Brace the Wave
Pendant que les hipsters de tout bord recyclent tous les courants (culturels) alternatifs, Lou Barlow, à l'approche de la cinquantaine, ne triche pas. Il écrit des ritournelles bien troussées avec peu de moyens mais plein d'idées!
Pionnier du mouvement lo-fi, Lou Barlow doit se marrer devant tous les barbus et les faux ringards qui font et défont les tendances actuelles. Bassiste du bien barré Dinosaur Jr, virulent musicien de la période grunge, leader de Sebadoh, Lou Barlow a tout connu, grandeurs et décadences, succès populaires et misères égocentriques.
Comme ses copains de Dinosaur Jr, il est désormais revenu de tout, sorte de survivant binoclard, discret mais sympathique dès qu'il donne de ses nouvelles. Brace the Wave ne déçoit pas. A l'économie de moyens, il trouve encore les ressources d'écrire un disque inspiré et identifiable.
Il a toujours l'instrument, l'idée ou la voix qui fera la différence. Ses chansons ont encore du caractère alors qu'il a été imité 1000 fois. Il gratouille sa guitare mais c'est l'élan qui sera décisif dans la perception de sa chanson. Il est enjoué puis sombre mais Lou Barlow ne se renie pas du tout. Au contraire, il s'affirme encore. On s'étonne de le reconnaître alors que son format de production est quasi rudimentaire
Enregistré en six jours, son disque réussit avec peu de choses à posséder une vraie ampleur et un putain de charisme. Bien entendu ce n'est pas nouveau. Mais à cinquante ans bientôt, Lou Barlow va bien. Il se fait plaisir et cela s'entend. Pas d'aigreur. Pas de mélancolie. Juste une petite musique de chambre joué par un grand dadais qui ne semble pas trop avoir peur de vieillir.
Joyful Noise recordings -2015
Un piano
Joos publie Un piano. Un album autobiographique mettant en valeur les chemins de la mémoire. Touchant car intime, réussi car graphique.
Joos est surtout connu du grand public via la littérature de jeunesse. Le Voyage d’Oregon est désormais un grand classique de la littérature de jeunesse qui permet à tous d’entrevoir des valeurs humaines issues du milieu circassien. Le don d'aller au-delà pour retrouver sa liberté. Simplement. Le don de soi.
Un piano est un autre don de soi. Sans détour, Joos se lance dans une fresque retraçant les chemins de sa mémoire avec ses traumas, ses névroses, ses angoisses, ses frustrations et ses joies. L’album s’il peut sembler difficile d’accès mérite qu’on s’y attarde, case après case. Les cases sont des photographies redondantes d’un processus mnésique mal défini. Le graphisme et les traits sont fugaces comme des flashs qui privilégient à chaque fois une partie de l’image. Le travail se fait sur les valeurs noirs-blancs , un crayonné qui révèle par cet apparent minimalisme l’angoisse choix de ce qui mérite ou non d’être valorisé.
Les images sont jetées sur le papier. Jetées pour célébrer la vitesse du désordre mental qui prend le dessus sur la réalité. Jetées pour ne pas se brûler. Les cases suivent le parcours d’un piano. Un piano légué sur son lit de mort par un père qui hantera la suite de l’existence de Joos. Le piano, figure imposante et troublante par son silence. Le piano, rappel incontournable des moments sur lequel il faisait des gammes avec son père. Des figures symboliques suivront désormais sa mémoire comme des présences fantomatiques immuables. Le père masqué d’un loup revient inexorablement à travers cinq moments. La vie du père croise celle du fils. Le loup ne le lâchera jamais. A moins que ce ne soit Joos qui ne lâche jamais le loup.
Joos dévoile ses centres d’intérêt et on comprend désormais le parcours d’un artiste qui s’est tourné vers la représentation de figures emblématiques du jazz (Charlie Mingus, Bud Powell, John Coltrane, Monk). Le père pianiste de jazz a connu un grand succès au début du XXème siècle. La quête du père ou du ressenti du père est un moteur pour l’œuvre de Joos. Alors quand on voit le clown Duke en page 19, figure emblématique du Voyage d’Oregon, embarqué sur un paquebot à destination des Etats-Unis, on sourit. On sourit de cette mise en réseau de l’œuvre, de ce clown spectateur de l’histoire du père. Tendresse.
