Sciences Politiques
Album de reprises, culotté! Bah oui ca existe!
Pascal Bouaziz est un homme pressé.Pascal Bouaziz multiplie les projets. Pascal Bouaziz a le rock dans le sang.
Il aime l'urgence du genre. Il célèbre son aspect rugueux et populaire. Il s est fabriqué une conscience en écoutant The Jam, Leonard Cohen, Sonic Youth et d'autres héros du rock venu d'en bas. Grâce à eux, Pascal Bouaziz démontre encore une fois qu'il est vraiment un type singulier!
Il retrouve donc le groupe de ses débuts. Après un bouquin, un autre groupe et un disque solo, il retourne aux sources. Pascal Bouaziz reforme à nouveau son groupe étrange pour rendre hommage à ses illustres ancètres. Mais il va refuser une fois de plus de faire comme les autres.
Pour l'hommage poli, il faudra repasser. Frondeur est un mot à la mode, mais il décrit assez bien l'artiste et son groupe. Ils ne vont pas faire comme tout le monde. Pour la sixième fois, Mendelson va prouver qu'il sort du lot. Ils peuvent paraître prétentieux mais ils se font vraiment une haute idée de leur vision rock de la musique.
Mendelson prend donc les titres de sa jeunesse pour décrire la société d'aujourd'hui avec une amertume qui nous plonge dans les abimes de l'existence. Bouaziz et ses pote de toujours ne sont pas des optimistes mais renouvellent la chanson politique et l'album de reprises en un seul effort. C'est pas mal du tout.
Si vous avez les idées noires, ne comptez pas sur ce disque pour vous remonter le moral. Néanmoins, il est ici question ici de conscience, de création et d'originalité. Ce qui vaut à coup sûr que vous prenier un petit cours de sciences politiques!
Ici d'ailleurs - 2017
The Lost City of Z
Film d'aventures à l'ancienne, The Lost City of Z est une antiquité remise à neuf. Et c'est sûrement le meilleur film de James Gray.
Ce dernier fut peut être surestimé par la presse française depuis son tout premier polar, Little Odessa. Depuis, il donne des suées à tout critique local avec des films âpres et souvent new-yorkais. Son petit dernier ne manque donc pas d'exotisme puisque le réalisateur de The Immigrant s'échappe en Irlande puis en Amérique du Sud.
Pas de voyous ou de flics. Pas de filles aux yeux tristes. Mais toujours une histoire de famille qui va se dilluer dans un récit d'aventures l'ancienne. Au tout début du Vingtième Siècle, le soldat Percy Fawcett se voit confier une mission au fin fond de la Bolivie, à la frontière du Brésil. Il doit diriger des travaux de cartographie mais rapidement il est convaincu que son périple pourrait le mener à une cité antique d'une richesse inouïe...
L'enfer vert donne la fièvre à tout blanc qui s'aventure dans la légendaire Amazonie. Aidé par deux fidèles amis, le militaire va consacrer sa vie à ses recherches. Au détriment de sa vie de famille et de son honneur. Car une fois de plus, Gray filme un homme à l'ambition aveuglante qui met en péril tout son entourage.
Il s'agit bien d'un film de James Gray car il est question en permanence de la famille, de l'héritage et de l'individu à l'interieur de cette cellule. Percy Fawcett, qui a réellement existé, a de la chance d'avoir une femme indulgente pour tenter redorer le blason. L'exotisme de l'Amazonie est entrecoupé par des retours en Irlande, délicat mais à la la violence plus feutrée, plus intimiste.
Elle contrebalance avec les voyages de Fawcett et ses amis. Le récit est à l'ancienne, rude et sans concession. Gray préfère développer les personnages pour que les événements prennent naturellement de l'ampleur. Pas d'effets grandiloquents. Avec quelques piranhas, un vilain explorateur et des indiens plus ou moins accueillants, le film nous plonge dans la folie qui finit par atteindre tout le clan Fawcett.
