Wonder Days
Blur sort un nouvel album dans l'année. Okay d'accord mais sachez que Thunder, autre groupe anglais sort aussi un disque. Tout aussi important!
Les nostalgiques de la Britpop approchent de la quarantaine. Ils voient leurs idoles vieillir. Ils dépriment. Ils n'arrivent plus à se remettre des soirées bien arrosées comme à l'époque où ils écoutaient Blur, Oasis ou Pulp. Heureusement Damon Albarn et ses copains se réunissent à nouveau et un nouveau disque de Blur déboule bientôt.
Blur, c'est le versant poli, élégant et londonien de la pop music made in England. Le versant prolétaire de la musique en Angleterre ce pourrait être Oasis et ses frangins têtes de lard. C'est aussi le bon vieux hard rock tatoué célébré par des millions de personnes avec le succès jamais démenti de Iron Maiden.
Dans le sillage de ce groupe, on trouve toute une ribambelle de hardos britanniques plus ou moins sérieux. On pense à Spinal Tap. On peut aussi se rappeler avec émotion de Whitesnake et son sex appeal capillaire, Def Leppard et son batteur manchot ou Thunder, qui nous intéresse aujourd'hui.
Thunder n'a jamais eu de chance. Il connaît toutes les galères du business. Le groupe s'est séparé et recomposé autant de fois que Benny Hill s'est mis à courir après des pin-up. Il a connu quelques succès puis ce fut les années de galère avec des albums mous comme un fish & chips sous la pluie écossaise (j'ai testé pour vous, cela vous marque une vie). Ils conservent une aura au Japon! Tous les clichés du genre!
Pourtant les lads du groupe persévèrent. Après 7 ans d'absence, ils sortent un nouvel album très rock'n'roll et pas désagréable du tout. A l'heure des reboots et des revival sont à la mode, le son très hard rock classic de Thunder est presque hype! Il y a de jolis chansons avec un piano triste et une guitare qui couine. Il y a une batterie qui cogne un rythme binaire sans surprise. Il y a des refrains qui se scotchent dans la mémoire. Le chanteur hurle comme il peut mais semble conscient de ses limites.
Thunder sort ce dixième album sans grande originalité. Aucun éclair de génie mais le groupe est plus en forme que la plupart des vieux hardos qui ont arrêté les drogues, le sexe et, pour certains, le rock'n'roll.
2015 - ear music
Un Océan d’Amour
Sans parole mais pas sans cœur !
Prix de la bd Fnac, Un Océan d’Amour va vous inonder de ses bonnes ondes ! C’est un récit simple, picaresque et enlevé. Un petit pêcheur va vivre une grande aventure et sa femme aussi. Le point de départ est une Bretagne typique mais ça ne va pas nous empêcher de voyager loin !
Scénariste à la mode, Lupano et son dessinateur nous entraîne dans un conte moderne, drôle et sans complexe. Ils cherchent des idées simples et fortes. Cela fonctionne : chaque planche cache de la tendresse.
Comme les personnages, il n’y a pas grand à chose à dire. Tout est à regarder. On voyage avec deux ingénus charmants et on se plait beaucoup à voyager avec eux dans leurs turpitudes un peu hors du temps.
Sans bulle et parole, le récit suffit à tenir un rythme trépidant où le petit pêcheur et la gentille Bretonne vont découvrir le monde moderne et toutes ses ambigüités. Un Océan d’Amour se permet une réflexion sur nos sociétés, sans fioriture et un humour jamais vachard ou cynique.
C’est cette absence totale de second degré qui fait cette grosse bédé une lecture saine et positive. Ça fait du bien à la tête. L’air y est bon. Les dessins aussi ! Le fond et la forme nous font prendre le grand large. N’hésitez pas !
222 pages – Delcourt – de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione
Les Nuits, Ballet Preljocaj, Arsenal, Metz
Le Ballet Preljocaj enchante une grande partie du public messin avec une pièce chorégraphique, inspirée des histoires des Milles et Une Nuits.
