GRAND REPORTERRE #8, Lucie Berelowitsch – Rokhaya Diallo, Théâtre du Point du Jour
Dans le cadre de la série de pièces intitulée "Grand reporTERRE", le Théâtre Point du jour laisse carte blanche à un.e metteur.se en scène invité.e.
C’est Lucie Berelowitsch qui s’est retrouvée à la conception du huitième Grand reporTERRE. La pièce s’est déroulée en collaboration avec la journaliste Rokhaya Diallo ainsi qu'avec la chanteuse Cindy Pooch.
La pièce qu’elles ont toutes trois présentée n’est pas tout à fait dans le respect des codes classiques du théâtre. Divisé en cinq parties, le spectacle se démarque par un fort engagement et une volonté de dénoncer le lien entre politique coloniale et violences policières. Ce juste parallèle est établi lors de la présentation au public des ex-politiques coloniales françaises, ainsi que des récurrences des violences policières. Sont aussi abordées les questions de responsabilité de la France quant à son passé ouvertement raciste et colonial, qu’elle ne semble malheureusement condamner qu’à travers des discours et non des mesures.
Au plateau sont mêlés chant, jeu théâtral, déclaration au public, projection. Cette multitude de supports amène à un fort dynamisme qui n’est pas sans rappeler celui de la télévision, où sont souvent utilisés divers supports afin d’étayer un argument.
Dans cette œuvre, les sujets abordés sont on ne peut plus -malgré leur violence- ancrés dans le réel. On peut alors se questionner sur le choix de recréer au plateau un podcast. En effet, ce recours au fictif (puisque ce podcast n’existe en fait pas), semble mettre à distance l’implication émotive envers les sujets abordés. La pièce reste malgré cela très juste en ce qu’elle dénonce.
Grand reporTERRE #8 n’est pas agréable au sens premier du terme, de par les sujets abordés. Il ne serait, en effet, aucunement possible de faire de l’agréable en parlant de sujets aussi graves. En ce sens, nous pouvons estimer qu’il s’agit d’une pièce nécessaire, en ce qu’elle dénonce clairement des sujets qui doivent êtres dénoncés et en ce qu’elle ouvre des questionnements sur l’identité, la reconnaissance d’une identité, le rôle de l’art dans les mouvements sociaux.
Les 07 & 08 novembre 2023
Théâtre du Point du Jour, Lyon
Durée 1h30
Ce que la Palestine apporte au Monde, Institut du Monde Arabe
Ouvrez bien les yeux ! Il y a de belles choses en Palestine, terre meurtrie et aliénée.
Voilà l’exposition qu’il nous faut. Voilà un message d’espoir que l’on n’attend plus. Ou que l’on n’entend plus. On balise tous les clichés sur la Palestine et se rend compte que la culture est un mot totalement inconnu lorsque on pense à ce pays enclavé.
Et pourtant. En ces temps meurtriers, on est surpris par la vivacité et l’espérance des artistes palestiniens. On rencontre des toiles et des œuvres qui nous racontent le destin dramatique du pays. Mais on découvre une modernité qui souffle sur tous les stéréotypes.
Face aux atrocités et à la désolation, on découvre des élans artistiques qui surprennent. L’humour est caustique mais souvent présent. La photo, les sculptures, les peintures et d’autres supports deviennent des hymnes à la résistance mais surtout à la vie.
D’ailleurs on appréciera la scénographie de l’exposition. Elle se divise dans l’Institut du Monde Arabe et se dilue dans les œuvres vénérables du musée. Car une fois de plus, ce que l’on voit n’est pas victimaire ou désespérant.
Le conflit entre le Hamas et Israël est évidemment présent dans nos têtes mais on découvre un art brut qui sait transformer le réel et interroge le présent. Il y a une vraie identité artistique. Elle dépasse ce que l’on voit sur les réseaux ou les infos. Cette exposition nous rappelle avec urgence, l’importance de l’art dans nos vies. Une expo à voir absolument !