Le héros cite Kipling mais le film réveille tout ce cinéma d'un autre temps où la frontière n'est pas physique mais intérieure, où les paysages deviennent l'expression des doutes des protagonistes, où la musique nous propose de s'élever, au delà des images, où l'action reflète une profondeur plus existentielle.
Gray ne fait pas dans la citation: il retrouve une ambiance étrange, qu'adore un vrai cinéaste explorateur comme Werner Herzog. Aidé par la photo de Darius Khondji et des acteurs impliqués, James Gray signe une oeuvre vraiment à part, où l'Amazonie devient un fleuve au croisement du film d'auteur et des fantasmes hollywoodiens. L'efficacité sert un propos.
Le spectateur n'est pas baladé mais interrogé constamment par la lenteur, la beauté et l'ambiguité d'une folie filmée avec passion. Il faut donc aller très loin pour voir du vrai bon cinoche! Celui qui nous éloigne du Z, lettre maudite au cinéma!
Avec Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Edward Ashley et Sienna Miller - StudioCanal - 15 mars 2017 - 2h21
Traque a Boston
L'attentat du marathon de Boston vu par Peter Berg, le plus Américain des cinéastes hollywoodiens. Cela aurait pu être pire!
Il court Peter Berg! Il enchaine les films de plus en plus rapidement et à chaque fois il décrit des bons petits Américains qui se battent, luttent et prouvent la grandeur de l'American Way of life! Après les soldats perdus dans l'Afghanistan (De Larmes et de Sang), les techniciens sur une plate forme en feu (Deepwater Horizon), les flics de Boston et leur légendaire bon sens sont les héros de son nouveau thriller, Traque à Boston, Patriots Day dans la version originale. Et toujours avec le massif, sympatoche et un peu bovin Mark Whalberg!
Il y a donc toutes les raisons de s'inquiéter car Berg est l'un des réalisateurs les plus efficaces d'Hollywood (on le compare souvent à Michael "je casse tout" Bay) mais aussi l'un des plus maladroits! Il a raté quelques films et s'il reste sympathique, son amour du pays peut le trahir.
Pourtant Traque à Boston se limite aux faits. L'enquête qui a suivi cet abominable attentat. Des terroristes jusqu'aux agences du pays en passant par les victimes, tout le monde a le droit de citer dans cet état des lieux qui reste un thriller, assez haletant même si on connait la fin.
Il filme l'héroisme sous toutes ses formes. Et scrute le moindre espoir dans chaque destinée. C'est là qu'il est vraiment américain, Peter Berg. Il regarde néanmoins un peu trop les flics avec des yeux d'amour. Il s'attarde parfois sur des scène tire jus. Sa poursuite est un peu longuette de temps en temps. Il se perd un peu dans les détails et les personnages meurtris aussi. Ca pourrait être répétitif.
Il y a tout de même du rythme et de l'intérêt pour cette tentative de récit autour d'un drame très récent. Le patriotisme est atténué par cette recherche de vérité de la part du réalisateur. Caméra au poing, il réalise un film coup de poing. Sans nous mettre chaos!
Avec Mark Whalberg, Kevin Bacon, John Goodman et Michelle Monaghan - Metropolitan filmexport - 8 mars 2017 - 2h05
One shot
One shot! Deux shots! Jusqu'à onze shots de bonheur en musique. Bienvenue à la Cafetera Roja!L'auberge espagnole du mélange des genres!
C'est l'histoire qui réconcilie n'importe qui avec l'Europe. Des musiciens autrichiens rencontrent d'autres musiciens, espagnols et français. Nous sommes à Barcelone, ville festive et ensoleillée. Les nouveaux amis commencent à jouer ensemble et ce qu'il en sort c'est bel et bien un rock hip hop au belles couleurs européennes.
Car ils sont riches de leurs différences et les influences se mélent dans une joyeuse partouze des styles. Il y a de la pop, du hip hop et du vrai rock qui cogne. Il y a l'esprit de Java dans ce collectif joyeux. Il y a la célébration de la tolérance et de la fiesta dans chacun de leurs titres. C'est enivrant. C'est amusant.
