Wonder Woman
Il y a une éternité, Joss Whedon, papa de la série Buffy contre les Vampires et futur réalisateur de The Avengers, imaginait une adaptation de la super héroïne sur grand écran avec Sandra Bullock. Merci le projet est rapidement tombé à l'eau.
Aujourd'hui c'est Gal Gadot qui joue la plus célèbre des amazones! Elle est belle. Elle est forte. Elle nous en met plein les mirettes. Cette actrice semble être née pour jouer les femmes fortes et populaires. Au delà de son physique, elle peut jouer le mouton craintif comme la farouche en furie. On espère qu'on lui donnera des rôles un peu plus complexes dans les années à venir. Ca doit valoir le coup. Cependant elle a actuellement un contrat avec DC Comic, le concurrent de Marvel qui tente de se démarquer avec des Batman et Superman plus ambigus que la moyenne!
D'ailleurs pour l'occasion, le studio est allé chercher la discrète Patty Jenkins, réalisatrice de Monster, film qui avait valu un Oscar à Charlize Theron en 2003. Il y a une éternité aussi. Depuis Jenkins travaillait pour la télévision et la revoilà donc à la tête d'un blockbuster super costaud mais aussi féministe.
Ca va nous changer des gros costauds de l'espace, des monstres verts et des milliardaires mégalos robotisés. Normalement, notre super gonzesse ne va pas faire dans la virilité hypertrophiée et les blagues vaseuses face à la mort! Avons nous le droit de voir autre chose?
Pour un blockbuster, Wonder Woman commence mollement. La réalisatrice nous refait 300 (Zack Snyder produit Wonder Woman) avec des nanas menées par les magnifiques Robin Wright et Connie Nielsen. Il est certain que le Monde irait mieux avec de telles dirigeantes!
Mais sur leur île mystérieuse, elles forment les amazones pour un probable combat contre le dieu de la guerre, Arès. Elles font une place à part à la petite Diana, princesse intrépide qui va rapidement grandir pour devenir l'incroyable guerrière au ventre plat et à l'innocence touchante.
Un homme déboule dans l'île et évidemment brise le calme ambiant. A l'extérieur de ce havre de paix, la Première Guerre Mondiale fait des ravages. Un belliqueux général allemand fait encore plus de dégats que les autres. La jeune et belle Diana est prête alors à quitter son île pour botter les fesses de tous les fous de guerre!
Et le film s'améliore au fil des minutes. Le kitschissime concept de Wonder Woman, déesse au lasso de vérité s'estompe pour donner un film d'aventures, à l'ancienne, un peu comme le premier volet de Captain America, une des meilleures adapatations de super héros à l'heure actuelle.
L'humour fait son apparition aussi. Les decors sont synthétiques et peu convaincants mais le film développe des personnages attachants, au détriment de méchants un peu fadasses. On devient donc très indulgent car ce qu'il ressort de cette énième adaptation c'est la candeur humaniste de l'héroïne, pourtant arme redoutable pour mettre les vilains en pièces.
Le révisionnisme historique (c'est un peu grace à elle que le Monde stoppe la Guerre) permet une distanciation salutaire. Jenkins protège son personnnage de la laideur de Monde et célèbre la sincérité de son combat simple et binaire. A trop aimer sa super héroïne, la production a oublié de faire un film original. C'est assez classique mais le féminisme du spectacle apporte un peu de tendresse et de nouveauté à une uniformisation rampante des films de super héros, corsetés de plus en plus dans de moches costumes! Ce qui n'est pas exactement le cas ici!
Avec Gal Gadot, Chris Pine, Danny Huston et Connie Nielsen - warner bros - 7 juin 2017 - 2h20
Singles
Le petit monde du rock est en deuil après le décès inattendu de Chris Cornell, leader de Soundgarden et figure héroïque du grunge. Hasard du calendrier la bande originale de la comédie romantique de Cameron Crowe, Singles ressort aujourd'hui avec des inédits exceptionnels qui nous rend mélancoliques!
Amoureux du rock, Cameron Crowe, réalisateur de Jerry Maguire pour citer son plus grand succès, avait célébré le grunge dans un petit film, Singles, avec un Matt Dillon aux cheveux longs et une charmante Bridget Fonda. En 1992, le film voulait sentir son époque et les chansons venaient pour la plupart de Seattle.
