English Tapas
Un disque qui sent fort le pipi et les fins de soirées arrosées. Avec un titre comme English Tapas, il ne faut pas s’attendre non plus à de la grande finesse ? Et Alors ?
Si vous croisez le chanteur Jason Williamson et son complice Andrew Robert Lindsay Fearn, c’est que vous êtes sûrement en train de finir une soirée digne de ce nom au fin fond d’un pub sordide qui sert de la bière tiède avec de la viande saoule partout autour de vous. Ces deux-là ne fréquentent pas la haute société londonienne. Ils aiment les faubourgs craignos, les lads de tout poil et réinventent tout simplement le punk.
Jason Williamson rappelle avec sa voix agressive celle de Shaun Ryder, autre détraqué de la musique anglaise. Il rappe comme il peut mais il sait que ses paroles visent juste. Il n’aime pas grand monde et le fait savoir avec un rap minimaliste, une pop baroque et des idées anarchistes.
Avec Sleaford Mods, tout le monde en prend pour son grade. La société de consommation, les politiques, les pauvres, les riches, la bouffe, rien n’échappe au radar de Williamson, qui met toute son énergie dans sa colère, entière et sans limite.
Ce n’est pas une sinécure. Le disque nous met sur les rotules mais il a le grand mérite d’être original. On n’écoutera pas cela en boucle mais on apprécie cette vigueur épurée et rentre dedans. Il s’agit du neuvième album. Ils sont passés dans une maison de disque plus confortable mais leur musique continue de bousculer et cogner.
C’est du punk nouvelle génération. Avec leurs gueules cassées, les deux lascars nous en mettent plein les oreilles. Avec pas grand-chose, ils font une sorte de montagne d’art brut… de décoffrage ! Une découverte qui vous mettra KO
Rough trade records – 2017
The search of everything
Toujours aux States, un petit point sur l'une des stars les plus populaires du continent... et si peu connu chez nous. Son septième album est très agréable en voiture!
Bon on a fait de la route. Les fameuses freeway américaines. C'est beau. On a l'impression d'être dans un film dans notre voiture automatique. Les paysages sont ceux de Speed ou de Fast & Furious.Le désert s'invite. Sauf que l'on ne dépasse pas le 70 miles. On est les rois de la route mais aussi de la radio. On y entend souvent John Mayer.
Chez nous, il est personne. Il est peut être connu pour avoir été le boy friend quelques mois de la star Jennifer Aniston. Ses albums sont rarement chroniqués chez nous. Il faut dire que le garçon a un sens très américain de la musique: c'est de la soul jouée par un rocker.
Un gentil et lisse rocker. John Mayer joue très bien de la guitare et soigne de jolis arrangements qui ne vous dérouteront jamais. Il serait le roi de RTL2, le son pop rock, si on lui donnait un peu sa chance.
Pour nous, c'est complètement inconséquent. En Amérique, on raffole de ce beau jeune homme bien sous tout rapport, qui bosse avec des musiciens expérimentés et qui fait de la jolie musique bien classique. Dans une voiture sur une route américaine, on pense comprendre pourquoi il marche. Revenu en France, pas sûr que l'on reste sensible à ses ritournelles élégantes mais pas très originales...
Columbia - 2017
Fast & furious 8
Après l'uberisation de la société, la starbuckisation de la consommation, sommes nous en face de la fast&furiousisation du blockbuster?
Mine de rien, on est devenu extrêmement indulgent avec cette saga assez basique et réactionnaire, où l'éloge de la famille se fait à coups de tatanes chorégraphiées et de cascades viriles! Son succès est incroyable et beacoup veulent imiter cette formule pour le moins simplette. Le premier épisode était un vulgaire ersatz motorisé de Point Break. Le second et le troisième trempaient dans la beaufitude crasse avec petits culs de pépées et grosses bagnoles.
Puis la saga s'est mise en place avec acteurs aux muscles saillants et un récit rudimentaire pour faire du spectacle total: des voitures qui vont vite, des types qui se castagnent et de jolies minettes!
Avec la mort du comédien Paul Walker, on s'est mis à être ému par cette franchise et désormais elle est devenue incontournable. Nous voici donc au huitième épisode. Toretto doit trahir les siens pour sauver la planète d'une troisième guerre mondiale. Bah oui, un pilote rebelle au grand coeur et chauve peut vous protéger d'un destin funeste international!
Comme d'habitude, le comédien Vin Diesel en fait quatre tonnes pour jouer le gars qui sait tout, fait tout et détruit tout! Comme d'habitude, il a une équipe de pilotes qui font tous des blagues devant la mort. Comme d'habitude, il y a des véhicules improbables et des filles avec courtes jupes sur de la musique de mariachis 2.0 . Comme d'habitude il y a des acteurs connus ou sur le retour qui viennent faire des apparitions remarquées.
