What if Nothing
En France, on ne connait pas ou peu Walk The Moon. Ailleurs ils ont cartonné avec quelques chansons pop joyeuses et légères. Mais le groupe doit désormais faire face à une terrible épreuve: que faire après un succès mondial?
Nick Petricca aime se déguiser. Il est le chanteur de Walk the Moon mais il adore les looks absurdes et les maquillages exubérants. Il rebondit partout et en plus, il chante plutôt bien. Il ne pouvait pas rester inaperçu avec son groupe de Cincinnati, Walk the Moon.
En 2014, le groupe balance des hits à la pelle avec l'album jaune Talk is Hard. Le succès a usé le groupe qui se remet en question après avoir connu tous les excès, les fatigues, les drames... Inspiré par la new wave mais aussi le rock, le groupe a un art certain de la pop grand public mais pas trop sacrifiée aux modes.
Le quatrième album montre que le groupe a connu des tiraillements. Il y a des choses électro pop et des objets sonores plus rock, voir punk. On devine les interrogations d'un groupe face au succès et à l'attente. Ils font donc un peu de tout mais avec un peut trop d'empressement. Il y en a pour tous les gouts. Certains titres seront bien installés sur les radios californiennes et d'autres seront plus discrètes.
Talk is Hard synthétisait sans aucune erreur la pop actuelle. Là, c'est un peu plus caricatural mais ce n'est pas déshonorant non plus. Le quatuor reste sympathique car il y a toujours de l'énergie qui force le respect. On pourrait même les soupconner de conserver une douce ironie face à leur art de la pop.
La pochette ressemble au sentiment que donne le disque: un patchwork un peu grossier de différents genres. Les liens entre les styles sont plus gros et le résultat impressionne moins que dans le précédent album. On ne leur en veut pas: l'exercice était vraiment dur!
RCA - 2017
Last Call
Je suis un tueur en affaires. Un chasseur de têtes. Je vends du rêve américain. Je suis au téléphone 70 heures par semaine et je profite du système à fond. Je suis le meilleur. Le loup de Wall Street, à coté de moi, c'est le clochard de Beverly Hills. Je suis joué par Gerard Butler, le roi des beaufs donc évidemment tu dois regarder ce film avec des sentiments.
Car c'est peut être la première fois que Gerard Butler décide de montrer qu'il a un petit coeur qui bat. Il interprète un requin qui baigne dans un océan d'avares omnubilés par l'argent et les clients. Comme il a tué des méchants par milliers, Gerard Butler, ca ne le dérange pas le capitalisme dans ce qu'il a de plus caricatural. D'ailleurs, la caricature, c'est un peu son fond de jeu à notre Gege, qui mine rien, file sur les traces de Steven Seagal ou Christopher Lambert.
Donc notre chasseur de tête va oublier le luxe, le business et les dollars quand un médecin va lui annoncer que son fils a une leucémie. Le rêve américain se brise et l'infame cadre redécouvre son petit coeur qui bat et que les autres, ce ne sont pas des chiffres ou des résultats financiers. L'équilibre vie privée vie professionnelle était précaire.
Là c'est carrément la catastrophe mais l'homme, le mâle, va devoir faire des choix cruciaux entre son humanité ou son portefeuille de cadre dynamique sans pitié et sans peur. Il va redécouvrir les choses simples de la vie, sa femme, ses enfants et tous les instants ricoré qu'il avait oublié.
Mais la mort rode. Il y a donc des scènes cruelles où Gerard Butler musclent ses larmes et son regard de chien triste. Il n'est plus le héros huilé et décidé mais un homme normal, victime des affres du Monde. Un père qui a oublié son sens des responsabilités et qui les retrouve un peu trop tard.
On devine l'hommage appuyé à ce cinéma généreux de Frank Capra. Dommage ce n'est pas ce dernier qui a réalisé ce Last Call, mélodrame ultra démonstratif comme une compétition de monsieur Univers. Les patrons sont des gros cons avides de pouvoir. Les femmes sont des victimes. Les hommes sont des abrutis. Et les enfants sont malades. C'est déprimant. Last Call sera mon dernier nanar de l'année, j 'espère!
Avec Gerard Butler, Gretchen Mol, Willem Dafoe et Alison Brie - Marco Polo
Monolith of phobos
Tous les clichés du psychédélisme sont là. De la pochette au troisième oeil, jusqu'au titre mystérieux qui pourrait sortir d'un livre de sf des années 50. Heureusement, il y a un petit plus dans ce disque qui fait tourner la tête.