On entendait donc sur la BO, le son de Mudhoney, Pearl Jam, Screaming Trees, Soundgarden et même la guitare magique de Jimi Hendrix. Un joli catalogue où il manquait Nirvana mais on ne va pas se plaindre car le réalisateur a bon goût et réunissait de bien belles références.
Hélas, tout ce petit monde a disparu. Les groupes sont séparés. La grande faucheuse continue de moissonner. En écoutant le premier disque de cette remasterisation, on est bien nostalgique de cette époque où des petits jeunes prenaient les armes (euh les instruments) pour échapper à un morne quotidien et sauver une noble énergie: une jeunesse qui prenait le pouvoir et faisait du rock comme si c'était vital, voilà ce que l'on entend à nouveau dans cette bande originale.
Mais 25 ans après la sortie du film, Crowe et ses amis n'ont pas perdu la foi et offre une second disque d'inédits encore plus impressionnants. Evidemment, la mort de Cornell est pour quelque chose dans cette affection retrouvée pour cette compilation.
Mais qu'est ce que ca foisonne dans ce supplément. On est subjugué par ces guitares si vivantes. On entend les chants sombres mais magnifiques de Cornell ou Layne Staley (le chanteur regretté d'Alice in Chains). La production des chansons est simple mais tellement réelle.
Au delà du contexte, le disque révèle l'importance de jouer ensemble, de faire du rock à plusieurs, de la catharsis, du besoin de création, de la sève bouillonnante du rock, de l'humanité qui se dégage. Sans complexe et sans grand moyen aussi! C'est une leçon admirable que nous donne cette ressortie. Tous ses singles sont un vrai régal et un optimisme qui finit par prendre le dessus sur notre mélancolie et le deuil!
Sony - 2017
Bid Bad Luv
On n'attaque pas le physique mais tout de même: John Moreland n'aurait pas fait tache dans film de John Boorman, Delivrance. Un bon gros redneck qui entretient son look de plouc de l'Oklahoma. Pourtant John Moreland est un super chanteur de blues. Une révélation!
Il aime le blues. Le vrai. Celui qui se roule dans la poussière du sud des Etats Unis et les déceptions de l'existence. Il parle de la vie courante. Il s'inspire de ses amis. Il observe la dureté de la vie. John Moreland transcende tout cela avec sa guitare et sa vision un peu dépressive du blues. Il pourrait sans aucun problème être le fils spirituel de John Mellencamp.
L'Amérique d'en bas, voilà donc l'éternel sujet du blues et de ces chansons tristes où il y a une lueur d'espoir dans les riffs glissants de ce binoclard incroyable. Car son disque réserve de belles mélodies et une voix qui hante votre mémoire au bout de quelques minutes.
Cette année, il y a quelques très bonnes surprises dans le blues, genre un peu trop cadenassé et John Moreland confirme ce regain de forme et ce nouvel intérêt des jeunes pour les rythmes primaires. Moreland aime la tradition mais il amène des nuances rares.
Big Bad Luv peut être l'album idéal pour un roadtrip. La magie de sa guitare nous transporte. Sa mélancolie ne manque pas d'énergie. On s'excuse rapidement d'avoir vu un gros barbu pour rencontrer un artiste sensible, assez fascinant. En fin de compte, le grand méchant amour nous frappe: on adore ce gars!
4AD - 2017
The Jane Doe Identity
Zut alors, un film où quand on a peur, on se met les mains devant les yeux! Chouette alors!
Réalisateur du très plaisant Troll Hunter il y a quelques années, Andre Ovredal aime bien surprendre! Ce Norvégien aime bien jouer avec les clichés très établis du film du genre et les tord avec discrétion et malice. Pour son premier film en anglais, le réalisateur veut donc jouer avec le spectateur et offrir un véritable film d'horreur.
Quand les acteurs Emile Hirsch et Brian Cox acceptent de tourner dans un petit film de terreur, on a le droit d'être curieux. Et on va être récompensé! The Jane Doe Identity fout réellement les miquettes! Dans une première partie réussie, le cinéaste nous mène totalement en bateau et retrouve les vertus de la bonne petite série B qui fait bien peur!
