Confidences à Allah
En cette période trouble, Marie Avril et Eddy Simon adaptent avec bonheur et tendresse le roman de Saphia Azzedine: Un régal!
Je n'ai pas lu ce bouquin mais l'adaptation qu'ont su en faire les auteurs me pousserait plutôt à le lire.C'est l'histoire d'une jeune fille qui cherche à se sortir de sa condition de jeune musulmane dans une campagne du Maghreb. Une jeune fille qui veut quitter la misère qui l'entoure et s'émanciper de cette société où les hommes dominent sans partage.
Elle se donne les moyens de s'en sortir, mais pour cela, elle ne dispose que d'une seule arme: sa beauté. Elle a très vite compris que les hommes la convoitaient. Elle a compris qu'en sachant l'utiliser et avec un peu de bon sens elle y arriverait.
Elle a 16 ans au début du récit, peu considérée par son père, maltraitée par les gens qui l'entourent elle saisit la première opportunité pour s'enfuir. Celle-ci va se présenter sous la forme d'une valise d'occidentale qui tombe à ses pieds!
Récupérant les vêtements, la voilà disposant de 2 facettes: Une femme musulmane conventionnelle pouvant se muer en une jeune fille moderne. Arrivée à la ville elle utilise ses charmes pour faire ses premiers pas, pour gagner quelque argent. Puis elle devient la servante d'une riche famille. Très vite elle arrive à se rendre indispensable auprès des femmes de la maison et en même temps, elle est la maitresse du fils de la famille.
Durant ses temps libres, elle sort avec une de ses amies. A côté de cela elle amasse de l'argent en se prostituant.
Mais cette vie n'aura qu'un temps, je vous laisse imaginer les chemins possibles que pourra prendre le destin de Jbara.
Le découpage du récit par Eddy Simon est parfait et le fait que la mise en image soit le fruit du travail d'une femme contribue à l'intelligence du récit. Je ne suis pas sûr que le résultat aurait été le même si un homme avait pris la place de Marie Avril.
Sa mise en couleur correspond aux besoins de l'intrigue.Le dialogue permanent entre Jbara et Allah renforce les qualités du récit et met à mal nos croyances, pour ceux qui auraient encore des illusions sur la pertinence des religions. Ce qui ne remet pas forcément en cause l'existence d'un dieu.
Un bon récit sans caricature, ni angélisme (j'ai pas fait exprès mais ça tombe bien - du ciel...)
Confidences à Allah - Futuropolis - 86 pages
The Kids Stays in the Picture
Il a fallu deux documentaires pour comprendre un peu la folie des producteurs de la firme désormais culte Cannon. On en profite pour vous signaler l'existence d'un documentaire mégalo et complètement fou sur un producteur qui lui a connu la gloire et la dégringolade.
C'est au bord d'une piscine que débute la carrière du jeune Robert Evans. Il est repérée par Norma Shearer,actrice influente à Hollywood. Il devient comédien. Il ne connait rien à l'art dramatique. Travaillant dans le prêt à porter, il n'est pas inoubliable mais très vite il s'intéresse à la production.
Eloigné du milieu, il fait mouche dans les bouillantes années 70. Inexpérimenté, il réussit grâce à son charme à obtenir le poste prestigieux de "chargé de production" de Paramount. Tout le monde prévoit sa chute. Il va produire Rosemary's Baby et surtout Le Parrain.
Il va multiplier les cartons et soutenir ce qu'on appelle aujourd'hui Le Nouvel Hollywood. Avec le succès,vient la fiesta. Sa vie privée ressemble à une succession de soirées, de mondanités et de jeux de séduction avec des jolies jeunes filles.
Il se marie sept fois. Il flambe. Il est héroïque. On attend bien évidemment la chute. Les réalisateurs du documentaire suivent l'autobiographie de Robert Evans (c'est lui qui fait la voix off) et ne vont pas cacher les déboires du producteur.
