Moustachus et musiciens : c’est possible !

Mes amis, nos lecteurs, les nostalgiques du cool, vous êtes les bienvenus à la compétition non officielle des musiciens qui ressemblent beaucoup à Francis Cabrel jeune. C’est dire s’ils sont au top de la hype.

Après une dure réflexion et une enquête très poussée, nous allons ici vous proposer trois gagnants aux cheveux longs et à la moustache affirmée. Certes, c’est un style mais il faut justement en avoir du style quand on fait de la musique ! Et les trois artistes choisis valent mieux que leur look véritablement retro et faussement ringard.

Commençons avec Drug Dealer et son album haut en couleurs, Hiding in Plain Sight. Il deale en effet avec les vestiges de la west coast et mélange habilement un cocktail fait de soul, de rock et de easy listening.

Si visuellement, on a certainement à faire à un clone de notre Francis Cabrel, musicalement on pense beaucoup à Billy Joel à ses débuts. Et ce n’est pas un défaut ; loin de là. Le groove est poli mais très élégant. Le tout est emmené par un piano de caractère.

La Californie transpire dans chaque morceau et Los Angeles hante les compositions de ce groupe pas si tripé que cela mais on se sent très bien dans ce soft rock ensoleillé, hors du temps. On devine tous les génies qui ont inspiré les chansons, des Eagles aux High Lamas en passant par les inusables Beach Boys. Bienvenue en Californie.

C’est bel et bien là bas que l’on rencontre les plus beaux sosies de notre troubadour d’Agen, fan de Neil Young. Michael Rault adopte aussi le look jusqu’à la chemise pelle à  tarte. Comme Cabrel à ses débuts, sa musique est pleine d’espoir, d’harmonie et d’une folk mélodique qui lorgne fort sur une pop ronde et caressante.

C’est le rock comme utopie qui vient inspirer ce Canadien qui se voit vivre dans une hacienda sous le soleil chaud de San Diego ou San Francisco. La voix est haute et suivie par des musiciens ravis de glisser sur des arrangements soft rock.

Ça pourrait être anecdotique mais c’est en fait joliment travaillé. Michael Rault a des rêves qu’il met en musique avec gourmandise. Il possède cette douceur de baba cool. Effectivement ça plairait énormément à notre Cabrel.

D’ailleurs il aimerait sûrement le travail de Danny Lee Blackwell. Texan, belle crinière et moustache prétentieuse, le bonhomme fait preuve d’une ouverture d’esprit en réussissant un album avec une autre artiste, coincée par le covid en Angleterre.

Il monte donc le groupe Abraxas avec l’ancienne guitariste, Carolina Faruolo, ancienne membre de Los Bitchos. Ensemble, ils fuient la pandémie avec des titres très exotiques où un rock très psychédélique se mélange à des rythmes chauds.

Le duo n’est pas un tigre de papier : la guitare miaule pour permettre la découverte d’un univers qui emprunte à la cumbia jusqu’au funk. Les emprunts sont multiples et font effectivement dresser les poils et défriser les moustaches. On a l’impression de se promener avec des Space Cowboys. Il y a même quelque chose de minéral qui n’est pas sans rappeler le chanteur des Murs de Poussière.

En pleine période movember, vous voici au courant : une moustache, c’est aussi beaucoup de talents!

L’Ile Haute, Valentine Goby, Actes sud

Vous vous souvenez du Grand Chemin, ce film où Richard Boringer s’engueulait avec passion avec une magnifique Anémone? Vous n’avez pas déjà vu ces films où des petits héros fuient en culottes courtes, le monde cruel des adultes, pressés de se battre à la guerre? Ça pourrait s’appeler les films Herta ! Comme cette bonne vieille publicité pour les saucisses où un enfant apprend à profiter du peu qu’offre l’admirable nature.

C’est un peu écœurant à force de répétitions et c’est devenu un genre à part entière. Ambiance sépia et discours du “c’était mieux avant” ! Pour son nouveau roman, Valentine Goby donnerait la sensation d’écrire un scénario un peu vieillot et stéréotypé.

Un jeune part pour les Alpes. Pour y respirer et fuir la guerre. Il quitte le quartier des Batignolles pour le charme rural de la montagne et ses cimes inspirantes. Dans une lointaine famille, le gamin asthmatique découvre qu’il peut vivre pleinement, observer les rustres mais justes mœurs des locaux et même rouler des patins à des jolies jeunes filles.

