Antigone, Juliette Binoche, Théâtre de la ville
Juliette Binoche dans le rôle titre d’Antigone au Théâtre de la ville. Affiche prometteuse... Dommage que la réalité sonne faux.
Suite à la mort de ses deux frères dans une lutte pour le pouvoir sur Thèbes, Antigone brave l’autorité de son oncle, le roi Créon. Pour assumer ce qu’elle estime son devoir de sœur, elle brave l’interdiction arrêtée par un récent décret royal et ensevelit le corps de son frère Polynice. A l’aube de sa vie, elle fait ce qui lui semble juste : sauver l’honneur de sa famille. Apprenant son geste, Créon la condamne à mort.
Tragédie grecque par excellence, Antigone est ici transposée dans le monde contemporain en costume-cravate, jupe et talons. Entre le salon type Habitat au premier plan et les images de piétons dans la grande ville et autres déserts de sable, les acteurs s’évertuent à faire résonner en anglais le texte de Sophocle. Et le tout sonne faux.
Et d’une parce que Juliette Binoche ne convainc pas. Elle crie, affiche une tête sombre, ne parvient pas à transmettre l’innocence et la fougue d’Antigone. Et de deux car la tragédie grecque se marie mal avec le moderne en l’absence de finesse. La transposition est maladroite, sans émotion et lente. Les comédiens se tombent dans les bras, se caressent frôlant le sentimentalisme déplacé. Et enfin car à trop vouloir mêler les codes actuels au théâtre antique, on fait perdre de sa force au tragique.
Reste l’universalité du mythe et sa façon de nous interpeller. Antigone questionne la loi et son bienfondé. La scène avec son frère mort possède un effet de réel saisissant. On perçoit la révolte du faible contre le fort, la déchéance du roi enfermé dans ses principes. Face aux morts insensées, aux condamnations injustes, quels sont ceux qui aujourd’hui s’élèvent ?
jusqu’au 14 mai 2015
en anglais surtitré
The Spectacular Nowhere
Envie de vous éloigner de tout dans les meilleures conditions? Découvrez les folies baroques de Manyfingers, chef d'orchestre d'une musique libre et hypnotique!
Chris Cole se cache derrière le nom de Manyfingers. Il est doué pour plusieurs choses: il est d'abord multi instrumentiste. Il aime la musique classique mais ca ne l'empêche pas de mixer cela avec des sons plus récents et surprenants. C'est un aventurier: il prend des instruments classiques et fabrique des boucles fascinantes qui empruntent ainsi une verve et une emphase à la musique classique ou la musique contemporaine souvent bizarre pour nos oreilles.
Il a l'art de fabriquer des vrais petits théâtres musicaux. Le disque n'est pas facile au premier abord. On devine le projet un peu trop expérimental. Puis ce "spectaculaire Nulle part" comme le dit le titre, se met en place doucement mais sûrement. La musique de Cole est mouvante. L'air de rien, elle nous entraîne vers une belle symphonie décalée.
La cohabitation est la grande qualité de Cole. Il y a les beats lourds d'un morceau de trip hop mais des cuivres ou un piano humanisent toujours les titres qui se succèdent avec cohérence. On est finalement épaté par la cohérence de l'ensemble. Se dégage sans faiblesse la beauté baroque de la musique. C'est psychédélique ou pop. Ca peut partir dans n'importe quelle direction mais jamais sans une vraie réflexion mélodique: on se promène dans un univers étrange mais délicat. Spectaculaire, en effet!
Ici d'ailleurs - 2015
Une Epoque Formidable
Un drôle de roman qui ne raconte pas d’histoire de manière linéaire. Il agace autant qu’il intéresse. On a envie d’en arrêter la lecture mais on y revient parce que quelque chose d’indicible retient l’attention...