Ca se complique donc très sérieusement pour lui avec des histoires de cocaïne et même de meurtre, autour du film maudit de Coppola, Cotton Club. L'ego brûle Evans. On le sait derrière le projet de ce documentaire mais il fait des aveux bien tristes.
La réalité n'est peut être pas là mais le mythe est fascinant jusque dans ses zones d'ombre. Les emmerdes finissent pas avoir raison de la carrière et la réputation de Robert Evans. Lui, tente de nous dire qu'il a encore et toujours le feu sacré pour le cinéma, art sublime, art du vrai et du faux.
Studio Canal - 2005
Bouffon
Voilà quelques jours je lisais dans ce blog une chronique évoquant la pièce de Pascal Quignard: Pricesse vieille reine. Les propos de Quignard me sont revenus à l'esprit en lisant "Bouffon", le récit de Porcel et Zidrou. Quignard disait en substance que les contes sont éternels, qu'ils parlent à toutes les générations et à toutes les populations.
C'est bien ce que font Zidrou et Porcel dans ce récit médiéval à contre courant de ce qui se fait aujourd'hui. On est loin des gros héros musclés, armés d'épée ou de hache capable de décapiter une armée en un seul coup.
C'est la vie d'un oublié, d'un misérable qui plus est d'un homme déformé que nous content les auteurs.
Glaviot, tel est le nom dont il est affublé est né dans une prison. Sa mère, condamnée a été violée à de nombreuses reprises par les geoliers. De ces sévices naitra un enfant dont le visage n'est qu'à moitié fini. Le gardien de la prison, voyant que même son chien n'en veut pas comme diner, recueille l'enfant pour en faire son esclave.
Glaviot découvre la vie au fond de la prison, élevé par quelques prisonniers en quête de compagnie et maltraité par son gardien. Il grandit ainsi apprend à parler et imagine un monde qu'il ne connait pas. Et puis un jour, le chatelain se rend dans sa prison pour voir un détenu. Il croise Glaviot et décide d'en faire la nouvelle distraction de sa fille qui vient de perdre un animal de compagnie.
Le destin de Glaviot s'en trouve totalement bouleversé, remontant à la surface, au-delà de quitter l'air vissié, il découvre la beauté.Mais il fera plus que d'être le simple bouffon de la jeune princesse. Il sera amené à faire de grandes choses. Pourtant comme son visage, sa vie ne pourra être complète, il lui manquera toujours l'amour.
Le dessin de Porcel quoique classique et sans grande originalité se prête bien au récit de Zidrou. Celui-ci est au mieux de sa forme. Il représente avec Lupano l'un des meilleurs conteurs d'histoire du moment (et depuis quelques années maintenant). Un beau récit très humain qui nous laisse à réfléchir sur la notion de beauté et notre capacité à voir au-delà des apparences.
Bouffon - Dargaud - 64 pages
Et la laïcité bordel !
Depuis le début de l’année, globalement, à quelques connards près, nous sommes tous Charlie, quoique, au vu de la radicalisation farouche que certains semblent prôner, au vu de la montée croissante de Marine et de sa bande, au vu des parties de ping-pong sur Twitter ou Facebook entre eunuques numériques, comprenez les sans couilles qui vomissent leurs préceptes de tout bord bien planqués-masqués sur les réseaux sociaux, avec tantôt des barbes longues, tantôt des croix béantes, tantôt avec des kippas ajustées ou autres, le pauvre Charlie a un peu mal au cul. Heureusement, de fervents catholiques, musulmans, juifs, bouddhistes et j’en passe, essayent tant bien que mal de colmater les brèches, de panser les plaies ciselées sauvagement par des congénères mal attentionnés et finalement loin de leurs opinions souvent sincères… Quand une minorité se croit être une majorité, ça fait des dégâts. Quand on lit des tweets parlant de « remèdes », on ne peut également que penser à certaines périodes de l’Histoire où de piètres alchimistes n’avaient pas les bons ingrédients et encore moins les bonnes potions ont foutu la planète à l’envers, résultats, des millions de morts, bah oui, faut pas jouer avec des allumettes susceptibles d’embraser tout ou partie du globe.
