Dos Tios

Le vent, la pluie, les tempêtes, les avalanches... Tio Manuel vous propose de vous égarer dans un endroit un peu plus chaleureux. Ne refusez pas l'invitation.

C'est un plaisir simple. Une guitare dobro, un harmonica et une simple six cordes. C'est une valeur sûre. Derrière Tio Manuel, il y a Manu Castillo, une vieille connaissance du punk des années 80, avec La Souris Déglinguée. Il a eu plusieurs vie et découvert d'autres genres dont le blues, la racine de tout!

C'est donc en vieux loup que Tio Manuel rode désormais dans les prairies, les déserts et tous les décors du cinéma américain. C'est une sorte de caméléon, très à l'aise avec le trésor musical américain. Il descend même dans le sud car il y a une touche latine qui fait toute la différence.

Il reprend ici des vieux titres de son répertoire et les rejoue avec une volonté de dépouillement. Il croise donc son talent avec celui de Gilles Fégeant, et cela donne un bon disque de blues. On oublie le passé et le blues s'accroche avec une aisance déconcertante au présent.

Les instruments nous bercent. l'élégance des accords caressent nos oreilles. La colère est plus rentrée et la force des histoires prennent le pouvoir. Tio Manuel nous emmène dans un univers riche composé d'histoires différentes mais qui nous divertissent au plus haut point. Le baroudeur se fait sentimental et ca nous plait beaucoup.

Avec des mélodies presque candides, Tio Manuel nous transporte vers la mythologie la plus spectaculaire, la plus accessible aussi. Loin de tout, le chanteur semble poursuivre son rêve. C'est touchant et c'est ce qui fait toute la grace de cet album brut et tendre à la fois!

Closer - 2017

Le Portrait interdit

Le portrait interdit ou le casse tête chinois d'un cinéaste passionné par l'Asie.

Un jeune jésuite doit peindre le visage de la concubine d'un empereur chinois. Le jésuite est un aventurier il y a quelques siècles. Au nom du seigneur, il a tout de même quitter la France (Dole dans le cas de notre héros) pour arriver à la cour des seigneurs Chinois qui toléraient ses religieux. Une concubine est une aventurière. L'empereur aurait tendance à la délaisser. Pour sortir de la routine, elle lui demande une peinture exceptionnelle et originale.

Le film de Charles de Meaux a dû être une aventure. C'est un habitué et un passionné de l'exotisme asiatique. Il a produit tous les films (obscurs) du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, lauréat d'une Palme d'Or. Il a déjà tourné en Asie mais là, il pousse le plaisir un peu plus avec une imitation quasi totale d'un film chinois en costumes, avec grande foule dans la cour et petits pas dans le palais.

Il n'a pas le soutien du parti communiste chinois, donc son film reste intimiste. Il s'offre une méga star du pays mais doit tout de même faire dans l'évocation. Mais le bonhomme a de l'imagination, c'est ce qui fait généralement les grands aventuriers.

Ce n'est pas un grand cinéaste hélas. Il y a l'élégance. Du début à la fin. Mais il n'y a jamais vraiment l'opposition pourtant proposé par le sujet entre l'Asie et l'Occident. Entre l'émotion et le sentiment. Entre la femme et l'homme. C'est tellement retenu que parfois, il faut l'avouer, il ne se passe plus grand chose. Les acteurs sont très biens. Les décors comme les costumes nous permettent un voyage total dans le temps. Mais on s'ennuie car l'histoire est entendue. Cette dame de pouvoir est prise au piège tout comme notre pauvre Jésuite qui découvre la force du désir.

On aurait aimé un peu plus de lyrisme et d'inventions. Mais on devine tout de même la volonté d'un auteur, qui semble réaliser son drame historique et intime... à l'autre bout du Monde. Pour cela, Le Portrait Interdit est une oeuvre louable et que l'on vous interdira pas de voir. Bien au contraire.

