The Calm Before
Septième album de Matt Elliott, barde torturé qui étire ses chansons avec une originalité folle et une douceur qui n'existe plus. Rare.
Son précédent disque était formidable. Le suivant a toujours le risque de décevoir. Cela arrive parfois à la première écoute. Mais très vite les qualités folk du leader de Third Eye Foundation reviennent et se rappellent à notre bon souvenir. Ce gars là est essentiel. Il devient indispensable quand on a découvert son style raffiné et déroutant.
Il ne fait pas la musique folk, champêtre, qui a des bobos à l'âme et qui soigne cela avec des refrains écorchés autour d'un feu de cheminée. Matt Elliott a bien choisi son titre: ce qui l'intéresse, c'est désormais le calme avant la tempête. Son écriture se veut plus réfléchie, apaisée mais elle reste sombre.
Il y a du Léonard Cohen chez lui, dans ce dépouillement sonore mais totalement maîtrisé pour y capturer l'émotion. Une fois de plus, son disque décompose des idées musicales sur de longues minutes sans ennuyer. Bien au contraire. Car comme un metteur en scène, Matt Elliott choisit bien ses mots et ses instruments. Les quatorze minutes du titre qui donne son nom à l'album sont passionnantes. Ses vents de folie sont dans les détails. Astucieux. Timides. Essentiels!
Il fait aussi penser à un peintre: sa musique est très visuelle. Et théâtrale. C'est dire si on a à faire à un artiste complet, éloquent, en pleine possessions de ses moyens. La différence entre la voix grave et la guitare espiègle sont la base mais les musiciens qui accompagnent Matt Elliott sont eux aussi inspirés. La discrétion, cela a du bon.
Il y a de la mélancolie, du spleen et tous les ingrédients nécessaires à la folk music mais Matt Elliott a toujours ce goût du caprice. Il ne veut pas faire comme les autres. Il s'attache à ses idées un peu déconcertantes mais sa rigueur ne gâche pas le plaisir. Il est décuplé. Sous ses airs de sage guitariste virtuose, ce type là est un ouragan! Un disque décoiffant!
Ici d'ailleurs - 2016
Carte Noire…vous n’en feriez pas un peu beaucoup les mecs là ?…
C’était ma fête cette semaine, et oui le 28 février, Saint-Romain, tagada tsoin tsoin la fête des bienheureux, en fait des mecs simples quoi, voire un peu les ravis du village, les tebé…bref, non oubliez, ça me va pas comme fête.
En ce week-end de la Saint-Romain, justement, se déroulait, de la cérémonie en veux-tu en voilà, de la statuette genre le truc qui ressemble à une Tour de la Défense mais en compressé bizarre type lingot du cinoch, les César, donc ; mais aussi de l’autre côté de l’Atlantique, puis bien bien bien de l’autre côté, mode tu prends l’Atlantique en radeau, t’arrives à NYC, puis tu loues une bagnole, puis tu prends la route 66, puis tu dors dans 29 Motels différents, tu refais 50 fois le plein d’essence, puis tu roules 20 jours plein pot et t’arrives, à Los Angeles, donc, au Dolby Surround Digital for Enceintes Vazy Pousseleswatt Theater, pour la remise du bonhomme en or-bronze statuette jolie, enfin au moins on sait ce que c’est, pas comme les César, bref, les Oscar.
Je pourrais faire le mec insomniaque cinéphile qui ne louperait les Oscar sous aucun prétexte, voire qui vire le doublage car parfaitement bilingue, et qui poste sur FB une vanne tout en anglais en mettant « wow, trop engagé et trop drôle » histoire de se la jouer monstrueusement bobo fashion swag (comment ça vous avez des potes comme ça sur Facebook ?!? mais virez les de suite…changez « d’amis »… ) ; mais non, moi à 4h du mat’, robe longue ou pas, discours trop super engagé ou pas, bah je pionce…
Je pourrais faire le mec distant avec le cinéma français, trop super fan de cinéma iranien mode « moi le Festival de Cannes j’adhèèèèrrrreee mais encore plus la quinzaine des réalisateurs c’est moins surfait », et en faire des tonnes sur le principe de « un jour je prendrai 15 jours et j’irai faire le festival de Sundance..», bah voyons, mais non ; j’aime regarder les César, de surcroit quand c’est Florence Forresti qui présente formidablement comme ce fut le cas vendredi, et que, assez globalement, ça sentait le frais et non la naphtaline, sauf chez Christophe Lambert ou Jean-Hugues Anglade qui avaient soit abusé de St Emilion en coulisses, soit doivent repasser par les Cours Florent pour apprendre à s’exprimer en public…ça vieillit moyen moins ce petit monde.
