Iris
Un peu de poésie dans ce monde de brutes. Merci Achille, personnalité à la délicatesse trouble et passionnante! Vivement le printemps.
Après un sinistre hiver, il y a des signes du retour du printemps. Vous savez cette période où tout se remet en route. Le silence du matin laisse sa place à des petits bruits d'animaux. Le soleil commence à lécher les joues pour de bon. On commence à espérer un apéro en terrasse. Le mois de mars est le moment de cette transition.
On va bien tenter de nous faire retomber dans la dépression hivernale avec une heure d'été (donc une heure de moins de sommeil sacrilège) et des élections qui vont officiellement démarrer mais on a le droit de résister avec ce petit cadeau musical qu'est le premier essai d'Achille.
Un titre de Iris s'appelle "Il et Elle" et Achille est elle! Il est elle. Multi instrumentiste, Achille a travaillé avec Nsofell (présent sur le disque) ou Camélia Jordana. Elle aime visiblement les univers décalés et surtout elle apprécie la poésie. Les textes de ses onze chansons sont d'un incroyable lyrisme.
Très rapidement, on a les yeux rivés dans le très joli livret qui accompagne le disque. Iris est le nom d'une plante vivace: les mots de Achille vont vous faire vibrer. C'est une oeuvre vivante, chaleureuse et d'une délicatesse inouïe. Oui, Achille apprécie les univers décalés mais quel plaisir lettré et pas du tout élitiste.
Elle remet à la mode le mot, le bon mot, le merveilleux mots qui donne de l'éclat à une chanson mais aussi réveille l'auditeur qui se retrouve dans les pensées universelles mais intimes d'une artiste parisienne, désuéte mais très consciente du Monde qui l'entoure.
Donia Berriri de son vrai nom, partage idéalement ses sentiments et ses plaisirs mélomanes. La poésie ici est la recherche d'un idéal qui n'existera jamais. Elle poursuit une quête délicieuse, d'un autre temps, et d'une beauté incroyable. Elle enrichit notre quotidien avec peu de moyens et beaucoup de grace. Le mois de mars commence bien. Iris réchauffe les coeurs, c'est déjà ça!
Moonlight
Il faudra le petit scandale de la remise de l'Oscar du meilleur film pour mettre un peu plus en lumière ce tout petit film qui démontre que les apparences sont trompeuses. Par les temps qui courent, voilà un discours qui serait presque subversif!
Les politiciens aime les clichés. Les spectateurs aussi. Ce sont des repères. Ils peuvent être ennuyeux mais ils simplifient la vie. La vision de la vie. Pour le cinéma, cela simplifie les récits. Pour les politiciens, cela permet d'établir des idéologies.
Pour le cinéaste Barry Jenkins, le cliché est une chose à démonter. Sans en faire des tonnes. Juste en montrant que l'homosexualité ne concerne pas qu'une classe sociale et que les dealers ne sont pas tous des enfoirés. Il faut le faire lorsque Donald Trump dénonce les fake news et inventent toutes sortes de communautés belliqueuses à l'égard de l'Amérique.
On voudrait bien voir une défiance dans cet Oscar remis maladroitement. La qualité de Moonlight c'est cependant son étrange délicatesse et son humanisme un peu trop esthétisant mais tellement rassurant. Le second long métrage de Barry Jenkins suit trois étapes dans la vie d'un homme. Un enfant pauvre qui deviendra un gros dealer musculeux qui fait passer 50Cent pour un canard déplumé.
Il a une grosse voiture. Des dents en or. Et des dollars dans sa poche. Il a surtout un vécu et une sensibilité. Le sujet est casse gueule. Le dealer va connaitre un mentor. Puis un ami. Puis un amant. Puis la solitude. Jenkins utilise un esthétisme appuyé pour éviter le ridicule. On pourra lui reprocher mais cela fonctionne plutot bien car tout est réfléchi et dosé dans ce film inclassable et d'une tendresse inouïe.
Parfaitement joué et maitrisé, le film très poliment, s'insurge sur les raccourcis, les idées courtes et donne à voir ce qu'il y a de meilleur chez chacun. Moonlight est un rayon de soleil dans cet hiver qui dure.
Avec Trevante Rhodes, André Holland, Janelle Monáe et Ashton Sanders - Mars films - 1er février 2017 - 1h45
Split
SERAIT CE ENFIN LE GRAND RETOUR DE SHAYAMALAN APRES UNE RIBAMBELLE DE FILMS RATÉS ?
