La Vie Presque Belle
Non non, on ne fera pas de jeu de mot facile autour du nom de ce jeune artiste qui a les écoutilles ouvertes sur tout ce qui l'entoure, au delà de toutes les frontières!
Car il faut parfois parler sérieusement. Zob' a de l'humour mais on se résout à froncer les sourcils pour vous faire remarquer que le jeune homme prouve que la musique ne se résume pas aux codes des radios et de quelques maisons de disques un peu sourdes au Monde extérieur.
Face à des hits de plus en plus synthétiques et impersonnels, Zob' ose encore une musique fait avec de petits moyens et des envies énormes. Il est à l'industrie française, ce que le théâtre de rue est aux théâtres privées parisiens! Il est une réponse réjouissante à la standardisation du Monde, à la Starbuckisation de la société!
L'artiste est un optimiste rigolard, un faux jemenfoutiste et un musicien habile. Pour son court album fait avec de petits bouts de rien, il a besoin que de quelques bruits de bouche pour s'assurer des rythmes ensoleillés. Des petits touches africaines et des idées lyriques s'ajoutent au travail assez spectaculaire de Zob' et ses deux copains bricolos, M. Gerbeck et Dandy Punk.
Sur cette musique inédite, il scande des paroles engagés. Ce n'est pas non plus un programme politique qui l'inspire. Il raconte les petits riens de l'existence, les petits plaisirs et les grandes faiblesses. Il est sérieux mais toujours drôle. Il fait du rap mais il a rayé tout le bling bling pour ne célébrer que la générosité et sa vision douce amère du Monde.
Mais nous resterons raide comme la justice pour vous demander de jeter une oreille sur cet artiste qui rappelle Java, Zebda et ceux qui bricole une tchatche pleine de liberté et d'une originalité qui nous sauve du marasme. Ce type là donne le sourire et son demi album est une totale réussite.
Bouge tranquille - 2015
Casa Grande
Film prêt à l'analyse, Casa Grande nous fait de grandes théories sur la lutte des classes au Brésil. On fait rapidement le tour du propriétaire sans conviction.
Fellipe Barbosa, le réalisateur de Casa Grande veut mettre en avant le malaise social qui ronge le Brésil, converti au capitalisme depuis quelques années et qui connait actuellement une crise dénoncée par les masses laborieuses. Les riches sont bien évidemment devenus plus riches et les pauvres s'entassent dans des favelas qu'on ne veut plus voir.
La société va mal. Pour nous expliquer cela, le réalisateur observe une famille dans sa belle et grande maison dans la banlieue riche de Rio. Jean a dix sept ans. On lui demande de penser à son avenir mais ce qui l'intéresse surtout ce sont les filles. Il ne voit pas les mille et une combines de son père pour se dépêtrer d'une affaire mal partie de fond d'investissement.
Avec sa femme, ils sauvent les apparences. Leurs employés vont trinquer. Le manque d'argent va dérégler la petite vie irréprochable de la famille et Jean va devoir faire de choix dans sa vie, plus profonds qu'ils n'y paraissent. Les riches s'étouffent dans leurs emprunts toxiques. Les pauvres savent encore apprécier une bonne soirée autour d'un peu de musique. Les jeunes vont devoir choisir pour l'avenir de leur pays, sclérosé par le racisme, les préjugés et la méconnaissance de son voisin.
La maison est effectivement terrifiante par sa grandeur et son système de sécurité. Elle est le symbole d'un pays qui refuse de voir le problème entre les classes. Dès le premier plan, fixe et long, on a bien compris la démonstration qui hélas va s'étirer sur deux heures. Le récit initiatique du jeune homme a du mal à exister face aux idées révoltés du cinéaste qui possède tout de même un sens de la mise en scène assez admirable.
Mais tout est dit dans les premières minutes. Ensuite, le discours devient un peu trop manichéen. C'est avec une rouleau compresseur lent et destructeur que rentre le cinéaste dans la maison de cette famille "bien sous tout rapport". On est bel et bien enfermé dans la lutte des classes. Le film manque alors d'un peu de chaleur, d'attache pour les personnages, pour nous convaincre. N'est pas Ken Loach qui veut!
Avec Thales Cavalcanti, Marcello Novaes, Suzana Pires et Clarissa Pinheiro - Damned distribution - 3 juin 2015 - 1h54
Chante chante danse là le Valls Gate, chouette
Décidément le football est en pleine foforme en ce moment et abreuve nos chaînes infos (si on le dit vite ça fait « chez nympho », j’avais jamais fait gaffe, ça m’étonne de moi…) !