Un père et son fils sont médecins légistes dans une petite ville américaine. La police débarque avec un cadavre mystérieux, trouvé en excellente conservation au fin fond d'une cave, au milieu d'une scène de meurtre. Un cas étrange et cela va se compliquer au fil de l'autopsie!
Car les deux hommes vont à chaque examen ou coups de scalpel se retrouver avec encore plus de questions. Le corps de la femme est un mystère pourrait dire le poète; le cinéaste a pris l'expression au pied de la lettre. On ne veut pas dévoiler l'intrigue mais les deux hommes vont se retrouver dans un piège diabolique. Sans bouger, le corps de la femme sans nom finit par inquiéter!
La seconde partie du film est beaucoup plus classique, mais Ovredal aime son histoire avec gourmandise et s'oblige à des jumpscares mais ne lache pas le premier degré de son projet. Pas de blague pour désarmocer la tension et rendre le spectacle plus confortable pour le spectateur. Le réalisateur adore faire peur et fait le boulot, grâce aux relations de plus en plus tendues entre le fis et le père, parfaitement joués par les comédiens.
Ce n'est pas un grand film. Mais c'est en jouant avec l'économie de moyens et les forces en présence, que le réalisateur tire le meilleur de son concept. C'est un exercice de style. Si le début intrigue, la suite est plus classique mais le tout tient complètement la route. On est très loin des standards actuels. Sans cynisme. C'est de la série B dont l'honnêteté est renversante. Et ca fait du bien!
Avec Emile Hirsch, Brian Cox, Ophelia Lovibond et Olwen Catherine Kelly - Wild bunch - 31 mai 2017 - 1h29
War Machine
Dans son coin, sur la plateforme Netflix, Brad Pitt se fait un film à sa gloire en profitant des petitesses de l'Amérique. Drôlissime!
Bon ca ne va pas fort pour les mégastars vieillissantes en ce moment. On va faire un peu dans le people: Johnny Depp est ruiné et accusé de taper sur sa poupée qui dit non tandis que Brad Pitt est lui dans le pétrin avec Angéline Jolie dans un divorce vaseux. Bref, les héros d'hier deviennent de sacrés badboys malmenés par la presse et le grand public!
Pour se refaire une santé, le beau Brad Pitt, avec sa société de production, se consacre beaucoup aux films des autres et tente l'aventure Netflix avec un projet ambitieux qui rappelle que le comédien aime aussi se mettre en danger, sortir de sa fameuse zone de confort (expression à la mode).
Il va donc chercher le réalisateur du brutal Animal Kingdom et décide de jouer un général de l'armée américaine confronté au bourbier afghan. Face à la présidence très controversée de Donald Trump, Pitt et son équipe propose une satire corrosive!
L'armée devient une espèce de cirque géo politico stratégique où les militaires s'éloignent de plus en plus de leur métier pour tenter de se faire une place médiatique. Pitt en fait trois tonnes et demi dans le rôle d'un général réactionnaire mais volontaire.
Pourtant il faut bien voir dans le portrait de ce haut gradé, une vision crépusculaire de l'acteur face à la vieillesse. Comme Pitt, le général devine la fin de sa gloire. Il lutte contre cela. Mais en vain. Le constat est amer mais fait avec drolerie. Michod, habitué aux films coups de poing, décrit avec espiéglerie, les affres d'un homme perdu dans un monde qu'il ne connait plus.
Le film se passe en 2009. Il tape sur le gouvernement Obama mais rien ne s'est arrangé. C'est un voyage ubuesque, grotesque et parfois inquiétant dans le monde contemporain. Les petites affaires politiques sont savoureuses car elles poussent des types compétents dans un univers totalement absurde.
Pitt s'amuse comme un petit fou et invite des copains à se moquer des autres: on reconnaît au hasard d'une scène, Ben Kingsley (hilarant), Meg Tilly (revenante), Tilda Swinton (parfaite), Topher Grace (jubilatoire), Griffin Dunne (méconnaissable) et d'autres gaillards de la génération de Pitt participent à la fête. Il y a aussi une apparition finale qui fait rire un peu plus. Car le film double son discours: il échappe au pamphlet pour aussi toucher l'intime.