A 70 ans, Joos revient sur son passé à travers un album touchant qui met à jour une cicatrice toujours ouverte. La perte trop rapide d’un père a laissé une ombre permanente sur le chemin de Joos. Petit garçon il n’a jamais pu entendre d’histoire sur les loups sans faire de cauchemars… Une ombre angoissante fugitive et énigmatique. La dernière planche dévoile l’ombre d’un loup dans le ciel de New-York. Comme pour mieux figer le passé. Rendre réelle une absence.
http://www.futuropolis.fr/
http://www.louisjoos.com/
112 pages - futuropolis
Talking is Hard
Le cadeau idéal pour Noel!
Ce n'est pas tous les jours que je traine dans les pages musique d'Etat Critique mais il fallait que je vous parle d'un groupe extraordinaire, qui en fait trop et qui fait ça très bien. Ca faisait quelques années que l'on voyait les graines de rock star se remuer comme des balais devant des synthétiseurs ou jouer/chanter comme des robots. La nouvelle génération découvrait les Eighties et ses kitscheries.
Walk the Moon, quatuor de têtards de Cincinnati, lui pille littéralement les années 80. Avec une candeur et une énergie qui forcent le respect. Rarement on aura entendu un ersatz de musique eighties aussi parfait! L'imitation est stimulante et hilarante! On s'y croirait. Promis, une coupe mulet vous pousse dans le cou durant toute l'écoute du disque.
Car les petits jeunes de l'Ohio prennent tous les clichés du genre et les gonflent avec un souffle inattendu. Ca décoiffe. Ils imitent les guitares de U2 mais aussi celles des groupes de hard de cette époque (Europe, Def Leppard). Vous savez quoi? Ca marche. On est tout sourire.
Les synthés soutiennent une base rock que n'aurait pas renié Huey Lewis ou Lloyd Cole. Walk the Moon (emprunté à Police) fait un grand écart entre le mauvais goût et la bonne inspiration. Il y a le pire et le meilleur qui se confondent dans des titres pétaradants, excessifs mais réellement drôlatiques!
C'est de la new wave poussée vers une pop contemporaine, délirante et colorée. C'est un peu n'importe quoi mais il y a du coeur à l'ouvrage. Rien que pour ça, Walk the Moon ne mérite pas qu'on leur marche dessus!
RCA records - 2014
Et finalement j’vais faire Tapie…
Voilà, touche à sa fin une tumultueuse année 2015 où se seront entrechoqués des djihadistes barbus fous, des jesuischarlie, des frontistes nauséabonds, des James Bond qui fait du bruit quand il spectre, des retours de la force du futur de la force de l’avenir du passé en bref « Dark Vador chez les nudistes Episode 12 », des coupeurs de tête de patron, des arracheurs de chemise de patron, des Robocop21 plus fort que la pollution de la force du futur du passé, des Shy’m qui se casse la gueule à Bercy, des co-pilotes kamikazes au milieu des montagnes de PACA, des Rocco University for the student zizitoutdur, des Narcos sur Netflix qui wow prend ta claque dans la gueule de los traficantes de la serie buena soupeerrr trop bien, des Secret Story épisode 12 avec Dark Vador pintade pétasse en guest mon dieu que la France est conne des fois, des Retour vers le Futur de y’avait un truc marqué sur le tableau de bord du coup ça fait le buzz mon dieu que le geek est con des fois, des Fifa16 qui ressemble étrangement au Fifa15 qui ressemblait étrangement au Fifa14 qui lui-même ressemblait étrangement au Fifa13 qui lui-même…le tout enrobé d’un Platini qui va bientôt perdre sa platinium, d’un XV de France qui est qui s’est fait déchiqueter façon brutale par des All Blacks bien bien, du retour en force du vinyle, du retour en force de ma sciatique, d’un Thalys au pays des Marvels, du fait que je n’ai pas fini le livre « Le Passager » parce que finalement j’ai vu la série et que même si je me suis endormi devant pas on va dire que je l’ai vu/Lu hein et pour conclure bah j’viens de changer de bagnole mais ça finalement on s’en tape pas mal les testibloules.