Jusqu’au 19 novembre 2023
à l’Institut du Monde Arabe - Paris
Une année difficile, Toledano & Nakache, Gaumont
Nous vivons des moments difficiles… tout le temps finalement. Alors autant en profiter pour rire de tout cela dans un joyeux bordel bien organisé par les réalisateurs de Hors Normes.
D’ailleurs on vous prévient tout de suite : Hors Normes reste la référence de Toledano et Nakache. Tout y était finement réglé. La quintessence de leur cinéma généreux, social et un peu nunuche aussi, il faut l’avouer.
Une Année Difficile est un film beaucoup plus léger. Le duo semble s’amuser à faire rentrer les codes de Francis Weber dans leur cinéma. Ils se lancent dans les Compères version 2023. Avec Jonathan Cohen et Pio Marmai pour remplacer les indépassables Pierre Richard et Gérard Depardieu. Pourtant les deux comédiens s’amusent comme des petits fous.
Ils sont le vrai plaisir de ce film : le déprimé lessivé et le costaud au cœur tendre. Endettés, leurs personnages sont deux types largués et épuisés par une existence faite de déceptions, d’erreurs et de recours systématiques au crédit.
Attirés par une bière gratuite, ils découvrent le monde du militantisme écologique et rencontre une certaine Cactus qui donne des idées au duo de loosers : il y a des combines à inventer dans ce petit univers…
Les pieds nickelés vont donc se foutre royalement des convictions pour tenter de remonter la pente… Et ils se débrouillent bien pour multiplier les petits trafics rémunérateurs. Les comédiens se régalent et nous aussi par la même occasion.
Le long métrage a une vraie force comique qui emprunte aussi au cinéma italien et social. Une vigueur se dégage du film. Pourtant le scénario, lui, n’est pas à la hauteur. Eric Toledano et Olivier Nakache semblent se reposer sur leur duo à l’écran et attendent sagement des rebondissements totalement prévisibles et parfois assez lâches (peu crédible, le personnage de Mathieu Almaric). On pouvait espérer mieux.
Mais il ne faut pas bouder son plaisir en ces moments pénibles où l’on se fait engueuler par les mauvaises nouvelles et les guerres en tout genre. On rit. C’est déjà beaucoup !
Sortie le 18 octobre 2023
Avec Noémie Merlant, Jonathan Cohen, Pio Marmai et Mathieu Almaric – Gaumont – 1h50
L’Abbé Pierre – Une vie de combats, Frédéric Tellier, SND Films
Un honnête film du dimanche soir qui rend hommage à un impressionnant bonhomme dont le combat contre la pauvreté est toujours d'actualité.
Fils d'un riche industriel lyonnais et catholique, Henri Grouès consacra sa vie au Christ en devenant frère Capucin, un ordre de moines qui vivent dans une pauvreté. Mais il était trop fragile pour cette vie dénuée de tout.
"Vous n'êtes pas fait pour les capucins (...) vous serez plus utile ailleurs" lui dit le Père Abbé au bout de sept ans.
Après le monastère, Henri Grouès connaitra le désert, s'engagera dans la Résistance, se fera élire député avant de fonder Emmaüs, "un endroit pour ceux qui n'ont plus rien", un lieu où les exclus sont accueillis sans qu'on leur pose de questions, sinon celle de savoir s'ils ont faim. Rebaptisé "Abbé Pierre", Henri Grouès dédiera alors son existence aux plus pauvres. "Servir avant soi qui est moins heureux que soi" fut sa devise.
Car pour l'Abbé Pierre, un homme est un frère, tout simplement. Sa générosité sans œillères et l'intensité de son indignation forcent l'admiration.
Benjamin Lavernhe (de la Comédie française) impressionne par son interprétation de l'Abbé Pierre, de ses vingt ans jusqu'à ses quatre-vingt-quatorze ans. Au-delà de la transformation physique (d'ailleurs plutôt réussie) à grand renfort de prothèses, ce qui m'a le plus frappé, c'est la façon dont le comédien redonne vie à la voix l'Abbé, à sa diction si particulière à la fois fragile et chevrotante mais d'une force et d'une détermination sans failles.