Il y a de la mélancolie dans ce grand barnum et on se réjouit de voir Pitt se moquer d'abord de lui même. War Machine mériterait une sortie salle mais quand on a des choses à dire désormais, il faut se trouver une place sur les médias si nombreux et compétitifs. Comme le général et son comédien, on commence à s'y perdre!
Avec Brad Pitt, Topher Grace, Scoot McNairy et Alan Ruck - Netflix - 2017
Easy Machines
Ca plane pour lui... Venu du Texas, Bill Baird est parti en Californie et se réalise comme un digne héritier de Brian Wilson, illuminé génial qui continue d'hanter les songwriters américains.
Dès qu'il y a un joli arrangement et une voix élégiaque, on peut se diriger vers l'ultime leader des Beach Boys et âme tourmenté du rock'n'roll. Wilson est une référence obligatoire dans la musique américaine. Bill Baird est encore un éléve du maître.
Il y en a beaucoup mais Bill Baird semble avoir compris la folie géniale de Brian Wilson. Bill Baird apprécie les morceaux qui décontenancent. Il veut échapper aux régles. Les morceaux ne se ressemblent pas mais composent un objet sérieux et passionnant. Easy Machines est un album lumineux, fait sous le soleil aveuglant de la Californie, avec ses rêves et ses mythes, mais il est expérimental malgré tout.
Connu pour avoir boudé un contrat en or avec une grosse maison de disque, Bill Baird est un chercheur. Un aventurier. Un type que l'on veut suivre car il ne sait pas où il va mais il a tout de même des repères. Cette année, il va sortir deux disques: il a soif d'aventures!
Comme tout gaillard de San Francisco, il semble bien perché sur des bases un peu psyché, un peu folk, un peu vaporeuses. Puis, au fil des écoutes, on trouve un artiste rusé et doué pour écrire des chansons autour du théme du matin. Le suivant parlera de la nuit. Sans surprise, il vous berce pour mettre dans chaque aube, de l'espoir et de la beauté.
C'est un optimiste. C'est ce qu'on aime dans sa musique. La fausse candeur réchauffe. La poésie s'invite sans être pédante. Ecoutez cela le matin, vous met en forme. Après les cris de lutte et de haine qui polluent notre quotidien, ce disque est un super échappatoire. Un disque utile!
Talk show records - 2017
BOXE BOXE – Mourad Merzouki – Quatuor Debussy- Théâtre du Rond-Point
Du ring, de la danse et des cordes…
L’œuvre est belle. Ils sont douze sur le plateau, danseurs et musiciens. Les danseurs sont ceux de la compagnie Käfig. Les musiciens sont issus du quatuor Debussy. Les compositeurs se nomment Schubert, Ravel, Verdi, Glenn Miller, Philip Glass, Mendelssohn, AS’N. Le chorégraphe, Mourad Merzouki, le scénographe, Benjamin Lebreton.
Zelliges couleur sable en filigrane sur le cyclo de fond scène, volutes en fer forgé plus ou moins cabossées, costumes noir et blanc aux tonalités burlesques plantent le décor d’un ring où tout semble possible. Orchestrés par un arbitre bedonnant et par un quatuor à cordes, les danseurs se laissent embarquer dans une variation sur la boxe qui les magnifie. Avec élégance et humour, Mourad Merzouki parvient à mêler un sport spectaculaire aux défis gravitationnels de la danse contemporaine, du hip-hop et des notes classiques.
Tout commence sur un ring, avec des gants couleur nez-de-clown, marionnettes vibrant en musique. La partition fonctionne. Le mouvement entre en action. Les gants donnent naissance à un amas de chair mouvante dont s’extraient les danseurs. Et le danseur fut. La sortie du ring pour le plateau est immédiate. Les danseurs s’élanceront alors pendant près d’une heure dans un ballet en hommage à la boxe et au corps.
