Land
Et au milieu coule une rivière... Fredda fait dans le charme bucolique et nous emmène respirer le grand air!
Muse du chanteur Pascal Parisot, Fredda est une chanteuse qui aime les voyages. Ce qui lui vaut quelques beaux succès au delà de nos frontières. Ce qui lui permet de réaliser des albums différents. Ce qui lui offre une grande liberté.
C'est une passionnée. Ses compositions sont sincères et sont marquées par une grande sensibilité. Elle vit de sa musique. C'est une amoureuse. Cela s'entend. Evidemment on ne peut rester insensible.
Le premier titre de ce cinquième album trace un sillon donc dans une ambiance de cowboys. Fredda traine sa poésie dans la poussière d'Arizona et les racines américaines. Ma rivière nous emmène dans un quelque part fantasmagorique entre le Mexique et le Texas. Les plaisirs sud américains s'entendent sur la chanson suivante, l'espiègle Maintenant.
Neige Rose a la classe d'un vieux crooner. Fredda quitte le monde élégant de la chanson française et c'est la bonne idée de Land. Elle adapte le style de l'americana. L'album est d'ailleurs mixé aux Etats Unis par Jim Waters, complice de Jon Spencer Blues Explosion. On ne peut pas faire plus yankee.
Le Gardien des Fleurs montre tout de même que Fredda n'est pas Dolly Parton mais une exquise chanteuse qui connait bien Françoise Hardy ou Arielle. C'est une amoureuse des mots et de son compagnon, toujours présent. La suite continue à nous plaire. A chaque fois, on sent cette passion, cette ouverture d'esprit, ce travail si bien fait, où tout semble être à sa place.
Les arrangements sont carressants. La voix nous envoute. On pense à une version francaise de Calexico ou une version féminine de Chris Isaak. La France et l'Amérique sont de vieux complices depuis des Siècles. Ici l'alliance est irrésistible.
03h50 L'autre distribution - 2017
French Kiss
Les héros du rock français sont sympas et accessibles. Ils ont la poésie du bitume et une vision décalée d'un moribond quotidien. Askehoug chante la solitude et les affres de l'existence avec une classe très française.
Matthieu Aschehoug est un type discret. Ca lui permet d'observer ses contemporains. Il peut profiter comme tout le monde des verres de trop, des ivresses nocturnes et de plusieurs petites faiblesses. Il a déjà écrit deux disques assez tristes et le revoilà, en papa poule, qui a enfin retrouvé la joie de vivre et d'écrire.
Maintenant son rock chanté-parlé a un enthousiasme agréable. La voix est grave comme le constat qu'il fait tout en nuances. De la nuit sort ce dandy parisien qui a tout compris de la finesse. Ses paroles sont aussi ciselées que sa fine moustache.
Il est pourtant connecté à son temps et condamne cette monstrueuse moderne solitude. Son rock est doucement électro. Ce qui compte c'est la mise en scène des mots. Comme Bashung ou Christophe, on devine un noctambule bien conscient, accroché à l'art comme bouée face à la déprime et au pessimisme!
L'ironie est mordante et on est vraiment séduit pas ce charmeur étonnant, accroché à de vieilles références que l'on avait un peu oublié. Simplicité musicale. Passion des mots. C'est un rock daté mais à la subtilité rassurante. On embrasse sa cause sans aucun problème et on vous conseille vite un rendez vous galant avec ce drôle de gus!
L'autre distribution - 2017
Les fantomes d’Ismael
Ha bah quand même!! Une fois de temps en temps, Arnaud Desplechin peut rater un film. C'est presque rassurant. Malgré son casting trois étoiles, le cinéaste lettré s'autoparodie malgré de belles fulgurances!
A lui tout seul, Arnaud Desplechin peut représenter tout le cinéma d'auteur français, de ses clichés jusqu'à sa vérité et sa grace. Sa filmographie est étrange et merveilleuse. Il va au delà des stéréotypes. Il arrive à mélanger la fiction et la réalité comme personne. Il sait passer du burlesque au tragique avec une gymnastique incroyable dont il est le seul à connaître le secret. La Sentinelle, Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle), Rois et Reine, Trois souvenirs de ma Jeunesse et d'autres font une série d'oeuvres atypiques, intouchables et foisonnantes.
Il se raconte dans des grandes sagas du quotidien. Il philosophe sur les petits riens de l'existence. Il dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Il connait le petit monde parisien mais revient toujours vers ses racines, à Roubaix, dans une famille un peu folle!
