Ce matin, un lapin… Antti Tuomainen, 10/18

Henri est un matheux un peu autiste sur les bords. Alors qu'il vient de perdre son job d'actuaire dans une compagnie d'assurance, il hérite d'un parc de loisirs plein de surprises.

Henri réduit tout au raisonnement mathématique (c'est le running gag du livre...). "J'avais juré très jeune que ma vie se fonderait sur la raison, la planification, le contrôle et l'absolue nécessité de regarder la réalité en face et de toujours peser avec soin le pour et le contre. Dès l'enfance, j'avais vu dans les mathématiques la clé pour y parvenir. L'humanité était traîtresse, pas les chiffres. Le chaos régnait autour de moi, eux étaient garants d'ordre." (page 73)

Henri va à l'essentiel et ne s'encombre ni de possessions matérielles superfétatoires ni de relations humaines qui ne seraient pas strictement indispensables. Sa vie est bien rangée, et cela lui convient très bien : " Je trouvais plutôt inutile, dans la vie, d'aller au-devant des difficultés ; elles vous trouvaient bien assez vite d'elles-mêmes. " (page 61)

Lorsqu'il se retrouve soudainement chômeur puis propriétaire d'un parc d'aventure (pas un parc d'attractions, nuance), il pense naturellement gérer l'entreprise de façon rationnelle, comme il résoudrait "une complexe équation tridimensionnelle" (page 283). Mais évidemment, sa vie paisible va se retrouver bouleversée par l'aventure. D'ailleurs, au début du livre commence tandis qu'un "homme lourdement bâti, un gros balèze vêtu de noir " (page 13) le poursuit dans le dédale du parc. Et ce n'est que le début !

Malgré les tentatives (pas toujours réussies) de l'auteur de créer du suspens et de l'action, la lecture de ce livre ne recèle pas de grandes surprises. Les méchants sont caricaturaux, le personnage principal aussi et l'on n'est pas du tout surpris que sa rationalité se fracasse sur la réalité (y compris la réalité des sentiments).

Ce n'est certes pas désagréable, c'est même assez drôle mais pas passionnant non plus ; on est dans le pur divertissement. Ça fait penser à une série scandinave un peu cheap du genre de celles diffusées sur Arte. D'ailleurs, on sent bien que l'auteur - Antti Tuomainen - verrait bien son livre adapté à l'écran, fut-il petit. En témoignent, outre le fait qu'il termine son récit sur une fin ouverte, sa propension à remplir des pages de dialogues et à multiplier les gags macabres.

Ce matin, un lapin est le premier volet d'une trilogie. Personnellement je m'arrêterai là.

Paru en poche le 1er juin 2023
10/18 Polar
Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

384 pages / 8,90€l

Il Boemo, Petr Vaclav, Nour films

La vie de Johnny Depp n’a rien à envier à celle de Josef Myslivecek ! Comme le célèbre Amadeus de Milos Forman, la vie des compositeurs poudrés ressemble beaucoup à celle des rock stars ! Scandales, frasques, misère et un peu de joie tout de même. Fascinant.

Le Tchèque Petr Vaclav a une passion pour ce compositeur méconnu mais qui a inspiré Mozart. Il avait fait un documentaire et désormais Il Boemo a son film pour une solide réhabilitation de son génie.

Arrivé à Venise, ce jeune Tchèque va connaitre la gloire et la décadence en quelques années. Il découvrira le prix du succès et aimera beaucoup de femmes et mourra douloureusement de la syphilis.

Finalement nous sommes sur un biopic assez classique avec une type qui part de rien, qui arrive à tout et qui finit par devenir un paria, perdu dans l’oubli. Alors, le réalisateur lui offre un film épique.

Nous sommes pourtant dans les salons feutrés. Les regards des uns et des autres sont des missiles à longue distance. Les masques cachent les pires veuleries. Les parties de jambes en l’air sont des opportunités sociale et artistiques.

Très vite le jeune Myslivecek va comprendre les règles du jeu, mais la partie va se révéler plus dangereuse que prévue. L’artiste face à l’aristo : le refrain est connu mais le traitement sec du cinéaste fait de Il Boemo, une œuvre assez incorrect.

Le film parle bien entendu du rôle et de la condition de l’artiste et fustige dans des scènes rudes les élites, bien installées dans la médiocrité et le snobisme. Plus attentif, on devine aussi de magnifiques portraits de femmes autour du musicien.

Comme lui, elles semblent prises au piège dans une société sclérosée. En 2h20, Petr Vaclav installe un puzzle qui finit par être angoissant car il répond pièce par pièce à une autre époque, la nôtre.