Oui mais voilà, les deux cérémonies étant diffusées sur Canal+, les 15 jours qui précédent, vas-y que je tease grave en mini vidéos sur les différentes chaines Canal et sur les réseaux sociaux. Jusque là, no problem, la promo est là pour ça, pas de raison de se priver.
En revanche, tout ça, ça se finance et ça se sponsorise, et, si les ricains sortent les chevaux de créativité made in Superbowl avec Doritas ou Budweiser et leurs cortèges de pubs hautes en couleur, toi, pour annoncer les César, bah t’as le même sponsor depuis 83, à savoir Carte Noire. Du café, oui, car comme chacun sait, quand tu regardes un film à 23h, bah tu prends du café juste histoire de faire nuit blanche à mort, et qui n’a pas sa tasse expresso et sa machine à dosettes dans son sac à dos quand tu arrives dans une salle de cinéma, et vas-y que m’enfile un bon litre de kawa le cul posé dans le fauteuil, bon le problème c’est le bruit de la Senseo à mi-chemin entre celui d’une tondeuse électrique et d’un sextoy sur la fin niveau piles, dans la salle de ciné, ça peut gêner les voisins.
Enfin bon bref, voilà que Carte Noire, fidèle à sa tradition, sponsorise donc les soirées ciné et les cérémonies qui vont avec.
Là, tu te dis, avec Forresti aux commandes, les mecs vont faire dans le drôle, du moins dans le « on va pas sur-jouer le côté sérieux coincé du cucul avec le trip du le café qui fait une sensation trop intense de l’intensité trop intensive trop haaaannnnn mais c’est qui cette meuf dans mon appart elle est trop haaaannnn, je vais-je vais-je vais…lui proposer de regarder un film avec moi puis hop au lit ! »…et bah si…chez Carte Noire, pas de place pour la déconne, un café mon pote c’est un truc à part, pas un vulgaire truc avalé en 2 minutes, et qui coûte une blinde quand tu le prends « gourmand » au resto mode 9€ avec un pauvre macaron et une mini crème brulée pas belle, ça te fait voyager grave loin. A mon avis y’a de l’héro ou de l’acid popers dans le carte noire, vu l’effet.
Bref, pour la pub, donc tu prends deux d’jeunes mannequins de 19 ans (voire à peine vu que le mec dans la pub a une fine moustache de beauf adolescent genre je montre que j’ai des poils mais pas encore partout, je me rase une fois par mois ça suffit large) mais qui ont déjà un appart avec vue sur la Tour Eiffel ou Central Park, donc minimum 9 millions d’€ les 70m², oui bon bah ils démarrent dans la vie, ils prendront plus grand plus tard. La fifille a une tête de chauddaaaaassssseeeee mon pote, tu te dis qu’il va profiter du fait qu’elle se mette face glace pour lui arracher le string et lui mettre un coup de kekette vite fait bien fait mode levrette de lapin de garenne avant d’aller au taf…bahhh riennnn, notre ami Jo la fine moustache, est obnubilé par le rouge à lèvres qu’elle a foutu sur sa tasse et se précipite pour foutre ses lèvres dessus à son tour…là tu te dis que le mec est en fait en colloc, préfère les hommes, ça se trouve même c’est sa sœur, ou alors lui c’est un trans qui est passé de femelle à mâle et elle c’est l’inverse, ils kiffent l’odeur du café et le rouge à lèvres, mais à chaque fois ça leur fait changer de sexe… pas super sain comme plan, voire grave à l’ouest, Los Angeles, Route 66, toussa toussa.