EN TOUT CAS CA Y RESSEMBLE BIEN DANS CE THRILLER PSYCHOLOGIQUE. A MA GRANDE SURPRISE, LES CLICHES SONT EVITÉS ( ET MA FEMME PEUT VOUS LE CONFIRMER!). LA REALISATION EST REUSSIE ET ORIENTÉE SUR LE PERSONNAGE CENTRALE INTERPRETÉ PAR JAMES MCAVOY, ABSOLUMENT FORMIDABLE DANS CE ROLE DE PSYCHOPATHE A MULTIPLES PERSONNALITÉS.
ASSEZ FASCINANT AUSSI A REGARDER DANS LES METAMORPHOSES TRES BIEN FILMÉES AVEC DE GROS PLANS QUI ACCENTUENT ENCORE PLUS SA PERFORMANCE IMPECCABLE. LES PERSONNALITES SONT TRES DISTINCTES ET DIFFERENTES POUR QUE CELA NE NOUS EMBROUILLE PAS.
C'EST A LA FOIS STRESSANT ET DROLE, ET OUI, CERTAINES DE CES IDENTITÉS FONT SOURIRE SI L'ON FAIT BIEN ÉVIDEMMENT ABSTRACTION DE LA GRAVITE DE SON CAS, LE TOUT EST CREDIBLE ET ME RAPPELLE "PHOTO OBSESSION" OU LA RESSEMBLANCE ENTRE LES 2 PROTAGONISTES EST GLAÇANTE.
ON Y RETROUVE AUSSI UN PEU DE BUFFALO BILL DU SILENCE DES AGNEAUX ET NATURELLEMENT DU DRAGON ROUGE. ON POURRAIT SE DEMANDER POURQUOI 23 PERSONNALITÉS ALORS QUE 4 SONT REPRÉSENTÉES ET QU'IL EST CLAIREMENT INUTILE D'EN INCORPORER PLUS ET D'IMAGINER QUE 23 IDENTITÉS PUISSENT COHABITER ET COEXISTER DANS IN SEUL ET MEME CORPS, JE PENSE QU'IL A VU TROP GRAND ET C'EST D'AUTANT PLUS DOMMAGE QUE L'ON NE PARLE ABSOLUMENT PAS DES 19 AUTRES !
LE TWIST FINAL N'EN EST PAS VRAIMENT UN MAIS RESTE A LA HAUTEUR DU RESTE. LE CINEASTE A CHANGÉ LA DONNE, ET AU LIEU DE NOUS SURPRENDRE QUE SUR LES 5 DERNIERES MINUTES IL ARRIVE A DONNER LE CHANGE LES 1H50 ET C'EST PEUT ETRE CA , LA NOUVELLE MARQUE DE FABRIQUE DE SHYAMALAN POUR RENOUER AVEC SON PUBLIC DE SES PREMIERS FILMS QU'IL AVAIT JUSQU'ALORS PERDU DEPUIS INCASSABLE. SA NOUVELLE PERSONNALITE VIENT ELLE D ECLORE?
AVIS AUX AMATEURS
Avec James McAvoy, Anya Taylor-Joy, Betty Buckley et Haley Lu Richardson - Universal - 22 février 2017 - 1h57
Vagabonds
Ils veulent de la joie, de l'amour, du soleil, des rires. Leur musique est joyeuse et on ne peut pas vraiment se plaindre. Du plaisir et du bonheur plein la vue... euh les oreilles.
La première chanson file la pêche. La deuxième vous met la banane... le reste est un panier de fruits gorgés de soleil et d'influences festives réjouissantes. Ceux qui récoltent viennent d'un peu partout. Leur histoire se partage entre le Luxembourg, la France et des contrées Celtes (ils croisent sur un titre Dan Ar Braz).
Il y a chez eux une volonté de faire de la country à la sauce européenne. Pas d'aigreur et de cynisme chez Dream Catcher. Ils ne cherchent que le bonheur de ses auditeurs. Ils convoquent l'esprit des Pogues pour récolter des chansons aux sons sautillants et traditionnels.
Ils chantent en anglais, en français...entre autres?! Ils font la fête et tentent de donner un peu de chaleur et de plaisir à tous. Ca fonctionne. La candeur qui règne sur l'ensemble donne la patate pour continuer dans référence paysanne. Mais ce n'est pas lourd. Ils ne labourent pas des chemins déjà battus.
Juste festif. Juste joyeux. Et plein d'entrain.
Il n'y a rien de nouveau chez Dream Catcher. La pop un peu celtique, ca existait avant. Mais entre coutume et allégresse, on veut bien croire en leurs qualités. C'est de la chanson pour danser, chanter, boire et transpirer. Ils défendent la musique qui soulagent des problèmes quotidiens. Dream Catcher ne nous fait pas forcément rêver mais nous éloigne quelques instant de la réalité! C'est déjà ça!
