David Bowie

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J’ai vu le Visiteur Magnifique

Sur la terrasse d’un café

Au-dessus de l’embarcadère

C’était bien lui et pourtant un autre

 

Seul à sa table, las et distant

Tenant l’écart, il avait tout appris

Tout rejeté, sans amertume

Sans effronterie, il concevait des personnages

 

Pour nos chapiteaux éphémères

Trois petits tours et puis s’en vont

Où s’en vont ses extravagances

Peupler nos cerveaux de visions

 

Les gares et les trains et les gares

Ne te retourne point, c’est une image

Filent la poésie de cet ailleurs qui nous tenaille

Ne tiens rien pour acquit, séduis celle qui passe

 

Celle qui vient à ton bras gauche

Se pendre et t’entraîner là-bas

Passage de éternité te propose

Que tu ne redouteras pas

 

Pour le moment c’est un secret

Son regard bivalent n’est toujours pas d’ici

Attend, tais-toi, Maître de lui

Il s’est dressé, foulant nos cendres,

 

Il disparaît.

 

Gilbert Provaux

Kiki de Montparnasse, Jean-Jacques Beineix, Lucernaire,

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On aurait aimé un portrait plus fantaisiste ou malicieux et surtout, un peu plus secret, de la reine de Montparnasse.

S’il est bien sûr plaisant d'écouter de la bouche de Kiki de Montparnasse le récit de ses souvenirs des années folles, particulièrement de ses côtoiements d’artistes devenus immenses (Modigliani, Soutine, Utrillo ou Man Ray), on regrette de ne rien apprendre d’inconnu ni de percer le mystère de ce qu'il y avait de si fascinant, chez cette femme, au point de devenir une véritable légende.

Est-ce dû au format du monologue ou au décor trop sobre et statique uniquement animé par quelques projections d’images, mais on ne ressent ni l’excitation ni les vent de folie, de liberté, d’audace et d’affranchissement, pourtant censés traverser cette période. Difficile pour Kiki de nous faire ressentir la folle ambiance des cabarets et l’effervescence artistique et sexuelle de l’époque avec pour seul accompagnement deux musiciens (même supers!). Et le cocktail de sensations antagonistes de grandeur et de désœuvrement, si emblématiques de cette période, n’est que faiblement restitué. Aussi, le choix de projeter des images (des lieux mythiques de l’époque) sur un angle de la scène n'apporte pas grand chose mais risque, au contraire, de nuire à l’intimité de la pièce et au jeu de la comédienne, dont les actes en ressortent rapetissés. Kiki de Montparnasse ne devient alors presque plus que témoin-conteur d’une époque dont elle a pourtant largement été actrice.

On est cependant touchés par l’investissement total d’Héloïse Wagner et de ses musiciens dont le plaisir de jouer est contagieux.

 

Jusqu'au 06 mars 2016

Théâtre du Lucernaire

Mise en scène de Jean-Jacques Beineix

D’après Souvenirs Retrouvés de Kiki de Montparnasse

Avec Héloïse Wagner (Kiki de Montparnasse) accompagnée par Rémi Oswald ou Jean-Yves Dubanton (guitares) et Rodrigue Fernandes (accordéon)

From Black to Blue, Mats Ek,

From Black to Blue Mats Ek

L’écriture chorégraphique est comme écrire sur les vagues…

La danse de Mats Ek ne fera pas répertoire.

Est-ce son caractère actuel, quotidien, qui pousse le chorégraphe suédois de bientôt 70 ans, à la faire disparaître lors de cette dernière cérémonie aux Champs-Élysées?

En deux actes, le premier avec la pièce de 1994 She was black où les virtuoses du Semperoper Ballett Dresden s’électrisent dans une danse sauvage, clandestine comme pourrait l’être le flamenco, sous l’arbitrage d’un Monsieur Loyal sur pointes et en chapeau melon.

Le second reprend Solo for 2 où Dorothée Delabie de l’Opéra de Lyon parvient à calfeutrer l’absence mélancolique de Sylvie Guillem (encore des adieux…). Pas-de-deux où homme et femme interchangeables s’aiment tout simplement et s’enroulent dans le piano magnétique d’Arvo Pärt. Vient ensuite la création du soir, dans la lignée de Place (2010) pour Ana Laguna et Mikhaïl Baryshnikov, ode au vieillissement du danseur.

Hache est un énième dialogue de sourd entre un homme débordé et une femme qui essaie de compter.