C'est pétaradant. On est moins convaincu quand ils se prennent (un peu) au sérieux. Cependant on est conquis par cette fanfare européenne qui ose tout et ne semble avoir peur de rien. Un petit rap en allemand. Des instruments plus terroirs qui se promènent sur des chansons boostées par un esprit de fin de soirée heureuse dans un bar, quand les gens se prennent dans les bras!
Ce n'est pas non plus des morceaux pour alcoolos. Le groupe maitrise parfaitement son sujet. Chaque refrain est gonflé d'espoir. Ca va très bien avec le printemps qui fait son apparition. En y revenant, il y a tout un tas de subtilités et de surprises qui rendent la visite de ce lieu obligatoire
A la votre!
Viral
Le printemps arrive avec son lot de pollen et divers allergies. C'est le bon moment pour regarder un sympathique film d'infectés à l'ancienne!
Ca commence très mal. Un lycée avec son lot d'adolescents frustrés qui ne pensent qu'à se rouler des galoches. Deux soeurs s'ennuient dans cette charmante ambiance avec un papa poule chauve (je me suis identifié parfaitement avec mes trois poils sur le caillou et mes adorables filles). Mais la terreur s'installe dans leur petite film.
Obama annonce une épidémie de grippe assez sérieuse. En fait les victimes du virus sont possédés par une sorte de bestiole qui les controle en s'infiltrant à l'intérieur des corps. Tout cela se passe après un chouette concours de gerbes du plus bel effet!
Rien de nouveau sous le soleil californien avec ce petit film d'horreur réalisé par les auteurs de deux Paranormal activity. Il y a là de quoi avoir la gerbe effectivement. Mais très vite, les réalisateurs montrent quelques singularités avec une réalisation soignée et une vie de famille bien décrite avant de tout faire exploser en éclat avec cette maladie étrange et très esthétique.
C'est donc la fin du Monde en riquiqui, à travers le regard de deux adolescentes dégourdies, coincées dans une petite cité poussiéreuse. On peut y voir une métaphore sur la sexualité et des trucs qui plairaient bien à Cronenberg mais il s'agit finalement d'une humble série B, qui a son charme (pas seulement à cause des deux jolies actrices) et parasite le flot de navetons qui inonde le marché du dvd et de la vod.
Avec Sofia Black D'Elia, Analeigh Tipton, Travis Tope et Michael Kelly - Wild side video
Aidons C’est mon choix ! à trouver de bons thèmes
Dans la grande tradition de la télé qui s’immisce dans les vies des petites gens pour que d’autres petites gens devant leur écran s’offusquent ou raillent la petitesse des petites vies des gens qui déballent face caméra l’étroitesse de leurs vies, « C’est mon choix » est une des rares émissions à survivre, à avoir bientôt passé le cap des 20 ans, tel un hommage à travers le temps à son feu créateur Jean-Luc Delarue, qui n’avait son pareil pour, posément, creuser au plus profond de braves bougres venus étaler qui d’une passion pour Johnny, qui d’un amour pour les personnes de petite taille, qui d’une soif sans fin pour Claude François, qui, en plus trash, s’inonde d’urines pour pouvoir espérer avoir un orgasme, le tout sous couvert de l’anonymat, avec voix trafiquées et lunettes de cagoles…
Tous les jours, sur Chérie 25 (si si ça existe comme chaine), l’indéboulonnable Evelyne Thomas, passe ses après-midi à apporter sur un plateau boueux télévisuel, tout ce qui ce fait de mieux en terme de casting de détraqués, de déglingos, de pas nets nets, de « non mais elle doit pas se rendre compte qu’elle passe à la télé la meuf, le retour au boulot va être terrible quand tous ces collègues vont savoir qu’elle aime s’enduire de miel sous une combinaison en latex tous les samedis soirs »…
Malheureusement, à raison de 2 épisodes par jour, on imagine aisément que les mecs de la production peinent et pas qu’un peu, à trouver des thèmes. Ok ok, ils ont de l’imagination nos amis, mais avouez que de la sexualité bizarre, aux loupés de la chirurgie plastique, en passant par les séances de relooking en direct, en crochetant par les fondus d’activités paranormales, aux amours défendus, aux célébrités de téléréalité repassées depuis dans l’anonymat, aux passions par des animaux pas ordinaires, le sentiment d’avoir à peu près fait le tour de tout de la façon la plus éculée commence à poindre.