Après le Fifa Gate, où Michel et son orchestre l’UEFA ont crié au loup devant les agissements historiques de Sepp Blatter, voici les gars de l’Europe du foot impliqués dans un Gate pour eux par effet de billard à trois bandes (non, pas Adidas, c’est une expression, ça me fatigue de devoir tout expliquer à chaque chronique, faut que je refasse de la radio moi) avec ce qu’il est désormais courant d’appeler le « Valls Gate ».
Pour mémoire, les Forbans avaient anticipé avec leur très fameuse chanson « Chante chante, danse là le Valls Gate, chouette, c’est sympa tu verras, viens, surtout n’oublies pas, prends ton jet république emmènes tes gosses et tais toi ! », maintenant qu’ils chantent dans les meetings du Front Marine Le Bleu de Le Pen, ils ne se refusent rien (je sens que je vais prendre un procès via Maître Collard moi…).
Résumons-nous, notre 1er ministre au teint halé et aux cravates façon JP Foucault dans « Qui veut gagner des millions » s’est offert un week-end de printemps un aller-retour Poitiers/Berlin en jet de l’Etat, au frais de la princesse, et les princesses c’est nous, youhouuuu comme on est belleessssss avec nos robes à paillettes.
Pourquoi Poitiers ? Non pas pour fêter le 1283ème anniversaire du gain de la bataille anti sarasins de Charles Martel, 1283ème (vous pouvez vérifier si vous voulez…oui le truc date de 732) ça voudrait pas dire grand-chose comme date d’anniv ; mais bel et bien pour participer, en mode on est des cools foufous on met même pas de cravates, au congrès truc rassemblement cambadélisco-progressiste avec tout plein de gens du PS dedans, bref, le congrès du Parti Socialiste qui avait donc lieu à Poitiers.
Pourquoi Berlin ? Non pas pour fêter les 61 ans d’Angela qui était partie elle au G7 avec Barak, François, Paul et les autres, encore moins pour passer une soirée spéciale new wave en reprenant en débardeur et en crête tous les titres du groupe du même nom, Berlin, donc (à savoir un seul connu : « take my breath away », B.O de Top Gun !!! Haannnn mais tout s’explique, Top Gun = Avion = Jet = Voyage Poitiers/Berlin) ; mais bel et bien pour aller voir la finale de la Ligguuuueeeee des Champions (je chante hyper bien l’hymne) qui voyait s’affronter le Barça et la Juve (Barcelone contre Turin pour ceux qui ne regardent pas le foot).
Oui mais voilà, Poitiers-Berlin, sur 12heures top chrono, même invité par Platoch, en train, c’est pas jouable ; déjà parce que Poitiers, t’arrives à Montparnasse, tu prends le métro, direction gare de l’est, t’en as pour 3h, puis, tgv vers Strasbourg, puis sandwich, pause à la Brasserie Kaslbrau, tu prends 1h, direction Berlin, en plus t’as tes deux mômes, qu’ont faim, qu’ont soif parcequ’ils ont rien voulu manger chez Kalsbrau pour cause de « j’aime pas le choux ça sent pas bon », bref, la galère, t’arrives au stade tu sais pas où est la loge, tu tournes en rond, t’es fouillé, bref, tu rentres en tribune vide à 6h du mat’, y’a plus que les jardiniers et les joueurs de foot qui tringlent les hôtesses dans les vestiaires, sale spectacle pour les mômes, et faut déjà repartir. Pas pratique.
Sinon, t’as l’avion, oui mais même si tu voyages léger, le temps de faire Poitiers-Roissy ou Orly Ouest, en plus à Antony ton ticket de métro marche pas pour prendre le OrlyVall (ici on dira OrlyValls, comme ça pour le fun), tu passes le check-in, le check-out, le check-check-check your booty baby, idem, t’arrives à l’Aéroport de Berlin hyper crevé moitié en sueur, genre tu vas avoir des auréoles sous la chemise et t’as toujours tes deux gamins qu’ont faim et soif parce que t’as pas voulu payer un Mars à 15€ dans le Easy Jet, t’arrives à 4h30 du mat’ en tribune, bref, ça change rien, bref, t’auras même pas vu Messi, Messi qui ? Messi la SNCF ou Air France. Donc oui, tu fais bien de prendre un Jet de la République pour aller plus vite, normal !
