Beulah
John Paul White, moitié masculine du groupe éclair et populaire, Civil Wars, sort son premier album solo. Il semble avoir conservé la formule gagnante.
Avec sa gueule de type torturé et son nom tout à fait génial pour faire du rock, John Paul White attire facilement notre attention. Avec Joy Williams il a fabriqué un chouette groupe de country, Civil Wars, qui a fait son petit effet avec son style romanesque.
Désormais seul, le bonhomme n'a pas dû apprécier la tentative pop de sa collègue et poursuit lui aussi des compositions amples dans un genre assez roots. C'est un peu le Damien Rice de la country, ce garçon là! Vous fuyez? Non restez: vous serez agréablement surpris.
Car le chanteur a de la ressource pour nous conter de tristes complainte avec de l'aplomb et un sens sain pour la ritournelle acoustique. Dans toutes les chansons de son second essai solo, il y a de l'émotion dans la voix et pour illustrer cela, les musiques sont plutôt subtiles.
Loin du titre étrange du disque et de la pochette un peu trop délavée à notre goût. Beulah révèle la folk music d'une façon assez sombre mais d'une élégance assez touchante. On le sent vivre réellement ses textes et ses chansons. Il y a tous les styles qui font que le Sud de l'Amérique est si riche. C'est exotique à souhait. Besoin d'évasion: essayez donc John Paul White et sa country si personnelle!
2016 - Single lock records
Dans la légende
Plus grosse vente de l'année, le groupe de rap PNL c'est qui, c'est quoi et surtout c'est bien???
Bon alors si vous n'écoutez pas de rap, ce n'est pas sûr que vous soyez sensible au flow de PNL (Peace'n'lovés), duo de Corbeil Essonne. Ademo et NOS sont des gros durs. La virilité, les nanas et le biz et tous les artifices de ce bon vieux rap français sont présents. Mais la critique a vu chez eux un peu plus de clairvoyance. Ils sont un peu moins beaufs que certains gros vendeurs de disque!
En tout cas, il y a bien un adjectif pour les décrire: malins. Ils ont lâché les grosses doudounes et la casquette vissée sur le crane. Ils assument leur look de petits dealers de shit. Les frangins n'apparaissent pas dans les médias. Comme d'illustres stars, ils comptent sur leurs clips et les réseaux sociaux pour faire le buzz plutôt que leurs personnalités. Ils sont l'antithèse de Booba à ce niveau. C'est futé.
Ainsi, touchent ils tous les milieux et leurs premiers disques les ont imposés en peu de temps. Le bitume, ils le décrivent avec pas mal de panache et de verve. Ils arrivent à plaire au plus grand nombre. Tant mieux pour eux! Dans la Légende, leur troisième opus est un raz de marée en terme de ventes de disques. Pour eux , la crise c'est du passé!
Cela n'empêche que leur constat est amer mais pas désespéré. Ils ne gonflent pas les muscles. Ils ont visiblement une vision qui va jusque dans une musique qui ressemble à une ténébreuse électro. Ils ne se limitent pas à des généralités sur l'oppression sociale, la rage des banlieues ou la taille de leurs zizis! C'est un peu plus subtile (cela reste du rap). Le mélange des cultures est harmonieux. Ils ont levé la tête et vu par dessus leur cité. Il n'y a pas de guerre de territoire chez PNL: ils décrivent simplement un état d'esprit. Une triste réalité, très bien contée!
Le petit hic c'est qu'il faut supporter un rap vocodé, un truc sonore qui finit par lasser alors que les deux frères ne sont pas de mauvais chanteurs, habités et assez sereins. Ils réinventent un rap flottant, calme et peu enclin à la colère. Ca plane pour eux donc!
QLF - 2016
I had a dream that you were mine
D'un coté, le chanteur énervé des Walkmen et de l'autre une tête pensante de Vampire Weekend. Hamilton Leithauser et Rostam Batmanglij s'allient pour une collection de chansons pop rêveuses.