Aussi, soyons foufous, soyons aidants, et imaginons 10 thèmes qui pourraient venir garnir les pré-castings de C’est Mon choix d’exception à venir :
- « Ma femme s’appelle Jean-Claude » : Sans sexualité pendant les 15 premières de vie de couple, Roger décide de briser la glace le jour où pour la 8ème fois en 1 an, son épouse, lui demande si son Wilson triple lame est vraiment efficace pour le contour du menton, en baissant son slip, c’est une demi molle et une demi surprise, en fait sa femme s’appelle Jean-Claude.
- « Est-il possible de faire enlever mes tatouages sur les fesses ?» : Folle d’encre imprégnée sous l’épiderme fessier depuis de nombreuses années mais parfaitement étrangère à toute notion de Bescherelle, Jennifer, 48 ans, s’aperçoit à la lecture des commentaires sur sa page facebook après y avoir posté une photo de son postérieur que « Ge t’ème mon mautard préfairé pour l’avis » aurait eu plus de tenu écrit « Je t’aime mon motard préféré pour la vie » même si elle est séparée depuis 15 ans avec ledit fan de Kawazaki.
- « Je suis convaincu que Claude François n’est pas mort » : Mireille, 69 ans, fan du chanteur de Comme d’Habitude depuis 1958, n’en démord pas, après avoir fait le test elle-même à 53 reprises, et malgré 53 séjours à l’hôpital dont 25 au service des grands brulés, elle est convaincue qu’on ne peut pas mourir en changeant une ampoule de 40 watts à culots vices deux crans dans une baignoire avec 4 cm d’eau.
- « Mon chien est la réincarnation d’Aldolf Hitler » : Samantha, alsacienne d’origine austro hongroise de Martigues, vient présenter HeïKiki, son pitbull de 2 ans ½, qui, fine moustache noir sous le museau, ne peut s’empêcher de mordre toute personne non blanche, a des érections flagrantes lors des passages télévisuels de Marine Le Pen et reprend d’un aboiement subtil l’ensemble des chansons qui passent sur Radio Courtoisie que sa maitresse aime à écouter dans son 4x4 Volkswagen de 1944.
- « Je sais dire l’alphabet en rotant dans 9 langues » : Kevin, 14 ans, surdoué en matière de trucs qui ne servent à rien, s’est fait repérer sur les réseaux sociaux à seulement 12 ans, après avoir convaincu près de 3 millions de jeunes boutonneux aux vies qui ne servent à rien, de suivre ses vidéos qui ne servent à rien, où il éructe face webcam tous les alphabets du monde. A noter que Cyril Hanouna souhaite l’embaucher comme chroniqueur dans TPMP pour le faire commenter les séquences de Télé Réalité en rotant.
- « J’ai une vie de merde mais comme tout mon entourage a une vie de merde personne ne s’en était aperçu » : Sonia, 29 ans, aime les joggings, les jeux de TF1 et passe ses week-ends a observé Brandon, son jeune époux, tondre la pelouse et se prendre des cuites avec les copains de l’usine. Après 5 ans de week-ends identiques, elle a décidé de regarder, par hasard, le JT de France 24, et s’est aperçu que la France n’était en fait qu’un pays parmi pas loin de 200, depuis, elle a quitté Brandon.
- « J’aime porter des pantalons en velours le week-end » : Gontran, 24 ans, hésite toujours entre Fillon et Dupont-Aignan pour l’élection présidentielle 2017, farouche défenseur des anti-IVG et fan absolu de Frigide Bargeot pour laquelle il voue un culte non-dissimulé, aime porter des pantalons en velours couleur taupe dès le vendredi soir. A noter que Gontran n’a plus d’amis et gère sa page facebook sous une fausse identité « Déglingo souverainiste du 72 ».