La performance est physique mais également esthétique. Les ruptures de rythmes produisent des effets hypnotiques : les actions ralenties des danseurs mêlées aux lumières de Yoann Tivoli semblent sortir d’un mirage. Les danseurs fantomatiques avancent sur nous. Le résultat est stupéfiant. Les duo, trio et ensemble s’enchaînent à un rythme effréné dans des chorégraphies qui mettent en avant contacts harmonieux en opposition avec l’image « choc » de la boxe. Les coups et les narrations sont visuelles, fondées sur l’art de l’esquive et la perception des espaces. Un unique tableau montre le boxeur en action sur un sac de frappe, comme un hommage appuyé et ces forçats de l’effort. L'ensemble n'est que plaisir pour les oreilles et les yeux . Le lyrisme est là, le temps suspendu, les corps poussés au-delà. Une poétique de la boxe d’une grande élégance à ne pas manquer.
http://www.theatredurondpoint.fr/
Drôle de lutte / Boxe Boxe par WebTV_du_Rond-Point
SOS ma famille a besoin d’aide…tu m’étonnes !
On le sait tous, NRJ12 est LA chaine de l’intellect, la farouche concurrente d’Arte, la crème des sciences humaines, du creusé neurologique, du Ô toi cerveau comme tu es beau, comme tu voles haut, envole toi, vas y, pas trop haut tu vas te faire percuter par une mouette, merde trop tard.
C’est lors d’un samedi caniculaire, chaudement réveillé de ma sieste par des gloussements de rire d’enfants, en l’occurrence les miens, s’échappant d’une piscine (qui verra le soir même mon humble personne tomber dans les bras velus et rugueux d’un calva de 1932 qui, à l’heure où j’écris ces lignes me rappelle à quel point l’alcool de pomme n’est pas le meilleur ami du crâne et de l’homme qui le porte), que je m’échouais devant un téléviseur grand angle près d’un jardin rempli de roses roses et blanches, et, dans un zapping aléatoire, et dieu sait qu’aller à Thouars depuis une cuisine n’est jamais simple, je m’attardais circonspect, aux confins du bientôt circoncis intellectuellement, devant une émission dont je sentais par avance tout le potentiel poétique de notre belle société, en mode « mais merde ça existe ça !!!? ».
L’œil encore mi-clos et le bermuda sur cette chaise simili skaï accroché à mes poils de cuisse comme une mouche à un bandeau piège à la colle forte se baladant aux grès du vent dans une cuisine de maison de campagne, je prenais un café bien noir pour pouvoir affronter la ½ heure qui s’annonçait devant moi, entre un adolescent détraqué en mal d’affection que nous appellerons John-Killian, un beau-père de 39 ans au tarin à la découpe confinant à celle du Vésuve un soir d’éruption et qui te rassure vachement sur ton propre physique de mec presque quarantenaire que nous appellerons Francky, une mère de famille au parcours chaloupé ballerine Cendrillon des temps modernes dont on pressent tout le potentiel pour tomber amoureuse en deux deux d’un motard de passage effectuant des burns sur le parking de chez Netto dans la ZAC voisine, que nous appellerons Jenny.
Et bien sûr, Pascal le grand frère, reconverti en coach pour famille à la dérive, bras en zinc, recordman du monde de punching-ball de la Foire du Trône sans discontinuer entre 1996 et 2009, Chuck Norris de la vanne, et adepte des « tu t’prends pour qui gamin, tu m’parles encore une fois comme ça j’te fais une tête que ta mère demain é sait pas qui t’es, COMPRIS !? ». Bref, un programme Rosa, rosas, rosae, Victor Hugo, Baudelaire, latin en 3ème langue, Grec ancien, philosophie, Socrate, cinéma d’auteur, finesse du verbe, coup de poing dans ta gueule, plaisir d’offrir, joie de recevoir, c’est pour une occasion spéciale ? Non ? bah j’te fracasse le pif quand même.