Jazzhaus records - 2017
« De juste un jour devant la télé ! » – Episode 1
Oui bon bah ça va, vous allez arrêter de brayer oui ! On n’a plus le droit de partir une semaine en vacances sans se faire trainer dans la boue, on dirait que ça te gène d’ailleurs de trainer dans la boue ! De se faire traiter de fainéant, d’assisté, de salaud de même pas migrant qui profite sur la bête de congés payés pendant que les autres, même pas migrants non plus, bossent comme des forcenés de 8h45 à 10h, puis pause ½ heure, enfin un peu plus, puis reprennent de plus entre 14h30 et 16h, ahhhh elle est belle la France !
On se détend, on se décolle l’élastique du slip du pubi, on fait la roue, on fait le paon, on s’étire, on ne fait pas tout en même temps sinon on se casse la gueule ; oui, c’est bon voilà j’arrive, oui je suis de retour.
Mais bon j’avoue, j’avais besoin de reprendre du temps pour moi, pour scruter la télé, pour voir où elle en était justement la télé, qu’on accuse, qu’on dénonce, qu’on blâme, qu’on proteste, qu’on reality show, qu’on aime à détester pour mieux la recracher dès le lendemain à la machine à café.
Je voulais vérifier si en effet, comme ils aimaient à le dire, elle était bien le reflet de cette société qui part soi-disant à vau-l’eau (oui ça s’écrit comme ça j’ai vérifié), qui part en vrille et…
…qui défonce du Fillon de bas en haut, qui dénonce le mal au fion du jeune Théo, qui se pâme et se paume devant du Hanouna, qui s’émoustille se lâche sur tous les candidats, d’une énième saison d’anges foireux d’l’a télé, faussement réalité tellement débilisés ;
…qui regarde Bayrou et Macron là se rouler des pelles, Mélenchon dire d’Hamon qu’il a mauvaise haleine, Marine continuer de piquer dans les caisses de l’Europe, pendant qu’ses partisans crient au loup Pénélope ;
…qui se fade Motus toujours à heure égale, qui s’endort se réveille jusque pour regarder Slam, qui zappe sur Les Z’amours regrette parfois Lepers, qui se pisse dans les couches mais pas franchement Pampers ;
…qui adore C’est mon choix idolâtre Thomas, Evelyne la superbe refaite dix quinze vingt fois, l’après-midi durant interview tous les âges, pour savoir s’ils y ont sur le cul un tatouage.
…qui aime à dire Arte c’est de loin c’qui c’fait de mieux, mais n’ont jamais regardé pas même du coin des yeux, préfère sans le dire s’infliger Money drop, et quand une conasse gagne murmurer « quelle salope » !
…qui s’alcoolise en loose devant un match de foot, pour faire fuir la journée pour mieux combler les doutes, et ne pas être comme un con le lendemain au taf, sans connaître le score entre deux pauses clopes taffes ;
…qui s’Expert Miami pour la 40ème fois, sur NTHD1 la TNT bref quoi, qui rediffuse sans cesse des séries tellement vues, qu’on sait qui l’a re-tué avant même le début.
…qui se Télématin avant d’aller se ruer, sur un quai RER en sueur bondé blindé, qui hurle en salle de bain tu sais si il fait beau, car pas franchement eu le temps de voir la météo.
…qui s’insuffle Drucker chaque dimanche gueule pâteuse, la tronche de travers pousse café langue aqueuse, qui aime aussi les chiens sur les canapés rouges, mais seulement y’a maman qui dit allez tu bouges.
…qui s’hypnose le samedi subjugué par Mesmer, qui derrière la télé fait aboyer leur mère, transforme leur oncle en chat leur frangine en licorne, leur grand-mère en lama ou en clone d’Al Capone.
To be continued…ou pas on verra.
Process
Bon alors, puisque le président des Etats Unis ne veut plus que rien quitte et/ou rentre sur son territoire, les Américains n'ont pas remarqué que le R&B venait de se faire la malle chez les Anglais. Bon eux, ils ont le Brexit mais aussi un diamant de la soul qui ne demande qu'à se tailler vers le succès!
Sampha n'est pas un inconnu. Producteur, il a ses entrées chez ce gros panneau publicitaire, Kanye West et ce beau gosse de lycée, Drake. Il compose mais surtout, il aime prendre son temps pour batir des morceaux complexes mais agréables. Il n'est pas insensible au succès mais sa musique a un prix.
Depuis 2010, il s'est fait brillamment remarqué mais il aura fallu sept longues années de réflexions pour que son premier effort arrive enfin dans les bacs. La déception pouvait être grande? Pas du tout, il réalise un petit bijou de R&B bien dans son temps et ses baskets!