Sean Lennon, fils de John, a rencontré le bassiste de Primus, le doué Les Claypool. Visiblement le courant est bien passé et les deux ont fusionné en un groupe ouvertement psychédélique: le Claypool Lennon Delirium. Le fiston de John a toujours aimé les ambiances ouatées et partage avec son papa, un regard assez éthéré sur la musique. Les Claypool est un type doué mais un peu jemenfoutiste. Effectivement les largesses musicales du genre vont parfaitement bien aux deux musiciens.
Qui se lachent comme des lions jetés dans une arêne. Ils tentent tout et souvent cela fonctionne. Bizarrement, ils vont chercher le moindre tic du genre pour le mettre dans leurs compositions mais ils réussissent à éviter la redite.
Bien entendu on grimpe dans le rock enfumé, qui s'essaie à tous les sons et les alliages les plus baroques. Les deux hommes trippent littéralement sur leurs instruments mais cela ne relève pas de la fumette dans un studio entre deux hurluberlus.
C'est largement accessible. On n'osera pas comparer avec les grands noms du genre mais dans la lignée de Tame Impala, le groupe assure. On a souvent peur du disque de branleurs. Ce n'est pas le cas. Les mélodies sont délicates et les instruments s'imposent en harmonie sans grande démonstration. Parfois on les perd un peu en chemin mais l'impression du disque est bonne, vivifiante et sincère.
Ca plane pour eux. Et pour nous!
Ato records - 2017
Jungle
Pour ceux qui veulent se faire mal sans trop souffrir, je vous conseille fortement la filmographie de l'Australien Greg McLean, spécialiste du film qui martyrise, qui sort son nouveau film physico-physique, le très vert Jungle.
On a découvert ce cinéaste avec Wolf Creek, et son chasseur australien fou qui traquait les touristes au fin fond de l'Australie. C'était déjà un spectacle rude et sans concession. Pour montrer qu'il aimait le bon gros film bourru, il a encore martyrisé des touristes avec le nature Rogue et son crocodile affamé.
Depuis le réalisateur a enchainé les films durs, couillus et bourrus. Il a déja décu et déconcerté. En bon Australien, le gaillard ne fait pas dans la demi mesure. Il le prouve une fois de plus avec Jungle qui raconte le calvaire réel de Yossi Ghinsberg, perdu pendant trois semaines dans la forêt amazonienne.
Après trois années dans l'armée israelienne, le jeune homme a besoin de voir ce qu'il y a au bout du monde et voyage seul durant un an. A La Paz il fait la connaissance d'un baroudeur qui veut l'entrainer dans les contrées inconnue de l'Amérique du Sud. Avec deux autres amis, il décide de partir avec son petit sac à dos et ses espoirs d'aventures!
Il va être servi: la nature ne fait pas de cadeau et la jungle devient un piège qui se replit sur le jeune barbu, innocent et rêveur. Daniel Radcliffe en prend plein la tronche. Le petit Harry Potter veut s'émanciper du rôle qui lui a offert la renommée et n'en finit pas de choisir des personnages torturés et moins lisses que le petit sorcier. Ici, il se fait mal.
Et le spectateur souffre avec lui. MccLean sait vraiment plonger le spectateur au coeur de la douleur, de la nature, de la minéralité et du désespoir. Le chemin de croix est une idée de cinéma pour McLean. C'est un peu long mais Jungle ne veut pas être un film poli et il s'acharne à ne pas être glamour ou rassurant. Juste pour ca, on dit merci! Welcome to the jungle!
avec Daniel Radcliffe, Alex Russell, Joel Jackson et Thomas Kretschmann - 2017
Witness
Depuis l'arrivée de Donald Trump, il y a quelque chose de pourri dans le royaume américain. Benjamin Booker se propose d'être le témoin de ce monde agité.
On ne compte plus les insupportables contradictions du président américain. On n'a plus le temps de s'indigner des drames, des scandales et des morts qui font le quotidien de l'Amérique et des twit stupides qui s'échappent de la maison blanche. Ce genre d'époque c'est souvent bon pour la culture et la contre culture: cela multiplie les inspirations. C'est le cas du musicien roots, Benjamin Booker.
Après un premier album réussi, le jeune homme de Virginie est tout simplement écoeuré par le racisme de son pays et décide de partir au Mexique pour composer son second effort, dix titres qui dénoncent sans détour la violence faite à la communauté noire. Le blues servait déjà de défouloir pour les noirs dans les années 20: on y entendait toutes leurs peines. C'est ce que fait de nouveau Benjamin Booker avec Witness.
Les chanson activistes ne sont pas souvent les meilleurs mais il faut reconnaitre un grand talent à Benjamin Booker. Face aux idées courtes, il fait preuve d'une grande ouverture! On avait déjà deviner son esprit rock dans son premier disque. Ici, il fait le punk en recyclant le blues classique mais aussi celui des blancs becs comme T Rex. Il critique le monde qui l'entoure avec un esprit musical de la Motown.