L’apprentissage de la vie, la découverte des sentiments, la dureté de l’existence… le récit initiatique est réellement prévisible. Valentine Goby ne semble pas vouloir sortir des sentiers battus. On pourrait être déçu si son talent ne transcendait pas son histoire adolescente.

Car tout autour il y a la nature. La romancière est sacrément douée pour nous faire découvrir ce petit coin de nature idéal pour vous présenter le Ch… pardon je retourne vers les références publicitaires!

Non justement elle décrit parfaitement la bienveillance de l’environnement, et l’ombre des montagnes ne cache pas que dangers et drames. Valentine Goby échappe aux facilités même si elle brosse un portrait assez gentillet d’une communauté finalement soudée et chaleureuse. Aidée par ce paysage quasi mystique, barrière aux souffrances et aux mauvaises nouvelles.

C’est finalement un livre sur l’éveil et une belle idée de la curiosité. L’isolement a du bon de temps en temps. 

John Williams, Indiana Jones

Pourquoi faut-il écouter du John Williams durant les vacances? Avant le long tunnel d’hiver et de fêtes de fin d’années, vous vous accordez j’espère quelques jours de vacances. Il est loin le bénéfice positif des longues vacances d’été.

Vous êtes redevenus ces machines attachées lourdement à la société de consommation. Vous ne faites plus qu’un avec vos objets de torture préférés. On vous donne des rendez vous en présentiel ou sur Teams. Vous courez après le temps et les transports en commun. Vous surveillez constamment votre téléphone ou votre ordinateur. On a bien du mal à s’évader lorsque le calendrier est une grande cavalcade…

Vous avez ronchonné devant une station service. Vous craignez la réaction d’un Poutine qui pourrait fêter ses 70 ans en faisant tout péter. Vous avez été scotché par le look intellectuel de Benzema devant son globe en or. Vous vous dites que tout cela n’a plus beaucoup de sens. Et vous avez sûrement raison.

Alors ouf, pour certains d’entre nous arrivent les vacances! On va faire une pause avant de foncer dans l’hiver et ses copieuses festivités. On va tout stopper. Et respirer. Et peut être se mettre à rêver.

Dans mon cas, je file à la montagne. Avec mes deux filles et toute leur imagination. On observe les forêts pour y chercher des hobbits. On regarde les sommets pour y voir Harry Potter sur son balai. On suit les rivières comme s’il s’agissait d’un torrent pour l’intrépide Indiana Jones.

D’ailleurs, la musique de cette mythique saga a tout du pansement pour le moral mis à rude épreuve. Je vous conseille vivement de débuter votre repos en vous lançant derrière Indiana Jones et les aventuriers de l’Arche Perdue. Comme le héros, lâchez le costume pour des vêtements plus décontractés…

Du Pérou jusqu’au Moyen Orient, l’orchestre provoque une belle envolée lyrique qui explose sûrement les limites de notre créativité. Comme Spielberg, John Williams aime bien transformer le quotidien par son art. Il reflète lui aussi par ses notes de musique, la fantaisie de l’enfance et la folie sans limite de nos souvenirs et nos mythes.

Face à la puissance divine, la bande son de ce premier film  affirme l’héroïsme et on voit alors dans chaque paysage, une aventure extraordinaire. On aimerait presque être poursuivi par des nazis…

Ou par une secte au fin fond d’une jungle indienne! C’est ce qui fait aussi l’exotisme de la seconde quête de Indiana Jones. Pour nous cette bande originale va nous ramener à l’âge où l’on adorait se perdre dans des bandes dessinées durant les vacances.

John Williams a déjà l’occasion de jouer avec son célèbre thème et en multiplie d’autres tout aussi galvanisants. Avec son talent symphonique, le pouvoir d’évocation de John Williams n’a pas d’équivalent. Pas étonnant de voir d’autres mythes modernes apparus sur ses orchestres débridées : Star Wars, Superman, Harry Potter ou des films catastrophes comme La Tour Infernale ou L’aventure du Poséidon.