Avec Fan Bingbing, Melvil Poupaud, Shi-Jye Jin et Yue Wu - rezo films - 20 décembre 2017 - 1h44

Coincoin bless you ou la vie Trump

 

On s’y attendait, on n’est pas déçus, on sentait bien que l’élection du gars Donald à la tête du plus puissant des pays laissait entrevoir un joyeux bordel sous l’impulsion de ce que l’Amérique pouvait fournir de plus beauf et pathétique, un an après son arrivée réelle au pouvoir, 25000 tweets de bas étage plus tard, 100 parties de golf après, 1000 citations de gros lourd after, nous avons les deux pieds dedans et ça commence même à sentir le derm de pitbull façon collante sous la godasse.

Elu sur base de démagogie primaire promulguée aux quatre coins des US à grand coup de « votre usine de charbon qui est fermée depuis 30 ans, bah chers amis du Kentucky on va la faire fonctionner de nouveau », de « après ta belle-mère qu’est-ce que tu détestes le plus, les mexicains ? ok, va pour les mettre derrière un mur, truc jamais refait depuis les timbrés de la Stasi Est-allemande », j’en passe, autrement dit promettre avec la certitude d’enfler tout le monde ce que tout le monde veut entendre, on pensait le truc éculé, qu’en 2016 ou 17 ou 18 c’est le genre de trucs qui ne marcheraient plus…bah si mon con.

Même un jeune boutonneux sur la base de promettre à tous ses potes de collège 8h de sport par semaine et 2h de math et non l’inverse pour se faire élire délégué n’y arriverait plus…lui oui. La FDJ proclamerait dans une pub la garantie de gagner au Loto 1 fois sur 2 plus et non plus 1 fois sur 5 millions, même le plus abruti des blaireaux hurlerait au loup…mais Donald, lui, en faisant pareil, s’est fait élire, hop là !

Depuis, il enchaine les outrances et les outrages, dont le dernier en date consiste à clamer haut et fort qu’Haïti ou Porto Rico (dont il ignorait l’existence il y a encore un an) sont « des pays de merde », tweete à tour de gros doigt sur tout et n’importe quoi, tend le plus gros d’entre eux de doigt pour un big fuck à l’écologie, à l’avenir du monde, rien n’a foutre de rien hein hein.

L’excellent bouquin « Fire and Fury » développe en mode investigation inside the White House que Trump est l’archétype du ricain moyen moins, bouffeur de cheeseburger, confins ignare, qui connait mieux son trou du cul et le bout de son nez en géo bien plus que de savoir placer un pays vieux de deux mille ans sur une carte. Quand le nombrilisme et l’ignorance sont attribués à un footeux surpayé, c’est déjà limite, alors président des US…ça fait un peu beaucoup mal au derch mais tu vis avec.

Mais cela ne fait qu’un an seulement, oui, et par déduction bande de futés il nous en reste trois avec sa tronche de raté ; alors tout porte à croire que nous ne sommes pas au bout de nos surprises…imaginons sans trop s’avancer, quoique espérons quand même que non, les dix trouvailles de Donald dans les mois et années à venir :

1. Vexé par la victoire des Toronto Raptors sur les New-York Knicks en play-off de la NBA 2018, il décide de construire un mur de 9000km le long de la frontière canadienne.
2. Après un tweet où il se montre entièrement nu avec 4 stagiaires naines en chantant de la country, il décide de déclarer la guerre à l’Irak ; de toute façon suite problème de mœurs d’un président américain, il faut faire la guerre à l’Irak, c’est la règle.
3. Les USA obtiennent la Coupe du Monde 2026 de foot et Trump annonce qu’il la transformera en Coupe du Monde de Football américain, what a fuck the soccer.
4. Après un entretien en off avec Kim-Jong-un, il trouve finalement le mec sympa, et décide de former une armée américano-coréenne, re déclare la guerre à l’Irak juste pour s’échauffer puis à l’Autriche, prétextant qu’Hitler s’y cache encore.
5. Il déplace l’Ambassade des Etats-Unis en France à Chantilly, parce qu’il y a un golf, et beaucoup moins de blacks qu’à Paris.
6. Il accuse Tiger Woods, Lebron James et Martin Luther King à titre posthume du meurtre de JFK et les fait emprisonner pour haute trahison en réouvrant Alcatraz juste pour les deux premiers.
7. Il renomme la Maison Blanche The Donald House, Disney s’insurge sur le plagiat de la Maison de Mickey, du coup il réquisitionne les parcs Disney d’Orlando, de L.A et de Paris, pour les renommés TrumpLand et Trumpland resort, et remplace les ventes d’oreilles de Mickey par des kiosques de vente de perruques blondes.
8. Confondant le Président de l’Inde et Angela Merckel avec un couple de personnels de ménage durant le sommet du G20 2019, il les séquestre dans une cave du Palais des congrès de Moscou ; on retrouvera leurs corps 8 ans plus tard.
9. Il se représente à sa propre ré-élection et la gagne…mouhahahahahahahahahaah, j’sui con des fois j’vous jure !
10. Il décide que l’Afrique ne sert à rien, de fait, la fait retirer de l’ensemble des livres de géo des petits américains, un emoji doigt d’honneur avec une chevalière « Donald bless you » la remplace.

