tendu.
L’ensemble est bien fichu. On s’imagine plus dans un film de Star Trek. Il faut sauver des populations extraterrestres et notre petite planète bleue toujours à la merci de vilains psychopathes de l’espace. Ici hélas, la méchante est aussi charismatique qu’une tasse à café.
En face d’elle, le trio d'héroïnes se la jouent Drôles de Dames intergalactiques. La réalisatrice suit un peu l’exemple du dernier Thor en envoyant une grosse dose de second degré et de kitsch assumé dans l’aventure. Ça marche et parfois ça agace. La meilleure idée est d’avoir un film assez court qui ne se perd pas en effets spéciaux spectaculaires et dialogues abscons.
Une fois de plus, il y a un manque d’imagination totale dans ce volet. Le récit ressemble à tant d’autres. Le cahier des charges est le même que pour n’importe quel film de super héros. Comme pour les westerns, il y a fort bien longtemps, cela ressemble à la fin d’un cycle pour les héros en collants. Les filles ont encore la forme mais même le spectateur n’a plus l’envie d’y croire.
Au cinéma le 08 novembre 2023
Avec Brie Larson, Samuel Jackson, Iman Vellani et Teyonah Parris - Marvels - 1h45
Lehaïm – A la vie, Judith Zins, Théâtre de la flèche
“Lehaïm signifie en hébreux ''À la vie''. Pour moi ça veut dire : C'est pas rien d'être
vivant, vivante et ça se fête, ensemble, maintenant.”
Pour son seul en scène, Judith Zins nous invite littéralement à trinquer aux différents
chapitres de sa vie. A la vie, même !
Elle nous embarque dans un univers foisonnant, à la fois réel et imaginaire. Un monde où
les émotions sont vécues intensément.
Judith n’est pas seule face à nous. Elle est entourée par ses objets totem, source de
narration pour aborder divers sujets : l’enfance, le cinéma, les chiens (son chien), la
confiance en soi, la télé-réalité…
Ce spectacle déborde de vie et de générosité, à l’image de Judith sur scène.
Jusqu'au 08 décembre 2023
Théâtre La flèche, Paris XIème
Durée 1h05
de 11,99€ à 20,99€