Dès les premières minutes, ça se met à nu, ça n’y va pas par quatre chemins, sans détour, coup de boule coup de boule ; la voix off te dresse le tableau, pas glorieux ma bonne dame, de ces petites vies en bas de jogging où Jenny a connu Francky à seulement 17 ans, folle amoureuse, larguant son CAP sanitaire et social pour vivre la grande vie, tout ça parce que Francky jouait au foot, bossait déjà, et qu’elle était beau sur sa grosse sa moto. Puis John-Killian est arrivé, bien trop tôt, pas assez profité de la vie ; puis Jenny, du coup, à 27-28 ans a eu un flash, elle n’avait pas assez profité de la vie justement ; alors le mouflet et puis le Francky ont commencé à passer leur samedi soir ensemble quand la Jenny voulait revivre une jeunesse qu’elle avait le sentiment de ne pas avoir eue donc a enchainé les discothèques 8 salles 8 ambiances, a forcément rencontré des Francky bis, pas plus beau non, pas plus chic non plus, mais bon, une banquette de R19 chamade est si vite arrivée quand on a bu un peu trop de Vodka-Pomme et que l’on s’est sentie un peu plus belle dans le regard d’un autre. Alors parfois, 9 mois plus tard, arrive une petite Pamela, dont les cheveux roux couleur rouille pot d’échappement de mobylette kitée n’est pas franchement la garantie que Francky 1er en soit le père, même pas franchement du tout même.
Mais on s’en accommode, parce que Jenny s’est un peu calmée, quoique des doutes subsistent ; et le Francky est malheureux, et le grand, le John-Killian qui va sur sa 15ème année, bah il avait plus grand monde pour lui donner les bons codes, les bonnes lignes, les bons quais de gare, les bons trains. Alors il a fait comme son père, il a commencé à picoler un peu jeune, un peu trop, puis de plus en plus ; puis le collège a fini par ne plus appeler, donc il est resté à la maison, puis à foutre sur la tronche à sa mère, comme son père le faisait et le fait encore ; alors que c’est pas un mauvais bougre le John-Killian, mais bon, oui, des fois, il l’avoue à Pascal le grand frère pendant une épreuve de boxe dans des sacs où sont marqués les mots « rages »/ « insultes »/ « alcool »/ « parents »/ « Vie de merde », oui, il traite sa mère de pute, il a même des doutes sur le fait que Francky soit son vrai père, parce qu’une fois une cousine aux fessiers huit fois plus volumineux que son cerveau d’huitre, lui a fait la confidence que toute la famille pensait et disait en douce que bah…ça serait bien le Riton, le meilleur pote de Francky, qui serait son père ; alors forcément, ça perturbe, ça tracasse, ça fout la haine, ça donne envie de prendre le fusil de chasse du grand-père et de taper dans le tas.
Et là d’épreuve en épreuve, de séance de psy en coup de poing dans le journal intime familial, le Pascal le Grand Frère fout un sacré bordel, à raison, sûrement ; sauf que toi, là, en bermuda, devant ta téloche dans ta baraque de campagne, parce que tu connais le métier, tu sais qu’autour de la caméra épaule qui filme la débâcle, ce grand tout le monde à poil d’alcool de tromperie de coucherie de papier peint Jacky Chan dans la chambre du gamin déjà percé tatoué déchiré de l’intérieur, bah y’a 10 mecs de la prod qui voient tout ça se faire et une bonne demi douzaine de techniciens, qui, quand ça chiale pas assez, quand on n’a pas assez senti la rage dans le vol plané d’assiettes de cette cuisine minable collante et poussiéreuse, ils doivent la refaire la scène.
T’es partagé, là, un samedi aprèm de sortie de sieste, entre le sentiment que le Pascal costaud a peut-être aidé ces braves français de base, oui, ces gros beaufs, oui, je t’entends le dire, oui ces gros beaufs, et le fait que merde quoi, à quoi bon étaler ça devant quelques centaines de milliers d’autres, pas mieux, qui se rassurent peut-être, se reconnaissent même parfois, ou s’émeuvent, dans le meilleur des cas, ou se moquent, violemment, bien planqués derrière leur téléphone à baver comme des reptiles froids, quand tu vas mater Twitter malgré une connexion d’entre les vignes…
Tu te dis qu’après ça, le voisinage de Jenny va définitivement la prendre pour une légère, une frivole, une couche toi là ; que le Francky va passer définitivement pour le cornu qui brame devant sa 1664 quand la Jenny fout sa mini jupe pour aller chez Netto, et qu’après tout ça, une fois les caméras parties, t’as de gros doutes sur le fait que John-Killian il ne la prenne pas la carabine de chasse du grand-père…
T’as un peu les boules quand même, t’es pas à l’aise, beaucoup, tu coupes la télé, tu vois tes enfants au loin qui pataugent dans la piscine et se marrent, t’es pas mécontent d’avoir un peu de bol, un peu de chance, un peu d’être là toi et pas avoir été un John-Killian.