Bon après, comme dans tous les couples normalement constitués de bon matin, plutôt que les sacro-saintes phrases du type « tu vas être à la bourre, tu veux un autre café ? hein quoi comment ça t’es pas prête mais tu te fous de ma gueule je croyais que c’était toi qui emmenait les enfants, ah bah super le plan merde, bon bah je vais me débrouiller t’es chiante hein »…bah non, eux, ils se posent l’un en face de l’autre avec la tasse à café pleine de rouge à lips de prostipute, se jettent des regards de hyènes en manque de cunnilingus, et là mon pote t’as la voix off qui te claque « chaque capsule Carte Noire révèle une expérience intense »…ah ouaiissssss…c’est bien ce que je disais en fait c’est 90% de drogue non-coupée dans chaque capsule pour 10% de café, tu m’étonnes qu’ils partent en vrille les trans tourtereaux…
Voilà, en attendant, toi tu prends ta tasse, t’allumes ta clope, tu prends ta dosette et tu bois ton café et t’emmerde pas tout le monde ni avec un rouge à lèvres et encore moins avec des expériences intenses.
Allez, bon café, j’vous embrasse.
Avé, Cesar
Un petit « frères Coen » reste toujours un moment de cinéma. Rétro et sympa.
Il ne faut pas chercher de grandes exaltations existentielles dans Ave César. Il ne faut pas espérer une réflexion profonde sur le cinéma, l’art qui a fait d’Ethan et Joel Coen, des grands maîtres respectés par tous. Il faut juste envisager un petit spectacle, vaguement policier et volontairement outrancier. Bienvenue à Hollywood !
Durant l’âge d’or du cinéma ! Eddie Mannix (épatant Josh Brolin) dirige les studios Capitole et ses journées sont folles. Un bourreau de travail qui doit gérer mille choses en quelques coups de téléphone ou quelques coups de poing. Il est détective, manager et producteur.
Il doit soigner l’ego des stars à la ramasse. Il fait le ménage parmi les journalistes qui veulent des ragots. Il calme les ardeurs des auteurs en manque de reconnaissance. Il ménage les questions religieuses. Il est partout dans son studio à éteindre le moindre incendie. Il bosse comme un fou dans une industrie malade.
Car à Hollywood, tout est exacerbé. Les amours comme les convictions politiques. Mannix doit en plus des affaires (excentriques et) courantes, gérer le kidnapping de Baird Whitlock, héros d’un péplum sur la vie du Christ.
Les Coen aiment les personnages grotesques. Ici, ils sont croqués avec un amour non dissimulé. Les acteurs se régalent et nous aussi. Clooney, Tatum, Fiennes et tous les autres se vautrent dans le ridicule avec un aplomb charmant.
D’autant que le style rétro va bien aux frangins. Il l’avait prouvé avec le mésestimé Le Grand Saut. Leur satire a du style et jamais de méchanceté ou d’aigreur. C'est du burlesque où tout se joue dans les détails. On pense d’ailleurs à 1941 de Steven Spielberg, autre parodie aimante, célébrant tout de même le rêve hollywoodien, entre clairvoyance et ricanements.
Avec Josh Brolin, Alden Ehrenreich, Joseph Fiennes, Scarlett Johansson – Universal – 17 février 2016 – 1h40
San Francisco
La ville californienne inspire Maxime Leforestier pour nous parler immobilier. On pense aux hippys et à l'amour libre. C'est tout autre chose qui se cache derrière de nom de San Francisco pour ce groupe Lyonnais sous tension.
Car la ligne est tendue pour Zëro, groupe alternatif de Lyon connu pour sa tradition post punk. Ils ont travaillé avec des membres de Sonic Youth ou Virginie Despentes et apprécient les riffs puissants qui envahissent l'espace et font naître des sensations bizarres. En matière de rock, il est de bon ton de connaître ce groupe vraiment "underground".