Heureusement, il y a toujours la musique. Le lyrisme transpire finalement de la musique vers la mise en scène. La douceur des images n’est qu’un leurre. Elle évite de nous manger la méchanceté en pleine face. Il Boemo n’est pas du tout classique : c’est une trappe qui nous fait tomber dans un charmant bain musical et un constat amer. Mais tant qu’il y a la musique…

Au cinéma le 21 juin 2023
Avec Vojtěch Dyk, Barbara Ronchi et Elena Radonicich
Nour films – 2h20

Mission: Impossible – Dead Reckoning Partie 1,Christopher McQuarrie, Paramount

Tom Cruise sauve le monde encore une fois mais il le fait désormais avec une classe unique à Hollywood. 

A Los Angeles, c'est la panique dans tous les studios de cinéma. Ils accumulent le bides et leurs blockbusters sont totalement conspués. C'est souvent mérité ! En plus les scénaristes et les acteurs sont en grève. 

Et puis arrive encore une fois de plus Tom Cruise ! Après Top Gun Maverick, le scientologue apparaît comme le vengeur des films faciles et des gros budgets frileux. A 60 ans, il a encore l'intention de mettre des fessées au super héros idiots. On le remercie.

Ce nouveau Mission Impossible assume clairement cette rupture: Ethan Hunt, agent tourmenté après six films, doit affronter une intelligence artificielle. Tom Cruise ne veut pas d'un véhicule fade écrit par des algorithmes. Il veut de la passion, donc de la cascade folle et des rebondissements constants. Ce nouvel opus n'en manque pas. Puisque James Bond est mort, Ethan Hunt met les bouchées doubles pour ne pas tomber dans un piège mondial qui se sait kitsch mais qui fait tout pour être jouissif.

Le scénario est absurde mais offre des pirouettes scénaristiques qui ne déplairaient pas à Brian de Palma, le réalisateur du premier volet il y a des lustres déjà !

Faux semblants et usages de faux font le plaisir de ce nouveau Mission Impossible qui propose un rythme incroyable tout en évitant d'oublier l'ego de la star qui lutte contre le temps et s'offre tous les défis.

Mais il y a moins de mégalomanie chez Tom Cruise: désormais on assiste à une espèce de masochisme charnel du comédien avec sa légende. Le temps passe et il continue de multiplier "en vrai" des défis fous qui deviennent les climax de ses œuvres.

Il fait penser à Jackie Chan avec cette orgasme cinématographique qu'il tente de donner à force de d'outrances et un aspect trompe la mort. Le digital est atténué et l'humain trouve sa place dans le jeu du chat et de la souris que l'on pourrait rebaptiser Attrapé Moi Si Tu Peux.

Ce nouvel opus surprend aussi par ma féminisation des personnages. Les femmes entourent le héros et surtout ont les clefs d'une intrigue qui les met en valeur. Le réalisateur ne lâche jamais cet aspect et cela rend ce film plus ouvert que les autres, beaucoup plus testeronés !

Après tous les nanars que l'on a essayé de nous vendre ces dernières semaines, Mission Impossible Dead Reckoning Partie un (tout un programme, non?!) est au plus près de ce que l'on attend d'un bon blockbuster: du divertissement avec un peu d’âme.

Au cinéma le 12 juillet 2023
Avec Tom Cruise, Rebecca Ferguson, Vanessa Kirby et Hayley Atwell
Paramount -2h43

Et du ciel tombèrent trois pommes, Narinai Abgaryan, 10/18

Dans un passé relativement récent, Anatolia - une vieille arménienne amoureuse des livres - se couche pour mourir. Mais la mort ne vient pas...

Alors, la grande faucheuse refusant de la prendre, Anatolia rêvasse dans son lit à l'histoire de sa famille et à celle de son village perché dans la montagne. Enfin, par dépit, elle se lie avec son voisin, un colossal forgeron capable de tuer un bœuf d'un seul coup de poing.

Narinai Abgaryan signe un roman sur la campagne arménienne, une campagne pittoresque et rude mais dont les habitants se respectent et s'entraident. Pour faire plus vrai, l'autrice en rajoute sur le côté pittoresque et authentique et multiplie les détails :

" (Chouchanik avait) reçu la meilleure dot constituée de trois tapis, deux coffres à linge , une parcelle de terre fertile, trois vaches, une truie reproductrice et vingt poules pondeuses, ainsi qu'un tas d'or si lourd qu'elle se serait littéralement cassé le dos si elle avait entrepris de le porter. Magtakhinai, quant à elle, reçu une dot deux fois moins importante, et des bijoux en argent plutôt qu'en or." (page 60)

L'éditeur nous parle de "récit universel" ; il est vrai que, lorsqu'on succombe aux clichés, rien ne ressemble plus à la campagne profonde que la campagne profonde. Dans ce livre, les gitanes sont voyantes (forcément!) et les campagnards n'ont pas oublié les croyances ancestrales et voient des choses que nous, citadins modernes, avons perdu de vue.