Et bien vous me croyez ou pas, y’a 77% des français (source Ipsos-Sofres-Institut Pain Harris double tranche moelleuse spéciale petit dej avec des pépites de chocolat) qui ne comprennent pas la démarche du premier ministre ! Les 23% restant sont retraités en vacances à Pornic ou enfants de moins de 12 ans et ne savent pas qui est Valls, forcément ça fausse les stats.
Bon, en attendant, le Manuel a décidé de tout rembourser de sa poche personnelle, mine de rien c’est quand même nous qui payons son salaire par remontée comptable de nos impôts personnels…autant dire qu’on tourne en rond.
Rédemption personnelle pour cas analogue : Devant le scandale naissant au sein de la rédaction d’etat-critique.com, je me suis engagé à rembourser le pass Navigo payé par le site avec lequel j'ai emmené mes enfants à Disneyland Paris et initialement destiné à aller voir la TV chez des copains dans le Val de Marne…je m’excuse, ça va hein !!!
J’vous embrasse,
Small Town Dreams
Il vient de Nashville dans le Tennessee. Il fait donc de la musique cent pour cent américaine. Will Hoge le fait correctement, sans aucune surprise, sans aucun complexe!
Visiblement si tu es natif de Nashville et que tu ne sais pas trop quoi faire de ton existence, on a pris l'habitude là bas d'offrir une guitare et de filer de vieux enregistrements de la musique du coin. On t'apprend les concepts essentiels dans le sud des Etats Unis: Oncle Sam et Jésus. Tu peux ainsi devenir joueur de country, chanteur folk ou défendre le terme musical qui englobe tout cela: l'Americana!
Will Hoge est dans le business depuis la fin des années 90. On en parle sûrement dans le Tennessee mais chez nous la sortie de Small Towns Dreams sera plus discrète. Son style est peut être un peu trop typé pour nos petites oreilles franchouillardes. Il a visiblement mangé du maïs transgénique tellement son rock sudiste ressemble à tout ce que l'on attend d'un chanteur local. Avec son physique qui rappelle Adam Sandler, et sa musique de clochers, on est face à un produit yankee!
Le rêve des petites villes! Il raconte donc les petites gens qui bossent dur. Ils parlent des héros ordinaires. Ils saluent l'american way of life avec un entrain pas désagréable mais sans grande surprise. On a l'impression de manger dans un fast food. Ce n'est pas très nuancé mais c'est efficace.
C'est un beau dépliant pour le Tennessee, ses valeurs, son peuple, ses guitares qui slident et ses chanteurs à la voix joliment éraillée. Descendant de John Mellencamp ou Bob Seger, Will Hoge assure. Il gonfle sa country avec des hymnes qui vont fonctionner parfaitement dans cette partie du monde. Chez nous, disons que cela reste un petit plaisir exotique dont on n'abusera pas trop.
Cumberland recordings - 2015
Le Monde de Nathan
Sur le papier, Le Monde de Nathan fait peur avec ses héros meurtris et des mathématiques en toile de fond. Sur pellicule, le résultat est sensible et très beau.
Un enfant autiste. Une mère démunie. Un professeur malade. De loin, Le Monde de Nathan ressemble à un gros mélodrame. En plus il faut ajouter à tout cela, une compétition de mathématiques pour geeks presque marginaux. A Hollywood, cela aurait donné un truc avec des bons sentiments et des violons assommants.
Dans ce film anglais, tout ceci devient plaisant. A l'oeil d'abord. Le Monde de Nathan est une oeuvre magnifiquement photographiée. Nathan est un adolescent qui ne montre pas ses émotions. C'était comme ça bien avant la mort accidentel de son père. Sa mère est seule à l'élever. Le jeune homme développe cependant des qualités exceptionnelles pour les mathématiques.
Un jeune prof atteint d'une grave maladie va devenir son mentor. Petit à petit, Nathan va sortir de sa coquille bien fermée, il faut le dire. Le sentimentalisme est là mais le réalisateur a la bonne idée de ne pas tomber dans la facilité la plus inexcusable dans ce genre de films.
Morgan Matthews doit être un optimiste. Il ne lâche jamais cette corde pour tirer sur une autre et nous faire pleurer. Il est incorrigible optimiste et par les temps qui courent cela relève presque du courage. Ce n'est pas un film pour les cyniques. Le Monde de Nathan fait du bien.