En fait, c’est un roman qui intéressera tous les hommes et les femmes qui travaillent ou qui ont travaillé en entreprise, ce qui fait pas mal de monde. Ils y trouveront un portrait au vitriol des relations de bureau et de l’aspect vampirique du travail : on se croit plus fort que l’emploi qu’on occupe. Mais cet emploi vous ronge peu à peu et il faut bien avouer que beaucoup de gens n’ont pas d’existence valable en dehors de leur travail. Même et surtout s’ils cherchent à s’en échapper.
Telle est la conclusion qui s’impose au narrateur, cadre sans véritable fonction. Il se trouve dans un train de banlieue arrivant à Londres. Il fait beau et il se rend compte qu’il a envie d’éprouver sa liberté et de ne pas aller travailler. Le ciel est si bleu et le temps plein de promesses. Il repense au premier poste qu’il a occupé, aux personnes qu’il y a croisé. Son meilleur ami Paul, intelligent et alcoolique… Ce long préambule aboutit donc à cette révélation : après avoir inventé un bobard et téléphoné à sa supérieure en prétextant une maladie, il part se promener. Mais le plaisir a disparu et, esclave du travail, il ne peut lui échapper.
Michael Bracewell, écrivain anglais d’une quarantaine d’années, serait une sorte de Michel Houellebecq dans sa description sans concession de la misère humaine actuelle. Un Houellebecq qui s’abstiendrait de parler de cul parce que le monde est suffisamment minable sans en rajouter avec une description clinique des parties intimes.
On attend avec impatience que d’autres de ses romans soient publiés, pour juger de l’œuvre dans son ensemble. Ce que l’on peut dire, pour l’instant, est qu’il s’agit d’un écrivain déroutant. J’aime la froideur entomologiste de ses descriptions (notamment la pause déjeuner du narrateur, où il furète dans un grand magasin en évitant de croiser ses collègues). J’aime nettement moins sa tendance à l’abstraction qui fait décrocher le lecteur.
Saluons cependant l’effort des Editions du Dilettante (Eric Holder, Anna Gavalda, Vincent Ravalec) qui publient un roman étranger. Ce qui est rare et appréciable. Le Livre de poche a pris le relais depuis!
154 pages - Livre de Poche
10 Songs
Allez hop! Les beaux jours reviennent. Les campagnes se mettent à chanter. Les bardes folk sortent de l'hiver. En Ecosse, il y a visiblement une bonne école de troubadours!
Aaron Fyfe n'a pas honte de tous le clichés du folkeux européen qui pleure la nature, l'amour et chante la vie avec toutes ses misères. Son premier morceau de son premier effort se nomme "feux de camp" ce qui montre toute la bonne volonté du chanteur à ne pas s'éloigner des stéréotypes. Il les apprécie. Il les met en valeur indéniablement.
On a bien supporté les complaintes de Damien Rice ou la mélancolie de Piers Faccini. On semblait vacciner contre toutes les chansons qui sentent la chlorophylle et la tristesse. La folk music, avec ses song-writers ténébreux, barbus, en bretelles et capables de souffrir au moindre refrain, paraissait un peu figée ces derniers temps.
Aaron Fyfe s'en tire bien. Il y a bien de l'émotion dans ses chansons douces et acoustiques. Sa voix est sincère et le petit accent écossais apporte une touche de fraîcheur. Il n'y a rien de transcendant dans sa musique mais c'est fait avec honnêteté et cela s'entend sur les dix titres qui se valent tous.
L'homogénéité de cet album prouve qu'il a été réfléchi. Pour un premier essai, on est indulgent et le chanteur impose ses qualités d'écriture. Aaron Fyfe va devoir en découdre après cet hommage à sa musique favorite pour sortir du lot!
Tentman - 2015
Les tribulations du dernier Sijilmassi
Pas facile d'avoir une vie toute simple!
Grand prix Jean Giono, le dernier roman de Fouad Laroui part d'une très belle intention: l'éloge de la simplicité. L'abandon au temps qui passe, aux besoins les plus basiques, aux plaisirs pudiques d'une existence dépouillée de toute contrainte.