Ici, la musique soutient l’image et lui donne une grandeur et une gloire incroyable. Et au-delà de la fiction, la musique du Temple Maudit nous arrache toute chose terre à terre. Elle vous bouscule et vous empêche de reprendre contact avec la réalité. Ça fait du bien.

C’est un peu moins le cas de Indiana Jones et la Dernière Croisade. Le troisième film s’ouvre sur une scène spectaculaire où un jeune scout affronte déjà des voleurs dans le désert américain.

Là encore, c’est sous la forme de motifs et rebonds que la musique nous attrape et nous retient dans un rythme fascinant. La complexité de l’écriture cache un magnifique tourbillon d’idées et d’inventivités. Dedans s’enferment nos souvenirs d’enfance, notre insouciance regrettée et notre facilité à s’extasier des belles choses et des récits épiques.

La Dernière Croisade est apparemment plus classique que les autres mais il y a une espèce de mélancolie qui perce et rend l’écoute assez touchante. Mais il y a toujours autant d’enthousiasme et d’espièglerie.

Cette trilogie (on ne parlera pas du quatrième épisode où la musique est un aimable best of) accompagne parfaitement le besoin d’ailleurs, l’envie de lever le pied, rêver d’un autre destin, imaginer les choses les plus folles.  Fortune et Gloire… rêvassait  Indiana Jones face au Temple Maudit. Faites pareil: évadez vous!

Algorithme, Emilie Génaédig, François Bourcier, Funambule Montmartre

Une pièce tout public, qui s’intéresse aux algorithmes qui dictent nos choix au risque de nous enfermer parfois dans une solitude connectée toute contemporaine.

De retour au Théâtre le Funambule, au pied de la butte Montmartre, nous (Merlin, 11 ans, et moi) retrouvons la pétillante et athlétique Barbara Lambert, de nouveau seule en scène. La dernière fois, c’était pour Loomie et les robots, où Barbara interprétait une jeune fille élevée dans un bunker par des intelligences artificielles.

Dans la pièce ALGORITHME, l’héroïne n’est plus une ado mais une jeune adulte, exemple de la « trentaine épanouie ». Max (c’est son nom) enchaîne les boulots alimentaires pour vivre sa passion de la danse. Son temps libre, elle le passe devant les écrans, en rencontres virtuelles, jeux, divertissements, chat sur les réseaux… Jusqu’au jour où ces fameux écrans dressent une véritable forteresse infranchissable autour de son lit.

Par quelle(s) force(s) s’est-elle laissée prendre au piège

Si c’était un cauchemar, elle pourrait vite s’en libérer. Elle devra d’abord perdre tout espoir avant de peut-être trouver une issue. Dans sa descente aux enfers, Max échange avec son système d’exploitation personnalisé, dénommé Léo. C’est au cours de cet échange que Max pense son statut d’humain et regagne sa liberté.

Le texte d’Emilie Génaédig est bien pensé et bien écrit, il offre une belle partition à Barbara Lambert, qui passe du rire aux larmes, danse, saute et se recroqueville dans le seul espace du lit.

Les dialogues sont inspirés de véritables réparties d’intelligences artificielles. C’est une nouvelle illustration des rapports homme-machine, déjà interrogés dans le génial film de Spike Jonze Her (une love-story entre un homme et un système d’exploitation).

Ce texte nous interroge sur notre rapport aux machines et en particulier sur le pouvoir que nous accordons à d’autres dans nos vies. Nous donnons délibérément à des algorithmes une place parfois primordiale, un certain pouvoir, alors que nous savons, comme de nombreuses enquêtes l’ont démontré*, que les algorithmes complexes, au fil de leur développement, échappent à leurs créateurs !

Cependant, le texte sait aussi souligner l’impact positif des technologies de l’information dans nos vies.

Ce n’est pas du tout un texte à charge contre les réseaux sociaux, au contraire. Peut-être qu’il appelle tout simplement à prendre de la distance, à faire un pas de côté, à adopter le recul nécessaire pour demeurer conscients de notre rôle dans l’évolution de la société.