Pauvre merde.

Songs of praise

Le premier electrochoc de l'année nous vient évidemment d'Angleterre, avec un disque qui sent bon le fish & chips, la biture et la colère de lads.

Shame sera donc le groupe à la mode en ce début d'année 2018. Ils sont jeunes. Ils sont fougueux. Ils sont tellement mal habillés qu'ils sont trop cools pour tous les critiques de la planète. Ils semblent bien vivre dans les années 80: sur les photos, on dirait les contemporains tout aussi tourmentés de Joy Division.

Les premiers titres nous plongent réellement dans le bouillon supersonique du post punk british. Mais ils restent néanmoins modernes car la rage du chanteur est bien celle de notre époque. Ils sont juvéniles mais ils maîtrisent avec une incroyable dextérité leur énergie.

Les Anglais sont toujours très forts pour nous sortir de jeunes groupes biberonnés à la culture pop de leur pays. Là, c'est impressionnant. Le chanteur Charlie Steen est un aboyeur de première. Il permet pourtant à ses copains de s'amuser musicalement.

Ils aiment les années 80; cela s'entend mais il est vrai qu'ils empruntent à beaucoup d'illustres ainés sans en avoir l'air. On est époustouflé par le souffle puissant et bien chargé de Steen qui pourrait être un membre de la famille Gallagher: un working class hero dans toute sa splendeur. Shame pourrait avoir toutes les qualités sonores et mythologiques pour être le premier groupe post Brexit pur et dur.

C'est un peu plus que la démonstration du rock garage, sous genre très à la mode chez les indépendants que l'on écoute dans cet album pas du tout honteux. Au fil des titres, il y a une sorte de lyrisme, de cinématographie qui se ressent. C'est un bordel finalement bien organisé et qui nous fait vraiment le don d'un sentiment, d'une émotion. C'est toute la classe typiquement britannique que l'on retrouve dans ce premier album spectaculaire.

Evidemment, aussitôt apparus, il peut avoir de fortes chances que les héros de Shame disparaissent après un succès ravageur mais il est vrai que cet album est marquant et a moyen d'être une référence dans les années à venir

Dead Oceans - 2018

the bad batch

Finalement Netflix c'est la résurrection du vidéoclub avec son lot de nanars à découvrir et de choses un peu étranges ou un peu ratés.

La plate forme Netflix produit des séries et des films à petits budgets. Netflix propose une gamme de films qui n'intéressent plus les studios. Spielberga a poussé sa gueulante il y a quelques années sur la folie des grandeurs des studios qui produisent désormais que des gros films dont le budget mettent en péril l'industrie. Les coups de poker sont devenus la norme à Hollywood.

Donc les moyens et petits budgets sont assez rares et c'est grâce au streaming que l'on voit de nouveau des petits films, courageux, ratés, marrants, lourdingues mais originaux. Sur Netflix, c'est de la série B qui prime mais dedans, on a bien vu des choses intéressantes, qui sortent du lot!