Conséquence, ou résultante, ou surf sur la vague qui pourrait à force se transformer en tsunami, les chaines infos ou les JT de 20h ne se privent pas de mettre un peu d’huile sur le feu de temps à autres, se plongent dans une immersion radicale d’une fête d’Aïd el Kébir façon « chez les purs et durs », en font 3 tonnes sur des opinions sorties de Saint-Nicolas-du-Chardonnay lors d’un décret sur le mariage pour tous ou encore mettent en exergue une célébration d’un Yom Kippour en mode à gros traits et brut de brut de youlouloulou, clichés pour compréhension de tous les velgums peccus quand tu nous tiens.
La France est plurielle et c’est tant mieux, multi-confessions et c’est tant mieux, oui mais voilà, dans une République, dans une Laïcité, en certains lieux, justement, ta religion, ton opinion, tes convictions philosophiques (quoique le terme est un peu élevé aux vues des malaxations intellectuelles sans neurones de certains), bah elles passent après le principe du « vivre ensemble » et de respecter les règles pour que cela se passe bien et n’attise pas les haines ou des débuts de combat aux couteaux numériques…
Aussi, en bon agnostique républicain d'obédience laïque, ça me gratte : la semaine dernière, un soir de dîner dans un resto avec ma dulcinée et mes deux progénitures, celles-ci m’informent, aux détours d’un bilan d’une journée « normale », un truc de père, que, des profs étaient absents, 13 élèves sur 28 absents également dans la classe de ma fille...pour cause d'Aïd el Kébir, pas de mots d'excuses, pas de cours parfois.
Je respecte toutes les religions, sans exception, et comme je n'en ai pas...ça aide, peut-être.
Mais jusqu'à preuve du contraire, si un jour n'est pas férié, on ne le rend pas férié, par respect de la laïcité et d'une République qui permettent au quotidien de ne pas profaner intellectuellement ou par croyance, l'esprit de Jules Ferry ou de Jaurès (des gars bien, pas juste des noms de place de village), qui, dans un élan fort de laïcité ont contribué au fait que des petits pauvres, des petits riches, des petits catho, des petits juifs, des petits musulmans, des petits bouddhistes, puissent avoir accès au savoir, à la connaissance, de manière égale, libre, fraternelle.
Personnellement, je ne crois en rien d'autres, comme dieu, que mon grand-père, Maurice, qui m'a éduqué et élevé dans le respect de l'autre, la curiosité d'autrui, le partage avec l'Homme, pour mieux grandir soi-même, pour même faire grandir les autres, sans barrières de religions et encore moins de couleurs de peau.
Aussi, puisque ma croyance est mon grand-père, je décrète, puisque cela semble désormais permis, que tous les 22 septembre, jour de la Saint-Maurice, mes enfants seront à la maison et n'iront pas à l'école, ça sera comme ça, je fixerai moi aussi mes règles selon mes croyances.
J’espère que BFM TV ne viendra pas me voir, d’autres trentenaires doivent aussi croire en des Maurice ou des Raoul ou des Bernard ou des Georgette ou des Henri ou des René ou des Jean-Claude…ça m’embêterait d’être nommé chef de file théologique des « ceux qui croient dans les prénoms de leurs ascendants».
Allez, j vous embrasse. Amen, Shalom, Salamalikoum et que God bless you mais pas trop fort.
Electric Boogaloo
Mark Hartley aime les sujets pointus et les films déviants: après un documentaire sur la série B australienne, la série Z aux Philippines, le réalisateur s'intéresse aux films Cannon! Un coup de tonnerre pour les cinéphiles.