Desplechin est unique. On a toutes les raisons de le détester et de l'adorer. Facile de le reconnaitre dans le personnage principal de son nouveau film. Ismaël Vuillard est un type torturé, mal remis de la disparition soudaine de sa première femme, amoureux de Sylvia, douce et attentive.
Alors qu'il tourne un film inspiré par son frère, un diplomate bizarre, il voit revenir dans sa vie, cette femme disparue, Carlotta. Le choc est immense. Les fantômes de sa vie lui font la vie dure et hante des cauchemars qu'il ne supporte plus, "il se ferait bien couper l'hypothalamus d'ailleurs"!
Le genre de détail qui fait tout le charme du cinéma de Desplechin. Il peut envisager le scénario le plus obscur: il l'illumine de réflexions drôles et enlevés. Ici, il veut clairement nous perdre dans la réalité, le cinéma, la fiction et les sentiments, destructeurs ou apaisants.
Il nous sème tellement bien que Les Fantômes d'Ismael souffre clairement d'un manque de fluidité. Le lyrisme est une particularité de Desplechin. Il a disparu. C'est frontal mais assez mal calibré. Il manque quelque chose dans la recette. Encore une fois, la mise en scène est subtile. Des scènes sont outrancières et formidables. Mais mais mais...
Il y a bien Mathieu Amalric, point de repère et reflet essentiel du cinéma de Desplechin. Il incarne encore avec vitalité les nombreuses questions existentielles du réalisateur. Il n'a pas peur du ridicule. Il y a bien Charlotte Gainsbourg qui fait du Charlotte Gainsbourg. Marion Cotillard fait aussi du Marion Cotillard. Ca tourne finalement un peu à vide ce trio amoureux, qui devrait nous projeter dans un espèce de patchwork métaphysique. Desplechin serait il fatigué se raconter encore une fois ses obsessions?
Les extravagances n'aident plus le romanesque. Et inversement. Le film est décousu. C'est peut être le film le plus transparent de l'auteur. Le spectre d'une remise en question serait peut être nécessaire!
Avec Mathieu Amalric, Charlotte Gainsbourg, Marion Cotillard et Louis Garrel - Le Pacte - 16 mai 2017 - 1h54
La mécanique des jours
Face à l'industrie du disque très frileuse, des types comme Jeanphilip font plaisir à entendre: un rock sans concession, qui ne veut rien lacher et qui chante avec ses tripes: décidément Québec est l'Eldorado du rock en version française!
Il roule effectivement des mécaniques! Jeanphilip aime les riffs qui rongent les guitares et des rythmiques très américaines. Pour lui, le rock ca cogne. C'est de l'énergie. C'est un moment de vérité. Canadien, Jeanphilip a cette double culture entre le rock nord américain et la chanson française.
Il n'a pas peur (comme beaucoup de ses camarades québecois) d'assumer cette passion franco américaine. Sur son disque il y a de jolis clichés de Paris mais ce chanteur n'est pas un enfant de Barbara ou de Bobino. Avant de souligner ses sentiments, le gars aime sortir les tripes!
La mécanique des jours est donc basé sur un moteur nourri par deux essences. La carosserie de l'ensemble est très américaine. En version française, cela fait du bien de voir qu'il y a des personnes qui n'ont pas peur de rougir face aux voisins américains.
L'adjectif c'est "efficace" mais heureusement les paroles sont elles aussi sensibles, personnelles et précises. On oublie les références car le binoclard réserve des surprises avec des titres sacrément tendus qui dépassent la démonstration de forces!
C'est le rock engagé, intime et urgent qui explose dans ce disque. Solide, La mécanique des coeurs, fait battre le notre avec sa fabrication sincère et sa science électrique. Ce n'est pas nouveau, mais franchement, qu'est ce que c'est bon!
Bunker d'auteuil - 2016
Alien Covenant
Ridley Scott n'en finit pas de recycler son magnifique monstre qui date tout de même de 1979. Est ce vraiment une bonne chose?
On ne parlera pas ou peu de Prometheus qui voulait initier une nouvelle saga autour de la créature baveuse la plus célèbre du cinéma. Parfois grandiose, parfois raté, cette préquelle avait plutôt déçue mais cela a décuplé l'envie de Ridley Scott de continuer à raconter la genèse du monstre.
Dans les interviews, à 80 ans, il dit vouloir faire encore des films sur le sujet. En attendant voilà donc la suite directe de Prometheus, Alien Covenant, un titre qui montre bien qu'ici il y aura du métamorphe et ca ne va pas rigoler. Mais est ce bien que Scott s'acharne sur sa création et sa créature?