C'est le grand principe de The Bad Batch: les marginaux, les voyous, les rebelles, les éléments dysfonctionnels de la société sont jetés à la frontière des Etats Unis dans un No man's land désertique. Une jeune fille s'y retrouve et découvre le cannibalisme. En une journée, elle perd l'avant bras et la jambe mais réussit à échapper à l'appétit de détraqués bodybuildés.

Et puis le survival devient autre chose. Une espèce de déambulation romantique dans une monde de brûtes. La réalisatrice nous fait plonger dans l'horreur avant de nous tirer vers le haut! Vers quelque chose de plus éthéré. de plus délicat. La belle victime n'est pas qu'une blonde bornée. Le gros costaud n'est pas qu'un vilain carnivore. Le film n'est pas qu'un nanar post apo. Il y ressemble beaucoup. Beaucoup de stars (Jim Carrey ou Keanu Reeves) viennent faire coucou dans une intrigue flottante qui fait preuve d'un romantisme étonnant, naïf, en totale contradiction, avec la violence du genre. C'est donc du grand n'importe quoi. Mais comme c'est atypique, inadapté et très bizarre, on ne peut pas condamner ce drôle de petit film zonard!

Avec Suki Waterhouse, Jason Momoa, Jayda Fink et Keanu Reeves - Netflix - 2017

Wake up Now

Allez tout le monde debout! On se réveille et on danse avec ce gentil boy scout, Nick Mulvey, cousin éloigné de Jack Johnson.

Comme le surfeur chanteur, il aime la nature, les amitiés et les chansons optimistes. Il apprécie la simplicité et les rencontres. Petit anglais barbu, il aime regarder et écouter au delà de ses frontières et cela s'entend dans son second disque, collection de chansons folk "united colors of". Avec lui nous ne sommes pas loin du cliché de l'artiste engagé, qui aime le Monde dans sa globalité et qui écrit des chansons pour tous les charts de la planète.

Heureusement Mulvey est novice et on veut bien se faire avoir par ses chansons riches effectivement des sons d'ailleurs. Il y a bien cette guitare sèche qu'il partage avec Johnson et tous ces doux illuminés du rock qui veulent un monde meilleur.

Mais il y a un choeur capricieux que l'on pourrait voir venir d'Afrique. Il y a cette idée de transe qui fonde l'énergie de ce deuxième album. Sa voix imite des chants tribaux. C'est osé. Ca pourrait être maladroit mais la plupart du temps, cela fonctionne très bien.

La construction des titres est sophistiquée mais permet une cohabitation entre les influences absolument flamboyante, à l'image de la pochette, composition colorée et détaillée. Le diable est dans les détails. Ici, c'est un enfer de mélodies et d'instruments. C'est charpenté et chaloupé pour nous proposer une belle évasion dans une musique optimiste et subtile. Avec des cordes et des percussions, le bonhomme fait la différence et on se prend à rêver d'un monde meilleur.

Dans l'hiver froid, voilà un disque qui réchauffe!

Caroline - 2017

The Visitor

Comme les Stones, Neil Young continue de faire l'actualité malgré sa longue expérience. Récemment il offrait à tous ses archives. Il en profite aussi pour sortir un tout nouvel album.

Durant l'été, il a montré qu'il fut le roi de la folk en retrouvant un vieux disque pas totalement fini mais captivant. Il a sorti ainsi le meilleur album de l'année. Avant Noel, il a mis en ligne tous (je dis bien tous) ses enregistrements depuis ses débuts.

En même temps, il sort son trente neuvième album. Il retrouve pour l'occasion les petits jeunes de Promise of the real, qui tente de remplacer le Crazy Horse. Ce que cherche Neil Young avec eux, c'est bien entendu l'énergie pour accélerer quand il faut.

Car à 72 ans, le Loner ne s'arrete plus. On le dit au fil des chroniques (tous les trois mois environ): la productivité de Neil Young s'accèlère avec le temps. Ca peut ressembler à n'importe quoi. Des albums sont franchement gachés mais diablement vivants! C'est incroyable cette vitalité.