Il s’agit, plus que de danse théâtrale, d’une danse littéraire: on y retrouve les obsessions au sujet de l’absurde et l’absence de Beckett, Duras ou Ibsen; on retiendra sa partition de La Maison de Bernarda Alba (Garcia Llorca) pour l’Opéra de Paris en 2011…

Mais, dans les histoires de Mats Ek, les choses finissent toujours dans une acceptation sereine.

C’est peut-être pourquoi il nous offre la possibilité de la fin; de se séparer pour de bon de ces œuvres accrochées à une temporalité nostalgique, des souvenirs aujourd’hui révolus, qu’il ne voudra pas réanimés.

Ainsi il a résilié les droits pour l’ensemble de ces créations, qui ne seront plus dansées…

Nous garderons dans les yeux la silhouette encore si souple de son épouse et muse, la magicienne Ana Laguna et ses prières en mouvement.

Il nous aura transmis une gestuelle unique, une danse dénudée; c’est d’ailleurs dépouillé de tout superflu que le spectacle s’achève sur un Théâtre  des Champs-Élysées sans décor, originaire.

Il aura toujours parlé du passage du temps; place donc aux successeurs, sur lesquels ne pèsera pas le poids d’un héritage.

du 8 au 10 janvier 2016

Tous les matins suis Narta…bah moi moyen en fait…

Voilà, je vais enfin casser le mythe, briser 28 ans de silence et de non-dits, depuis 1988, tout le monde n’ose rien dire, par peur des représailles des lobby des poils sous le bras, des confréries secrètes des adorateurs du qui sent bon sous les aisselles et ce 24/24, voire plus, où que tu coures, tu nages, tu bosses, tu baises, tu marches, bah rien ne bouge, grâce à ton super déodorant mis à la 1ère heure à la lueur d’une salle de bain mal éclairée le jour levant, bah tu transpires pas et sens bon…bah mon cul oui !

En effet, en 1988, une jeune femme, ici en vidéo, suppôt de publicitaires cocaïnés, a embarqué la France entière dans un trip hygiénique qui perdure encore aujourd’hui et que personne ne veut contredire, je dis stop.

A en croire les effluves qui remontent dès les premières heures de RER ou à certains bureaux de collègues dès le bonjour du matin où l’atmosphère s’apparente sans mal à un zone industrielle remplie d’usines de fabrication de produits agricoles, non, tout le monde n’est pas Narta Narta, oh que non non non.

Déjà, comme tout le monde, ton réveil sonne à 6h47, oui, t’as mis ton alarme à 6h47 car 6h45 ou 6h50 tu sais pas pourquoi mais t’as l’impression que ça va te porter malheur, alors t’as mis 47, et pis, si tu passes une journée de daube, et bien le lendemain tu le mettras à 6h48 ou 49, mais jamais o grand jamais à 6h50, pas de chiffres ronds, parce que t’as peur…

Ensuite les minutes passent 15 fois plus vite entre 6h47 et 6h59, l’heure où tu le lèves vraiment, qu’à n’importe quel moment de la journée, là non plus, tu maitrises pas, y’a une puissance maléfique hostile à ta vie qui accélère ton radioréveil, comme ça, juste pour te pourrir la vie.

6h59, tu te lèves, t’as une tête mais t’as une tête bon d’la, juste l’impression que tu t’es fait dépucelé la nuit d’avant par un ours pornographe et que tu portes encore les stigmates de ta nuit d’amour avec ledit ours sur ta tronche.

7h05, tu prends ton café, t’es toujours pas hyper Narta, ça caille, tu passes la journée à venir dans ta tête, le truc te revient comme un boomerang, et la réunion avec truc, pffff, olalalalala, la galère, oh puis y’a le rdv avec machin, pffff, olalalalala, mais meeerrrrrddeeeeee.

7h13, là tu pourrais commencer à être un peu Narta, sous ta douche, avec la radio qui grésille, la buée plein la glace qui t’évite de voir ta tronche de nuit d’amour avec l’ours, tu planes à 4000, tu pars dans tes pensées, tu sors de la douche, t’as oublié de te laver à force de rêvasser, tu retournes dans la douche, tu te savonnes, tu ressors, là tu mets ton Narta, là tu l’es un peu, 7h28, t’es à la bourre, et carrément pas Narta du tout tellement t’es à la bourre.

7h43, deuxième café, 1ère clope, t’as la bouche déjà juste le contraire de Narta…

8h02, t’emmènes tes mômes à l’école, t’es speed, tu trouves pas de place pour te garer, tu te mets à 900m de l’école, t’es encore plus à la bourre, la sensation de fraicheur Narta sous ton manteau te monte au pif en ayant l’impression d’avoir foutu un demi paquet Menthos prémâchés sous ta chemise…tu sens déjà que tu vas pas être Narta à mort pour le reste de la journée…

8h17, transport, parking, bas du bureau, montée des marches, allumer un ordi, 120 mails, ras le bol, tu colles du cheveu, t’as mis ton Narta y’a 1h, et bah c’est foutu, t’es déjà plus Narta du tout.