Car on a le droit de se poser des questions sur l'ambition artistique d'un cinéaste admirable. Il a des défauts mais il s'agit tout de même d'un auteur important, originale et formaliste. Il a toujours tenté des choses. Il n'aime pas le confort et on aime ses erreurs autant que ses réussites. On lui doit quelques mythes mais le temps passe et l'envie de nouveauté lui échappe.
C'est ce que pourrait prouver ce nouvel épisode. Pourtant l'auteur ne trahit pas la science fiction. L’interrogation sur la création, la créature et bien entendu le créateur. La première scène est belle, dépouillé et résume parfaitement l’ambition philosophique du film. Bah oui, Alien Covenant ferait plus dans la science-fiction que dans l’horreur.
Les fameux monstres mettent du temps à arriver et fait de ce volet un film assez bavard. Il recycle abondamment tout ce qui a été fait avant. Il y a pas mal de citations autour du second volet, le plus guerrier et technique signé James Cameron. Mais Scott, à bientôt 80 ans, n’oublie pas d’être un cinéaste sceptique et un peu dépressif depuis le suicide de son frère, Tony Scott, lui aussi responsable de nombreux blockbusters.
Ce qui donne un ton ! On n’a plus l’habitude d’une œuvre qui refuse l’humour. C’est aussi un film d’action mais la violence n’est pas seulement graphique : elle est intime. On doit hélas supporter des personnages un peu trop stéréotypés. Pourtant il y a une vision mélancolique des relations humaines, puisque les spationautes sont tous des couples : la rencontre avec la bête affreuse n’en est que plus rude car chaque victime est liée à une autre.
Il y a des idées comme celle-ci qui rendent le spectacle exaltant mais il y a aussi un cahier des charges que l’on finit par connaître par cœur au bout de six épisodes et des variantes en tout genre. On appréciera, entre autres ,la confrontation entre deux androïdes, joués par un glaçant Michael Fassbender, la description d’une civilisation morte et des décors magnifiques d’une nature elle aussi morte, qui montre un Ridley Scott triste mais tenace, toujours en forme pour une mise en scène presque enragée.
Il n’y a plus l’équilibre des débuts où il y avait presque une notion de conte avec une princesse et un dragon dans l’espace. On assiste à un ripolinage un peu maladroit, parfois brillant autour d’une créature qui restera de toute façon, après tous les traitements possibles, un visage unique de la terreur au cinéma. Et les humeurs de Ridley Scott n'arrivent pas à la démythifier. C'est déjà ca!
Avec Michael Fassbender, Katherine Waterston, Billy Crudup et Danny McBride - 20th century fox - 10 mai 2017 - 2h
Death Song
Les Black Crowes, les Black Keys, tout ce qui est black est souvent très électrique... et bon. La preuve avec ce cinquième album des perchés Black Angels!
C'est du rock vieillot, sorti du grenier! Ce sont des orgues hammond qui prennent de la drogue. Ce sont des guitares qui rentrent en fusion sur des riffs abrasifs. C'est une basse lourde qui s'assoit sur une batterie cognée. C'est une voix qui joue autour des échos musicaux.
Bienvenue encore dans le monde merveilleux du Psychédélisme, rock qui hésite entre le trip et les tripes. Dans le cas des Black Angels, ils ne choisissent pas. C'est du rock qui a une âme. En un seul morceau, les anges descendent sur Terre pour envenimer les régles du rock de papa.
Venus du Texas, les rockers ailés apportent une force au style assez surprenante. Ils viennent vous chercher et vous embarquer dans une promenade diabolique dans la musique américaine, où les doutes de notre époque ne sont pas cachés par la démonstration des musiciens.
Car les guitaristes sont extrêmement doués pour des pirouettes bien lovées. Les rythmiques savent devenir hypnotiques sans être soporifiques. Et la voix qui fait dans le masculin féminin n'a pas peur des murs de son qui se fabriquent à toute vitesse.
Fans déclarés du Velvet Underground, les Black Angels ne peuvent pas renier leur héritage texan (si vous voyez trois zozos barbus prévenez nous, on les aime bien) et c'est ce mélange qui fait tout le charme psychédélique de ce groupe qui sait tendre les muscles mais le fait avec une intelligence d'écriture qui n'est pas si commune dans le genre. Avec eux on redécouvre les reverb et les échos. Petit miracle, mais miracle quand même!
Partisan - 2017