Nous les morts
Ils sont partout. A la télévision. Au cinéma. Dans les jeux vidéo. Dans les bédés du monde entier. Ils dévorent les humains sur tous les territoires. Le monstre le plus usé depuis ce début de Siècle arrive dans un nouveau monde: celui des incas! Surprise!
George Romero a attendu longtemps pour voir aujourd'hui sa Nuit des Morts Vivants, l'annonce de tout un genre qui prend le contrôle de la fiction aujourd'hui. Depuis 1968, le zombie est passé par tous les états et désormais, il est l'arme fatal de tout scénariste. Le zombie est à la mode.
Ce que prouve de manière originale cette nouvelle bande dessinée, Nous les Morts de Darko Macan et Igor Kordey. Cette fois ci le mort vivant se découvre des origines irlandaises mais aussi inca! En tout cas, les deux auteurs font dans la fantasy la plus débridée.
Ce qui a le mérite de surprendre. On commence à s'habituer aux morsures d'êtres décharnés. Ici, en pleine uchronie, les zombies envahissent l'Europe. Mais chez nos voisins incas, ce n'est qu'une légende. Pour eux, ce pourrait être en Europe que se trouve la fontaine de Jouvence. C'est bien entendu le début des soucis pour le jeune prince inca...
Première partie d'une saga, Nous les Morts se révèle être un récit d'aventures, noir et sans concession. Le dessin n'a rien d'extraordinaire mais l'histoire est vraiment déroutante ce qui n'est pas pour nous déplaire! C'est un joyeux délire sanglant et efficace. Il y a même un petit coté vintage à l'ensemble avec ce refus de respecter l'Histoire avec un grand H!
La curiosité que suscite de ce premier tome réveille bien entendu une impatience à lire la suite... et la dévorer!
1. Les enfants de la peste Delcourt - 56 pages
Le Tombeau d’Alexandre
Indiana Jones avait des ancêtres qui ont couru après le tombeau d'Alexandre! Isabelle Dethan et Julien Maffre nous l'ont prouvés!
En effet, entre 2008 et 2012 ces 2 auteurs nous ont proposés un bien beau récit d'aventure en 3 tomes aux éditions Delcourt.
Isabelle Dethan est un auteur complet qui a touché à tous les genres et notamment aux récits antiques avec les 8 albums de la série "Sur les terres d'Horus". Belle épopée egyptienne dans laquelle Dethan sait poser ses magnifiques couleurs sur son trait simple et élégant.
Elle s'associe au dessinateur débutant Julien Maffre pour raconter l'histoire d'un groupe d'"archéologues" partis chercher, au milieu du XIXème siècle, le tombeau d'Alexandre.
Le groupe est suffisamment nombreux, les caractères subtiles pour permettre de développer une intrigue intelligente et pleine de suspens. En effet, on s'aperçoit bien vite que les motivations des uns et des autres ne sont pas les mêmes, voire qu'elles sont concurrentes. Le groupe doit rester uni, chacun ayant des compétences différentes, pourtant on devine assez rapidement qu'il éclatera dès le but atteint.
A ce premier groupe vient s'opposer un second dirigé par un anglais: Towerton qui lui aussi fouille les sous-sol d'Alexandrie dans le même but.
Qui arrivera le premier? Que recelle le tombeau du macédonien? La recherche ayant dès le départ causé la mort de certains. On assiste à une course contre la montre pleine de trahisons et de rebondissements.
Le dessin de Maffre restitue la chaleur de l'Egypte. Les décors sont magnifiques, les personnages attachants et bien campés. On est proche de la malédiction de Ramsés. Tout est possible et tout peut arriver.
Enfoncez-vous dans les sous-sols de la ville à la recherche du tombeau d'Alexandre, tout en restant sur vos gardes afin d'éviter les mauvaises rencontres...
Delcourt
La Vague
Retour de la fille Higelin. Elle a changé la formule et on ne va pas lui en vouloir. Bien au contraire.
Izia est désormais une ex énervée du rock'n'roll. La fille de Jacques Higelin a défendu le rock sauvage, sans contrainte et résolument anglais. Un vent de folie a soufflé grâce à elle. Les gentils rockers en pantalon cigarette se sont faits ridiculiser par une fille de caractère à la voix exceptionnelle et rageuse.
Deux albums. Une réputation de bête de scène. Des récompenses à gogo. Une carrière au cinéma. Izia Higelin est brillante. Elle le prouve avec son nouvel album. La Vague est en version française. Après deux disques en anglais, elle ose se promener sur les terres de son papa et de son frangin, Arthur H.