Créée à l’occasion de Marseille-Provence 2013, Les Nuits s’ouvre par un tableau vivant du Bain Turc d’Ingres. Des mouvements hypnotiques et saccadés, une gestuelle précise et symétrique, un travail formel captivant sur la durée et le rythme : l’entrée en matière dans l’exotisme mystérieux de l’Orient sensuel est tout à fait réussie.
Après ce début remarquable, la pièce se poursuit (et se perd) dans un défilé de séquences insistant de manière de plus en plus effrénée et, à notre avis, triviale, sur cette sensualité embrasée hétérosexuelle et homosexuelle correspondant à plusieurs clichés érotiques qui se révèlent involontairement comiques et cocasses.
Les costumes et les musiques ajoutent de la grossièreté et du pathos au premier degré à cette suite de tableaux sensuels dans lesquels, parfois, les mouvements de groupe ne sont pas à la hauteur de la volonté formelle du chorégraphe.
La pièce nous semble rester à la surface des questionnements culturels et, si l’on veut rester sur le plan purement chorégraphique, de la gestuelle érotique que le recueil de contes Les Mille et Une Nuits pourrait susciter aujourd’hui.
Quelles corporalités donner à voir ? Quelle sexualité interroger et déployer ? Quelle vision de l’Orient mettre en jeu ?
Ici, la danse ne creuse aucune question : Preljocaj nous semble fuir ces questions extrêmement politiques liées à l’émancipation du regard et des actes (notamment féminins) pour nous endormir avec une vague provocation sensuelle frivole et accessoire.
I love you, Honeybear
Déclaration d'amour aux années 60, le second album de Father John Misty est planant et très cool. On en attendait pas moins de la part de ce barbu céleste!
Ancien batteur de Fleet Foxes, Jodh Tillman est devenu en solo, le Father John Misty, prêcheur qui a la tête dans les nuages et dans la musique. Celle de ses ancêtres pas si lointain: il a beaucoup écouté les Beach Boys, Crosby Stills & Nash et tous les babas cool qui ont pris un jour une guitare. Un archétype tellement assumé qu'il en devient original.
Son premier album était vraiment dépaysant. Ce second effort est nettement moins surprenant! On retrouve donc le Père et ses ouailles se lançaient dans de belles harmonies vocales et des mélodies psychédéliques mais pas trop bordéliques.
Pour la suprise, il faudra repasser. Néanmoins Josh Tillman est un surdoué. Sa nouvelle collection de chansons est réussie et nous entraîne sur un territoire ouaté, mythologique et américain dans le bon sens du terme. En bon batteur qui se respecte et s'émancipe, il semble s'inspirer du plus bourru d'entre tous, Dennis Wilson, le frère tête brûlé des Beach Boys.
Comme pas mal de bardes américains, Tillman a appris à chanter dans les Eglises avant de découvrir ce diable de rock'n'roll. Il a donc conservé cette idée de chants mystiques et élevés. Pour lui la musique est une religion. Il dresse avec ses titres une cathédrale sonore, sereine et très souvent envoûtante.
Car il sait écrire des morceaux soyeux avec voix en harmonie, tout en écho, et des orchestrations complexes sans être démonstratives. Pas de surprise si on retrouve à la production, le défenseur des Sixties, Jonathan Wilson qui apporte toute sa science aux sermons bavards et passionnants de Father John Misty. Les deux hommes font un boulot remarquable.
Ils prennent peut être un peu trop la pose mais cette déclaration d'amour, dans un monde qui en manque, merité bien votre oreille la plus attentive.
Sub pop - 2015
Kingsman: Services Secrets
Petit lexique de l'agent secret typiquement british, Kingsman Services Secrets part un peu dans tous les sens mais fait franchement plaisir.