C'est ce qui arrive à Adam Sijilmassi. Il passait sa vie dans les avions entre l'Asie et le Maroc. Un jour, il décide de rentrer chez lui à pied de l'aéroport. Cela prend les allures d'un cataclysme. Un type en cravate veut marcher. Prendre son temps. Ce n'est pas normal. Pour le reste des Marocains. On le soupçonne. On l'interroge. Adam en a marre!
Il veut tout quitter. Sa vie d'ingénieur lui semble bien dérisoire. Son mariage n'est qu'un mirage social. Il veut retourner aux sources. Ce qui va lui poser tout de même un certain nombre de problèmes. Il y a un ton autobiographique chez cet écrivain truculent, marocain vivant aux Pays Bas.
Il fut lui même ingénieur. Il a peut être connu un "Burn Out" similaire. Il a trouvé aussi la solution dans les mots et la lecture. L'idée est bonne. A une époque où la décroissance fait recette, les conséquences d'un tel choix ne manquent pas de piquant.
L'écriture du romancier est assez pétillante mais hélas, à la moitié du roman, cela s'étire sur la reconstruction du héros, à la recherche de ses racines et d'une philosophie. Coincé entre différents extrémismes, le conte est un peu trop démonstratif malgré quelques dialogues bien sentis. L'humour s'étiole au fil des pages. C'est un peu pesant à la fin. Même décevant.
Heureusement il y a l'intention, toujours humaniste et rassurante!
Julliard - 330 pages
The Avengers: L’ère d’Ultron
Ils reviennent. Ils se mettent sur la tronche. Ils sauvent le Monde. Ils sont contents. Nous aussi !
Marvel continue d’envahir tous les écrans du Monde entier avec ses franchises. Ils varient les plaisirs et réunissent donc leurs super héros le temps d’un second film ! Hulk fait le boulot. Il casse tout sur son passage.
Captain America a une âme de soldat, de leader et il serait limite démocrate. Tony Stark serait plutôt républicain dans la guerre préventive contre les aliens ou les robots mais il reste d’une redoutable efficacité lorsqu’il faut aller au combat.
Thor est à coté de ses pompes mais on s’en fout : c’est toujours bien d’avoir un demi dieu avec des pouvoirs extraordinaires. Cela permet de faire avancer le scénario lorsque ça coince. Black Widow s’amourache du Géant Vert. Hawkeye réussit à se faire une place au milieu de tout ce petit monde avec un secret sentimental du plus bel effet et tellement américain.
C’est du grand n’importe quoi mais il faut avouer que c’est assez bien fait, grâce à Joss Whedon, assez doué pour marquer les personnalités de ses héros, à défaut de défendre une histoire originale. Ici, Stark a le syndrôme de Frankenstein et fabrique un logiciel qui veut détruire la planète au lieu de la protéger. C’est presque le scénario de Superman 3 avec Richard Pryor ! Le vintage en moins !
Le seul intérêt c’est donc la caractérisation des personnages. On appréciera la soirée mondaine où ils se retrouvent tous : dis-moi ce que tu bois, je te dirais qui tu es. C’est dans les petits détails que se trouvent les plaisirs. Les petits scènes anodines plutôt que les morceaux de bravoure, de toute façon spectaculaires.
Bien entendu, un numéro trois est sur le feu. Ils finiront par nous lasser avec leurs états d’âme et leurs super coups de poing mais bon, pour l’instant, il faut l’avouer, c’est bien fichu et on ne s’ennuie pas sur les deux heures vingt de métrage ! Ultron ça rime ave c**. Bonne surprise : ce n’est pas (complètement) le cas ici.
Avec Robert Downey Jr, Chris Evans, Scarlett Johansson et Jeremy Renner - Marvel - 22 avril 2015 - 2h20