European Soul
Le Grexit. Les migrants. Les évasions fiscales. Ca ne va pas fort pour l'Europe en ce moment. Mais il y a de l'espoir: une bande d'Anglais déclare son amour au vieux continent! On vit une drôle d'époque!
Tom Burke et ses amis sont britanniques et europhiles! Une combinaison assez rare pour être remarqués. Ils sont responsables aussi d'une pop sautillante et innocente que l'on avait découverte en 2012.
Pour leur second album, la démarche semble similaire: faire dans les foules de tous les pays de l'union européenne. Pendant que les costards cravates se disputent autour du sort de la Grèce, Citizens! remplit sa mission: faire de la musique et donner le sourire. Il y arrive avec ce nouveau disque, pas du tout politique mais drôlatique, European Soul.
L'âme européenne est trist mais Citizens! a bel et bien l'envie d'en découdre avec la morosité. Pour lutter contre le marasme, leur formule est simple: un pop claire, scintillante et lumineuse. Le groupe euphorise en quelques chansons les auditeurs les plus sinistres. C'est gai. Simplement gai. Totalement réjouissant.
C'est déconcertant de faire de la pop de cette manière. Mais les pointes d'electro n'empêchent d'entendre une inaltérable pop, un peu eighties, autre décennie où l'on avait toutes les raisons de faire la tronche!
La musique fait donc son boulot d'évasion. Produit par les petits francais hype de Kitsuné, le disque enfile les morceaux enjoués, capricieux et qui réservent quelques surprises. C'est presque rassurant d'entendre autant d'optimisme à travers des titres balancés avec fausse candeur. Car les mélodies sont en fait travaillés avec précision et les refrains viennent aussitôt se coller au fin fond de votre mémoire.
C'est futile mais pas tant que ça. Entre les déclinistes, les oiseaux de mauvaise augure et tous les désastres que l'on nous vend, un peu d'innocence ne fait franchement pas de mal. Le disque le plus rafraîchissant de cet été! Et de l'année!
Kitsuné -
Le Diner
Lisez Le dîner avant d’inviter des amis, vous aurez toujours une pensée pour Anna Davis.
Le dîner d’Anna Davis est structuré comme une pièce de théâtre classique : unité de temps, de lieu et d’action. L’originalité du roman se situe dans ce qui pourrait en être la limite : tout se passe lors d’une soirée donnée par Alex et Tilda. Ceux-ci ont invité Brian, un collègue de travail d’Alex, dans l’espoir d’une association lucrative. Le dîner est un prétexte pour pouvoir parler d’affaires dans un cadre décontracté.
Or le cadre est tout sauf décontracté. D’abord, Clarrie la belle-sœur d'Alex fait son apparition. Elle habite Newcastle, mais est venue rendre visite à sa famille londonienne, personne ne sait pourquoi. Clarrie est une personne à part, elle voit des choses que les gens ne voient pas, elle donne des surnoms aux gens. Elle apparaît manifestement décalée. Les deux autres couples qu’Alex et Tilda ont invités ont tous des problèmes bien bourgeois : ils dissimulent, ils mentent. Ils ne vous regardent pas en face et vous racontent des histoires.
Anna Davis, une surdouée de 27 ans, n’a pas son pareil pour nous tenir en haleine, sur un sujet ténu. Plus le dîner se passe de manière catastrophique, plus nous découvrons les secrets des uns et des autres, plus nous jubilons. L’auteur écrit en moraliste. Ces couples qui vivent sur le mensonge, sur l’illusion, sur la rancœur, nous en connaissons et nous en fréquentons. Après tout, dire la vérité sur sa vie sexuelle et sur ses ambitions amènerait certainement à ne pas être compris. Clarrie en est l’exemple. Elle, elle dit tout haut ce qui lui vient à l’esprit. Résultat : tout le monde la prend pour une folle.
Aux deux-tiers du roman, une révélation apparaît, qui modifie le sens de ce que nous venons de lire. La satire y gagne une livre de chair, un poids de vérité qui nous étreint. Après tout, l’humanité dépeinte est peut-être ridicule, mais elle n’est pas exempte de souffrance et de culpabilité.
Anna Davis, dont c’est le premier roman publié en France, est un nom à retenir. Elle sait nous prendre par la main, nous émouvoir et nous effrayer. Elle écrit au scalpel, tranchant dans le lard, et à la plume, nous chatouillant tellement qu’elle nous donne envie de rire.