C'est une vieille tradition: les supergroupes. Quand vous prenez la batteur de machinchose et le chanteur de Trucbidule pour jouer avec les musiciens de babiole! Cela donne des albums souvent décevants mais on a tout de même le droit à de bonnes surprises. Comme ce duo qui sort du lot entre le chanteur des Walkmen, groupe peu connu chez nous, et le pianiste chanteur de Vampire Weekend, groupe adoré dans nos contrées.
L'union fait la force. Ensemble ils apportent clairement le meilleur de leurs univers. La voix de Hamilton Leithauser est agressive, un peu cassé et tellement américaine. Il faut s'habituer. Il appartient à ses hurleurs du rock, sauf qu'il sait aussi faire dans la nuance. Le musicien Rostman Batmanglij vient avec sa science si particulière de la pop, tout en décalage.
Leurs chansons sont simples dans la forme, complexes dans le fond. Les instruments sont nombreux, libres et offrent des mélodies claires dans un joyeux bordel organisé. On dirait deux sales gosses qui voudraient s'appliquer à chanter une chanson douce mais n'y arriveraient pas. C'est très agréable car ils secouent un peu nos habitudes, avec quelques titres capricieux et souvent réussis.
Les arrangements sont surprenants mais ils nous amènent à réécouter de la pop à la sauce américaine. Cela fait du bien car il y a du coeur et de la volonté chez ces deux là. Ils ne se reposent pas sur leurs lauriers. Ils forment un duo tout à fait passionnant. Ils rappellent un peu Arcade Fire et le feu sacré qui les habitent. Ils fusionnent leurs talents avec une souplesse qu'on ne pensait plus écouter de nos jours. Une vraie bonne surprise!
Glassnote - 2016
I, Gemini
Rosa Walton et Jenny Hollingworth ont de longs cheveux. Elles ont le regard triste, la peau blanche et des jolies lèvres dessinées. Ce sont de petites poupées de porcelaine. Elles ont 16 et 17 ans. Elles montrent une maturité hors du commun avec leur premier disque, I, Gemini!
A leur âge, on ne pouvait pas attendre une telle écriture, une impressionnante volupté et une ambiance ambiguë. Les filles de cet âge là ne sont pas des as des arrangements et de la combinaison pop et electro. Elles jouent sur leur évanescence mais leur musique est d'un sérieux étonnant.
C'est ce que l'on appelle: se prendre une claque! L'album est incroyablement riche. Les sons, les notes, les voix, tout va vous dérouter et surtout vous rassurer sur cette jeunesse qu'on accuse perpétuellement d'être un peu plus crétine que les précédentes. Nées à la fin du Siècle, Rosa Walton et Jenny Hollingworth nous introduisent dans la musique d'un nouvel âge.
Rarement on aura été touché en un seul album par tant d'inventivités. C'est le genre de premier album qui fait chavirer les coeurs et les certitudes. Leurs chansons sont remplies d'émotions et séduisent les oreilles. Avec elles, le changement c'est vraiment maintenant et qu'est ce que ca fait du bien!
Elles nous invitent dans un disque atmosphérique où la pop est une chose fragile et délicate. Ici, les meilleures copines ne sont pas des gourdasses. Elles retrouvent ce mystère qu'explorait avec poésie Sofia Coppola dans son film Virgin Suicides. Il y a quelque chose de vraiment surréaliste dans leurs compositions qui bidouillent et s'arrangent avec le classicisme.
I, Gemini force le respect. C'est un chef d'oeuvre automatique. On ne sait pas trop ce que cela donnera pour les deux artistes en herbe. Mais elles nous présentent une copie parfaite, qui dépasse toutes nos espérances et nos appréhensions. Let's eat Grandma aiguise notre appétit! Sublime!
Transgressive - 2016
Instinct de survie – The Shallows
Chouette un requin affamé! Zut, il n'est pas encore prêt le digne successeur des Dents de la Mer!