On retiendra de cet épisode, une Charlize Theron très féroce et rasta, à la peau étrangement lisse et un Kurt Russell, jubilatoire dans le rôle de l'agent vachement secret. Mais ce que l'on retiendra c'est cette scène étrange où toutes les voitures connectées deviennent folles (téléguidées par la méchante) et mettent le souk dans New York. Un moment spectaculaire et inédit comme on n'en voit très rarement dans cette série qui réussit à choper à notre indulgence à coups d'énormités qui bien souvent nous mènent à l'hilarité.
Avec Vin Diesel, Charlize Theron, Dwayne Johnson et Jason Statham - Universal - 12 avril 2017 - 2h05
What we’re made of
Daniel Allen joue de la guitare et chante l'Amérique. La Vraie. Celle qui fait soulever la houppette de Donald Trump de plaisir. Bryan Harris cogne à l'Américaine sur sa batterie pour faire l'admiration de Paul Bruens, mutique bassiste poilu. Richard Forehand seconde idéalement le chanteur et joue comme Jimmy Page de la mandoline et de la pedal steel. Enfin Beau Cooper pianote comme un vieux cowboy au crépuscule de sa vie. The Vegabonds vient du Tennessee et ca s'entend!
On sort donc les Stetson et les cuirs à frange. On se met à la moto. On aime les grands espaces et les bars avec des billards et des néons. Si on peut ajouter quelques belles pépées, on fera l'éloge de l'authentique. Le groupe de Nashville en tout cas ne va pas vous décevoir si vous connaissez ou aimez ce genre d'ambiance.
Comme les vieux rockers de notre enfance, ils ont des lunettes de soleil, les cheveux longs, des barbes hirsutes et des chansons avec plein de sentiments dedans. Allen et ses potos parlent de la vie, de ses souffrances, de ses espoirs et de ses luttes. C'est beau comme du Clint Eastwood.
Vous l'aurez compris: rien de surprenant ici mais l'album est un plaisir aussi coupable qu'exotique finalement. Les petits gars savent se la jouer beaux gosses du grand canyon comme de grands cavaliers du rock'n'roll à l'ancienne. C'est impeccable. Comme un exercice au lasso dans une démonstration de pick up trucks rutillants.
C'est populaire dans le bon sens du terme. Ca sent bon l'Amérique de légende. Pas celle qui nous fait désespérer en ce moment!
Just for kicks music - 2016
Ghost in the shell
Film fantome
Adaptation d’un dessin animé japonais, Ghost in the shell déçoit logiquement. Reste une drôle d’actrice au milieu du délire visuel !
Ghost in the Shell est une référence absolue ! Un monument du dessin animé adulte, du film de science fiction et du cyber punk un poil hard boiled (impressionnant ce que je viens de dire non ?). Bref il ne fallait pas toucher à cette saga et Hollywood, n’a pas du tout pris de pincettes pour l’adaptation.
Vous avez donc des effets visuels spectaculaires. Des robots dangereux. Une héroïne aussi belle que surarmée. Et une histoire d’une pauvreté affligeante. Pour que le spectacle soit bien worldwide, la moulinette hollywoodienne a réduit le récit à une quête d’identité individualiste où la philosophie se limite à quelques réflexions entre deux coups de feu !
Le film du limité Rupert Sanders (Blanche Neige et le Chasseur) se cantonne à de belles images qui rappellent Blade Runner et la star du film, Scarlett Johansson ressemble à une muse de Luc Besson. C’est dire si on est loin du niveau d’évocation et de créativité de Masamune Shirow, mangaka et du cinéaste Mamoru Oshii.
Il est difficile d’apprécier cette version live, qui ne prend aucun risque et finit par ennuyer sans déplaisir, réel. Là où le dessin animé nous faisait vibrer réellement et nous questionner, le film mâche toute notre intelligence pour ne jamais nous froisser. C’est une belle coquille vide
Reste que la belle Scarlett Johansson intrigue dans ces choix dans le film de genre. Dans Under The Skin, elle jouait un alien affamé perdu dans le corps d’une bombasse. Dans Lucy, elle est dissoute physiquement par le cinéaste. Ici, encore son corps est en miette et le personnage central s’interroge encore sur l’apparence et l’intellect. Johansson est une actrice qui aime se faire du mal. C’est bien le seul point réellement positif et un peu ambivalent de ce film décevant.
avec Scarlett Johansson, Takeshi Kitano, Juliette Binoche et Pilou Aesbaek - Paramount - 29 mars 2017 - 1h45
Brimstone
2h30 pour nous dire qu’il faut se méfier des fous de Dieu… c’est peut être un peu trop !