J’ajouterais que ce livre a été chroniqué dans Le masque et la plume, sur France Inter par quatre critiques. Un seul a avoué ne pas l’avoir lu. Les trois autres l’ont descendu en flammes, traitant ce roman comme une sombre merde et se moquant de lui. Selon moi, il était patent que ces trois critiques n’avaient pas lu, ou en diagonale, ce roman. Ils ont voulu ironiser et se payer de bons mots. Cela dit, aucun des auditeurs du masque n’a dû avoir envie de l’acheter.
Ant Man
Il aura fallu un travail de fourmi pour que le plus petit héros de la maison Marvel arrive sur grand écran. Le résultat prouve qu'il n'y a pas que la taille qui compte!
Le film aurait dû être réalisé par Edgar Wright, l'Anglais responsable de Shaun Of the Dead et le mésestimé Scott Pilgrim. Un passionné de cinéma qui a craqué face aux exigences commerciales de la toute puissante Marvel, fournisseuse de blockbusters de moins en moins intéressants.
L'excentrique Wright est remplacé par Peyton Reed, un cinéaste compétent mais sans grande personnalité. Les meilleures scènes de Ant Man sont clairement les vestiges du travail de Wright. Cela se voit malgré les réécritures du script et les aléas d'une production sans fin.
Mais enfin le voici. Tout beau. Tout neuf. Tout petit. Ant Man, l'homme fourmi! Et pourquoi pas d'abord? Y a bien Spider-Man. Il peut avoir de la place pour tous les insectes! Donc Ant Man affronte ici l'infame Baygon Vert et son frère jumeau malade, Baygon jaune... C'est une blaaaague.
Comme Peter Parker, un cambrioleur sans histoire, plutôt pathétique, va devenir un être extraordinaire grâce à une révolution scientifique qui pourrait être lourde de conséquences si des méchants mettaient la main dessus. On est scotché par les premières minutes. Grace aux effets spéciaux, on voit débouler un Michael Douglas jeune face à l'empire Stark. On ne suit rien de ce qu'il se dit. On est pris par surprise par cet effet... du plus bel effet!
Ensuite on comprend. Il joue le professeur Pym, un type qui a inventé une formule pour rétrécir les hommes. Il refuse que Stark l'utilise et construit son propre laboratoire. Son poulain a la folie des grandeurs et pense que la formule pourrait servir ses intérêts financiers.
Pym et sa fille (la grosse valeur ajoutée du film, Evangeline Lily, toujours craquante) veulent qu'un cambrioleur au grand coeur, Scott Lang, vole les découvertes du vilain et pour cela, il a même droit à un costume qui permet de devenir à peine plus grand qu'une fourmi. Et voilà, le héros, chef des fourmis et concurrent sérieux des Avengers.
Depuis Iron Man, Marvel fait des liens entre tous ses films pour créer un véritable univers. Il continue ici mais le film s'emploie malgré tout à défendre la personnalité du minuscule Ant Man. Joué par le sympa mais un peu pale Paul Rudd, Scott Lang est bien le héros américain moyen sur qui le destin s'acharne.
Ca ne manque pas de rythme. On ne s'ennuie pas malgré une partition qui rappelle beaucoup le tout premier Spider-Man de Sam Riami. C'est un copié collé à l'exception du fait que Ant Man a affectivement tout un tas de fourmis fourmibables pour l'aider dans son casse. Les auteurs ont aussi un peu plus appuyé sur l'aspect familial et réac de l'aventure.
Ant Man sent fort la redite, l'extension du domaine de la lutte entre Marvel et son concurrent sérieux, DC Comics (Superman, Batman etc). C'est divertissant. Sans plus. Le boulot est rempli. Ca ne vole pas très haut: c'est normal, il est question de fourmi!!!
Avec Paul Rudd, Michael Douglas, Evangeline Lily et Michael Pena - Marvel - 15 juillet 2015 - 1h55
Cumbia Libre
Les vacances se terminent. Les derniers jours du mois d'août sont marqués par une amertume existentielle et une petite mélancolie. Heureusement El Gato Negro sort son disque estival et propose de faire durer le plaisir!
Car il y a bien un parfum de liberté dans la musique d'Axel Metrod. De Toulouse, il est parti visité le Monde et visiblement a beaucoup traîné du coté de l'Amérique du Sud. Là bas, il a apprécié l'esprit combatif et chaleureux des habitants. De son parcours, il a ramené une amoureuse passionnée de musique et des rythmes enivrants.
La musique de son groupe mixe donc tous les styles qui font bouger le popotin et réveille les ardeurs. La samba, le chacha, le tango s'entremêle dans une partie fine avec des choses plus contemporaines. Matrod et ses amis veulent partager leur passion. Cela s'entend.