Bonne surprise: elle ne perd rien de sa hargne. A 24 ans, elle découvre la sagesse et la nuance mais ne se trahit pas. Elle continue d'écrire avec ses complices des débuts. Elle introduit pas mal de pop et de sons électroniques mais il y a toujours une guitare pour soutenir une performance vocale qui n'a rien à voir avec toutes ses concurrentes.
Les paroles ne sont pas niaises. Au contraire cela ressemble à une révélation. Le verbe haut, elle nous plonge dans une introspection étonnante pour son âge. Il y a bien ici où là quelques erreurs de jeunesse comme son duo avec Orelsan. On aimait beaucoup la fille cachée de Janis Joplin mais elle est pas mal non plus en chanteuse bien de chez nous, à la pointe des sons contemporains mais qui ne lâche pas ses racines.
Plus produit, son disque laisse encore de la place à sa personnalité attachante. Plus conventionnel dans le style, cette vague amène de la nouveauté et prouve que le changement ca peut être maintenant. Izia est vraiment surprenante et ca ne nous déplait pas. Loin de là!
Barclay - 2015
Independance, Lee Blessing, Manufacture des Abbesses
Après quatre ans d’absence, Kim Briggs, l’ainée de trois filles, est contrainte de revenir dans la maison de son enfance. Elle y retrouve ses sœurs - Jo et Sherry - et surtout sa mère Evelyn, qu’elle avait fait interner avant de quitter définitivement le domicile familial pour construire sa propre vie. Ces retrouvailles ne se feront pas sans difficultés… ni heurts.
Independence. C’est le nom d’une petite ville de l’Iowa. C’est aussi le désir de chacune de ces sœurs. L’indépendance affective, matérielle, intellectuelle. Quitter sa famille, s’en échapper, pour se construire soi-même, pour découvrir le monde. Telle est la quête de Jo et de Sherry. Leur épanouissement personnel ne peut se concrétiser qu’en échappant à cette mère tyrannique, autoritaire, sans concession mais aussi cette ville, au nom ironique.
Jo, la cadette est sous l’emprise de sa mère qui ne sait montrer son amour que dans la violence. Celle des mots mais aussi des gestes. Soumise, elle pense trouver son salut et son échappatoire dans la maternité. Quitter sa mère en devenant mère à son tour, fuir avec le père de son enfant à venir… Mais Evelyn ne peut se résoudre à la laisser échapper à son contrôle.
Sherry, quant à elle, multiplie les relations d’un soir, s’évadant comme elle le peut de cet univers matriarcal. Étudiante et sculptrice, elle rêve d’une autre vie, celle d’artiste. Grande gueule naïve, elle cherche sa place à la fois dans cette famille et dans le monde.
Kim, l’aînée, a quitté la cellule familiale, pour le Minnesota. Elle vit en couple avec sa compagne. Elle réussit brillamment sa carrière à l’université. De retour suite à l’ « accident » de Jo, elle a déjà acquis cette indépendance tant enviée par ses jeunes sœurs.
Evelyn, la mère, abandonnée par son mari, n’a jamais quittée sa maison. Elle rend tour à tour responsable chacune de ses filles de ses propres maux. Elle poursuit et manipule ses filles pour mieux les posséder, poussant l’instinct maternel jusqu’à l’asservissement.
Cette famille nous renvoie à notre propre expérience, à notre difficulté à communiquer, à s’écouter et à s’aimer. Cette quête d’amour et du manque d’amour peut mener à la folie. Celle de la mère, de sa propre souffrance et de sa peur de l’abandon. Diriger son monde pour mieux l’avilir, le posséder et le contraindre à ses propres désirs et volontés.
Le propos est certes profond mais les répliques sont légères. Parfois cinglantes, ironiques, décalées, elles contrebalancent avec l’âpreté des situations. Elles sont disséminées dans un décor unique, celui d’une arrière-cour, d’un lieu neutre où les échanges sont quotidiens. Les mots sont souvent forts pour mieux révéler les maux des personnages et leur quête de liberté.
Jusqu’au 31 mai 2015
Dark Places
Gillian Flynn est décidément l'écrivain le plus bankable en ce moment. Après Gone Girl, tiré des Apparences, Dark Places s'offre également une adaptation cinématographique. Il va rendre jaloux Musso ou Levy, gros vendeurs de livres eux aussi.
Mais là, il y a le talent. Alors que Flynn continue de mettre des images sur ses mots, il faut bien l'admettre le film ne vaut pas Gone Girl, même si Dark Places s'en sort pas trop mal. Il est tiré vers le haut par un casting incroyable où Charlize Theron retrouve Nicolas Hoult avant de tailler ensemble la "Route furieuse" de Mad Max.