Parce que le film de Steven Spielberg est tellement grand, beau et fort que toutes les tentatives de films "avec des requins" se révèlent médiocres. On n'y peut rien: c'est comme ça. Le requin inspire au mieux une série B ringarde mais amusante. Ce qui est tout juste le cas de Instinct de Survie!
Car le squale de ce film est bien trop discret par apport à la mouette qui va servir d'acolyte à la jolie Blake Lively coincée sur un rocher au milieu d'une mer paradisiaque. Le survival aurait pu être âpre et piquant. Au lieu de cela, tu dois suivre les discussions passionnantes entre la blonde et l'oiseau qui nous font un remake à peine caché de Seul au Monde, où Tom Hanks sympathisait avec un ballon de volley.
Le scénario est poussif. Si le concept est bon (une blonde subnlime face à un requin énervé), les scénaristes se sont pollués l'esprit pour le gonfler de faits inutiles et de fausses bonnes idées. Réalisateur doué, Jaume Collet Serra (habitué des gros films d'action de Liam Neeson), réussit tout de même à renouveler sans cesse la bataille entre le gros poisson et la belle bipède quand ils veulent bien s'affronter.
Mais ca n'avance pas. La marée est bien basse! Une fois que l'on a admiré les formes généreuses et musclées de Blake Lively, qui visiblement s'est bien entrainée pour le film, on finit par plonger dans une mare d'ennui, avec des rebondissements qui pataugent et un climax qui ressemble à un pétard mouillé. Bref, Instinct de Survie ne propose qu'une seule chose: une bonne douche froide!
Avec Blake Lively, la mouette et le requin - Sony - 17 aout 2016 - 1h27
Skeleton Tree
Plus sombre, plus triste, plus beau, les morceaux de Nick Cave et ses bad seeds impressionnent encore une fois. Au fond du trou, le corbeau australien continue de chercher la lumière. Inlassablement.
Skeleton Tree sera de toute façon, un disque particulier. Celui du deuil. Celui de la perte. Celui d'un très grand artiste. Nick Cave a connu des hauts et des bas avec son groupe, les Bad Seeds. Depuis toutes ses années, c'est bien normal. Artistiquement, il s'est parfois perdu même on a toujours apprécié son goût pour un rock saugrenu, entre Tom Waits et Johnny Cash. Avec un petit supplément d'âme barré ou baroque!
Cette fois ci, c'est la déprime. L'artiste vient de perdre son fils adolescent dans un accident. La douleur est donc omniprésente sur les huit chansons de Skeleton Tree. C'est en effet un album décharné, au minimalisme assumé, où seule la musique est importante. Sorte de geste de rédemption, petite parenthèse pour un homme en souffrance.
La musique est donc un peu plus synthétique mais la voix elle psalmodie. Il y a encore de la force. On l'entend même si les mots sont rudes, difficiles et ne cachent plus les émotions. Un peu comme le BlackStar de Bowie, l'émotion n'est plus que dans la voix, sincère. Le reste n'est qu'illustration. Heureusement les Bad Seeds ne sont pas des feignants. C'est très beau. Presque doux! et lumineux!
Pourtant la tragédie est partout. Jusque sur la pochette. D'un noir presque gênant. Lui qui a toujours décrit les marginaux, les fous, les illuminés, est une fois de plus hanté, comme jamais, par la douleur, la culpabilité et tous les sentiments les plus tourmentés. A 58 ans, l'expérience est là, de plus en plus douloureuse. Les 39 minutes de ce disque sont pour lui, un moment face à la mort. Le calme n'est qu'apparent. On a l'impression de l'entendre suffoquer sur certaines phrases.
Face au pire, il reste debout. Il écrit encore. La fragilité est là. Les copains aussi: ils lui fabriquent des airs évaporées mais élégiaques. Ce disque est presque une prière. On avait peur d'assister à un supplice. C'est clairement une des choses les plus sensibles que l'on peut entendre cette année.
Bad Seeds LtD - 2016