C'est peut être un peu trop généreux et caricatural mais leurs chansons sont ensoleillées et courageuses. Ils assument leur choix pour les musiques sud américaines. C'est plus vrai que nature! Le chat noir porte chance à ceux qui les découvriront: comme Manu Chao (ils vont tourner avec lui cette automne), un petit vent de liberté souffle. C'est dépaysant. Décontracté. De la musique à écouter en tongs, pour transpirer au soleil.
Mais El Gato Negro propose une façon intelligente de bronzer. Ce n'est pas le hit de l'été que l'on consomme comme une canette bien fraîche. Le respect de la musique est intense et se ressent sur chaque titre. C'est un exotique voyage au charme évident. Classique. Futé. Chaloupé. Qui fait oublier tous les soucis de la rentrée. C'est déjà beaucoup en cette fin de saison!
2015 - Belleville music
Microbe et Gasoil
Deux petits gars débrouillards construisent une voiture pour leurs vacances idéales. Et Michel Gondry rend hommage à cet âge fou et passionnant qu'est l'adolescence. Une petite merveille de fraîcheur et le film le plus accompli pour l'auteur du Frelon Vert.
La référence à sa grosse production hollywoodienne permet de voir à quel point la souplesse du réalisateur est impressionnante. Après l'échec relatif de L'écume des Jours, Michel Gondry se renferme sur lui même, et ses souvenirs d'enfance pour en tirer une gentille comédie singulière et très tendre.
Pour une fois, il n'use pas d'effets de style et de bricolages arty. La simplicité est d'abord déroutante puis révèle la sincérité du propos. Avant la mise en scène, c'est bien l'histoire et les deux petits héros qui priment. Très à l'aise avec le style vintage, il parvient à trouver le ton faussement naïf de Pascal Thomas et d'autres auteurs des années 70.
Microbe et Gasoil sont pourtant des héros contemporains. Mais complètement décalés dans notre monde normalisé,surtout vers Versailles la cossue, dans un lycée sans histoire! Microbe, passe son temps à dessiner tandis que Gasoil fabrique de drôles d'engins pour s'amuser!
Les deux adolescents décident de prendre la route avec une voiture inventée par leurs soins. L'un poursuit un amour contrarié. L'autre, une famille sans amour. Leur fantaisie devient un refuge mais aussi un road movie étrange, attachant et réjouissant.
Car Gondry filme l'adolescence sans fantasme et sans angélisme. Cela donne des scènes souvent drôles où le sens du détail du cinéaste fait merveille. Le réalisateur a gardé une âme d'enfant mais ne fait pas dans la nostalgie mal placée.
Il y a une cruauté omniprésente dans son film, sans cesse opposer à l'amitié solide des deux gamins, qui luttent contre un quotidien trop morne, trop triste, avec leurs armes pour le moins surprenantes. Un petit vent de liberté traverse tout le film, conçu avec peu de moyens mais beaucoup d'énergie. Les mômes s'amusent beaucoup, autant que l'auteur, souvent comparé à Peter Pan.
C'est le film idéal des vacances. Il est certain qu'il restera un peu plus longtemps dans nos mémoires. Autant de justesse, avec cette pointe de poésie, ce n'est pas prêt d'être oublié en quelques mois de chaudes températures!
Avec Ange Dargent, Théophile Baquet, Diane Besnier et Audrey Tautou - Studio Canal - 8 juillet 2015 - 1h44
Work it Out
Elle est toute mignonne. Elle chante bien.C'est une Anglaise de la middle class. Elle est montée à Londres de sa campagne natale pour réaliser son rêve musical. Elle est un charmant stéréotype britannique.
Lucy Rose Parton pourrait être la fille d'à coté que l'on voudrait tous avoir. Elle a tout le charme de l'Anglaise quand elle n'est pas en bande dans les pubs le vendredi soir ivre morte (pardon le méchant cliché). Une petite nana cultivée, talentueuse et qui en plus chante bien.
Elle a rencontré quelques groupes à Londres et fait entendre un joli timbre de voix. Un premier disque pop il y a trois ans, a montré que Lucy Rose n'était pas juste une belle plante à franges avec une guitare en bandoulière pour ressembler à Joni Mitchell.
Elle veut donc confirmer tout le bien que l'on pensait d'elle mais hélas, son second disque est un peu paresseux. On retrouve tout le charme discret de la jeune femme de 26 ans. Mais la production est un peu trop contemporaine, ne surprend jamais, et appuie un peu sur les effets stylés. Vous risquez de l'entendre dans les grands magasins.
On pourrait se réjouir de voir la chanteuse tenter d'autres choses qu'une folk posé mais le résultat reste fade, une Lily Allen sans peps. C'est inconsistant malgré les efforts visibles de Lucy Rose. Y a encore du travail!
Columbia - 215