Car pour toute une génération de cinéphiles, les films Cannon représentaient un Saint Graal de la série B décomplexée et du nanar grotesque. Menahem Golan et Yoran Globus sont les deux mégalos qui se cachent derrière cette aventure hollywoodienne loufoque, incroyable et qui tombe systématiquement dans le mauvais goût réjouissant!
Hartley raconte donc le rêve américain de ses deux dingues de cinéma venus d'Israel, et complétement fous! Aveuglé par Los Angeles, ils croient être au coeur de la machine alors qu'ils vont rester à la bordure avec des maladroites productions de plus en plus folles. Ce sont eux qui font de Charles Bronson, un vieux réac à moustache! Ils font de Chuck Norris, un véritable héros de l'Amérique. Ils multiplient les pistes pour s'égarer dans le nanar absolu.
C'est résolument sympathique. Le discours décalé entre les deux producteurs, surtout Golan avec son accent incroyable, et les résultats sont hallucinants. Les comédiens et les réalisateurs défilent avec beaucoup d'humour pour parler de ces deux dingues et les 1001 anecdotes qui font le charme de Delta Force, American Ninja et d'autres titres pleins de promesses.
Hartley retrouve l'énergie des deux producteurs à travers des archives, des interviews (sauf les deux loulous occupés à produire un films sur eux mêmes) et des extraits désopilants qui donnent l'envie de revoir tous ses nanars grandioses avec héros en coupe mulet et effets spéciaux foireux. C'est simplement génial et on espère que Mark Hartley a encore des idées de sujets aussi drôles et passionnants! Le doc électrique de l'année!
Luminor - 2014
Les Géants de la Montagne, Luigi Pirandello, La Colline
Stéphane Braunschweig donne vie et splendeur à l’ultime chef d’œuvre de Pirandello
Tout est superbe: à commencer par le texte, comme toujours, quand on connaît le talent de l'immense écrivain Sicilien (prix Nobel tout de même...); mais également la mise en scène, d'une sensibilité extrême; et les comédiens, si "Pirandelliens" par leur sincérité naïve, leur folie naturelle et leurs tiraillements perpétuels (particulièrement Claude Duparfait dans le rôle de Crotone).
Allez voir Les Géants de la Montagne et laissez-vous porter par la profondeur de l'oeuvre de Pirandello, à l'intelligence vive et intemporelle, et la mise en scène de Braunschweig qui, sûrement parce qu'il a lui-même traduit l'oeuvre, incarne avec splendeur son imaginaire surnaturel et illuminé et relaye magnifiquement le leitmotiv de Pirandello de tout remettre en question et de n’accepter aucune soi-disant vérité.
Un joyau
Jusqu'au 16 octobre 2015
Les Géants de la Montagne de Luigi Pirandello
Traduction, mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig
La Dame de Damas
A l'heure où la Syrie est en permanence au coeur de l'actualité, Jean-Pierre Filiu et Cyrille Pomès nous font vivre dans un récit haletant et nerveux les premières heures de l'insurrection contre le régime de Bashar al Assad. C'est poignant, intelligent, on est proche du"Quatrième mur" le récit de Sorj Chalandon qui racontait le massacre de Sabra et Chatila.
Nous sommes en 2013. Nous sommes dans le quartier de Daraya, dans la banlieue sud ouest de Damas. Les auteurs nous offrent toute une galerie de portaits des gens ordinaires qui peuplent Daraya. En parallèle on perçoit le poids du régime qui pèse sur cette population en quête d'émancipation et de liberté. Mais voilà, les tenants du régime ne sont jamais bien loin et les moindres signes d'opposition sont rapidement réprimés.
Au fur et à mesure du récit on sent la pression contenue qui prend forme, qui monte, et finit par exploser. Si les auteurs tentent de nous donner une vision d'ensemble de la révolution, ils arrivent au travers des personnages du quartier à humaniser leur propos et la grande histoire se confond avec celle de quelques uns.