Merlin témoigne que ce texte s’adresse à tout public ! Il a particulièrement apprécié l’ambiance musicale du spectacle et l’énergie de son interprète. Et évidemment, à peine sortis du Funambule, nous avons interpellé l’assistant personnel de mon téléphone, dans l’espoir d’une conversation passionnante. Peine perdue…

* https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/10/26/comment-l-algorithme-de-facebook-echappe-au-controle-de-ses-createurs_6099888_4408996.html

A partir du 12 septembre 2022
Au Funambule Montmartre, 53 rue des Saules, 75018
les lundis et mercredis soirs

Réservations au : 01 42 23 88 83
Par la compagnie Les 7 Fromentins
Interprétation : Barbara Lambert

texte : Emilie Génaédig

Morgane Cadignan, Thierno Thioune, l’Européen

Normalement, on remercie par un tonnerre d’applaudissements l’artiste qui pendant plus d’une heure nous a arrachés à notre quotidien et a décortiqué nos mœurs et habitudes avec humour et talent.

Morgane Cadignan, on aimerait l'applaudir au bout de deux minutes. Lorsqu’elle annonce tout de go qu’elle ne prendra pas les premiers rangs pour cible consentante et vannes efficaces. Elle évitera tous les passages obligés du stand up moderne et percutant.

Elle préfèrera parler d’elle. Et c’est un vrai sujet d’étude ce petit bout de femme qui est arrivé au one man show après un trajet professionnel éloigné de la scène. Mais son parcours est finalement une bonne leçon de vie car d’elle même, l’artiste va nous renvoyer un miroir déformant mais aussi charmant.

Le changement de carrière peut prêter à rire mais Morgane Cadignan a bien d’autres choses à nous raconter. Culottée, elle ira jusqu’à nous titiller sur la mort. Son cynisme se cache derrière une énergie sur scène assez impressionnante.

Elle transforme l’anxiété contemporaine en un joli bouquet de blagues d’une justesse redoutable. Elle joue donc notre copine, qui finit au petit matin dans un drôle d’état mais elle capte surtout tous nos doutes pour les transformer en une grande comédie humaine, rythmée, avec ce qu’il faut de gravité pour nous rappeler qu’un comique sait gérer son fond de tristesse et d’amertume.

A la fin, on l’applaudit plus que chaleureusement. Jeune et intrépide, Morgane Cadignan refuse toutes les facilités, nous venge de Manuel Valls et nous invite à un one man show qui sort très largement de l’ordinaire. Merci.

Morgane Cadignan
A l’Européen à partir du jusqu'au 21 décembre 2022, tous les mercredis.

Bowling Saturne, Patricia Mazuy, Paname Distribution

En période d’Halloween, si vous voulez de l’effroi et des sueurs froides, c’est dans ce sympathique bowling normand qu’il faut pénétrer. Plus terrifiant qu’un manoir hanté, une bête vous y attend!

Bowling Saturne est une œuvre sans concession. Un polar noir de chez noir. Avec une approche quasi naturaliste de la violence. Ce qui peut soulever le cœur à quelques reprises. Mais ici, il n’y a pas d’esthétisme autour du meurtre. C’est cru et donc malaisant.

Ce qui est souvent la marque de Patricia Mazuy, réalisatrice qui ne fait pas dans la concession et la tiédeur. Ici elle transforme un drame familial en thriller bestial et psychologique.

Lorsque Guillaume vient annoncer à son demi-frère Armand que leur père est mort, on devine une insurmontable animosité entre les deux hommes. Le premier est un flic respecté. Le second est videur et, surtout, meurtri par une place de bâtard dans une famille où le père, chasseur de passion, fut omniprésent et autoritaire.

Leur héritage? Un bowling dans un coin lugubre de Caen. Guillaume le vendrait bien mais préfère donner la gestion du lieu à son frère. Revanche sociale pour Armand, cette nouvelle responsabilité va lui donner un nouveau sentiment. Et réveiller d’étranges sensations…

Cela se devinera dans le regard d’Armand, candide capable de tout, désaxé perdu dans une société où la prédation est omniprésente. Nous sommes tous des chasseurs ou des chassés. La violence se trouve partout. Le discours n’est pas nouveau mais la réalisatrice fait cela à sa manière.

Ce qu’on aime effectivement chez elle, c’est cette douceur à observer la cruauté. Une contradiction qui fait la différence. Effectivement plusieurs fois, notre opinion va changer sur les protagonistes de ce film noir. Et on appréciera les moments de calme entre des scènes qui se chargent de la tension entre les deux frangins.