C'est ce que l'on retiendra de ce nouvel album, foutraque. Canadien, Neil Young est donc un étranger dans les Etats Unis de Trump et il le fait savoir sur ce disque qui évidemment est rempli de colère et de revendications. Le vieux hippy a encore de la ressource.

Mais il s'emporte un peu trop vite. Le disque donne parfois l'impression d'être une ébauche, une succession d'essais plus ou moins inspirés. Il y a du blues, des chansons pour les stades, des choses légères et un inévitable jam un peu trop appuyé. Ce n'est pas un grand cru mais comme Woody Allen au cinéma, une oeuvre de Young a toujours des qualités qui nous rassurent.

Ici on entend de superbes ballades. Dans ses disques peu aboutis, il y a toujours des pépites qui transcendent l'ensemble. Même quand ce n'est pas génial, eh bien, ca vaut le coup d'écouter ce barde agé, ravi de ne pas être sage.

Reprise - 2017

Les heures sombres

Le biopic bien carré sur ce politicien tout rond et tout bougon qu'était Winston Churchill! Joe Wright possède tout le flegme britannique pour venir à bout de ce périlleux projet.

Le réalisateur Joe Wright défend toute la culture anglaise qui s'exporte si bien au cinéma. Il a commencé avec Jane Austen (en 2005 avec Orgueil et Préjugés) puis a poursuivi avec des films typiquement british. Lorsqu'il s'essaie à autre chose, il est franchement maladroit ( sa version de Peter Pan et le polar Hanna). Il revient donc aux basiques en s'intéressant au plus célèbre des Premiers Ministres du Royaume Uni, Winston Churchill!

Un exercice difficile tant le personnage relève de l'icone identitaire! Mais Wright retrouve ses réflexes d'habile faiseur et limite son évocation aux premiers jours au pouvoir de Churchill, lorsque la guerre frappe de plein fouet l'armée britannique. Ce dernier est bien coincé entre la violence des nazis qui envahissent plusieurs pays en même temps et les petites combines politiques qui deviennent de nombreux pièges.

La politique et son isolement. Les arcanes du pouvoir comme un sous sol de la démocratie où tout n'est pas beau à voir et à entendre. Le film nous promène dans les palaces royaux et les cabinets de guerre. Il nous fait partager le quotidien d'un homme porté sur la bouteille et l'humour. Un père de famille absent. Un homme politique redoutable. Pourtant il est incroyable car il a des doutes et des imperfections comme le souligne sa femme campée par une épatante Kristin Scott Thomas.

Il faut bien des comédiens exceptionnels pour faire face à un Gary Oldman, qui dépasse l'imitation de l'homme politique. On oublie le maquillage et on devine les failles de cette légende de la politique anglaise. Oldman est truculent: il était fait pour ce rôle hors norme.

On aurait aimé un film hors norme aussi. Cela reste du bel ouvrage avec quelques belles idées de cinéma. C'est un peu long mais le devoir historique du film est respectable et un film sur le courage politique, n'est pas inutile à une époque où le cynisme régne.

Avec Gary Oldman, Kristin Scott Thomas, Stephen Dillane et Lily James - universal - 3 janvier 2018 - 2h08

Chaines info…le stagiaire du jour de l’an


Ahhhh ça oui, il est des vies que l’on ne peut envier, celle d’un SDF dans le froid québécois qui vient de paumer sa chaussette droite, celle d’un réfugié syrien cloitré à la frontière kurdo-irakienne avec un avenir aussi dégagé qu’une traversée de D958 à 22h20 en plein hiver (Celle qui va de Sée à Argentan dans l’Orne, oui, j’avais envie), celle d’un veilleur de nuit en abattoir à Valenciennes, celle d’un morpion accroché à un pubis d’actrice porno amateur, celle du coiffeur personnel de Trump ou encore celle de l’homme de ménage d’origine malienne d’Eric Zemmour…

Mais, malgré les sunlights apparentes, et pas nécessairement des tropiques qui se racontent en musique, certaines vies semblent elles aussi peu enviables, quand on les aperçoit au travers du petit écran. Celle du stagiaire reporter pour chaine Info durant la période des fêtes, appartient sans nul doute à cette catégorie.