Il donne à voir le meilleur de chacun. Sur l'inaltérable constat de la solitude moderne, il met de la couleur, de la joie et de l'espérance. Le récit initiatique est douloureux mais il fait naître quelque chose chez chacun des protagonistes de l'histoire. C'est souvent pour tendre vers le meilleur.
Interprété par des comédiens anglais comme on les aime, Le Monde de Nathan rend heureux, un feel good movie assez surprenant car très à l'aise avec les codes du genre et singulier dans sa mise en scène élégante. Un cours de mathématiques comme on aimerait en voir plus souvent.
Avec Asa Butterfield, Sally Hawkins, Rafe Spall et Eddie Marsan - Synergy Cinema - 10 juin 2015 - 1h50
La Religion
Avec cette épopée chevaleresque dans l’enfer du siège de Malte par l’armée ottomane en 1565, Tom Willocks renoue avec le roman d’aventure (post) médiéval au long souffle.
Le premier mérite de Tom Willocks est sans doute d’avoir osé l’aventure d’un genre tombé en désuétude sous cette forme pour muter en un grand bazar baptisé « heroic fantasy » (avec tout ce que la connotation peut avoir de péjorative lorsqu’on évoque des ouvrages mal ficelés, mal traduits et mal édités pour un public adolescent - attardé quelquefois -, peu regardant sur flacon pourvu qu’il ait l’ivresse).
Ici, pas de dragon cracheur de feu ou d’elfe magique. Pas de grimoire secret ni de pouvoir surnaturel… Non. Fidèle en cela à la longue tradition du genre, La Religion est d’abord construit sur une page d’histoire bien réelle, abondamment documentée et fidèlement restituée.
En 1565, Soliman le Magnifique se mets en tête de prendre Malte, devenue la base arrière des chevaliers de l’ordre chrétien des Hospitaliers depuis qu’il les a chassé, trente ans plus tôt, de l’île de Rhodes.
C’est donc une formidable armada composée de centaines de navires qui apparaît en vue des côtes maltaises le 18 mai 1565. Plus de 120 000 hommes en débarquent pour assiéger les forteresses de Saint-Elme et du Borgo qui défendent l’île sous le commandement du Grand maître Jean Parisot de La Valette et de ses 512 chevaliers et 3000 hommes de troupe. Quatre mois et 40 000 morts plus tard, les Ottomans lèveront le siège et rembarqueront dans leurs galères à l’annonce de l’arrivée de renforts chrétiens !
Le second mérite de Tim Willocks est d’avoir offert aux lecteurs passionnés un nouvel héros inoxydable, guerrier intrépide, baroudeur impénitent, traficant à l’occasion, aventurier sans limite, j’ai nommé Mattias Tannhauser. Flanqué de son fidèle Bors de Carlisle, sorte de géant indestructible à la force herculéenne et au cœur « gros comme ça », il habite ce long roman avec un bonheur (de lecteur) rarement égalé.
Intrigues religieuses et politiques, aventures épiques et chevaleresques, veuve et orphelin, amours infinies et contrariées, guerres apocalyptiques et chevauchées au long cours, serments et trahisons : rien ne manque à ce pavé qui tient son lecteur en haleine du début à la fin, distillant avec art et talent les suspens et les rebondissements, les joies et les peines, les victoires et les échecs.
Jusqu’à l’écriture (la traduction) soignée de l’auteur qui contribue à faire de La Religion, sinon un livre culte ou un texte sacré, au moins un pavé (païen) pesant son poids de plaisir de lecture et porteur de l’espoir de retrouver un jour Mattias Tannhauser dans de nouvelles aventures !
950 pages - Pocket
Tomorrow will be Beautiful
Attention le beau rêve harmonique et la paix universelle existent encore. Enfant de Joan Baez, la jeune Flo Morrissey nous dit de ne pas faire la guerre mais l'amour. Demain sera magnifique. Son disque est pas mal du tout!
A tout juste 20 ans, Flo Morrissey (rien à voir avec le vieux chanteur britannique enragé) défend une idée de la musique que l'on n'entendait plus. Elle est bien tombée dans une faille temporelle: Flo Morrissey a une voix perchée, d'une douceur qui rappelle le printemps plein d'espoir, les petits oiseaux et les ondes très positives.
