Platonov, Anton Tchekhov, collectif Les Possédés, Théâtre de la Colline

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Osez le drame ! Osez la durée (3h30) ! Osez les passions ! C'est avec intelligence et fougue que Les Possédés et Emmanuelle Devos s'emparent de Platonov, pour un authentique et émouvant moment de théâtre.

10 heures et 40 personnages: c'est le matériau brut qu'était Platonov dans sa première mouture. Tchekhov lui-même l'a élagué mais ne le verra jamais vu représenté de son vivant. Aujourd'hui encore, on considère cette pièce comme quasiment "in-montable".

Comme par le passé, le collectif "Les Possédés" a passé beaucoup de temps à la table; ils ont supprimé plusieurs personnages et des passages entiers de la pièce (dans la traduction de Françoise Morvan et André Markowicz). Cette pièce, c'est un monument, un risque, un foisonnement de registres et de situations, du rire aux larmes, de la comédie au drame. Ce qui fait sa difficulté est aussi ce qui la rend si excitante pour tout comédien et surtout pour un collectif; ici chacun trouve à jubiler en solo et tous ensemble.

  • L'époque / l'histoire

Quand on évoque une époque, on évoque nécessairement un temps où les vivants (où la majorité d'entre eux en tous cas) ne se voient pas comme ils sont. Le présent est toujours inqualifiable pour lui-même. Le miroir du temps n'existe pas ou plutôt n'existe que rétrospectivement. Est-ce-que c'est parce qu'il y dépeint ses contemporains que cette pièce de Tchekhov semble si foutraque ? Ou est-ce parce que c'est sa première pièce (il a 17 ans et est encore lycéen) ?

L'époque: la fin du 19ème siècle, dans un petite ville de campagne, en Russie. L'aristocratie est désargentée, les idées révolutionnaires infusent dans les esprits et émergent dans les débats. Mais la Révolution n'est pas encore là (Tchekhov meurt en 1905). Et dans cet entre-deux, les anciennes classes sociales se désagrègent.

Un été, la "Générale" (la veuve d'un Général) et son beau-fils reçoivent dans leur propriété des connaissances de tous les milieux: des amis bien sûr, mais aussi des usuriers. Il faut entretenir la concorde avec ses créanciers. Il faut faire confiance au vieil ami encore fortuné qui peut acheter la propriété pour éviter la vente aux enchères. Il faut garder sous son charme le bandit, le braconnier inquiétant, pour se protéger de sa violence. En un mot, il faut  être absolument hypocrite. Et faire la fête ensemble, pour s'échapper.

C'est ce dessein qui sous-tend Platonov, au-delà du destin d'un  homme (un noble devenu instituteur, dont on ne comprend pas bien pourquoi il attire les femmes...): le basculement d'une génération du pouvoir à la déchéance. On voit dès le premier acte des fractures dans le décor, par où les "nouveaux riches" s'immiscent dans un milieu qui n'est pas le leur, déplacés, incongrus, mais argentés.

  • La Satire / l'actualité

Des hommes et des femmes qui suivent leur penchant naturel, qui sentent la nécessité de changer mais n'y arrivent tout simplement pas: cette impuissance me fait penser à notre époque, où l'on ne peut plus ignorer la nécessité de changer notre mode de vie (mode de produire et de consommer) globalement et ce, non pas pour le luxe, mais pour notre survie. A notre époque, beaucoup de citoyens opèrent un changement que les politiques n'osent pas assumer ni encourager. C'est la même inertie dans les pièces de Tchekhov: les hommes sont des animaux  susceptibles et orgueilleux. Ils échafaudent des échappatoires, des fuites, mais aucun plan de bataille.

  • La jeunesse / une génération perdue?

Cette œuvre de jeunesse s'est longuement appelée "Ere sans père" ou "Être sans père", selon les traductions. On y voit un père abandonner ses valeurs traditionnelles (la bienséance, le respect d'autrui et particulièrement envers les femmes) et choisir une vie de jouissance; un autre père abandonner femme et enfant pour répondre à l'appel d'un billet doux; le seul enfant fidèle aux idées de son père (le fils du Général) est orphelin... et se voit tromper et abandonner par sa femme! C'est dire si le recours ou la foi dans les valeurs traditionnelles n'est d'aucun secours.

  • La liberté / l'élan vital

Platonov et les 3 femmes qui se le disputent sont tous emportés par leurs passions: on attire, on repousse violemment, on aime, on souffre, on tremble, on provoque l'amour et la mort dans un même élan, dans une même énergie qui ressemble à un vent de liberté. C'est un leurre. Donc cette pièce exprime joyeusement, frénétiquement, un désir de liberté, et donne à voir, finalement, un asservissement aux passions qui appauvrit et désespère les personnages.