Le duo marche plutôt bien et on retiendra aussi Chloe Grace Moretz dans un rôle surprenant. Pourtant malgré la bonne volonté de vouloir un faire un thriller atypique, le réalisateur peine faire décoller l'intrigue et supporte pas la comparaison avec Gone Girl.
Je ne connais pas les livres mais Dark Places semble difficile à retranscrire à l'écran... encore que! Gone girl profitait de la virtuosité narrative de David Fincher. Gilles Paquet Brenner, responsable de la saga Gomes & Tavarés et du drame Elle s'appelait Sarah n'est peut être pas le meilleur choix pour ce film là.
Le scénario est pourtant original et attrayant. Surtout concernant le Kill Club, où les amateurs de crimes se donnent corps et âme à la résolution d'énigmes criminelles. La mise en scène et les flash-backs ne servent pas le film, ni l'histoire de l'héroïne, démarchée par ce groupe un peu morbide pour raconter son calvaire. Hélas, le Kill Club se fait un peu avoir comme nous: le film n'est pas tel qu'il apparaît dans la bande annonce.SI
Avis aux amateurs.
Avec Charlize Theron, Nicolas Hoult, Chloe Grace Moretz et Christina Hendricks - 8 avril 2015 - 8 avril 2015 - 1h50
La Petite Rapporteuse de Mots
Depuis quelques temps, la grand-Mère d’Elise perd ses mots. Alors, elle fait des drôles de gestes espérant qu’on les lui retrouve. La mère d’Élise ne cherche pas trop et s’énerve. Élise, elle, sait les lui rapporter. Mais très vite sa grand-mère les perd à nouveau …
Le père d’Élise explique que tout s’use, tout vieillit, les fleurs, le chat, les meubles et même les mots, même les gens … Pourtant Élise sait bien que c’est sa grand-mère, sa grand-mère au sourire si beau, qui les lui a appris tous ces mots, des plus simples aux plus compliqués… C’est décidé elle les lui rapportera autant de fois qu’il le faudra., à son tour maintenant de l’aider tout en continuant à prendre plaisir d’être ensemble.
Un album magnifique sur les relations entre une grand-mère et sa petite fille, sur la vieillesse, sur l’acceptation ou le rejet de cette dernière.
Les illustrations aux teintes pastel apportent un clin d’œil finalement positif et optimiste sur ce sur quoi nous ne pouvons qu’être résignés : tout s’use ! C’est comme ça ! C’est la vie !
A partir de 7 ans
Pris du GG (Prix littéraire du Gouverneur Général – Conseil des Arts du Canada)
Taxi Téhéran
Film clandestin, Taxi Téhéran est une promenade bienveillante dans la société iranienne.
En 2010, le cinéaste Jafar Panahi n'a plus le droit de réaliser des films sur le territoire iranien durant vingt longues années. La censure ne l'empêchera jamais de faire des films. Taxi Téhéran est le troisième long métrage depuis l'interdiction: il lui a apporté la consécration à Berlin avec un Ours d'Or mérité!
Car Taxi Téhéran est un cours et une leçon de cinéma. Avec trois caméras placés dans un taxi, le réalisateur se met en scène pour poursuivre son combat contre les absurdités de la censure et les idioties d'une société trop rigide, refusant de voir les réalités qu'elle engendre!
Dans son taxi, la parole se libère. Le temps d'un trajet, les hommes et les femmes se livrent au delà de la bienséance. Les acteurs ne sont pas professionnels mais donne à voir cette société qui ne correspond pas aux préjugés et à la politique pourtant omniprésente en Iran.
Le vrai bonheur de Taxi Téhéran n'est pas cette recherche de la vérité mais plutôt la bienveillance du cinéaste-comédien. Il garde le sourire. Malgré des passagers déroutants. Malgré une pression constante qui le pousse à vivre dans une semi clandestinité. Pour lui la vi(ll)e pourrait être prison ouverte. Il serait enragé. Rien de tout cela: son film est d'un humanisme désarmant. Certains le taxeront d'angélique!
Ses astuces narratives et sa survie en tant qu'artiste révèlent une personnalité généreuse: on est ravi de visiter la ville avec lui. Il va à l'essentiel: on lui excusera les deux ou trois répétitions car il défend la place et l'importance de l'art dans la société.
Ce film est un geste de résistance. Il semble nécessaire. Il est drôle aussi. L'ironie y est lumineuse. Les conversations deviennent essentielles. Dans son taxi, il véhicule ce qu'il a de mieux chez l'homme, l'artiste ou la société. Il offre sur son chemin des raisons d'espérer. Un film salutaire!
memento films - 22 avril 2015 - 1h21