J'apprécie aussi que les auteurs du scénario aient mis à l'honneur Lucie Goutaz (interprétée par Emmanuelle Bercot), celle qui fut la compagne de route de l'Abbé et la cheville ouvrière d'Emmaüs.
Pour le reste, le film est vraiment réalisé au gros sel. Le réalisateur, Frédéric Tellier, ne lésine pas sur le lyrisme un peu grandiloquent. Au menu notamment: beauté des paysages et musique expressive (avec cuivres et roulements de tambour crescendo pour faire monter l'émotion). Par moments, le film devient vraiment n'importe quoi au plan visuel ! Il y a parfois d'étranges zone de flou à l'image. Et dans la période "rock star" de l'Abbé (après qu'il a lancé un appel retentissant à la générosité à la radio à l'hiver 1954), on voit simultanément jusqu'à six Benjamin Lavernhe à l'écran, à grand renfort de split screens,
L'Abbé Pierre, une vie de combat est clairement un film de producteurs qui ont fait appel à un bon film maker et qui ont engagé un comédien capable de tenir le haut de l'affiche. Ils n'ont pas lésiné sur les moyens. Comme en témoignent le nombre de figurants et la qualité des costumes et des décors signés Nicolas de Boiscuillé, le film n'est pas fait à l'économie. On sent cependant un peu trop l'ambition de rentabiliser les 15M€ de budget en surfant sur l'image d'Emmaüs (à qui ne seront pas reversé de royalties).
L'Abbé Pierre, une vie de combat, est au demeurant un film honnête dont les auteurs se sont vraiment documentés. On n'est pas dans un biopic américain où tout est faux ! C'est un bon film familial dont il faut espérer qu'il remettra à l'honneur un message et un combat malheureusement toujours d'actualité.
"En temps de guerre, on ne dit pas Pouce, y a plus de sous !"
Au cinéma le 08 novembre 2023
SND Films | WY Productions
137 minutes
T-ma-vie-en-t-shirts, Haruki Murakami, 10/18
A la demande d'un magazine japonais, l'écrivain Haruki Murakami a commis une série d'articles qui sont aujourd'hui compilés en un court livre illustré et intitulé "T - ma vie en t-shirts".
L'auteur précise tout de suite qu'il s'agit d'un livre sans prétention : "Je ne suis pas sûr que ce livre sera d'une quelconque utilité à qui que ce soit (et encore moins qu'il contribuera à résoudre les innombrables problèmes du monde actuel). " (page 11)
Haruki Murakami fait tout son possible pour se rendre sympathique en multipliant les adresses au lecteur. "Vous n'êtes pas d'accord ?" (page 24), "vous en conviendrez" (page 45), "vous ne vous sentez pas concernés ?" (page 109), "vous n'êtes pas d'accord ?" (page 145).
Personnellement, cette connivence artificielle m'a vite lassé. Et puis, on peut aussi penser que, sous cette légèreté revendiquée se cache en réalité une grande prétention. Car il n'en faut pas manquer pour sortir un livre aussi creux (même si, j'en conviens, on a bien le droit d'écrire, et de lire, des livres légers).
Certes, ce n'est pas désagréable et c'est très vite lu mais, franchement, c'est assez vide. Autant, en série d'articles estivale, ça peut être sympa, autant cela ne mérite pas le détour par la case édition, ni les 9,60 € qu'il vous en coûtera pour acheter le bouquin, sauf si vous voulez l'offrir à votre (grand) père boomer qui pense rester dans le coup en portant des t-shirts de jeune.
Parution en poche le 02 novembre 2023
10/18 Collection Littérature étrangère
192 pages / 9,60€
Hélène Morita (traduction)
MAIRO – OMAR CHAPPIER – Monde libre (2023)
MAIRO aka Le cavalier sans tête , M A I R le légendaire, l’aventurier sans son aventurière, la patte brisée, la patte brisée, LEZGO BABY. Ce rappeur suisse originaire de Genève nous a sorti ce projet le 19 mai 2023, sous le label suisse créé par lui-même et son frère HOPITAL, Monde libre. 2 ans après son dernier EP Rougemort et un projet en commun avec son ami SLIMKA, Qui a volé le soleil ? Avec une cover d’EP magnifique : un cavalier sans tête dans le désert, œuvre du rétro-futuriste Dexter Maurer, MAIRO revient en force.