Comme une vraie bonne série B américaine, la lecture psy ne gène en rien un bel exercice de style où la Normandie n’a rien à envier aux villes urbaines des États-Unis. Mais la fiction en dit long sur l’humanité ou plutôt sa bestialité.

Servi par des comédiens nuancés, une photographie pertinente, un scénario ductile et un montage à la sécheresse étouffante, Bowling Saturne est une surprise qui hante longuement. Ce qui est souvent gage de qualité!

Sortie le 26 octobre 2022
Avec Arieh Worthalter, Achille Reggiani, Y Lan Lucas et Leila Muse
Paname Distribution
Durée 1h50

Machine de cirque, Vincent Dubé, La Scala

Cinq québecois au talent d’acrobate et de poète aussi stupéfiant que leur humour nous en mettent plein les yeux. Ils redonnent au cirque sa magie dans un esprit de troupe. Réjouissant !

Dans un décor digne d'une machine de Gulliver de bric et de broc, cinq acrobates, musiciens, clowns ont plus d'un tour dans leur sac. Entre haute voltige, jonglage, et pitreries, ils déjouent les lois de la pesanteur. Tantôt gaguesques, tantôt facétieux, ils se mettent à nu, enfin presque.

Les enfants dans la salle scandent "il est même pas tombé ", "t'as vu il a réussi" tant l'équilibre semble surréaliste.

Les plus jeunes ne saisiront peut-être pas toutes les subtilités comme la parodie du selfie, critique de notre monde narcissique. Mais ils s’émerveilleront, autant que nous des prouesses d'athlètes. On envie leur énergie, leur sourire affiché même dans l'effort.

Et j'ajouterais une qualité à leur Machine de cirque : loin de n'être qu'un enchaînement de numéros solo certes virtuoses, elle donne avant tout l'occasion d'une leçon d'entraide. On s'y encourage mutuellement, on se libère de ses embarras, on est là pour s'applaudir comme se relever. Clown des bons comme des mauvais jours.

Le spectacle vivant burlesque, invitation à dépasser le quant à soi. Bravo! 

du 28 octobre  au 6 novembre 2022
La Scala, Paris X
de 15€ à 52€
1h20 / A partir de 6 ans

Les Odyssées, Laure Grandbesançon, Théâtre Libre

En ce samedi après-midi, la salle du Théâtre Libre fourmille d'enfants tout excités à l'idée de rencontrer leur idole: la pétillante Laure Grandbesançon, l'autrice et l'interprète des Odyssées, le fameux et fantastique podcast de France Inter.

Si vous avez des enfants de sept à douze ans et que vous ne connaissez pas encore les Odyssées de France Inter, alors remerciez-moi car cette série d'émissions devrait occuper vos bambins pendant un bon moment ! Dans chacun des plus de quatre-vingt-dix épisodes, il s'agit de se plonger durant un quart d'heure, gros ou petit, dans la vie aventurière d'une grande figure historique. C'est totalement déjanté et bigrement intéressant. On pourrait qualifier cela d'aventurire !

Au théâtre, Charlotte Saliou met en scène quatre de ces récits : l'exploration de l'Amérique du Sud au XVIIIème siècle par Jeanne Barrot, une femme qui brave les interdits pour prendre la mer ; la découverte du tombeau de Toutankhamon par Howard Carter, un archéologue anglais et pugnace ; la vie romanesque de Jin, la grand-mère de Laure Granbesançon et, enfin, l'imprévu voyage dans l'inconnu de l'équipage de la fusée Apollo 11.

Je n'ai pas vraiment gouté la scène d'introduction survitaminée et bruyante, façon parodie de film d'espionnage. "Je n'aimais pas trop quand ils faisaient semblant de courir" (dixit Norma, 8 ans et demi). En revanche, j'ai beaucoup apprécié la scénographie et le décor que les deux comédiens (Laure Granbesançon et Baptiste Belaïd) font évoluer en un tournemain et qui les transporte en un instant d'un galion à une navette spatiale. "Le décor était impressionnant parce qu'il y avait plein de trappes" (dixit Norma, 8 ans et demi). Le spectacle vaut le détour rien que pour ça. Quelle beauté, c'est comme dans un rêve !