Elle nous fait littéralement flotter avec son timbre délicieux qui nous fait aimer la lenteur. Elle nous rappelle bien évidemment les muses du folk comme Joni Mitchell ou Joan Baez. On plonge dans des vapeurs éthérées musicales. Pourtant la légèreté ne tombe pas dans l'anecdotique.
Ne vous fiez donc pas à son joli minois et les petites fleurs qui l'entourent sur la pochette de son premier album. Le style est lent mais surtout envoûtant. La jeune Londonienne est une jolie sorcière qui a tout appris du coté de la Californie (c'est là bas qu'elle a écrit ses chansons). Elle rassemble dans son écriture les belles chimères des années 60.
Ce n'est donc pas nouveau mais c'est très plaisant. C'est une jolie pause que nous propose Flo Morrissey. On se sent bien auprès d'elle. Elle fait taire le bruit et la fureur. Elle apaise. Est ce qu'elle soigne? C'est bien possible tellement sa musique irradie d'une idée innocente et rassurante de la musique. Une fleur parmi les fleurs!
Glassnote Records - 2015
Ex Machina
Ce conte moderne sous forme de thriller, qui revisite le thème du créateur génial confronté à sa créature grâce à « Big data » et aux prodiges de l’intelligence artificielle, ne plaira pas qu’aux amateurs de science-fiction.
Un jeune programmeur talentueux, Caleb, est invité à passer une semaine dans la villa isolée du PDG d’une importante société d’informatique, Nathan. Il apprend alors que ce dernier l’a choisi pour interagir avec un magnifique robot féminin, Ava, et déterminer si l’intelligence artificielle dont il l’a dotée peut être assimilée à une conscience humaine.
Le thème est bien connu dans la littérature et le cinéma de science-fiction, c’est celui du créateur génial et mégalo qui tente d’égaler Dieu en s’efforçant d’insuffler la vie même à sa créature. Le titre, qui détourne l’expression latine « Deus ex Machina », pour évoquer sans doute à la fois l’aspect divin et l’aspect technologique de cette création, et les prénoms bibliques des personnages, « Ava » étant bien sûr « Eve », la première femme, indiquent clairement la portée symbolique du film. Cependant, ce topos est ici traité à la manière d’un thriller, dans un huis-clos angoissant.
L’expérience est vécue du point de vue de Caleb, qui se sent rapidement mal à l’aise en présence de Nathan et prisonnier de la villa. Son impression d’enfermement est accrue par l’absence de fenêtres dans ses appartements, le jeu des écrans de contrôle et les pannes de courant qui déclenchent l’émission d’une lumière rouge. Le jeu des acteurs est impeccable : Oscar Isaac est méconnaissable en ermite inquiétant à la longue barbe noire et Alicia Vikander fait un androïde très convaincant, à la démarche gracieuse et au regard troublant de sphinx. Subtilement, les regards et les non-dits installent un climat de manipulation psychologique plus complexe qu’il n’y paraît.
Tout cela dans un décor soigneusement élaboré : une superbe villa en partie minérale, camouflée dans la végétation, nichée dans un somptueux paysage de montagnes et de glaciers – la demeure de « Dieu » retirée du monde des hommes, à laquelle on n’accède que par la voie des airs (en hélicoptère). Un soin particulier a été mis dans la conception des accessoires technologiques : l’enveloppe féminine du robot au design élégant, qui semble inspiré des produits Apple, et les composants futuristes des divers spécimens, dans le laboratoire du centre de recherche ultra secret que recèle la villa, référence au Google X Lab.
On sent aussi que certaines prises de vue ont été particulièrement travaillées, à la fois pour leur effet esthétique et, à nouveau, pour leur portée symbolique : par exemple, quand Ava croise son propre masque, au bout d’une rangée de masques anthropomorphes, ou bien quand elle ouvre toutes les portes des placards ornées de glaces, créant un jeu de reflets démultipliés. On n’en attendait pas moins de la part d’un réalisateur formé à l’histoire de l’art. Sans être lui-même génial, Ex Machina est un film intelligent, l’œuvre d’un réalisateur méticuleux, une belle première pour Alex Garland.
avec Oscar Isaac, Domhnall Gleeson, Alicia Vikander et Sonoya Mizuno - Universal - 3 juin 2015 - 1h48
Jurassic World
Attention les dinos sont de retour et ils ne sont pas contents. Et nous alors? Rien de mieux qu’une chasse aux dinosaures pour commencer la saison des blockbusters
Spielberg a lâché la barre depuis le second volet mais produit encore les monstres de John Hammond, gentil milliardaire qui rêvait d'un parc avec des dinosaures inoffensifs. Plus de quinze ans après le numéro trois, les dinosaures sont donc encore sur une île et défie encore le bon sens du business américain!