Il piège tout ce qui le dégoute avec des arrangements saisissants et des alliages courageux. Benjamin Booker réalise un grand disque de blues parce qu'il dépasse les clichés. La voix est superbe. Les accords jonglent entre la soul, le gospel, le groove, le rock et le blues evidemment. Il n'en fait jamais trop pour que la dénonciation soit juste et que les chansons prouvent la bonne volonté. C'est un acte de résistance ce disque. A l'époque où l'on semble vacciner à toutes les horreur, entendre quelqu'un se révolter, cela fait franchement plaisir. Cri d'alarme ou cri du coeur, ce disque est essentiel à notre époque si troublée!
ATO records - 2017
L’un de nous – Albin de la Simone – (Tôt ou tard)
Une jolie ballade automnale et pointilliste
L’un de nous est un très joli album d’Albin de la Simone. On y découvre tout au long des morceaux le questionnement d’un quadramoureux. La couverture empruntée à une photographie de l’artiste contemporaine Sophie Calle annonce la couleur. Celle des différences, d’une douce jungle et des improbables rencontres entre animaux. Parmi eux, l’un de nous. Les textes, minimalistes, écrits au « je » entre 2014 et 2016 par Albin de la Simone abordent le couple, les séparations, le temps qui passe, la solitude.
La voix est particulièrement bien travaillée et posée sur des textes qui ont très belle place dans l’ensemble. Les mélodies sont particulièrement efficaces (Dans la tête, Le grand amour, A midi on m’a dit). Tout est construit autour du piano-voix clairement mis en avant. Les arrangements, originaux, accompagnent les textes, par touche de couleur sans prendre le pouvoir sur la voix, en deçà. Il en résulte une couleur automnale, boisée, un brin mélancolique, en introspection.
Parmi les chants, on discerne des voix de femmes, Maria Carlyle (chant de sirène de A midi on m’a dit), Sabina Sciubba (A quoi), Vanessa Paradis (Ado), comme en écho aux rêveries d’un chanteur solitaire, fantomatiques. L’album s’écoute et se réécoute avec douceur. En pointillisme.
Le Brio
Voilà un film bien dans son temps. Une comédie qui célèbre le verbe n'est jamais inutile. L'intelligence joyeuse est le sujet de cette comédie humble et agréable.
Jean D'Ormesson vient de nous quitter. Voilà quelqu'un qui connaissait la force des mots. Celui qui possède le langage obtient le pouvoir. Le respect. L'humour aussi. C'est la douce morale du film d'Ivan Attal, que l'on attendait pas à ce niveau là: une surprise prolixe mais plaisante.
Car faire un film sur le verbe est toujours quelque chose de courageux... au cinéma. Montrer ce qui ce dit, s'apprend et s'exalte. Voilà la mission de Le Brio où une jolie étudiante toute fraiche se retrouve entre les griffes d'un vieux professeur sulfureux, qui aime souffler sur les braises de la société. Pour éviter d'être virer de son université de droit, le professeur doit prendre en charge la jeune fille pour un concours d'éloquence...
Le récit n'est pas nouveau. Il va nous montrer que le mentor n'est pas si raciste. Il va nous suggérer que la jeunesse n'est pas si désespérante. Bref, pour Ivan Attal, l'ascenseur social fonctionnerait encore. Les gens qui montent dedans ne peuvent pas se blairer mais bon, avec un peu d'ouverture d'esprit, on arrive à tout.
Daniel Auteuil en ersatz d'Eric Zemmour, ca fonctionne! Camelia Jordana en actrice, c'est une excellente nouvelle. Elle est resplendissante et impressionne. Tout le casting est réussi et le cours oral prend de la valeur au fil des minutes.
Car Attal ose un constat social ce qui est trop rare dans une comédie française. Il profite de tous nos maux pour fêter les mots. La rhétorique et la prononciation deviennent des enjeux de société. Il donne une petite leçon simple et efficace à travers son concours entre apprentis avocats. Les clichés et les mésententes se corrigent avec les mots et les discussions. Louable morale!
Le film fait du bien car Attal n'est pas un pessimiste: son film est maladroit dans sa dernière partie, trop entendu. C'est encore un feel good movie qui dit des choses et juste pour cela on doit saluer cette oeuvre sensible comme un courageux film français. Bah oui, on en est là! Un divertissement qui a des choses à dire, ce n'est pas tous les jours que l'on voit chez nous!
Avec Camelia Jordana, Daniel Auteuil, Yasin Houicha et Nicolas Vaude - Pathé - 22 novembre 2017 - 1h35