Bien sûr, il est difficile pour la pièce de se hisser au niveau de la création radiophonique. "J'ai bien aimé ce spectacle, même si je n'ai pas vraiment retrouvé l'esprit humoristique du podcast" (dixit Norma, 8 ans et demi). On a l'impression que la metteuse en scène a voulu rendre le spectacle accessibles aux plus petits ; et ça marche ! Les jeunes réagissent volontiers aux gags visuels et sont morts de rire.

Si vous êtes déjà fans du podcast, alors vous regretterez peut-être comme moi que Laure Grandbesançon joue les personnages plutôt que d'endosser le rôle de narratrice qui lui va si bien. Ses exclamations et ses jurons polis ("Pétard ! Mamma mia ! Mazette !" nous ont manqué, à ma fille et à moi).

Si vous découvrez les Odyssées par le biais de ce spectacle, je parie que vous serez conquis sans réserve car l'ensemble ne manque pas de charme ni de qualités malgré quelques tout petits ajustements à faire, (je précise que j'ai assisté à la première, ce qui a son importance).

En tout état de cause, Les Odyssées sont un spectacle intelligent, drôle et beau, qui ne prend pas les enfants pour des nouilles. C'est génial de voir une salle remplie de gamins enthousiasmés par un spectacle bien vivant !

du 22 octobre 2022 au 1er janvier 2023
(samedi et dimanche à 14h, et tous les jours à 14h durant les vacances de Noël)
Spectacle-enquête à partir de 6 ans - durée prévue 1h
Avec Laure Grandbesançon et Baptiste Belaïd
Mise en scène : Charlotte Saliou
Scénographie : Cirque Le Roux
Théâtre Libre, Paris Xème

Halloween ends, David Gordon Green, Universal

Le premier était un remake reboot du classique de Carpenter. Le second était un jeu de massacre jouissif. La conclusion est une chose bizarre, agaçante et culottée.

Le réalisateur de cette dernière trilogie consacrée au tueur masqué Michael Myers vient du cinéma indépendant. Ça ne se voyait pas forcément dans les épisodes précédents. Il filmait aimablement le plus dangereux des boogeymen, légende du cinéma, évocation du mal absolu, abrasif et aberrant.

David Gordon Green a tout de même soutenu au fil de son projet ambitieux un reflet politique et social autour de la figure du mal. Il continue très fortement dans cet épisode puisqu'il s'intéresse aux suites des meurtres abominables de Myers.

Quatre ans après le deuxième opus, les habitants de Hadonnfield sont toujours marqués par la violence extrême du tueur. C'est devenu une sorte de virus qui hante chaque habitant. Pour nous expliquer cela, le réalisateur va prendre son temps. Il fait le choix de s'échapper sur un autre chemin, plus psychologique.

On vous prévient : les affreux méfaits de Myers arrivent très tardivement. Avant cela, le réalisateur tente de décrire une société rongée par la haine, la paranoïa et totalement déconnectée de la réalité. Les rapports humains se réduisent à de constantes confrontations. Pas étonnant que de temps en temps, une personne pète les plombs.

Manque de bol, ce sera le petit ami de la petite fille de Laurie Strode, souffre douleur préférée de Michael Myers. Influencé par ce dernier, il va totalement vriller! Notre tueur préféré va retrouver du poil de la bête en fréquentant ce petit jeune étourdi par la malveillance.

Donc il faut une bonne heure avant que les choses se mettent en place. Le propos n'est pas inintéressant. La mise en scène est d'une sagesse faussement tranquille. Mais on est loin des codes habituels. On était quand-même venu pour notre indestructible tueur masqué. 

Il se rattrape dans un final assez craspec. Et c'est tant mieux. Les auteurs de ce film ont néanmoins fait un pari audacieux avec ce dernier épisode assez maladroit mais aussi respectueux du mythe, cherchant à l'arracher aux stéréotypes de la série B voir Z. Ça pêche beaucoup par le rythme. Mais toujours, le film veut bien faire. La trilogie forme un ensemble logique, inégal mais très volontaire. 