Et oui ma brave dame, à la télé les places sont chères, il faut jouer des coudes, faire ses preuves, ni dieu ni maitre ni amis ni amours, et si, au début de ta carrière de journaliste, on te demande d’aller couvrir un 25 décembre ou un 1er de l’an, une tempête de bretonne dès 5h30 du mat dans un bled désertique du Finistère, et bah tu y vas…

Accompagné d’un preneur de son lui aussi stagiaire, et un caméraman, qui le sera tout autant, stagiaire, tu devras accepter de dire adieu à la dinde de Noël de mamie ou encore à toute idée de faire, comme au bon vieux temps, la bringue avec tes potes en hurlant « bonnneeeee annnnnééééeeeee » déguisé en cotillon géant lors du 31…non, ta vie pour les prochaines années sera d’aller là où aucun autre reporter confirmé ne veut aller.

En plateau, la prise d’antenne sera assurée par les deux Ken et Barbie eux aussi stagiaires qui t’appelleront le « correspond sur place », tu auras la mouillette, calé sur le rebord mouillé de front de mer, le vent en pleine tronche, levé depuis 3 du mat dans l’espoir de croiser un jogger courageux venu braver les bourrasques, juste histoire d’avoir de quoi remplir tes 32 passages de la pré-matinale au journal du midi, car oui, ça sera ton privilège, comme le monde semble s’arrêter de tourner les jours de fête de fin d’année, toutes le lumières seront braquées sur toi.

De l’autre côté du petit écran, des dizaines de milliers de français les yeux mi-clos, haleine de poney péruvien chargée à la téquila de la veille, café trop fort et tartines difficiles à avaler, te regarderont en grommelant d’emblée «non mais z’ont vraiment rien à dire sur BFM TV à part les trucs de tempête » ! Et oui, là où t’as vraiment pas de bol, c’est qu’un 1er de l’an sur deux, en Bretagne, y’a tempête ; bon, l’autre année sur deux tu pourras toujours te contenter d’interroger les vingt mêmes débiles qui se foutent dans l’atlantique glacée à 8h du mat avec des bonnets de bains à piquetons fleurs tulipes en hurlant des « ah bah ça saisit un peu au départ mais après elle est bonne »…t’auras gagné ta journée tiens mon con !

Mais attention, ça ne sera pas ta seule mission brave gars, car pour être un bon stagiaire envoyé spécial pour chaine info, ton année sera longue, il te faudra sans nul doute signer la charte des « commandements de l’envoyé spécial stagiaire », que voici :

1. J’accepterai sans broncher de partir avec une voiture de location dans un endroit qu’aucun GPS ne connait, tout ça parce qu’un arbre est tombé sur une maison de retraite et qu’il fallait que j’y aille.
2. Je galérerai comme un dingue pour trouver un témoin dans un village perdu d’Alsace afin de savoir s’il a voté ou non FN un dimanche d’élection cantonale. En acceptant de me faire traiter de « juif bobo gauchiste », car pour l’électeur du FN, même stagiaire, un journaliste est juif bobo gauchiste.
3. J’apprendrai à rebondir sur des lancements plateau inintéressants croire creux vides du type « Preuve de cette vague de froid, ce -22C constaté dans les Vosges, où nous rejoignons d’ailleurs sur place… ».
4. Et que là c’est à toi et tu vas devoir broder 40 secondes autour de ce -22C, dans les Vosges, où tu es, à base de « en fait, ici on les sent bien les -22C, de mémoire d’habitant, on n’avait jamais vu ça depuis 1954, comme en témoigne Mme Gérard, habitante de 89 ans… » et là tu lanceras ton sujet avec l’amère sensation de travailler pour Groland TV.
5. Tu accepteras d’être entouré de supporters de foot bien tartinés à la bière de table après une ½ finale de Coupe de France un soir de 1er mai, alors que tous tes potes font barbecue dans ton jardin et on regardait le match à la cool, pendant que toi, tu attendais comme un con le lancement du JT Nuit pour intervenir et que des supporters beuglent derrière ton dos téléphone portable dans la main gauche pour dire à leur pote « ouaisss gros regarde j’suis sur Cnews derrière le mec à lunettes » et corne de brume dans la main droite qu’il ne manquera pas d’actionner au moment où tu es en direct, pour, un, te faire chier, deux, te rendre sourd, à tel point que le mec en plateau ne comprendra rien de ce que tu racontes et reprendra l’antenne…et tu feras le zapping en passant pour clown.
6. Tu en auras ras-le-bol de répéter 10 fois la même non-info devant l’Elysée un soir de remaniement ministériel pendant 3h, dans le froid, avec tous tes potes envoyés spéciaux, et que cette phrase « non ici à l’Elysée, toujours pas d’informations à part quelques rumeurs à mettre au conditionnel, donc toujours pas d’infos non… »
7. Tu connaitras les Vosges par cœur et pourras épater ou pas tes amis.
8. Tu finiras par coucher avec ton preneur de son car mine de rien, les départs dans les Vosges à -22C, ça crée des liens…