Bien entendu ils jouent très fort. Eric et ses amis aiment bâtir des murs de son. Mais ils ne font pas ça n'importe comment. Ils bâtissent pour créer une ambiance. Bien entendu le trio est capable de déconcerter avec des dissonances mais il a l'art constant de déconcerter en faisant preuve de choses plus légères pas loin de la pop classique... donc élégante.
Ce cinquième opus est finalement plus varié qu'on le croit. Après dix années d'existence, Zëro s'est forgé un solide caractère et peut donc se permettre de nouvelles orientations. Sans se perdre. Sans se renier. Cet album est synthétique mais il a du coeur. Il y a des bidouillages mais aussi de vrais et impressionnants riffs et une base rythmique traditionnelle
Comme d'habitude chez eux, on sent ce travail en équipe. Ce n'est pas de la frime. Le trio est excité et joue réellement sur ses bases post punk, un peu noise pour tenter des chansons inhabituelles qui ne passeront pas sur toutes les radios, c'est sûr. Avec eux, on sait que l'on va avoir droit à de l'inédit. Tant mieux.
Ce n'est donc pas le joyeux trip californien qui est proposé ici mais un nouvel essai tendu et spectaculaire malgré des moyens assez dépouillés. C'est simple et beau. C'est bruyant et harmonieux. C'est plein de vie et ca mériterait plutôt un dix!
Ici d'ailleurs - 2016
Sykes
Un western de grande tenue pour une collection dont le dernier n'avait pas été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme. En effet, l'album d'Hermann "Sans pardon" dernier western de la collection Signé avait donné lieu à une importante polémique dans le petit milieu de la BD.
Considéré comme un album contant une histoire faisant une (trop) large place à la violence gratuite. ET pourtant on sait qu'Hermann a donné quelques unes de ses lettres de noblesses au 9ème Art en général et au western en particulier. Mais ne revenons pas là dessus, j'ai largement exprimé mon attachement à Hermann voilà quelques semaines lors de son sacre mérité à Angoulême.
Ici aussi, l'album est violent. On suit le parcours d'un marshall, de son adjoint, épaulés par un indien et un jeune orphelin. Leur réputation les précède dans chaque ville qu'uls traversent. Je veux parler des 2 premiers. Si ils sont renommés, il existe une part d'ombre. Il serait arrivé que certaines de leurs victimes aient fini leur jour d'une balle dans le dos.
Au moment où début l'histoire, Sykes et son adjoint ont déjà un lourd passé. Sykes poursuit une bande qui ravage la région.Il passe à proximité d'une ferme isolée habitée par une mère et son fils. Cette ferme sera prise d'assaut par les outlaws qui tueront la mère mais n'arrêteront pas le jeune garçon qui retrouve Sykes et lui demande de le suivre afin de venger sa mère.
Sykes sera rejoint par son adjoint et un vieil indien dont la complicité est ancienne. Avec Dubois, on était habitué aux petits lutins plutôt qu'aux gros pistoléros. Son approche du western est classique mais bien faite. La mise en scène est soignée, entre la poursuite et le retouur sur le passé du héros, ses cauchemars qui poussent le récit au bord du fantastique sans jamais l'atteindre.
Quant au dessin d'Armand, il donne des gueules à toute cette panoplie de gros bras virils. on se rapproche du dessin d'un Herenguel dans "Lune d'argent sur Providence". C'est beau, bien fait et beaucoup plus personnel que dans Bob Morane Renaissance.
Les 80 pages que compte le récit ne sont pas de trop pour décrire toute la course poursuite de ces 2 bandes rivales.Et si les méchants sont vraiment haineux, les bons ne sont pas si nets que ça. Ce qui donne une histoire très humanisée. un très bon western one shot qui régalera les amateurs du genre.
Le Lombard - 75 pages
The Finest Hours
C'est une histoire vraie. Une incroyable aventure maritime. Et désormais un film hors du temps, complètement en décalage avec la production hollywoodienne. Ce n'est pas désagréable!