Ancien producteur des premiers films de Guy Ritchie, Matthew Vaughn a conservé dans sa filmographie, une énergie assez incroyable et un goût pour la stylisation à outrance assez jubilatoire. Anglais, après un passage par les X Men, il revient dans son pays pour s'essayer à un genre du cru: le film d'espionnage!
James Bond, Flint, Austin Powers, ils sont tous mélangés ici pour donner naissance à un nouvel espion: le Kingsman. Un agent secret encore plus secret que secret. Loin des lois et de la politique. Un groupe d'espions qui se prennent pour des chevaliers des temps modernes.
C'est ainsi que les Kingsmen voient leur mission. Harry Hart est l'un d'eux. Il recrute un jeune lads, paumé et pourtant doué, fils d'un collègue mort en mission, qui va devoir sauver le monde d'un milliardaire aux idées dangereuses...
Parodique, Matthew Vaughn traite néanmoins son sujet avec beaucoup de respect, à l'image d'un Colin Firth, classe et impeccable en agent secret en tweed! Il envisage son film comme un hommage au genre britannique: tout est dans le détail. C'est qui rend le spectacle ludique et rafraîchissant. Comme un tailleur, le réalisateur s'applique à réaliser une oeuvre avec sérieux et passion.
L'auteur de Layer Cake aime les ruptures de ton et elles sont nombreuses ici. Certaines sont déroutantes par exemple avec des excès de violence qui pourraient être dans la série Walking Dead (et une scène d'anthologie dans une église remplis de crétins fondamentalistes). C'est plutôt incorrect car Vaughn rebondit sur tous les styles avec une décontraction qui en effet peut rappeler Tarantino.
Mais ce n'est pas un ersatz du film cool. Comédie, Kingsman se moque aussi du monde qui l'entoure et tend un discours social inattendu, qui finit même pour le héros par une proposition de cul par une Reine scandinave très cochonne. Au propre comme au figuré, le film est parfois un feu d'artifice!
C'est à ses manières que l'on peut juger un homme dit Harry Hart. On peut juger d'une bonne opinion, ce film qui ne se prend pas au sérieux mais qui défend avec honneur la série B divertissante et intelligente! Plus qu'un pur roduit d'entertainment, une noble attitude.
Avec Colin Firth, Taron Egerton, Michael Caine et Mark Strong - 20th Century Fox - 18 février 2015 - 2h
The Big Picture
La voix de Kat Edmonson ne peut pas passer inaperçue. Elle miaule. Elle est assez haut perchée. Elle glisse sur le toit brulant du jazz vers des plages veloutées de la pop. Elle fait son cinéma. Tant mieux.
Kat Edmonson semble un peu arriver après la bataille. Quand les maisons de disque s'étaient mises en tête que les chanteuses de jazz étaient grave sexy et qu'il fallait absolument en avoir une! Aucune prétendante a battu Diana Krall, restée au sommet mais on a vu apparaître toute une génération de minettes aux voix chaudes. Ce qui ne fut pas un drame non plus. Loin de là: pas mal de bons disques dans le lot!
Mais on a aussi vu le jazz glisser vers la pop. Norah Jones a commencé à faire un peu n'importe quoi et d'autres se sont un peu compromis dans des projets un peu branlants! Kat Edmonson est à un point d'équilibre qui fait plaisir à entendre.
Venue du Texas, cette menue blonde a une voix hors du temps et elle en joue justement pour se promener à travers les genres. Elle pourrait se produire dans un vieux cabaret enfumé comme dans une boite de jazz new yorkaise. Intelligente, ses compositions sont suaves, jazzy, lorgnent sur l'easy listening ou la pop. Certaines sont déjà prêtes pour être dans une bande originale. En bonne Américaine, Kat Edmonson est efficace.
Mais cela fonctionne à merveille. Les chansons s'enchaînent pour mettre en avant un charme indéniable, un peu différent des performances vocales du moment. On est drôlement bien accueilli. Elle joue sa propre comédie, mais Kat Edmonson a vraiment tout pour plaire
Sony- 2014