Si vous aimez les histoires de villages, de marché et de prophétie, vous trouverez ce livre dépaysant et exotique (la traductrice ponctue d'ailleurs habillement le texte de mots arméniens). Moi, sincèrement, ça me passe totalement à côté et je n'ai pu en finir la lecture.

Parution le 17 mai 2023
chez 10/18, Littérature étrangère
Traduction (russe) Ekaterina Cherezova
360 pages / 8,60€

Vers un avenir radieux, Nanni Moretti

Nanni Moretti nous emmène dans son monde, un univers fait de petites manies qui virent parfois à l'obsession et de petits plaisirs consolateurs.

J'aime bien Nanni Moretti, son oeil vif, sa poésie, sa diction parfaite (il faut absolument voir ses films en version originale !). Ce réalisateur me fait rire, j'aime son humour décalé et empreint d'anxiété. Quand je bois un verre d'eau fraîche après un expresso, je pense toujours à la scène finale de Journal intime, un film de 1994 (quasi 30 ans, déjà !) auquel Vers un avenir radieux fait de multiples références. Nanni Moretti c'est mon enfance, mon Italie de rêve.

À l'annonce de son nouveau film, je me demandais : Est-ce que ce réalisateur vieillit bien? Ou est-ce qu'au contraire il tourne mal comme Woody Allen (autre idole comique de mon enfance, quand ma maman m'emmenait voir Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe)?

Dans Vers un avenir radieux, comme à son habitude, Nanni Moretti se met en abime en filmant un tournage et en digressant sur ses difficultés à réaliser un film. Ici, son personnage (lui-même, donc) s'est mis en tête de faire un grand film sur la grande époque du PCI (le Parti Communiste Italien qui, dans les années 50 regroupa jusqu'à 3 millions d'adhérents !). Mais c'est sans compter sur mille embuches qui se dressent sur son chemin : un producteur véreux (Mathieu Amalric), une épouse lassée, un gendre inattendu et surtout, surtout, une comédienne qui porte des mules. Des mules, rendez-vous compte, quelle horreur !

Pendant une heure et demie, Nanni Moretti nous amuse de son caractère ridiculement angoissé et intransigeant, mêlé à une capacité à apprécier les petits plaisirs de la vie (regarder des films en mangeant des glaces, chanter des chansons ou déambuler dans une ville qu'on aime - en l’occurrence Rome).

En plus de cette leçon de vie, Nanni Moretti nous donne une belle leçon de cinéma, rendant hommage à un cinéma à l'ancienne, avec de vrais décors. Il fustige la facilité qui consiste à se vautrer dans la violence gratuite et la pauvreté des récits proposés par les plateformes de diffusion (cf. la scène désopilante du rendez-vous chez Netflix).

Certes, j'aurais préféré que le film s'arrête dix minutes plus tôt ; sur cette magnifique scène tourbillonnante. Reste que j'ai pris beaucoup de plaisir à visionner ce film rafraichissant.

Mais je suis rassuré : la magie Moretti opère encore !

Il sol dell’avvenire
au cinéma le 28 juin 2023

La Pagaille ! Cendrars, Pick-Prince, Théâtre des Lucioles

Adapter un texte assez peu connu de Blaise Cendrars semblait un pari. Réussi. Que ce soit par la mise en scène ou le jeu des acteurs, La Pagaille ! nous emporte.

Il fut l’un des grands poètes du XXe siècle, figure atypique, visage improbable et grande gueule au parcours peu commun. Voyageur (il suffit de lire et relire La Prose du Transsibérien), ce suisse prit en 1914 un engagement surprenant. Lorsque de nombreux artistes étrangers se cachèrent, refusèrent de se battre, privilégiant leur travail et ne prenant pas de risques, voici que ce jeune homme lançait, très peu de temps avant la grande boucherie, un appel aux autres venus d’ailleurs. Sa requête ? Qu’ils viennent défendre ce beau pays qui les avaient accueillis et qu’ils chérissaient. Plus de 80 000 hommes l’écouteront et le suivront. Lui optera pour la Légion étrangère et y perdra son bras droit, désormais partie inhérente de son image de poète. Et il déchantera très vite : incompétence, bêtise, brutalité, mépris, les chefs attireront vite sa colère. Quelle déception. La guerre, dira-t-il, « a changé ma vie ».