Pas de sound design mais une vraie musique de film. Une partition qui décoiffe, qui suit la vague extraordinaire de courage qui habite dans le coeur de quelques gardes cotes du Massachussets. Ces derniers se sont jeter dans une tempête pour sauver quelques marins bloqués sur un pétrolier coupé en deux!
Pas d'effets spéciaux spectaculaires! Juste des scènes sur l'eau absolument enivrantes tellement le cinéaste nous embarque dans l'ouragan qui casse un gros bateau et révèle la volonté de quelques bons gars! Les images ne font pas dans la surenchère. C'est la bonne surprise de cette production Disney: elle refuse les grands effets et fait confiance au drame qu'elle représente pour impressionner son audience.
Pas de montage usant. C'est clairement un parti-pris vintage qui est pris par le cinéaste Craig Gillepsie (à qui l'on doit le remake de Fright Night). Il choisit de s'intéresser aux hommes qui se sont battus contre la fatalité et le réalisme. Ce sont de beaux sentiments, joliment représentés. La photographie est classieuse. Le moindre détail est réfléchi: c'est Mad Men sur l'eau.
Pas de grosses stars embarrassantes. C'est bien joué! L'autre bonne idée, c'est le casting: une ribambelle de seconds couteaux, tous excellents. On appréciera le charme discret et atypique de Casey Affleck, bien plus intéressant que son grand et prestigieux frangin.
Pas de prise de tête. C'est du cinéma à l'ancienne. Rien de révolutionnaire. Le film est résolument old school. Il est étonnant par cette volonté de ne pas coller aux modes et aux conventions actuelles. On ne voit pas comment ce film couteux pourrait grimper au sommet du box office. Mais c'est justement ce refus de logique contemporaine qui fait le sel de cette oeuvre inattendue.
Pas un chef d'oeuvre. Juste un très bon film d'aventures. Vieillot. Décalé. Exigeant.
Avec Casey Affleck, Chris Pine, Ben Foster et Eric Bana - Disney - 24 février 2016 - 1h59
Sound + Vision
Pépites, joyaux et perles rares illuminent cette très intelligente rétrospective (1969-1993). Pour approfondir ou pour découvrir l’œuvre d’un sertisseur de génie.
C’est comme si on pénétrait dans un musée.
Premier tableau : la toute première demo du mythique Space oddity, enregistré dans sa chambre par David Bowie, en compagnie de John Hutchinson, d’une guitare douze cordes et d’un stylophone (curieux instrument électronique au son nasillard…).
Dernier tableau : une très dure version live (Amsterdam 1997) du très free Pallas Athena tiré de l’album "Black tie white noise".
Entre deux, le parcours musical d’un génie, retracé avec une acuité et un à propos absolument formidables. Car contrairement à la plupart des compilations, le choix des titres n’a pas été déterminé en fonction de leur succès commercial, mais par rapport à leur importance dans la carrière de l’artiste, qu’il s’agit ici d’illustrer de façon logique et cohérente.
Et une fois les morceaux choisis, on privilégiera leur édition dans des versions rares ou alternatives. Le résultat est, bien entendu, tout à fait épatant pour un gros fan comme moi. Mais la visite devrait également passionner les hommes et femmes de goût, curieux de découvrir et de comprendre l’itinéraire artistique d’un créateur qui vient assurément d’ailleurs.
On passe de salle en salle, des œuvres de jeunesse aux œuvres de sagesse, sans contourner les périodes creuses, les égarements et les moments de faiblesse. Tout est intéressant quand il s’agit d’appréhender une œuvre dans sa globalité.
L’énigmatique et indispensable The Bewlay brothers est là. Le dernier enregistrement avec Mick Ronson et les Spiders from Mars aussi (1984/Dodo). Rebel rebel est présenté dans une version rare où Bowie joue tous les instruments (chant-guitare-basse-batterie !). La langue allemande donne une force supplémentaire au pourtant déjà très poignant Heroes (Helden), période Berlin 1977. Et la progression de cette version live de Station to station ! Et la froide sensualité de Cat people dans sa version du film "La féline"…
On passe de salle en salle jusqu’au pied du Buddha of suburbia, bande son d’un film oublié.