- « Ma coiffure est la même que Lady Gaga » : Tabatha, 32 ans, est LA fan devant l’éternel de la chanteuse de Poker Face, elle a fait le pari fou il y a une dizaine d’années de se coiffer comme sa chanteuse préférée à chaque instant. De fait, elle va chez le coiffeur tous les jours ou presque après chaque visionnage des tapis rouges de cérémonie à laquelle se rend Lady Gaga, tout son salaire de caissière y passe, elle avouera même qu’un crédit revolving de 9000 euros mensuels lui permet d’assouvir sa passion et fait les beaux jours de Coupe&Tif, le salon de coiffure de son quartier.
- « J’ai fait l’amour avec un extra-terrestre » : Persuadée d’avoir été kidnappée en même temps que la sœur de Fox Mulder dans le 8ème épisode de la 2ème saison de X-Files en 1995, Gladys, la quarantaine assumée, est convaincue que Jason, son fils de 20 ans, au physique assez peu terrien il faut l’admettre, est le fruit d’une nuit au milieu des orbites, oui oui, elle, elle dit orbite.
- « Ma femme s’appelle Jean-Claude, j’ai un tatouage Clode Françoise sur les fesses, fait par des extraterrestres qui rotent l’alphabet martien, et qui ressemblent à Lady gaga » : Bah là c’est le thème du Best Of de C’est mon choix en fait !
Allez, sur ce, j’vous embrasse…
Romestebanr.
Une saison en enfer, Arthur Rimbaud, Jean-Quentin Châtelain, Ulysse di Gregorio, Lucernaire
Pour la 3ème fois, j'ai la chance d'écouter Jean-Quentin Châtelain dans l'art du monologue. Après Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas, d'Imre Kertesz à Théâtre Ouvert en 2004, Blaise Cendrars au Grand Parquet en 2015, j'ai rendez-vous au Lucernaire pour ré-entendre Rimbaud. Jean-Quentin Châtelain dit du monologue que c'est un peu comme marcher sur un fil, et que le rapport au public est proche de l'hypnose. Il excelle dans cet art et à chaque fois, fait renaître la voix de l'auteur. Moi qui ai étudié Rimbaud au lycée et qui l'ai lu passionnément à cet âge, au Lucernaire j'entends des aspects nouveaux de la personnalité de l'auteur. Plus jeune, je lisais dans ce texte (écrit entre avril et août 1873) une description de l'état d'adolescence. Or il me semble aujourd'hui que ce texte parle surtout d'une vocation personnelle et de la difficulté d'assumer sa vocation dans un environnement ou à une époque conservateur/trice.
Je n'avais jamais perçu avant la solitude de Rimbaud, ni entendu son appel à libérer les consciences, à s'affranchir des conventions. S'il appelle une révolution c'est qu'il souffre sincèrement. Il décrit beaucoup ses moments de folie dans ce texte, qu'il doit à l'abus de stupéfiants certes, mais pas seulement. Je pense que sa folie doit beaucoup à sa solitude, à sa différence. Par exemple, il se décrit comme un indien, un « sauvage ». « Une saison en enfer » est son dernier texte. Il a 19 ans et renonce déjà à sa vocation: « Les blancs débarquent (…) Il faut se soumettre au baptême, s'habiller, travailler. »
En écoutant ce texte si plein de culpabilité et de désillusion, je pense avec compassion: si Rimbaud était né un siècle plus tard, en 1954 ? S'il vivait parmi nous ? Il aurait la chance de connaître une société quasi affranchie de l'autorité religieuse; car notre époque offre la chance d'une « spiritualité laïque ». C'est si bon de se dire que notre société s'est libérée au moins de ce carcan. Même si elle est imparfaite (et menacée) notre société célèbre cette liberté. En quittant le bar du Lucernaire, rue Notre Dame des Champs, en ce printemps 2017, après une représentation hypnotique où j'ai redécouvert Rimbaud, je me sens plus de courage. J'ai envie de célébrer notre époque parce que j'y vois une société engagée dans un mouvement (un effort peut-être infini) : elle s'affranchit toujours de nouveaux bourreaux, de pouvoirs malsains sans cesse renouvelés.