Un bien beau métier, bon courage mec, et surtout la santé hein, car c’est important la santé.

Bright

Bright, le premier blockbuster de Netflix s'est fait détruire par la presse américaine. Dans l'inconscient, le film de David Ayer a tout pour être l'ennemi du cinéma. Mais il est juste l'ennemi du bon goût! Rien de plus.

Car le nouveau film de David Ayer est assez laid. On ne va pas parler de son héros orque qui n'est pas très beau. Non, on va effectivement critiquer la photo du film, jaune pisse et on a le triste sentiment de voir un cinéaste incapable de filmer Los Angeles et ses crimes.

Michael Mann a marqué son art avec sa facon naturaliste de filmer la violence urbaine et son décor. Beaucoup de réalisateurs veulent faire la même chose sans aucun talent. Et le style de David Ayer s'est beaucoup détérioré depuis qu'il a essayé de faire un film de super héros, Suicide Squad. Pourtant il fut l'auteur de quelques polars secs et californiens.

Ici il rapproche donc l'heroic fantasy au polar. Les orques, les elfes et autres personnages légendaires partagent notre quotidien. Il y a longtemps, on s'est mis royalement sur la tronche mais depuis la dispartion du Dark Lord, la paix est relative et la coexistence entre les races se fait malgré tout.

Car les problèmes sociaux sont les mêmes. Les Elfes sont des riches et les orques, de grosses racailles à grosses dents. Au milieu, il y a un flic taciturne obligé de faire équipe avec le premier flic agent de police avant tout!

Sa vie n'est pas simple. Et elle va se compliquer le soir où il met la main sur une baguette magique et une elfe apeurée. Les ripoux veulent lui faire la peau. Un trio d'elfes albinos veulent lui faire un peau. Un gang veut lui faire la peau. les fédéraux de la magie veulent lui faire la peau. Bref, bright veut dire brillant, mais ce flic passe une sombre soirée.

Les ambitions de Ayer sont évidentes. Un gros buddy movie avec une touche fantastique. Une Arme fatale cruelle et uchronique. Un navet sans humour mais rigolo. Car Ayer imite en réalité une série B de 1987 où les monstres étaient des aliens: Futur Immédiat Los Angeles.

Bright est donc le miroir déformé du Los Angeles actuel. Mais c'est à peu près tout ce qu'il y a à voir dans ce polar répétitif et sans grande imagination. L'enjeu industriel semble plus important que l'identité artistique du film. Will Smith s'ennuie. Les méchants orques sont ridicules. La violence est mal placée. Noomi Rapace continue de s'enterrer dans des séries B qui ne sont pas à la hauteur de son talent. L'action est prévisible. Ce n'est pas un gros navet honteux. Mais juste un film paresseux qui gache une drôle d'idée. Si la liberté des séries impressionne à la télévision, ce n'est pas encore le cas des blockbusters produits par la télévision. Netflix n'a pas encore sorti son grand film populaire. Petit écran, petites ambitions!

Avec Will Smith, Joel Edgerton, Noomi Rapace et Edgar Ramirez - 1h50 - Netflix - 2017

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