Le gars sait se servir des sequenceurs et d'un ordinateur mais d'abord il sait écrire une chanson. Il peut jouer sur le coté guimauve du genre mais il ne va pas glisser dessus. Il va ajouter une saveur un peu particulière. Le tite Like a Piano file le frisson avec une économie de moyens qui va faire pleureur les champions des charts, adeptes de la grosse larme qui coule sur la joue. Et que dire de Take Me Inside!?
Son disque chipe les tics de la soul et tous les genres qui en découlent: il jongle avec une facilité déconcertante. L'émotion pointe son nez très souvent. Le style est très codifié. Il arrive à s'en décoller en quelques notes. Il propose des structures nouvelles et sort quelques surprises que l'on pensait impossible.
Le petit mélange d'électro et de voix, tel est le secret à peine caché du chanteur de Londres. Le disque possède une humilité qui n'existe plus. Sampha se consacre entièrement à sa musique et ses dix titres sont visiblement très travaillés. Il a mis le temps mais aussi un énorme talent qui se déverse sur dix chansons en or, qui nous réconcilient avec tous les excès de ses copains yankees.
Si tous ses disques sont aussi surprenants, on veut bien encore attendre sept ans pour avoir le prochain...
Young Turks - 2017
FELLAG – Bled Runner – Théâtre du Rond-Point
"Vous avez raté la colonisation, nous avons raté l’indépendance, on est quitte !"
Fellag revient sur scène avec Bled Runner, un spectacle dans lequel il retrace avec finesse, dignité et humour un chemin autobiographique, de son "village aux 32 fusils" en Kabylie à son arrivée dans la capitale française.
Fellag est un talentueux conteur. Avec l’aide de Marianne Epin à la mise en scène, il revient sur son enfance en Kabylie avec l’œil d’un naïf au grand cœur. Les clichés sur les français tombent dans l’imaginaire d’un enfant qui les découvre noirs et musulmans avant de comprendre qu’il s’agit de tirailleurs sénégalais. L’arrivée de la radio est l’occasion pour sa mère de s’émanciper en musique avec les autres femmes du village et de goûter au pastis en l’absence du père. L’adolescence est l’occasion pour une jeunesse algérienne d’inventer le « murisme », l’art de voir passer le temps qui ne passe pas, dos au mur, « équivalent de notre existentialisme français ».
L’histoire, faite de contrastes et de chutes, provoque inévitablement les rires du public. La confrontation de la colonisation avec le peuple colonisé est décrite dans un climat apaisé pointant avec humour à la fois les dérives absurdes des fonctionnaires de l’administration française et les habitudes culturelles d’un peuple qui ne manque pas de trivialité dans Tous les algériens sont des mécaniciens.
Ces chroniques sociales et historiques du quotidien rappellent la plume d’un Dario Fo. Tout y est dit gentiment, avec générosité, humilité et fair-play mais tout est dit. Gégène, hélicoptère, général, attentat de St Michel, FLN, GIA, apprentissage de l’arabe littéraire, nos ancêtres les gaulois, indépendance, autochtones.
Avec ce point de vue interne exprimé avec une grande intelligence, Fellag parvient à rassembler un public autour d’une thématique complexe utilisée par d’autres aujourd’hui pour diviser. On en ressort apaisés, rassurés et remplis de gratitude. Oui il est possible d’avoir une communauté de langage, de se regarder droit dans les yeux et de rire du ridicule des uns et des autres. Une jolie parole politique qui fait simplement du bien.
http://www.theatredurondpoint.fr/
Les postérieurs prenaient leur liberté / Fellag... par WebTV_du_Rond-Point
Lomax, Betty Bonifassi
Du blues du blues du blues... on continue cette petite série de disques frais et étonnants. On féminise le constat avec Betty Bonifassi, une cowgirl qui réchauffe les cœurs!
Il y a les chanteuses qui minaudent. Il y a celles qui dansent. Il y a celles qui séduisent. Il y a celles qui grognent. Beffi Bonifassi appartient à cette dernière et prestigieuse catégorie. Voilà une voix qui ne feule pas mais qui vous attrape pour une prise de catch qui ne va même pas vous tordre en deux !
La musique blues est une musique de combat. Cela va très bien à cette chanteuse d'une quarantaine d'années qui a tout compris à l'esprit et qui soigne ses blessures sur des chansons assez impressionnantes de maîtrise. La production modernise les stéréotypes de l'artiste cabossée.
Inspirée par les chants d'esclave, l'album fait naître une atmosphère de bayou "à la française", avec ce qu'il faut d'originalité pour nous faire sortir de nos habitudes. Découverte sur la B.O. des Triplettes de Belleville, Betty Bonifassi, niçoise adoptée par le Canada,