Tu vas près de la piscine, tu embrasses tes enfants, tu passes ta main sur la nuque de ta femme, et tu balances un « je vous aime bordel ».
Allez, j’vous embrasse.
L’ombre de Stella – Pierre Barillet – Denis d’Arcangelo – Théâtre du Rond-Point
Denis d’Arcangelo ou la force des paradoxes
Denis d’Arcangelo, seul en scène, joue Mylène. Mylène a été la secrétaire particulière de Stella, star des années 40. En échange d’un contrat, Mylène accepte de replonger dans un passé nostalgique aux arcanes ténébreux, souvent douloureux et de l’enregistrer. C’est l’occasion pour la secrétaire de sortir de l’ombre du silence et de briller quelques minutes sous les feux de la rampe.
Denis d’Arcangelo, dans une mise en scène de Thierry Harcourt et sur un texte de Pierre Barillet, y joue une femme prolétarienne à la gouaille et au ton affirmés. Le parler est franc, tinté d’un accent titi parisien. La bascule dans la mémoire de l’histoire opère rapidement. Avec douceur et tendresse, Denis d’Arcangelo attrape le temps et l’égraine pour mettre en évidence tous les paradoxes d’une relation fondée sur l’admiration, l’amour d’un métier, l’amour d’une femme en réussite et les tiraillements intérieurs d’une femme qui voit sa vie consacrée à celle d’une autre.
On sourit. La mémoire est en spectacle. Les grands événements laissent leurs traces. La femme-personnage témoigne de la vie amoureuse d’une autre femme amoureuse d’un allemand sous l’occupation. Les parfums de la collaboration remontent. Le doute s’installe. Mylène aime sa star. Mylène est une femme prisonnière de l’histoire, des paillettes et de sa fidélité. De la servitude à la grandeur, Mylène voyage. Le spectateur avec.
A travers ce texte et le jeu tragi-comique de Denis d’Arcangelo, on s’imprègne des jalousies, des brisures, des fêlures qui fabriquent les hommes et les femmes. Un récit de vie humble, touchant. Un numéro d’acteur audacieux. Bienheureux les fêlés qui laissent passer la lumière.
Afterglow
Terrible exercice pour Asgeir que ce deuxième album "international worldwide"!
Il a la voix perchée. Celle qui fait pleurer les gros gaillards tatoués et les midinettes défoncées au romantisme. Il a une gueule d'amour. Elle est exotique car elle vient du pays du froid par exellence, l'Islande. Là bas, on sait que les artistes sont étranges, inspirés et souvent très indépendants. Asgeir est en plus un beau viking.
Il a connu un certain succès avec In the Silence, un bel objet électro hypnotique qui lui a permis de sortir de son île pour faire le tour du Monde. Fils d'un poète local, aidé par l'artiste John Grant, la version anglaise de son disque a fait de lui une vraie découverte. Il tente de concrétiser l'exercice avec Afterglow qui reprend en gros, la formule gagnante.
C'est donc un sage mélange d'électro et de pop avec de jolies paroles, une belle voix et surtout une production beaucoup plus léché. En faisant le tour du Monde, Asgeir a visiblement pris conscience des arrangements et des sons qui marchaient. Afterglow a donc toute l'élégance du Monde. Tous les sons sont connus mais parfaitement digérés. Il sait y faire pour ne pas tomber dans la facilité alors que tous les pièges sont énormes.
Même son hit incontournable Stardust est réussi. Son refrain donne la pêche et devrait bien tourner cet été. On devine que le bonhomme veut la reconnaissance et ne pas trop se compromettre dans des choses simplettes. Il fait le grand écart mais ne se casse jamais la figure. C'est déjà ça.
Les parties instrumentales sont intéressantes. Avec l'armada de techniques que l'on entend sur le disque, l'aspect vulnérable de l'auteur est un peu agaçant mais il faut bien reconnaître que l'Islandais sait y faire pour écrire de belles chansons à l'aise dans leur époque. La prise de risque sera certainement pour plus tard. Afterglow pourra nous faire patienter idéalement.
Because music - 2017