Plus tard, il écrit La main coupée, dont est tirée cette belle pièce, La Pagaille !

Signalons d’abord la mise en scène, impeccable, ce qui est rarement le cas dans une toute petite salle. Il pourrait y avoir de l’improvisation, des maladresses, de mauvais éclairages, des décors plus que minimalistes. Il n’en est rien. Certes, il n’y a pas de coulisses et les comédiens se changent non loin du public. Mais les quatre acteurs ont le sens de la scène. Leurs déplacements, leurs différents rôles, leurs voix, permettent d’aller au-delà du tragique. Bien sûr, ils ont peur et mal, mais sans faux pas.

Si Jacob Porraz a parfois une diction étrange, un peu hésitante et paraît moins à l’aise, les trois autres nous emportent. Mention spéciale à Gilles Vajou, caméléon doué, au parcours appréciable. Excusez du peu, il a travaillé avec Jean-Michel Ribes et la Royal Shakespeare Company. Quand les autres comédiens interprètent le vaillant soldat, enthousiaste puis fatigué ou craintif, allongé et visant l’ennemi, lui campe des officiers de tout grade, tous aussi incompétents et minables les uns que les autres. Avec, osons le dire : une certaine gourmandise.

Il est fréquent de penser que seules les grandes salles font travailler de grands comédiens et metteurs en scène. Ceux-ci prouvent que ce n’est pas toujours le cas.

A voir jusqu’au 29 juillet 2023 à Avignon, à 13H45, sauf les mercredis
Théâtre les Lucioles
1h20, dès 12 ans

Mise en scène : Ariane Pick Prince
D’après La Main coupée de Blaise Cendrars

Elémentaire, Peter Sohn, Disney Pixar

Ce n'est pas la douche froide mais Pixar assure le service minimum avec cette comédie romantique colorée mais édulcorée. 

Car le message est tout simplement connu, reconnu et appuyé : il faut cultiver nos différences et non l'indifférence comme le dit si bien un inconnu !

Donc, Flam est une jeune femme brûlante d'énergie. Faite en feu, elle vit avec les siens dans un quartier éloigné de Element City. Là-bas cohabitent des êtres faits de nuages, de bois ou d'eau. Ceux qui sont en feu sont mis à l'écart. Jusqu'à ce que Flam rencontre Flack, un grand dadais aquatique aussi charmant que maladroit.

A deux, ils vont lutter contre les préjugés et les stéréotypes. Loin de Vice Versa, Élémentaire aurait dû être fait du même tonneau mais hélas, les auteurs se sont usés sur le concept mais pas le scénario.

Une fois de plus, l'animation est impressionnante avec une ville dense et diverse. La musique de Thomas Newman donne des limites intelligentes à la cité. Mais l'histoire est paresseuse. Si l'on craque pour le couple mal assorti, le récit est paresseux avec des passages obligés d'une évidence ennuyeuse. C'est dommage car le sujet est plaisant et le côté ludique de Pixar continue de survivre malgré des productions de moins en moins audacieuses. Ce n'est pas Élémentaire, mais plutôt basique !

Au cinéma le 21 juin 2023
Walt Disney Production - 1h4
2

Love Life, Kôji Fukada, Art House

Taeko est heureuse. Elle vit pleinement sa vie d'épouse avec Osawa et son petit garçon Keita issu d'une précédente union. Elle s'entend bien avec tout le monde. Son travail lui offre l'occasion de venir en aide aux autres. Elle a peut être quelques problèmes relationnels avec ses beaux-parents. 

Après une fête, le pire se produit : Keita meurt dans un trop banal accident domestique. Une noyade dans une baignoire. Le drame est immense et le film brise soudainement le bonheur apparent. Subitement la douleur imprègne la mise en scène quasi élégiaque de Koji Fukada.

Les notes de piano qui accompagnent l'histoire résonnent de tristesse. Le deuil se met en place. Taeko devient une autre. Le retour du véritable père, Coréen, sans abri et sourd bouleverse aussi les choses. Osawa réagit lui aussi a sa manière, avec ses faiblesses et ses angoisses.

La mort d'un enfant est le plus grand des drames mais le réalisateur continue coûte que coûte de filmer cela avec une bienveillance qui nous permet de respirer devant ces personnages en souffrance.

La mère redécouvre son ex-mari. Osawa renoue avec une ancienne conquête. Peut-on leur en vouloir ? La vie reprend le dessus. Tout cela a des conséquences. Le couple se détériore mais les subtilités du film sont si douces que se devine derrière tout cela une belle histoire non pas d'amour mais sur l'amour.