Aaaah, ce bon rap qu’on aime tant. L’artiste nous emmène directement dans son monde. Notre cher MAIRO fier de ses origines suisses nous a pondu une ode aux rimes "riches" , aux basses puissantes accompagnées de flows divers et variés grâce à son frère, producteur de l’EP, le mystérieux HOPITAL. De quoi nous réanimer avec en perfusion du rap comme on n'en fait plus. Tout au long du projet, des feat incroyables ne nous laissent pas d’autre choix que de se briser la nuque sur le rythme de la prod et un rap technique comme avec Implaccable , H JeuneCrack , Wallace Cleaver , NeS. Une compo qui honore ce rap qu’on aime, pas de refrain, juste ça rappe, sans état d'âme et dévoile l'étendue du talent. Une ode au rap francophone. MAIRO garde un œil sur le business, mais reste loin de l’industrie musicale et de ses vices, il veut garder son identité et continuer avec les siens. En toute indépendance et sans orgueil.
MAIRO déploie dans cet EP un véritable éventail de flows, de skills, des couplets incisifs. Il joue totalement entre la “new-gen” avec les différents feats et le rap oldschool en utilisant par exemple un sample d’Arsenik dans le titre “la mouche”, et n'hésite pas à évoquer un certain attachement politique et philosophique, en terminant le titre par une citation de l'écrivain Ousmane Sembène, personnalité connue pour ses partis pris militants pour l’indépendance du Sénégal “Pourquoi voulez-vous que je sois comme le tournesol qui tourne autour du soleil ? Je suis moi-même le soleil. ».
Quel EP ! Vous vous amuserez des commentaires de l'artiste alternés avec des prods puissantes qui laissent place à un rap sévère, riches de rimes techniques et de ses invités qui honorent le projet. Un opus parsemé d'excellentes mélodies efficaces qui rentrent en tête instantanément. Pour ceux qui ont eu la chance de le voir plusieurs fois en concert et ceux qui ne l'ont pas encore vu, ne le manquez pas : une bête de scène. La foule est rapidement captivée et emportée par des titres qui sont devenus des classiques. MAIRO n'hésite pas à faire des références à ses anciens projets.
A découvrir !
- Crack Crack :
“ Bientôt j'écris vos textes
Bientôt j'écris vos textes, les rappeurs faites moi confiance (hmm)
Avec moi dans la boucle
T'as du feu dans la bouche
(C'est nous on donne les nouveaux prices) ”
- 2 jackets :
“ J'ai soufflé dans mes mains
Et j'ai mis ma veste
J'ai l'front à Doja Cat
Mais j'suis chaud comme deux jackets
J'ai pas assez d'billets
J'suis comme le fer, j'vais pas m'laisser plier
Dieu distribue, les hommes se servent ”
Vjeran Tomic : l’homme-araignée de Paris – Jamie Roberts – Netflix (2023)
Anatomie de la misère humaine. Le documentaire de Jamie Roberts est actuellement sur Netflix. Splendeur, misère et pieds nickelés au programme !
En mai 2010, cinq tableaux de maître sont volés au musée d’Art Moderne de la ville de Paris en une nuit. Le Pigeon aux petits pois, de Picasso, La Pastorale, de Matisse, L'Olivier près de l'Estaque, de Braque, La Femme à l'éventail, de Modigliani et Nature morte aux chandeliers, de Léger. La valeur estimée de l'ensemble de ces toiles diffère selon les sources : 100 millions d'euros selon la direction du musée, 500 millions d'euros selon le parquet de Paris. Le voleur n’est autre que Vjeran Tomic, dit l’homme-araignée. Le documentaire revient sur l’événement raconté par le voleur lui-même.