Le dessin de Cyrille Pomès est vif, nerveux, proche de celui de Astier par moment. Le côté monochrome y contribue. Je n'irai pas jusqu'à dire que ce dernier serait un hommage (modeste?) au Guernica de Pablo Picasso, mais j'y ai quand même pensé. C'est une sorte de reportage dans le quartier. Les personnages ne sont pas des héros, mais bien des gens de tous les jours qui ont décidé de se rebeller.
Les faiblesses de chacun y sont aussi présentes, comme les petites mesquineries ou les intérêts personnels. Ce côté très humain du récit contribue à ce que la chute n'en soit que plus terrible.
Un récit difficile, exigeant, très interessant à l'heure où les atermoiement des européens sur le sort de ces populations est au coeur des préoccupations.
La Dame de Damas - Futuropolis - 104 pages
Little Victories
C'est le genre de disque qui va diviser! Certains vont dire que cela sent trop fort la redite. D'autres vont crier au génie de la pop anglaise. Ici, on va juste vous suggérer d'être bienveillant avec ces bébés rockers!
Car les membres de The Strypes ont à peine de la barbe et le droit de boire de la bière en Irlande, leur pays natal. C'est tout de même assez fascinant de voir des bambins, qui chez nous sont branchés sur des radios idiotes, qui se remplissent les oreilles de la riche culture pop anglo saxonne.
Des Beatles aux Sex Pistols, en passant par les Jam ou Oasis, le quatuor de Cavan semble connaître tous les styles qui font l'orgueil de la Grande Bretagne. Après un premier disque très garage, les jeunes musiciens se sont faits remarquer et s'offre un vrai confort pour Little Victories, succession d'hymnes parfaitement britanniques. Pour les amateurs, c'est un ravissement d'une cinquantaine de minutes.
Ils traversent un prisme impressionnant allant des racines du genre jusqu'à des choses plus sophistiquées qui restent crues malgré tout. Ils restent une bande d'Irlandais, bien nourris au rock'n'roll. Alors ils se la pêtent grave. Ils gonflent les muscles et soignent les looks. Des têtes à claques!
Mais de l'autre coté de la Manche, les groupes prétentieux ont parfois de bonnes raisons de l'être. C'est le cas des Strypes. Leurs chansons sont remuantes comme il faute. Il y a cette fois ci une production plus propre que pour le coup d'essai, mais les petits pros conservent malgré tout une hargne liée à leur âge.
Ils rentrent dans le lard. Ils en font des tonnes mais cela ne pouvait pas être autrement.A 19 ans, on a peur de rien et on est ravi de faire du bruit. Ils s'amusent donc avec les codes du genre et appuient avec roublardise sur tous les effets possibles.
La basse est volubile tandis que la guitare se permet des dérapages démonstratifs. La batterie cogne pour suivre un chanteur qui écoute beaucoup les vieux loups du rock et les nouvelles stars comme Alex Turner, le leader des Artic Monkeys. On peut trouver ce disque fatiguant ou stimulant. Ici, on trouverait que les gamins des Strypes font plutôt plaisir à entendre!
The Go Go Boys
Le film de Hilla Mediala défend une valeur que l’on ne peut que respecter dans nos pages: une envie irrépressible de tourner. C’est bel et bien ce qui habite l’impayable Menahem Golan, héros du documentaire Electric Boogaloo, géniale rétrospective de la firme Cannon dans les années 80.
Cette fois ci, c’est lui et son cousin Yoram Globus qui dirigent les affaires. Le documentaire les invite à raconter leur incroyable épopée. L’histoire n’est plus la même que dans le précédent documentaire qui a dû titiller leurs égos.
Mais on doit reconnaître que Menahem Golan sait transporter son enthousiasme à travers l’écran. Il raconte avec emphase ses débuts en Israël jusqu’à son vent de folie en Amérique, avec des projets de cinéma indépendant (Le Roi Lear avec Goddard) et tous ses gros navets qui coulèrent la boite ! Il en fait des tonnes. Il est truculent. Les autres interviews prouvent qu’il est un vrai personnage de cinéma, un ogre affamé de pellicule et d’idées
complètement folles.
