The Outsider
Le regard bleu de Jared Leto mérite un film. C'est fait. Mais c'est à peu près tout dans cet étrange produit multiculturel.
Car le comédien de Requiem for a dream a vraiment de beaux yeux. Ils sont tristes. Ils sont profonds. Ils font oublier le coté un peu fadasse du comédien qui rêve aussi d'être une rock star. Depuis qu'on l'a découvert dans la série Angela 15 ans, Jared Leto a une carrière bien particulière. Gros machins hollywoodiens. Productions indépendantes. Rôles difficiles. Cabotinages insupportables. Jared Leto peut réjouir comme il peut décevoir.
Reste son regard plein de spleen. Ce sera notre point de repère dans The Outsider. Le héros a appris à ne rien laisser transparaitre. Pour éviter les problèmes. Pour montrer son respect. Américain perdu dans un camp de prisonniers japonais, il sait rapidement que la réserve est la meilleur arme pour survivre dans le Japon des années 50.
A sa sortie de prison, il est pris en main par un yakuza authentique qui va l'initier à cette vie de voyous. Evidemment ses origines posent un problème à toute une bande d'Osaka. Cela explique le quasi mutisme du héros et l'interprétation quasi neutre de Jared Leto. Le film fut descendu par la critique en Amérique. Franchement ce n'est pas un nanar.
Ce n'est pas non plus un polar puissant et original. C'est juste une oeuvre ouverte, avec un mélange déjà connue entre la culture occidentale et les traditions japonaises. C'est donc esthétique et efficace en même temps. Le scénario ne réserve aucune surprise mais il est vrai que le jeu du comédien a de quoi dérouter. Tadanobu Asano, sorte de Russell Crowe nippon, lui vole la vedette.
Le réalisateur, danois, rend hommage à Kitano, Scott ou Wong Kar Wai, tous ses artistes qui ont osé le mélange entre l'Asie et l'Occident. Il y a de très jolies filles, de très belles images, de belles idées mais il y a un étrange peur de surprendre. Le film n'est qu'un énième film de gangsters avec de l'honneur et de la trahison. Ce n'est pas un désastre. Juste un produit qui doit être vu sur toutes les rives de la Terre.
Avec Jared Leto, Tadanobu Asano, Shioli Kutsuna et Kippei Shiina - 2h - netflix - 2017
The Magic Gang
Il y a une certaine ironie entre le nom du groupe et la pochette de l'album. Les musiciens de The Magic Gang ne sont pas forcément à leur meilleur avantage. Mais les apparences sont trompeuses. On n'attaque pas le physique. L'humour a toute sa place dans cet album réjouissant.
C'est un peu la revanche des nerds. Ils n'ont pas le physique des boys band mais les petits jeunes de The Magic Gang a surtout du talent. Leurs chansons font référence à tout un style des années 90, mené par Weezer et Fountains of Wayne. Des chansons simples sur des thèmes simples. Mais la simplicité empêche la facilité.
Ils viennent de Brighton mais ils n'ont pas la même culture que les défenseurs de la pop. C'est un peu plus musclé et très instinctif. Ce ne sont pas des sauvages non plus. C'est encore un quatuor anglais qui possèdent viscéralement toutes les clefs pour réussir dans la musique!
Ils ont donc tout des types aimables mais leur son va un petit peu plus loin. Ils apprécient la fausse légèreté de Big Star. Les harmonies cachent un portrait doux amer de l'existence. Il y a un humour dans leurs compositions mais il est bourré d'ironie.
Les anglais ont tout de même l'art de nous sortir très souvent un petit groupe surdoué que l'on voudrait éternel. les membres de The Magic Gang sont assez irrésistibles. La musique passe avant tout. Les riffs percutent la mémoire. Les refrains déroutent tellement ils sont évidents. Les musiciens sont heureux de chanter et jouer ensemble. Il y a toute la fraicheur d'un premier album qui explose en quelques chansons humbles et jubilatoires. Après Shame, l'Angleterre semble nous faire regretter un peu plus le Brexit.
Warner - 2018
Et toi tu regardes quoi comme série ?!
Cette semaine, un peu de sérieux ! Pas de délires pas de folies, pas de fête du slip à raconter n’importe quoi, on fait dans la chronique sérieuse et posée, on va parler séries, on va se mettre au chaud pour la fin de l’hiver, qui est déjà censé être le printemps mais vu les oscillations de températures ma bonne dame, rien ne dit que le joli ciel bleu du week-end ne redevienne pas tempête de neige, et quand y’a tempête, bah y’a canap, et quand y’a canap, bah y’a série…
Aussi, faisons tranquillement un petit top joli top des séries qui, dans la plus grande subjectivité, tendant au maximum de l’élastique de mon boxer short vers la plus grande objectivité, des séries à ne pas louper, forcément j’en oublie, forcément tu vas encore pigner que c’est pas assez tout ça tout ça, mais voilà mon avis, rhoooooo !!!