13h36, sortie du resto chinois où un de tes collègues a eu la bonne idée de t’emmener, tu ressors en sentant le nem frit façon t’as baigné dans l’huile en costard, mais dehors tu t’en aperçois pas, c’est une fois arrivé à ton bureau où un collègue beugle « oh la vache ça sent le graillou !!! » que tu te rends compte que tu peux rebaptiser ta veste « made by Frère Tang »…

18h03, chemin inverse du matin, bureau puis bas du bureau puis parking puis transport, puis marche, puis y’a toujours pas de place, puis 900m puis run, puis mômes puis voiture, puis mais alors là t’es carrément plus Narta mais plus du tout…tu suintes de partout.

18h56, t’arrives chez toi, tu enfiles un mieux jean’s tout plein de trou car tu l’aimes bien et que quand tu l’enfiles t’as l’impression d’être chez toi, un sweet à capuche, tu t’en fous t’es chez toi, oui ce sweet tu l’as depuis 15 ans, et non de non, il est carrément pas Narta.

23h19, tu te mets au lit, tu repasses ta journée, t’as carrément oublié que t’avais mis du déo aux alentours de 7h28…et le léger soulèvement de bras avec ton pif qui vient snifer ce « mais alors là si t’es Narta moi j’suis le pape en Porsche cabriolet » te fait bien comprendre que t’es pas Narta du tout.

Voilà, il fallait le dire, sur ce, bah j’vous embrasse sous les aisselles.

Best songs 2015: la plus élégante

Complicated Game

la voix se traîne autant que les accords plaqués sur la guitare. C'est de l'Americana. De la pure. De la bonne.

James McMurtry est né en 1962 au Texas. A Forth Worth. Il a les cheveux longs. De grosses lunettes. Un chapeau vissé sur la tête. Il est aussi glamour qu'un rondin de bois. Il a tout l'esprit de l'Amérique profonde dans la voix. C'est rugueux et presque rustique.

C'est aussi une voix très attachante. Le monsieur a l'art de raconter tout en chantant. Ses chansons folk sont de petits nouvelles sur la triste vie des Américains, à l'ombre de la mythologie du pays. Son père était romancier: cela s'entend car il chante beaucoup sur des airs calmes et des mélodies tout en acoustique.

Le Yankee est bavard et sa musique finit par nous charmer. Cela dépasse le cliché de la musique pleine de traditions, entre mandoline et accent sudiste. Tout est là mais on sent qu'il y a un peu plus. C'est étrangement dense. Les paroles claquent plus que la musique plutôt simple base rythmique pour des histoires aigres douces. Il y a du Dylan chez ce folk singer binoclard!

Ce n'est pas très original mais la vision de James McMurtry est presque étonnante tellement elle sillonne sur les vieux mythes artistiques. Lui pourtant a tout du grincheux acerbe et doué. McMurtry a tapé fort durant l'élection de Bush et ses faucons. Il n'y a rien qui va avec lui mais la musique adoucit les moeurs et visiblement les humeurs du chanteur.

Cette fois ci il s'attache à décrire la vie du "common man". Ce sont des vignettes et des tranches de vie assez bien vus où l'amertume se confond avec la passion des mots. C'est verbeux mais c'est aussi de la musique. On aime bien dire que les gens du sud des Etats Unis sont des ploucs... James McMurtry aime bien casser ce préjugé un peu trop réducteur.

Mis - 2015

En effeuillant Baudelaire

"Lorsque j'ai écrit En effeuillant Baudelaire, au début des années 1990, Londres se remettait à peine des années Thatcher, l'ombre de la Dame de Fer planait encore sur la ville.”

“S'il faut trouver un terme pour caractériser l'esprit qui dominait alors, "paranoïa" me paraît le mieux approprié. Les hommes d'argent, en particulier, vivaient dans la peur, encore étourdis par le crash des années 1980. Si on y ajoute l'effet de certaines drogues, on peut imaginer leur état de nervosité. Le prix de la cocaïne atteignait des sommet et l'argent… eh bien, l'argent était le moteur principal, comme dans la plupart des rencontres.

La criminalité en col blanc était le sujet des débats passionnés de certains dîners en ville. J'ai voulu explorer les réactions des gens avec un métier "sans risques", qui se seraient laissés séduire par les trois sirènes habituelles que sont : l'argent, le sexe et le pouvoir.