En face de lui, on appréciera la sagesse de velours de Globus, plus clairvoyant sur la situation des deux hommes qui ont conquis l’Amérique, à grand renfort d’esbroufe et de dollars. Les images d’archives sont irrésistibles. Surtout leurs passages tonitruants à Cannes ! Et les extraits de films en disent long sur la qualité discutable des films produits par les deux hommes. Un pur plaisir régressif.
Ils se vautrent dans le mauvais goût mais subsistent dans les faits et leurs propos, une espèce de candeur. Moins critique qu’Electric Boogaloo, ils rejoignent un peu ses héros maudits du cinéma que sont Ed Wood et quelques autres champions de la série B.
On ne sait pas trop s’ils surjouent mais ils finissent tout de même par être attachants car ils se voient comme de simples artisans, amoureux de septième art. Un très bon complèment à l’autre documentaire, à voir aussi bien entendu. Il fallait bien deux films pour ces deux monstres (mas)sacrés du cinéma !
TF1 Video - 2014
Adolf Cohen, Jean-Loup Horwitz, Comédie Bastille
"Adolf Cohen", un titre en forme d'oxymore qui annonce avec humour noir une comédie grinçante. En réalité, le récit d'une vie où la petite histoire rencontre la Grande, souvent dramatique.
En bref: les parents d'Adolf Cohen n'étaient pas pratiquants, ils croyaient en l'assimilation. Même au milieu du ghetto d'Europe centrale où ils ont vécu la montée du nazisme, ils dénotaient. C'est Adolf qui a réclamé à sa mère de cuisiner casher et qui a amené ses parents aux prières quotidiennes. Réfugiée à Paris, la famille tente de nouveau l'assimilation mais les parents doivent se séparer de Georges à cause du danger que représente la collaboration. Confié à une institution catholique puis à une paysanne pétillante qu'il appelle bientôt maman, Adolf baptisé devient séminariste! Après bien des années et deux procès pour l'arracher à l'institution catholique, sa vraie mère le retrouve (1). Il regagne Paris, erre dans Saint Germain des Prés, rencontre Boris Vian, se cherche une véritable identité dans les dédales de son histoire. Il choisit finalement l'aventure et l'inconnu total: Israël! Devenu psychiatre, il soigne uniquement ses compatriotes juifs avant d'ouvrir les yeux sur la souffrance des musulmans palestiniens.
Que de revirements dans une vie d'homme! Combien de révolutions intérieures sont nécessaires pour que chacun avance vers l'autre dans un esprit de tolérance? Combien de racines doit-on arracher, de combien d'influences doit-on se défaire, pour voir l'autre comme un autre soi-même?
Ce sont toutes ces questions que soulève "Adolf Cohen". Jean-Loup Horwitz interprète son propre texte avec bonté et humilité, tandis qu'Isabelle de Botton jubile (2), entre et sort, change de peau, passe de la mère juive à la paysanne catholique, puis à la palestinienne revendicative, avec brio.
Venez revisiter notre Histoire récente avec ces comédiens talentueux à la Comédie Bastille, 5 rue Nicolas Appert dans le 11ème; du jeudi au samedi à 19h, le dimanche à 15h.
"Adolf Cohen", un texte de Jean-Loup Horwitz, interprété par Jean-Loup Horwitz et Isabelle de Botton, dans une mise en scène de Jacques Rosner.
(1) sur ce sujet délicat et passionnant, lire "Les Enfants cachés en France" de Nathalie Zajde et "Je me souviens" de Boris Cyrulnik
(2) vous l'avez découverte au Petit Théâtre de Bouvard ou dans le trio "Les Filles" avec Mimie Mathy et Michèle Bernier: Isabelle de Botton, c'est elle!