Pour être parfaitement complet, on aurait sans doute dû rajouter un gros cinquième CD correspondant à la période 1995/2003 où cinq très bons albums ont vu le jour dans les mains d’un David Bowie en plein regain créatif.
Les véritables artisans de ce magnifique travail sont les canadiens de chez Rykodisc, qui avaient élaboré le premier coffret Sound + Vision fin 1989. Rapidement épuisé, cet objet était devenu pièce de collection bowiephile.
Alors il y a dix ans, EMI a récupéré le bébé, l’a luxueusement relooké, agrémenté de quelques titres plus récents et puis ressorti sous cette forme, qu'on peut encore s'offrir avant qu'il devienne collector à son tour.
Hormis un poster sans intérêt (et plié en douze, donc inutilisable), le superbe livret bourré de belles photos rares, l’intéressante histoire parallèle (en anglais) et les cinq heures de voyage au pays du caméléon feront de vous une fois encore des enfants (du rock) gâtés-pourris.
Et puis, tenez : cet excellent reportage en cadeau-bonus :
Adventureland
Samedi soir oblige, voici notre choix judicieux pour une bonne soirée devant la télé: Pendant qu'on faisait Lol, nos voisins d'Amérique faisaient Adventureland. Le second est sorti directement en dvd. La vie est injuste. Elle est plus belle après la vision de cette délicate comédie sur l'adolescence.
James Brennan termine ses études de littérature. Entre deux pétards avec son pote érudit, il se plaint d'une virginité trop encombrante et d'une misère sexuelle aliénante. Il veut se débarrasser de ce poids si lourd.
Vous pensez être en terrain connu? Vous avez vu tous les American Pie? Et vous savez qu'Adventureland est réalisé par le cinéaste de Supergrave? Attention, vous allez vous planter!
Il est vrai que James va connaître des aventures sentimentalo-adolescentes en travaillant dans un parc d'attraction ringard au lieu de faire un magnifique voyage en Europe avec ses amis cultivés.
Il va croiser le chemin de la torturée Em et la chaude Lisa P. Ses sentiments vont se coincer entre sa quéquette et son coeur. Il aura des amis complètement crétins, adeptes du coups de poing dans les partis. Il rencontrera un adulte, chef de la maintenance et musicien admiré par les filles. Il comprendra petit à petit que le passage à l'âge adulte est une belle saloperie.
Mais Greg Mottola, abandonne le style cru de Supergrave et la fameuse touche de Judd Apatow. Il réalise une oeuvre attendrissante d'une mélancolie subtile.
En situant le film dans les années 80, il joue à fond la carte de la nostalgie mais il ne glorifie jamais l'adolescence de cette époque. Les ados sont paumés dans une vie sans queue ni tête.
Ils sont moches, empruntés et gaffeurs. Ils doivent danser sur des tubes horripilants. Ils comprennent que leurs différences seront une barrière à leur intégration dans le monde adulte. Ils flippent devant des parents fatigués et s'amusent devant un patron gentiment taré.
James rêve de New York et découvre des trésors existentiels dans un parc d'une banlieue anodine de Pittsburgh. La romance s'accompagne d'un humour cruel. Tel un héros romanesque, il découvre les turpitudes du coeur. Il comprend la violence du monde qui l'entoure. Il devine que seul l'amour comblera une vie américaine finalement assez effrayante et absurde (le portrait des parents est saisissant).
Sans aigreur, ni cynisme, Greg Mottola dresse un tendre portrait, jamais niais ou fantasmé, de l'adolescence. Grâce à ses comédiens (dont l'introverti Jesse Eisenberg et la fragile Kristen Stewart), Adventureland suggère que l'amour est une grande aventure. Que la vie est un drame et une comédie. Que l'adolescence est un pic d'intensité. Qu'on doit prendre les 400 coups avant de pouvoir en donner. Que le cinéma offre des petits bonheurs comme Adventure qu'il ne faut jamais refuser!
Avec Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Ryan Reynolds et Martin Starr - Miramax films - 200