Une jeune femme muette vit paisiblement dans une petite communauté rurale dans de magnifiques montagnes sauvages. Tout a l’air d’un western champêtre. Elle a un mari qui l’aime et deux beaux enfants. Tout change lorsque le nouveau et rigoriste pasteur arrive en ville…
Entre les deux, il y a une animosité qui va se révéler au fil des très longues minutes de ce western quasi gothique qui s’imagine presque comme un film d’horreur. C’est très beau. Les paysages sont incroyables. L’ambiance ouatée et inquiétante rappelle le cinéma d’antan avec de la brume, de l’eau, du feu…
Le réalisateur hollandais Martin Koolhoven s’échappe rapidement des conventions du western. Il y a toutes les saveurs mais le goût est beaucoup plus âpre et cruel. Divisé en quatre chapitres éprouvants, le film va nous faire rentrer dans la folie d’un homme de foi qui ferait passer Robert Mitchum dans La Nuit du Chasseur pour un béni oui-oui.
La poésie de La Nuit du Chasseur est remplacée par une cruelle violence qui lorgne sérieusement sur le gore. Et elle s’étale sur une longue durée. On est à la limite de la complaisance. Pourtant les efforts du cinéaste sont louables.
Il est surtout sauvé par deux acteurs sublimes. L’insupportable Dakota Fanning (La Guerre des Mondes) est devenue une actrice étrange et volontaire. En face d’elle, elle affronte Guy Pearce, déjà vu dans le curieux western Vorace, et qui continue de trainer son physique sec et fascinant dans une œuvre hors norme, dérangeante mais pas toujours convaincante.
C’est en fait un chemin de croix. Pas sûr que la violence graphique aide le propos. Il y a de belles choses dans le film mais le malaise se prolonge trop et le duel autour de la religion et de la famille vire au cauchemar. Autant pour le spectateur que pour les comédiens.
Avec Dakota Fanning, Guy Pearce, Carice Van Houten et Kit Harington – Les jokers les bookmakers – 22 mars 2017 – 2h25
Somewhere under Wonderland
Coucou à nouveau,
Le périple californien se poursuit et je vous envoie une nouvelle carte postale musicale! On se souvient du titre Mr Jones des Counting Crows. He bien, ils existent encore et ils vont plutôt bien!
Ce qu'il y a de bien avec ce groupe c'est qu'il n'est pas nostalgique et n'essaie pas de courir après le succès de leurs débuts, qui furent bel et bien tonitruants. Le chanteur Adam Duritz a pris la notoriété dans la tronche et le star system aurait pu avoir sa peau.
Heureusement les Counting Crows est un groupe solide avec une idée précise et constructive de la musique et du rock en particulier. Ils parlent souvent de L.A. et toutes ses contradictions mais le groupe de Berkeley lui apparaît désormais très structuré et conscient.
En plus de trente ans d'existence, il y a eu peu de départs. Les musiciens cherchent dans leur formation, la chanson parfaite, le rock le plus proche d'eux et leur générosité s'est toujours ressenti dans leurs albums, assez peu nombreux.
Le dernier date donc de 2014. Le groupe a quitté le label Geffen en 2009 et vole de ses propres ailes depuis. Somewhere under Wonderland est leur premier album de compositions depuis cette rupture. Pour l'occasion, il est tout de même distribué par le label Capitol. Ils n'ont pas vraiment changé: du rock classique, légèrement alternatif, avec des paroles très prenantes et une guitare qui s'impose un peu plus que d'habitude.
Le style est donc une sorte de rock inaltérable et amical. On a l'impression d'être avec des potes de longue date que l'on voit trop peu. C'est fraternel en diable et donne bien l'idée d'une Californie comme île idéaliste loin de la férocité d'un Trump. Peace & love, les amis!
Capitol - 2014
The lost city of Z, James Gray
Loin de New-York, de ses gangsters et de leurs acolytes éternels les policiers, voici au début du XXème siècle, la bonne société anglaise, d'abord aperçue en Irlande (ils se croient partout chez eux ces gens-là...) et ses officiers militaires, avec parmi eux, un homme différent auquel on refuse la place qu'il mériterait.
Cet homme intelligent et loyal envers son pays est habité, hanté par un désir qui le dépasse, qu'il ne sait pas nommer, qui a un rapport avec la grandeur d'âme, la générosité vitale, le sentiment d'un destin à accomplir. Il saura de quoi il s'agit lorsqu'il y sera. C'est-à-dire au moment où expédié dans la jungle bolivienne à la frontière avec le Brésil, enveloppé de virginité verdoyante, chaude et dangereuse, déjà fasciné, il remonte le fleuve et apprend de la bouche d'un indien (qui disparaîtra juste après la révélation, comme il se doit) l'objet de sa quête, de ce qui va constituer l'appel de sa destinée et le conduire au bout de lui-même y entrainant son fils ainé, la cité mythique de Z.