Le scenario a tout d’un Arsène Lupin ou d’un Agatha Christie. Quel est donc cet homme-araignée de Paris qui a fait ce casse historique ? Et pourtant… Rapidement, on se sent très mal à l’aise devant un Vjeran filmé face caméra qui raconte avec un langage qui ferait passer Audiard et Frédéric Dard pour des Précieuses comment depuis son enfance il a malgré lui basculé dans la délinquance. A sa décharge, Vjeran vit dans un milieu familial où la violence fait partie du quotidien. Précarité. Son père bat sa mère et le bat régulièrement. Il décroche scolairement, s’engage dans l’armée où il performe mais dès son retour dans la vie civile, il bascule de nouveau dans la délinquance en volant des autoradios puis en décidant de s'attaquer aux biens des riches habitants du triangle d’or de Paris et du 7e.
L’homme est une force de la nature et enchaine les exploits physiques pour aller détrousser les riches en gravissant les façades et en passant de toit en toit, avant même les acrobates de Parkour d’aujourd’hui. Il s’introduit la nuit chez les gens pendant leur sommeil et prend bijoux, tableaux. Il raconte son stress en grimpant, son émotion quand il s'agit de fouiller les chevets à proximité des dormeurs. L’homme à la mine patibulaire - mais presque 😉 - sourit et s’amuse devant la caméra des vols commis. La fierté et la désinvolture qui se dégagent du personnage étonnent. L’argumentaire développé contre les riches peine à convaincre et on en vient à douter de la pertinence du reportage, du focus fait sur le voleur plus que sur les victimes ou sur la police. Vjeran raconte la vie de délinquance et de l’argent facile, des fêtes et de la prostitution. Une vie jonchée d’instabilité et d’une certaine misère humaine alimentée par le vol qu’il considère comme un travail, un métier, en dehors de toute conscientisation de l’acte et de ses conséquences. Avec pour bonne conscience et comme seul moteur la haine des riches.
Le pire est probablement atteint lorsque le lien est alors établi avec le receleur répondant au nom de Corvez. L’homme au patronyme digne du Rastapopoulos de Tintin est antiquaire et escroc. Il n'est pas un téméraire. Le jour, il travaille avec de nombreux voleurs dans sa boutique parisienne et, la nuit, joue les grands bourgeois dans sa vie privée, nous dit le reportage. Une vie illusoire de bourgeois grotesque en grande banlieue qui repose sur la petite délinquance parisienne et le vol des riches parisiens, ce qui donne une belle idée de la grandeur de l’homme. Le reportage nous informe : Corvez est le commanditaire du vol, le génie du mal qui a oublié le génie.
Vjeran raconte alors comment il a réussi à entrer dans le Musée en passant simplement par une fenêtre dont il a démonté la vitre. Un peu plus, il rentrait par la porte... La partie peut-être la plus amusante du documentaire, si elle n’était pas dramatique pour les cinq tableaux. On pensait avoir touché le fond. Mais non. Fabrice Hergott, le directeur du Musée témoigne en évoquant une faille de sécurité majeure connue de la hiérarchie et de sa responsabilité en tant que directeur. Dans son bureau, assis devant sa bibliothèque, le notable témoigne. Il appuie sur la grande valeur des objets volés et sur l’aspect tragique de l’affaire pour l’histoire de la peinture. Et là le spectateur s’interroge. Il se moque de nous lui-aussi ? C'est une blague ? Mais comment un directeur responsable de la sécurité du Musée peut-il encore être en poste ? On relit plusieurs fois le sous-titre… Eh bien oui, j’ai bien lu, le gars est toujours en poste ! On recherche sur Wikipedia. Confirmé. Toujours en poste ! Un vol a été commis dans le Musée, cinq œuvres majeures ont disparu, le Monsieur est Chevalier de la Légion d’honneur et Officier des Arts et des lettres, il sait que son Musée est une passoire, il bafouille quelques mots, mal-à-l’aise devant la caméra et voilà. Miseria est mater omnium artium ! On se demande bien à quoi cela peut bien servir d’avoir un directeur !