Ce sont bien les nuances, la lumière qui infuse sur les images qui nous font aimer ce film qui aurait pu être si dur et violent.

Jamais mièvre, le récit nous fait serpenter entre des émotions brutes et aussi chaleureuses. Quand les mots manquent (la surdité de l'ex-mari impose une autre façon de communiquer), les images prennent le relais et nous font ressentir de belles choses.

Étonnant d'un bout à l'autre, Love Life est une œuvre suggestive qui va droit au cœur. Il bat tellement que l'on se met à aimer pleinement le cinéma : une manière d'aborder la vie autrement ! 

Au cinéma le 14 juin 2023
Avec Fumino Kimura, Tomorowo Taguchi, Tetta Shimada et Atom Sunada
2h - Art House 

Wahou, Bruno Podalydès, UGC

Un film de Bruno Podalydès en été c est comme un bon petit rosé : rafraichissant !

Car le cinéaste est un doux et un tendre. De l'amertume, il en fait de l'humour. Il aime rire des histoires tristes et de l'état du Monde. Depuis ses premiers films versaillais, il développe une fantaisie qui touche réellement à la poésie. Un héritier humble d'Etaix ou Tati. Un artiste que l'on peut suivre les yeux fermés.

Y compris pour des visites immobilières. Avec lui, la rencontre entre un agent, un propriétaire et un client peut être un moment de joie, d'obscurité et d'humanité. Nous suivrons donc les efforts d'Oracio et Catherine, deux agents immobiliers qui font leur maximum pour vendre une magnifique maison en piteuse état et un appartement tout neuf.

Les deux héros ont leurs soucis mais ils digèrent surtout ceux des autres lors de visites assez truculentes.

Sous la forme d'une comédie à sketchs, Bruno Podalydès réalise forcément un film inégal mais de toute façon les qualités de son cinéma généreux sont là.

Quelques passages sont faibles mais il parvient à croquer des personnages en quelques plans. Le cinéaste est excellent devant la caméra mais il donne un rôle inattendu et touchant à Karin Viard. Comme à son habitude, il réussit à passer de l'anecdotique à l'universel avec une gourmandise qu'il adore partager.

Pas bluffé par ce petit film bricolé, une visite dans votre ciné préféré pour le découvrir est tout de même conseillée.

Au cinéma le 07 juin 2023
Avec Karin Viard, Bruno Podalydes, Victor Lefevbre et Eddy Mitchell
1h30 - UGC

L’Inconnu de Cleveland, Thibault Raisse, 10/18

L’inconnu de Cleveland est l’un des trois premiers livres « true crime » de la collection Ohio / Society.

Pour mémoire Society s’était brillamment démarqué dans ce domaine en narrant l’affaire Dupont de Ligonnès lors d’une enquête fleuve en 2020.

C’est d’ailleurs l’un des auteurs de cette enquête, Thibault Raisse, que l’on retrouve ici.

L’auteur se penche sur un fait divers qui a laissé dans l’impasse les forces de police en charge de l’enquête et mis en ébullition la sphère des enquêteurs amateurs et professionnels dont internet regorge.

En l’espèce, un vieil homme solitaire est retrouvé mort dans son modeste appartement ; aucune empreinte n’est relevée ; aucun héritier ne se présente ni n’est retrouvé ; il est conclu à un suicide… Affaire classée !

L’affaire rebondit lorsqu’il apparaît que la victime vivait depuis un quart de siècle sous une fausse identité.

S’ouvre alors une seconde enquête : qui était la victime et que fuyait-elle ?

Ce livre, court, est éminemment prenant.

Il vous suffira d’un voyage en train ou d’un week-end pluvieux pour le dévorer.

L’auteur, journaliste de profession, possède une plume digne des meilleurs auteurs de polars.

L’ambiance est retranscrite de manière ciselée ; le lecteur est très vite captivé.

Le fait que les évènements relatés soient réels ajoute à cette envie irrépressible d’arriver à la fin des quelques 180 pages.

L’épilogue répond partiellement aux questions posées par l’auteur.

La réelle identité de la victime est bien révélée ; le lecteur pourrait y trouver une satisfaction.

Néanmoins, l’auteur n’est pas en mesure de préciser la raison pour laquelle la victime a fui son passé.

Quelques pistes s’ouvrent ; de la plus prosaïque (fuir des créanciers), à la plus intrigante (la victime pourrait être liée à une série de meurtres non résolus qui entête l’imaginaire collectif américain).

Ce livre constitue un excellent divertissement ; n’hésitez pas à le glisser dans un bagage cet été.

Paru le 1er juin 2023
10/18 Collection Society
198 pages / 7,50€

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