Prendre un comptable, par exemple, l'attirer dans les venelles du crime et observer sa réaction. Je voulais mesurer comment auraient résisté, à cette mise en cause de leur sécurité et de leur stabilité, les plus "passe muraille" de nos concitoyens. En ajoutant Baudelaire aux mailles du filet, on faisait pencher le plateau de la balance… il n'existe guère d'animaux plus dangereux qu'un anglais déstabilisé."

Voici ce que dit Ken Bruen en introduction de son roman, pourquoi chercher à le paraphraser avec un résumé inutile? Tout est dit et il ne vous reste plus qu'à assister à la métamorphose de Mike qui est stupéfiante.

Force du récit et puissance de l'analyse humaine sont les deux bases de ce récit survitaminé (Mike survitaminé est impayable), mais comment Ken Bruen fait-il de telles prouesses ?

Points - 216 pages

From Kinshasa

Le disque parfait pour se réchauffer. L'exotisme musical de ce groupe est un bel espoir!

Ce sont de vieilles connaissances. Derrière le nom exotique de Mbongawana Star se cachent les deux chanteurs handicapés de Staff Benda Bilili, sensation afrobeat qui date de quelques années. Ils sont désormais acoquinés à cinq jeunes musiciens et explorent de nouvelles contrées, exaltantes et remuantes.

Cette fois ci les deux chanteurs sont restés à Kinshasa. Ils ont pris la température de la capitale du Congo: elle est bouillante. Leur disque est un morceau de musique bigarré et fantasque. Une oeuvre qui ressemble à un feu d'artifice sonore absolument incroyable.

Il y a bien entendu les traditions avec un afrobeat maîtrisé qui se mêle une rumba congolaise débridée. Allié au producteur de Tony Allen, le groupe cuisine une tambouille qui fourmille d'influences. La modernité ne fait pas peur au groupe: il y a de l'electro ou de l'ambiant. Il y a des boucles électriques et synthétiques. Le rock sur le continent noir est un formidable chaudron musicale. Les nuances sont subtiles et donnent une force étonnante aux chansons de Mbongwana Star.

On a déjà vu pas mal de stars regardés vers l'Afrique (comme Damon Albarn) car son histoire est riche avec en tête de gondole, Fela Kuti. Les membres de Mbongwana Star n'ont pas peur de leurs illustres ancêtres. C'est bien barré et parfois psyché. En tout cas c'est particulièrement dépaysant et d'une habileté rayonnante.

La créativité de cet album donne de l'espoir. La modernité et les vieilles règles cohabitent en harmonie. Le disque est lumineux et chaleureux. Ce groupe est une étoile qui brille d'une manière sublime et montre l'importance de la richesse et de la diversité. Par les temps qui courent... un disque avec des valeurs, c'est pas mal du tout!

Nonesuch - 2015

Celestin Gobe la Lune

Wilfried Lupano est désormais le scénariste de la bédé. En 2007, il prouvait déjà son sens du récit avec une aventure picaresque engagée et engageante.

Celestin est un enfant abandonné. Il vit d'amour et d'eau fraîche. Il ne pense qu'à l'amour. Pour lui, il grimpera sur l'échelle sociale jusqu'au sommet en tombant amoureux d'une fille riche et belle si possible. Il a des rêves plein la tête et se moque bien de tout le reste.

Car ses amis gueux ne sont pas très contents. Les impôts sont trop élevés. Le roi ne pense qu'à la lutte et ne devine pas la colère qui gronde. C'est bien normal: c'est sa soeur qui tire les ficelles. Mené par un poète, la révolte se met en place. Et cela pourrait contrecarrer les projets passionnels de Célestin, doux rêveur, héros de l'Histoire malgré lui...

Yannick Corboz a un style qui va très bien au genre Cape et d'épées. Ses personnages sont quasiment élastiques. Les villes rustiques et sales sont des labyrinthes colorés. Il y a ce qu'il faut de modernité dans la mise en page pour que le résultat soit aussi exalté que son personnage principal, Célestin, formidable personnage aveuglé par son amour pour les femmes. On est à deux doigts d'une forme de poésie à l'intérieur d'une histoire finalement assez classique, proche des classiques du genre.

Ce recueil réunit avec élégance les deux volumes des aventures révolutionnaires et citoyennes de Célestin. On y reconnait la vitalité d'écriture de Lupano, signature devenu indispensable dans la production française. Avec Corboz, ils forment un duo incroyable et on regrette que Célestin le séducteur n'est pas connu d'autres aventures aussi folles!

112 pages - Delcourt

best songs 2015: la plus amoureuse

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