1. Peaky Blinders : Dispo sur Netflix après être passée sur Arte, l’histoire d’un gang familial de crapules dans le début du 20ème siècle à Birmingham…sans doute une des meilleures séries des 10 dernières années, personnages, acteurs, musique, intrigue, décor, surprise, suspens, histoire…magnifique sur 4 saisons.
2. Mindhunter : Un jeune loup un brin timide du FBI au milieu des 70’s invente ou presque le profilage, la psychologie criminel pour mieux comprendre les cerveaux malades des serial killers…visites de prison, des face-à-face improbables avec des grands tarés meurtriers, des résolutions de crimes quasi psychiques, dérangeant, déroutant, fort…
3. Godless : Bienvenue dans le far-west, mais attention, loin de Terence Hill et de Bud Spencer, ça brigand de grand chemin, ça dramatique lourd, ça tire à tout va, ça joue sur le mental, ça paysages absolument sublimes, ça dérange un peu aussi…magnifique.
4. La Casa del papel : Si le nom ne fait pas rêver à la base, si le fait que la série soit espagnole, pas maitre du genre a priori, il faut à peine un petit ¼ d’heure pour se laisser embarquer dans ce braquage de la maison de la monnaie à Madrid ; des personnages racées, un cerveau du gang absolument surprenant, une Saison 1 (la 2 arrive début avril) qui embarque, accroche, abime, habite.
5. Le bureau des légendes Saison 3 : Of course, les deux premières saisons étaient déjà de haut vol, mais la 3 continue de surprendre de la plus belle des façons ; en plein cœur du cœur de la DGSE, entre flip et intrigue, entre rôle taillé ciselé joué subtilement…un régal.
6. Engrenages Saison 6 : La vie du commissariat du 19ème arrondissement pourrait lasser après tant d’années, mais non, on continue à suivre les aventures toujours borderline de cette escouade pas toujours très clean et dans les faits et psychologiquement. Du très bon !
7. Black Mirror Saison 4 : Comme dans les 3 premières saisons, on se projette juste 20-30 ans demain…on part de la base contemporaine (Réseaux sociaux, robots, intelligences artificielles, l’humain et le digital), on secoue bien fort, on imagine que tout ça ne va pas donner que du bon dans les générations futures…et ça donne Black Mirror, flippant, troublant, déroutant. Onctueux comme les 3 premières saisons.
8. Strangers Things : Si la première saison avait enthousiasmé de par ses foultitudes de références aux 80’s, le jeu d’acteurs des petits comme des grands, et une intrigue que se tenait malgré un alliage monde réel-monde parallèle toujours très casse-gueule, la deuxième, encore plus périlleuse, tient toutes ses promesses, voyez, j’vous avais dit que je serai gentil, bah j’suis gentil !
9. Narcos Saison 3 : Pablo Escobar n’étant plus, il apparaissait difficile de tenir la distance sans le « personnage » principal…et bien non, figurez vous que cette 3ème saison qui se concentre sur le cartel de Cali, transpire peut-être même plus de vérité sur la Colombie des 90’s où il ne faisait définitivement pas bon habiter ou de s’opposer aux grands barons de la cocaïne…encore parfait !
10. Plus belle la vie saison 26 épisode 689365 : Non je déconne.
Voilà, c’est offert, c’est cadeau, tu prends, tu jettes, tu gardes, tu conserves, tu réfléchies tu me reviens, tu me dis oui ou non, tu Netflix, tu Canal, tu streaming, tu VOD tout ça en semaine ou le dimanche, mais tu fais ce que tu veux.
Allez j’vous embrasse.
Bleu Jane
Heureusement il y a encore des types qui ont des idées folles et qui les partagent avec plaisir!
Ca va être difficile de mettre une étiquette sur les épaules du musicien canadien, Julien Sagot. Autodidacte et passionné, le gaillard sort un troisième album qui va vous faire sortir de votre zone de confort, terme que l'on entend désormais partout dans la presse, dès qu'on veut passer à la ligne.
C'est fait! Car tout le monde va le dire: Julien Sagot c'est un drôle d'oiseau. Son Bleu Jane a des teintes que vous n'avez jamais entendu. C'est un type qui a une idée très précise de la création musicale et ca ne correspond pas du tout aux standards de la radio ou les canons habituels.
Les dissonances, ca ne lui fait pas peur. Les structures, ca ne les intéresse pas trop. Il aime bien faire ce qu'il veut. Et il se sent bien dans l'invention. Donc Bleu Jane forme un tout, protéiforme et farfelu. Ce n'est pas facile d'accès mais la fraîcheur du compositeur est évidente. En quelques notes, il vous mène à une poésie sonore, urbaine et juste.