Et puis il y a Guillaume, le sans domicile fixe ami de Vjeran avec qui celui-ci échange régulièrement par téléphone. C’est grâce à l’écoute de leur conversation que les premières pistes policières pour coincer Vjeran Tomic en flagrant délit de vol sont suivies. Guillaume a l'air bien gentil. Il se tape des gueuletons avec Vjeran. Pour finir, le documentaire nous achève avec Yonathan Birn, expert et réparateur de montres de prestige qui aurait récupéré une partie des œuvres du Rastapopoulos mais qui les aurait détruites, comme Corvez. Parce qu’il ne suffit pas d’être receleur et menteur, de peur, les œuvres auraient tout simplement été détruites et jetées à la benne à ordure par ces messieurs !
Assez ! Stop ! N’en jetez plus ! On reste surpris par tant de misère humaine et de médiocrité filmée. La police a totalement perdu la trace des toiles. Le directeur toujours en poste. Guillaume sur un banc. Six ans de prison pour Birn, Sept ans pour Corvez, avec saisie de ses biens, huit ans et une belle amende pour Tomic. Le seul moment d’espoir réside probablement dans les quelques minutes finales du reportage durant lesquelles on assiste à la sortie de détention de Tomic, en présence de sa courageuse compagne, amoureuse. Quelques minutes tournées vers l’avenir dont on espère qu’il sourira autrement à un Vjeran sorti en pleine forme. Filmé en extérieur, Vjeran fait des tractions et témoigne encore d’une belle vélocité…
Les dernières minutes du documentaire sont dédiées au Rastapopoulos retrouvé après sa détention. L’homme filmé en gros plan en caméra épaule menace tout simplement de violence physique les journalistes venus le questionner pour avoir des nouvelles des toiles. Le documentaire coupe avec un bel arrêt sur image de sa bobine grimaçante en gros plan. Du grand art…
Un mauvais Balzac contemporain. Vite ! On passe à autre chose ! Fermons quand même bien les fenêtres avant d'aller nous coucher ! Hein Vjeran ?
Vjeran Tomic : L'homme-araignée de Paris | Site officiel de Netflix
Article du Monde sur le procès : Sur la piste des cinq chefs-d'œuvre volés au Musée d'art moderne de Paris en 2010 (lemonde.fr)
Le Cabaret Africain, Meziane Azaïche, Cabaret Sauvage
Le Cabaret Sauvage devient Africain pour quelques séances et nous offre un visage vivant de la richesse du continent. Un spectacle qui fait du bien au moral !
Les clichés sur l’Afrique pleuvent. Ils sont nombreux et souvent teintés de racisme. Ils réduisent le talent et l’envie d’un continent qui ne baisse pas les bras et qui surtout est sacrément remuant.
Bien entendu, il y a la musique. Dans le spectacle de Meziane Azaiche, créateur et directeur du Cabaret Sauvage, elle devient le fil rouge malgré des rythmes et des styles différents. On ira de l’afro beat au zouglou.
Soro Solo, journaliste et ici conteur, prend les commandes d’une succession de tableaux et défriche les stéréotypes sur les Africains, leur Histoire et leurs héros. C’est une œuvre militante mais passionnante car elle se nourrit de la culture et des arts.
Le groupe englobe la musique pour en faire un récit puissant, pas toujours accessible pour les plus jeunes, mais souvent des artistes viennent entrecouper avec élégance les multiples récits qui abordent l’Afrique de manière différente. Le divertissement se teinte délicatement de politique. Sans trop en faire.
Joyeux et insolent, le cabaret se met en branle pour nous offrir un autre visage et nous élever un peu au-dessus de nos mornes habitudes ou la triste presse quotidienne. Le cirque, le théâtre et la musique se mélangent pour donner un condensé de spectacle militant mais heureux d’exister et de partager de la joie et du plaisir.
du 29 septembre au 22 octobre 2023
au Cabaret sauvage, 75019, Paris
J’aurais voulu être Jeff Bezos | Arthur Viadieu | Théâtre de Belleville
Qu’il est gentil Monsieur Bezos. Qu’il est innovant Monsieur Bezos. Toujours prêt à nous servir et à satisfaire nos besoins, même ceux qui n’existent pas encore ! De l’intelligence artificielle à la robotique en passant par « le divertissement à l’infini », Jeff Bezos et Amazon sont sur tous les fronts.