Z comme l'instant zéro, le retour à la source juste avant le point A. Le père et le fils vont s'y engloutir, hallucinés et, j'en jurerais, heureux. On retrouve les questionnements du réalisateur sur la filiation, la transmission, et sur le couple. Ici, quelle épouse ! Belle, généreuse, émouvante sans pathos, un grand rôle ! Et puis, cela fait partie de l'Histoire : la révélation de l'horizontalité de l'humanité, aucune civilisation ne peut se prétende supérieure à une autre, vérité confondante qu'il est encore si difficile de faire admettre, hélas ! Ce film rappelle ceux de Werner Herzog évidemment, mais aussi Térence Mellick sur certains aspects élégiaques, et "Apocalypse Now" pour la remontée du fleuve, ses boucles boueuses, ses méandres, par quoi l'on s'initie aux mystères de l'espace (de plus en plus primitif) et du temps (originel).
L'aventure humaine n'en finit pas de nous interroger, c'est, au fond, le seul sujet qui vaille.
Funkfornia
Hello les amis,
Une petite carte postale de Californie! En effet votre serviteur se la joue West Coast. J'hésite encore entre une voiture à la Fast & Furious ou jouer le surfeur mystique du coté de Venice Beach. En tout cas, voilà un joli disque qui vous mettra dans l'ambiance.
Los Angeles, c'est trop grand! Je ne vais pas vous raconter mon périple. Surtout si vous êtes au travail. Moi je suis en face d'une plage avec des surfeurs, un soleil qui cogne et toute une ambiance que l'on ne connait pas ailleurs. Le dépaysement est total.
Car Los Angeles est une ville tentaculaire où chaque endroit a son caractère bien trempé. Il ne faut pas s'étonner de voir des groupes têtes de pioche sortir de cette ville. Les stars, les ghettos, les no go zone et les plages cohabitent. Cette compilation de rap, Funkfornia, rend bien compte de ce mélange caliente!
Car le disque produit par L's, le "secret le mieux gardé de Long Beach", réunit de chouettes morceaux de rap. On est loin du bling bling même si l'empreinte sonore de Dr Dre sur la production de L.A. semble profonde. Mais certains sont visiblement au niveau. Cette musique de la rue est bien plus musicale que les hits qui arrivent dans nos oreilles franchouillardes.
C'est extrêmement pointu. Les auteurs, méconnus dans l'ensemble, sont talentueux: leur rap est sacrément funky et plus dansant qu'à l'accoutumée. On s'éclate bien et on se la pête en toute simplicité. Le passé inspire bien le présent. Ca sort un peu de l'ordinaire mais sachez qu'ici, rien n'est en fait ordinaire. La ville bigger than life. En vacances, ca passe. Tous les jours, ca rend peut être fou... ou artiste!
Allez je vous embrasse je vais faire trempête et je vous donne des news rapidos
WTS ENT - 217
Manifeste contre la peur
VioleTT Pi est un drôle de bonhomme. Il propose des drôles de disques! Avec de drôles d'instruments. Et des drôles de paroles! Et une drôle de pochette! Manifeste contre la peur est finalement assez drôle.
Derrière le nom de VioleTT Pi se cache le Canadien Karl Gagnon, qui a aussi une autre qualité: il est le compagnon de Klo Pelgag. Tout de suite, on sent que nos habitudes d'étiquetage vont être mises à rude épreuve. La jeune fille est bien barrée, alors que dire de VioleTT Pi qui philosophe sur le Monde avec une excentricité tout aussi exotique?
En gros pour présenter son manifeste, on pourrait parler de poésie punk. Le musicien aime partir un peu dans tous les sens mais il retombe toujours sur ses pieds et glisses sur des genres variés. Parfois il fait dans la chanson à texte puis se faufile vers des envies plus rock ou plus barrées encore.
Il est difficile à suivre. Un manifeste, c'est construit. Ici l'ambition semblerait être l'inverse: VioleTT Pi ne veut pas s'attarder sur un style et les attrape tous pour en faire quelque chose d'assez anarchique mais pas déplaisant du tout. Mais il faut avoir l'esprit très ouvert pour s'attacher à sa douce folie.
C'est un disque plein d'appetit. Le chanteur est peut être un peu trop gourmand mais son manifeste contre la peur nous fait parfaitement oublier celle qui régne dans nos quotidiens, nos smartphones, nos fakenews...
L Abe - 2017