Une idée encourageante: célébrer « Le Printemps des poètes » au Lucernaire, c'est maintenant ...
Une saison en enfer
D’après Arthur Rimbaud
Au Théâtre du Lucernaire (http://www.lucernaire.fr/)
Jusqu’au 6 mai 2017
Mise en scène d’Ulysse DI GREGORIO
Avec Jean-Quentin CHÂTELAIN
Noir Eden
La musique de Peter Peter est précieuse. Au pays des bucherons, pas sûr qu'il soit compris en défendant une pop synthétique qui brode sur la solitude et les autres petites tristesses existentielles. Dans l'air du temps donc.
Canadien exilé en France, Peter Peter a une voix très particulière. Aigu et ambigu. C'est toujours intéressant car les mots deviennent alors importants et il est vrai que de temps en temps, le jeune homme touche une universalité qui ferait tout le sel de son talent.
Le petit souci, c'est bel et bien qu'il est dans son époque: il pompe allégrement le style et les stéréotypes de la musique pop des années 80. Ils sont désormais un peu trop nombreux à s'éclater sur l'analogique et tous les synthétiseurs dépassés qui faisaient toute la gloire de Jean Michel Jarre.
Il y a bien entendu des morceaux intéressants. Le garçon est d'une sincérité désarmante et raconte de belles histoires tristes que l'on partage. Mais on se demande bien ce qu'il resterait si on enlevait la production léché et finalement excessif.
Cela rassure sûrement les maisons de disques de voir des petits jeunes piller les héros de l'enfance des responsables de production. Mais une fois encore, la french touch avait cela des années et la pop ne fait finalement que se recycler, sans grande saveur même si Peter Peter est un élégant exécutant. Bref, on n'est pas dans le noir eden mais plutôt dans le brouillard artistique!
Audiogram - 2017
The Wave
Bon allez on va être franc: il s'agit ici d'une petite vaguelette! Mais Tom Chaplin est tellement sympathique qu'on se baigne sans problème!
Tom Chaplin est le chanteur du trio Keane. Ce groupe aurait dû avoir le même succès que Coldplay. Ils sont dans la même veine. Ils ont même écrit un authentique chef d'oeuvre de pop anglaise, Hope & Fears mais ce fut leur premier essai et ils ne s'en sont jamais vraiment remis.
Pourtant le groupe continue. Leurs concerts sont mémorables et on aime toujours cette humilité et cette persévérance. Ils ont même réussi leur quatrième album, l'incroyable Strangeland. Bref ils sont moins agaçants que Chris Martin et ses amis biens sous tout rapport!
Keane est une bouée pour ceux qui aiment la pop lyrique. Après dix ans de hauts et de bas, le groupe fait une pause depuis 2014 et le chanteur du groupe Tom Chaplin a visiblement l'air de s'ennuyer! Le voilà donc avec un album solo, rien qu'à lui. Et ca s'entend!
Tim Rice Oxley, le pianiste de Keane participe à l'écriture de toutes les chansons du groupe. Il aurait dû aider son pote qui se débrouille maladroitement avec des ballades sympathiques mais sans grande saveur. Il a toujours une belle et douce voix qui sait s'imposer quand il faut.
Mais les arrangements et la production sont moins convaincantes. Les paroles sont souvent touchantes. Chaplin se livre et arrive de temps en temps à nous choper mais trop généreux, l'enfilade de chansons reste bizarrement assez neutre. Il y a de l'émotion mais elle ne nous atteint que trop rarement.
Mais le garçon conserve un capital sympathie tout simplement énorme, malgré ses maladresses. Il y a chez lui une candeur touchante: il chante comme il respire. Il en a besoin. Cela se voit. On a vite hate de le revoir avec ses comparses de longue dâte. L'échappée est belle mais reste un peu trop anecdotique!
Island Universal - 2016