Pour couronner le tout, et oui quand c’est fini y’en a encore, puisque c’est l’année des retours et des revenants, très bonne saison 2 au passage, mais non pas le Passager vous suivez rien de rien bordel, il en est un qui en cette fin d’année tente un coup à la phœnix, non non pas Strauss-Khan pour 2017, mieux que ça, mon Bernard Tapie qui, même s’il a une petite ardoise de 400 millions chez LCL Crédit Lyonnais façon « dis donc Bernard c’est bien gentil de payer des coups aux copains mais ça serait sympa de payer ta note, en fait t’as pris 59895556 Mojitos, 80232 Heineken en pression, 69832 Pastis sans glace et 98000 verres de Sauvignon, c’est pas que je t’aime pas, t’es un bon client mais là y’a la patronne qui gueule », et qui, peur de rien, se propose de refaire de la politique et foutre sur la gueule du FN car il est plus que tout le monde et que seul lui peut les vaincre, limite si Bernard ne va nous faire un projet d’armées marseillaises composées d’anciens supporters de l’OM pour mettre sur la tronche à Daesh pour purger la dette, et oublie donc qu’il a toujours évité d’affronter le vieux Le Pen en face lors d’une élection, qu’il a du son salut à une élection législative des 90’s uniquement parce qu’il y avait triangulaire et que son score à une élection européenne en battant d’un fil le FN avait été savoureusement orchestrée par le fin Mitterrand pour emmerder Rocard en face…bref, mon Nanard, sans rire, paye ton truc et arrête de rouler les mécaniques…
Allez, j’vous souhaite de bonnes fêtes de nowel et toussa, rendez-vous en 2016 et comme d’hab’ et pour la dernière fois de l’année…bah j’vous embrasse,
L’envahisseur
Voici un album qui convient parfaitement à l’actualité cinématographique du moment ! Star Wars n’a plus qu’à se rhabiller!
C’est grave : Stella envoie peut-être son dernier message de la station spatiale. Elles ne sont plus que deux à bord, elle et la babysitteur humanoïde. Maman a disparu depuis plusieurs jours et Papa est parti à sa recherche. Pas de nouvelle depuis.
Ils ont été enlevés par un extra terrestre, c'est certain....Il faut réagir ! Quelle angoisse ! Heu mais avant de lancer l’assaut, il faut faire un tour aux toilettes …
Que cet album est drôle et touchant !
Son allure un peu kitsch donne le la, mais tout de même on n’est sûr de rien. C’est peut-être sérieux. Les envahisseurs ont-ils vraiment débarqué ? Cette petite fille est-elle vraiment la seule à pouvoir réagir ? Joue-t-elle ? Pourtant elle est convaincue et convaincante !
Qui est cet envahisseur si inquiétant ? Sylvain Victor propose là un ouvrage très réussi. Mêlant humour, suspense, clins d’œil à quelques références cultes, couleurs vives et polices d’écritures des années 80, il embarque son jeune lecteur dans l’imaginaire.
C’est parfois pas mal de s’inventer des histoires, des jeux, quand on est inquiet ou que des évènements familiaux risquent de bousculer un tantinet votre vie bien tranquille …
Dès 5 ans
Sylvain Victor
L'atelier du poisson soluble
Une Guerre pour moi
On ne connaît pas son prénom, non ! On sait seulement que son "frère de tous les jours", c'est Amal, un gaillard pas tellement plus vieux qui se promène toujours avec une mitraillette dans les rues de cette ville, dévastée par la guerre.
Ils fondent d'ailleurs avec d'autres enfants un "groupe pour la guerre", s'entraînent et s'entraînent encore à tel point qu'ils n'ont même pas peur.
Le narrateur, quant à lui, est trop petit pour porter un fusil, mais il est parfait pour porter les munitions et partir en éclaireur espion....
C’est la guerre, la vraie. On aimerait croire que c’est un jeu, mais non.