Sortie le 12 octobre 2022
avec Jamie Lee Curtis, Will Patton, Rohan Campbell et Andy Matichak -
Universal Pictures
Durée 1h51

Eighties forever : Simple Minds, A-ha, The Cult

En ce moment débute au musée des arts décoratifs de Paris, une exposition sur les années 80 et leurs délicieuses inventions comme le brushing surélevé et les épaulettes XXL. A la télévision, Stranger Things pille allégrement les trésors d’horreur de cette décennie. Cette semaine, trois disques renvoient directement à cette étrange période, entre expérimentations et mauvais goût. Trois vestiges subsistent et font encore des promesses.

On commencera par Direction of the heart, de ces vieux briscards de Simple Minds. Il est loin le temps de Breakfast Club mais ils tiennent le coup et ont cette capacité incroyable de ne pas dévier de ce qu’ils savent faire.

De la grosse pop pour RTL2 ou Chérie FM. Du line up original, il n’y a que Jim Kerr et Charlie Burchill. Le premier s’imagine toujours dans les stades du Monde entier et le second continue de faire glisser ses doigts sur sa guitare comme s’il s’agissait du Surfeur d’Argent.

Autour, il y a du synthétiseur caressant et une rythmique plus que classique. Est-ce ennuyeux? Pas du tout. Avec leurs déboires et leur honnêteté, Simple Minds est inattaquable sur sa conviction. Il a une formule. Elle fonctionne. Elle est appliquée. Ce n’est pas fou fou mais le titre de l’album souligne bien ce qu’il y a derrière: direction of the heart. Après des années d’existence, Simple Minds ne semble pas manquer de convictions… à défaut d’idées, c’est déjà beaucoup.

Autre symbole des années 80, heures heureuses du vidéo clip sur MTV, A-ha sort un nouvel album. Victime de leur incroyable clip du morceau Take on Me, le groupe norvégien a vraiment connu un destin compliqué par la suite. Et pourtant, le trio est toujours là.

Pour le trouver en 2022, il faut aller le chercher vers le Pôle Nord. C’est tout à coté du cercle polaire qu’ils ont enregistré ce onzième album avec un orchestre symphonique pour se réchauffer. Et ils nous préparent pour Noël : ils nous offrent presque de nouvelles chansons à écouter en période de fête ou de digestions de foie gras.

Attention ce n’est pas une critique. True North est plutôt une revanche sur les titres que l’on nous rabâche en fin d’année. Ici, c’est du tout nouveau et du tout beau. On oublie rapidement qu’il s’agit de A-ha groupe à minettes des eighties. Les titres sont complexes et d’un lyrisme assez impressionnant.

Ce n’est pas du Bjork, mais sur leurs terres natales, le trio est assez aventureux. Coldplay et Keane devraient y jeter une oreille. Car le groupe a une élégance pleine de fraîcheur malgré l’emphase d’un orchestre imposant. Il y a du hautbois, des violons, du synthé, une voix étrange et on n’étouffe même pas. Sur un équilibre, le groupe se rappelle vraiment à notre bon souvenir et propose autre chose…

Proposer autre chose, c’est ce qu’a fait constamment The Cult, groupe anglais qui a rêvé très fort d’Amérique. Mené par Ian Asturby et Billy Duffy, le groupe est passé en quarante ans de la New wave au rock sauvage puis a commencé à mixer les deux pour un résultat jamais fade.

Ce qui continue avec ce Under the Midnight Sun, court album où le chanteur creuse encore des paroles mystiques mais surtout complète absolument l’incroyable guitariste qu’est Billy Duffy. Les héros de la guitare ont la dent dure: Duffy triture sa guitare pour en tirer des riffs rugueux sans être tapageurs. Son style a du corps et cela s’entend encore sur ces huit nouveaux titres.

Le duo ne glisse pas dans le psychédélisme californien mais continue de hanter un rock sombre mais énergique. On est très loin de Nick Cave non plus mais leur rock ne laisse pas indifférent. Pour l’occasion, ils sont allés chercher leur vieux synthé pour se glisser dans leur symphonie rock et ténébreuse. Ce n’est pas une mauvaise idée.

Le duo continue son voyage vers la face cachée du rock. Ils ne dévient pas de leurs envies. A leur âge, on ne va pas les changer. Et c’est tant mieux. Bon, je vous laisse tout ça m’a donné envie d’aller au Musée des Arts décoratifs et peut-être me regarder la trilogie de Retour vers le futur…

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