Le spectacle J’aurais voulu être Jeff Bezos met en scène l’univers Amazon. Sur la base de faits documentés, on en apprend plus sur Jeff et sa vision du monde. Il y a tout d’abord l’homme qui prône l’audace, la créativité et l’innovation. Puis il y a sa mission. Une mission mystérieuse qui englobe la robotique, les outils de Machine Learning, l’intelligence artificielle et la conquête de l’espace. Transformer, optimiser et innover. Cet homme se positionne au dessus de la mêlée tel un guide, un prophète dans notre univers consumériste.
Tremblez consuméristes de tous horizons ! L’heure de la critique et de la rédemption a sonné. Mais contre toutes attentes, nous sommes invités à rire en débarquant sur une drôle de planète farfelue. Joyeux patchwork, les comédiens jonglent avec multiples genres : alexandrins, témoignages, pièce basculant dans le vaudeville. Avec humour et énergie, les comédiens nous surprennent.
Pièce à multiples facettes, innovante et surprenante. Un peu à l’image de Jeff Bezos.
Jusqu'au 31 octobre 2023
Théâtre de Belleville
Durée : 1h30 | de 13,50€ à 30,50€
De et mise en scène Arthur Viadieu. Avec Roma Blanchard, Chloé Chycki, Bob Levasseur, Mathias Minne, Claire Olier
Furie, Leonor Oberson, Théâtre La Flèche
Saviez-vous que seulement deux femmes dans l’histoire, ont participé à un grand prix de Formule 1 ? Saviez-vous seulement qu’une femme pouvait être pilote de Formule 1 ?
Pour ce seul en scène, Leonor Oberson nous embarque dans l’épopée d’une jeune pilote de Formule 1 douze heures avant son Grand Prix.
La jeune pilote Hélène Chatterton vient de se qualifier pour son premier Grand Prix de Formule 1. La pression est de plus en plus palpable, et douze heures avant la course, Hélène n’arrive pas à trouver le sommeil. Au bord de l’explosion, elle se remémore son parcours. Elle retrace des moments clés de son passé dans une odyssée vibrante où la réalité et l’imaginaire s’entremêlent.
Leonor Oberson, auteur et interprète de ce spectacle, découvre ce sport il y a trois ans à travers un documentaire Netflix. Alors qu’elle trouvait cette discipline archaïque, elle se met à regarder les grands prix tous les weekends et s’imagine même devenir pilote !
Mais justement, où se trouvent les femmes dans ce sport ? C’est en regardant un documentaire “Une pilote", avec Margot Laffite, qu’elle décide de questionner le genre de ce milieu. Dans « Furie », la pilote transgresse les règles et se libère du cadre et des exigences de ce milieu.
Mais loin de se cantonner à un questionnement du territoire masculin ou féminin, son récit devient exploration. Elle décide d’utiliser son propre fantasme pour imaginer les douze heures avant le départ. Ce seul en scène est une succession de séquences, rythmées par le compte à rebours qui ne cesse de défiler. Cette tension est palpable à travers le rythme du jeu de Leonor Oberson. On ressent la pression et l’urgence dans une quête qui va mener inexorablement à la machine.
C’est également le rapport au corps et à la machine que Leonor Oberson questionne. Comment s’articule cette attraction ? tour à tour domination, fusionnelle voire érotique.
Les scènes s’enchainent et on reste suspendu à cette histoire, interprétée avec brio, intensité et humour.
Du 06 octobre au 8 décembre 2023
Théâtre La Flèche, Paris XI
1h10 | de 12€ à 21€ TP
Texte & jeu Mise en scène Leonor Oberson & Clémence Coullon Collaboration artistique Alexis Gilot Créateur lumière Pacôme Boisselier Créateur sonore Timothée Sarran Intention chorégraphique Lilou Robert Soutien Bourse Adami Première fois