La guerre est la, énorme, monstrueuse, juste au dessus des épaules des enfants qui ne semblent pas y attacher plus d'importance que cela. Est-ce du courage, de l’insouciance ? Est-ce tout simplement leur vie, leur « ordinaire » parce qu’ils n’ont rien connu d’autre ? Sont-ils enrôlés, grisés par la propagande ? Où sont leurs parents ? En-ont-ils encore ?
Autant de questions sans réponse, pourtant si proches de celles que nous nous posons – enfants comme adultes – face à l’actualité des jours passés.
Voilà un ouvrage cruellement magnifique, illustré de noir et de rouge sang, à l’écriture ciselée : "Alors mes yeux se sont remplis de l'arme. "
Un ouvrage qui laisse des traces, à lire accompagné à partir de 7 ans, un ouvrage qui mérite ensuite d’en débattre… un ouvrage si posément violent.
De Thomas Scotto Barroux
Carré Blanc les 400 coups
Mandarine
Disque de Noel! C'est le retour le plus sympathique de l'année. On ne les attendait plus vraiment. Les innocents ont prouvé à quel point leur absence était une erreur. Leur disque est une jolie pépite de pop à la française.
Mais on avait suivi du coin de l'oreille les parcours individuels de JP Nataf et Jean Christophe Urbain. Le premier se cache derrière une barbe, réalise quelques projets solos (ou rigolo comme les Wantones) et joue le rôle de producteur parisien tandis que le second poursuit lui aussi une jolie carrière de producteur.
Le groupe s'était disloqué en 2000. Il renaît quinze ans plus tard sous la forme d'un duo des deux chanteurs du groupe, toujours aussi amoureux de la pop anglo saxonne et de la poésie des mots. Finalement on les retrouve là où on les avait laissés. Ils sont toujours aussi bons lorsqu'il faut faire de la pop. De la vraie: avec harmonies vocales et guitares entraînantes.
Ce n'est pas un retour fracassant. Le naturel reprend le dessus: les deux hommes n'ont pas d'égal pour écrire une chanson joliment articulé, entre rock et folk, servie par des textes toujours un peu mystérieux mais d'une douce délicatesse. Ces deux là manquaient franchement à l'industrie française. Quel bonheur!
Il ne joue pas sur la mélancolie ou la nostalgie. Leurs titres sont intemporels et peuvent plaire à plusieurs générations. La production est soignée. Les deux hommes ne se refusent rien avec des intrusions instrumentales qui donne l'envie de réécouter leur disque beaucoup trop court pour un retour aussi tardif. Mais ils offrent trente sept minutes de joie intense et de chansons écrites avec une malice bien trop rare.
Goutez cette mandarine. Un régal tout simplement.
Jive Records
Le doudou de maman
Mais pourquoi est-ce que Maman a toujours le droit d’avoir son doudou avec elle ? Pourquoi ?
Dans son lit, dans la cuisine, dans la rue, même au travail, son doudou est toujours là à portée d’elle. C'est trop injuste ! Et puis, il serait temps qu’elle grandisse tout de même !
"Je" (la petite fille narratrice) lui enlève durant toute une journée. C’est la catastrophe, impossible pour elle de survivre. Branle-le bas de combat dans toute la maison comme si la vie devait s’arrêter pour ça !
Maman, c'est vraiment une petite fille ! Pfff ! Quel album délicieux ! Et à bien y songer s’adresse-t-il vraiment aux enfants ? Je crains que le message soit pour nous ! Nous les adultes complètement scotchés à nos téléphones portables ! Oui, je le crains !
C’est vrai que nous sommes souvent pathétiques avec cet engin, oubliant le présent, négligeant la vie, notre entourage proche, nous comportant encore plus mal que les petits avec leurs doudous …
Qu’en penserait Dolto ?!
Denis Lévy-Soussan et Marjorie Beal nous proposent un ouvrage drôle, gai, moqueur, un peu mystérieux, plein de bon sens et franchement pétillant.
La première page fait craindre le pire, truffée de stéréotypes, et puis très vite le lecteur est piégé ! Que c’est bon que les enfants se moquent un peu des grands !
Dès 3 ans, jusqu’à 99 ans…
Denis Lévy-Soussan et Marjorie Beal
Les éditions du Ricochet