On est finalement toucher par son atypisme. La créativité explose comme des coups de pinceaux sur une peinture. La liberté est la sensation (agréable) de ce troisième essai. Comme pas mal de compositeurs canadiens, Julien Sagot a vraiment l'intention de se battre avec les conventions et abuse de toutes les audaces. Le résultat est réellement bizarre mais comme dans un film de Lynch, l'impression de labyrinthe sensible donne l'impression d'un vertige. Quand un disque arrive à faire ressentir, il est très loin d'être mauvais. Le bleu à l'âme de Julien Sagot a toutes les raisons de vous intriguer!
Ici d'ailleurs - 2018
Pacific Rim 2 uprising
Le premier volet était un drôle de blockbuster. Normal, il était signé Guillermo Del Toro, géant du fantastique qui a bien du mal à se faire à Hollywood malgré les récompenses qui pleuvent sur son dernier ouvrage, La Forme de l'eau. Dans Pacific Rim, il prouvait qu'il en connaissait un peu plus que tous les producteurs de Los Angeles en matière de culture geek.
Le film n'avait pas bien marché aux Etats Unis mais il fut un carton en Asie, nouveau marché à développer. Donc Universal remet le couvert avec la guerre entre les Kaijus, cousins venus d'une autre planète de Godzilla et les Jaegers, robots géants qui doivent beaucoup à Goldorak et tous ses copains japonais.
Puisqu'il faut que ca plaise à tout le monde, Del Tora laisse sa place à Steven S DeKnigh, venu de la télévision. Le bonhomme doit donc tout standardiser pour que cette fois ci Pacific Rim devienne une franchise à succès, partout sur la planète.
Mais on est loin du rêve geek désormais. Les monstres géants et les robots impressionnants passent au second plan. Ce qui est important c'est introduire un peu de jeunesse et faire de Pacific Rim, un divertissement aimable et lisse. Donc pour diriger les robots, on fait appel à des momes. Comme c'est Hollywood, les petites canailles méritent des claques et on se demande qui a eu cette charmante et idiote idée. On ne serait pas contre une distribution de bourre pifs dans les bureaux d'Universal.
En gros, cela lorgne sérieusement du coté de Transformers. Les robots sont des boules de pétanque qui cassent de jolis décors numériques. Heureusement la base concue par Del Toro est solide et il y a quelques restes qui ne sont pas désagréables. L'humour de cour de récré n'envahit pas les dialogues qui oscillent pourtant entre bloubiboulga scientifique et obsession maladive de sauver le Monde! C'est afligeant. Les Goonies font de la mécanique, c'est peut être cela l'idée du créateur de la série de Daredevil qui, espèrons le, va rapidement retrouver son média favori.
Car ici John Boyega est mauvais. Le fils d'Eastwood est aussi expressif que une crotte de nez de son papa. Seuls, les anciens du premier épisode sont à l'aise dans les eaux troubles de la bréche. On est vraiment loin de la réussite du premier volet, qui tentait de dévier la pop culture vers quelque chose de nouveau. Là, c'est la victoire de la standardisation. C'est divertissant mais c'est vraiment fade. Après l'invasion des super héros, les geeks sont ils vraiment l'avenir du blockbuster??
Avec John Boegya, Scott Eastwood, Charlie Day et Burn Gorman - Universal - 21 mars 2018 - 1h50
All Nerves
On ne les attendait pas. Les soeurs Deal sont de retour et c'est une petite leçon de liberté qu'elles nous donnent.
Kim Deal, bassiste des Pixies, monte un groupe avec Tanya Donelly, grande héroïne du rock indépendant des années 90. Les Breeders profitent de la vague grunge pour émerger et le groupe connait un succès fulgurant avec Last Splash et son titre Cannonball. Donelly a été remplacée par la soeur de Kim, Kelley et leurs engueulades seront célébrés durant des années. Les filles ont un tempérament de feu et le groupe va brûler très rapidement.
Il y a une dizaine d'années, elles sortaient un quatrième anecdotique et puis plus grand chose. Et maintenant, les revoilà avec la formation de Last Splash. La bassiste Josephine Wiggs et le batteur Jim McPherson tournent de nouveau avec les soeurettes. L'envie d'un album se fait sentir.
Le vieux complice, Steve Albini, producteur de pas mal de chefs d'oeuvre grunge, leur propose un enregistrement direct et sans bidouillage. Les filles sont à l'aise et retrouvent l'inspiration. 25 ans après leur succès, elles sont en grande forme et séduisent à nouveau.
Le disque est une succession de titres rock, racés et épurés. Tout est à sa place, comme si les ennuis et les ans n'avaient pas de prise sur le quatuor. C'est le vrai successeur de Last Splash. Les problèmes de drogues et tout le tralala du rock'n'roll sont derrière. Les filles ne se préoccupent que de musique et cela s'entend.
La production dans sa simplicité est un joli pied de nez à la production actuelle. Le groupe se sent libre. Pas de contrainte. Juste le plaisir de jouer à quatre. Comme au bon vieux temps. Ce n'est pas de la nostalgie: c'est un groupe bien vivant. L'aventure des Breeders n'est pas finie: c'est une très bonne nouvelle et un excellent disque.
4AD - 2018