Car le parc va ouvrir de nouveau ses portes. L'histoire le prouve: on refait toujours les mêmes erreurs. Même effet, même cause. Avec ses effets spéciaux en pagaille, on sacrifiait déjà le scénario et la mise en scène de ce nouveau Jurassic Park. Pourtant il faut bien l’avouer : il s’agit d’un excellent opus reprenant une belle idée du premier volet. Le parc comme métaphore de notre société de
consommation.
Le film s’amuse donc à fustiger « le toujours plus » qu’il va lui-même mettre en place. Une position schizophrène qui fait tout le sel de ce spectacle sacrément bien troussé, qui ne tombe pas forcément dans tous les pièges. Jurassic World rend hommage à tous les stéréotypes du film d’aventures (il suffit d’observer les looks étudiés du valeureux chasseur et de la belle scientifique)
Si la dernière partie est un peu trop proprette, le réalisateur Colin Trevorrow a le don de jouer avec les codes inventés par Crichton et Spielberg mais aussi avec les attentes du spectateur. Son film est une grande attraction, traitée comme telle. Cette humilité apparente rend la chose beaucoup plus digeste et distrayante.
Alors il y a des gentils et des méchants, chez les hommes comme chez les dinosaures. Il y a évidemment un rouage qui va sauter pour le parc devienne un véritable enfer. Mais le réalisateur maltraite les visiteurs avec une certaine gourmandise et réussit même l’exploit de
rendre les enfants sympathiques sans être de simples têtes à claques comme souvent dans les Jurassic Park. On est loin de l'univers de Spielberg mais voilà un blockbuster qui s'assume pleinement. Il y a finalement pas mal de bonnes surprises et on vous conseille de visiter ce park plus grand, plus beau, plus féroce qu’on ne l’imaginait.
Avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, BD Wong et Vincent D'Onofrio - Universal - 2h05 - 10 juin 2015
Bright Lights
Tout petit disque mais maxi bonheur!
Ca y est nous rentrons dans les grandes chaleurs de l'été (c'est tout le mal que l'on vous souhaite si vous êtes en vacances). Voilà la petite réjouissance qui vous rafraîchira pour supporter le thermomètre, le sable dans la figure ou les bouchons. Pour les bouchons, ce n'est pas gagné: c'est un disque très court. Cinq titres. Cinq petites pépites pop!
Hello It's me. Voilà un premier titre qui appelle à la rencontre. De manière spontanée! Eliott Hosansky et ses potes parisiens ont visiblement un goût certain pour l'ouverture... vers l'Angleterre. Ils tirent avec ce premier morceau le meilleur du "spleen pop" qui a fait le succès de Coldplay, Editors et bien d'autres au début des années 2000. Un désenchantement mélodique et accrocheur.
Mais tout va mieux avec Wake up! Un piano sautille pour vous mettre de bonne humeur. La voix d'Eliott Hosansky impressionne. Elle se mêle facilement au tourbillon pop des instruments. Effectivement il y a chez ces Parisiens une vraie passion pour la musique qui vient se coller dans le fond de la mémoire et n'en tombe jamais! Pour des petits nouveaux, ils possèdent déjà toute l'efficacité anglaise!
Ce que confirme The Walk au tempo plus posé mais rempli de petites idées qui font la différence. Là encore, en se calmant, ils ne deviennent pas transparents. C'est même solide: les mélodies sont charpentées et on devine une belle osmose entre les Parisiens, celle qui peut faire de grands groupes. L'inspiration est là.
Fallin' montre aussi qu'ils maîtrisent les harmonies. La voix se perche assez haut mais elle est constamment soutenue par les copains. Un bel effort collectif, une fois de plus assez détendu mais jamais facile.
Enfin The Walk conclue de manière originale ce petit album décidément plein de surprises. Là, les quatre musiciens musclent légèrement le jeu avec une pointe de groove pour faire bouger la tête. Avec assez peu de moyens et de temps, Ness n'a aucun mal à convaincre de sa singularité et de sa spontanéité.
Si vous êtes coincés dans un bouchon sans fin, vous pourrez écouter ce EP en boucle.
Five Fishes - 2015