Mais la liberté, c'est peut-être ici plus modeste qu'on l'imagine, un simple droit: celui de se tromper ?

  • La troupe

La troupe jubile et tremble. Rodolphe Dana est excessif juste comme il faut, du désir à la folie: "Jaime tout le monde!". Emmanuelle Devos assume un rôle à sa mesure de diva: sensuelle, enflammant les fantasmes des tous les autres personnages, coquine, complice, amoureuse. Tous osent l'extravagance et la fragilité.

 jusqu'au 11 février 2015
Cette création collective dirigée par Rodolphe Dana - Collectif Les Possédés, est à voir et à applaudir au Théâtre de la Colline, Paris 20ème.

Les Nouveaux Sauvages – 2e avis

Ce film à sketches à l’humour féroce, très original, fait un défouloir particulièrement efficace

Un petit détail a fait dérailler le cours de leur vie et ils ont quitté les oripeaux de la civilisation. Ce sont « les nouveaux sauvages », des personnes plus ou moins ordinaires qui, dans certaines situations de stress ou convaincus d’être victimes d’une injustice, perdent le contrôle de leurs pulsions et reviennent à un état sauvage.

Les occasions de décrocher sont variées : six sketches présentent six situations dans lesquelles des individus, hommes ou femmes, cèdent à leurs pulsions les plus bestiales : désir de domination (« El mas fuerte »), de vengeance, (« Pasternak », « Las ratas »), convoitise (« La propuesta »), tromperie, cruauté, luxure (« Hasta que la muerte nos separe »)…

A travers ces situations, délibérément outrées, ce sont aussi les pires travers de la nature humaine qui sont exhibés. Cependant, le réalisateur se garde bien de porter un jugement moral sur ces dérapages. Avec beaucoup de légèreté, il laisse les éléments dégénérer jusqu’au point de rupture et semble s’amuser de voir la sauvagerie impunie l’emporter sur la civilisation. C’est donc une véritable catharsis qu’il nous offre, un défouloir pour nos propres pulsions.

Dans ces six sketches, de vingt minutes chacun environ, rien de trop : savamment construits, comme le seraient des nouvelles, ils comprennent une ouverture, un développement et une chute souvent grinçante, parfaitement maîtrisées. Tous très différents, leurs tonalités vont de la farce (« Pasternak ») au pseudo-tragique (« La Propuesta ») et ils suscitent en nous des émotions diverses,de la jubilation (« Bombita ») à l’écœurement (« El mas fuerte »). Ecœurement devant cette sauvagerie qui devient parfois sanguinaire : âmes sensibles, s’abstenir… Il faut être réceptif à l’humour noir et au second degré, également suggéré par une musique décalée, plutôt euphorisante, pour apprécier la violence de ces petites comédies.

A côté d’une situation extravagante (« Pasternak ») ou d’un scénario un peu éculé (la comédie de mariage qui tourne au carnage dans « Hasta que la muerte nos separe »), les sketches « El mas fuerte » et « Bombita » sont particulièrement bien vus car ils partent de faits banals du quotidien dans lesquels on peut facilement se reconnaître – les machos en voiture ou les tracasseries administratives – et poussent les réactions des protagonistes de manière extrême, jusqu’à l’absurde.

Ces « contes sauvages » (traduction littérale du titre original « Relatos Salvajes »), purement imaginaires, sont finalement une sorte de jeu ou d’expérimentation cinématographique pour le plaisir de la transgression.

Avec Ricardo Darin, Oscar Martinez, Leonard Sbaraglia - Warner Bros - 14 janvier 2015, 2h02

Not A Minute Too Late

Pas une minute à perdre, vous devez découvrir cette artiste !

Effectivement ce titre d’album souligne l’envie carnassière de la chanteuse Yana Bibb d’embrasser le jazz et son souffle voluptueux. En quelques minutes elle vous envoute et vous tomberait sous le charme de cette nouvelle chanteuse qui connait assez bien la maison !

En effet, Yana Bibb est la fille d’Eric Bibb et la petite fille de Leon Bibb. Ce dernier est un chanteur américain des années 60 70, très connu dans le showbiz de l’époque. Son fils Eric est devenu un bluesman reconnu en Europe.

La fille d’Eric veut donc continuer cette tradition musicale mais s’échappe vers le jazz sensible et vénéneux. Franchement il est impossible de résister à son charme. La voix est calme mais sûre. Le papa donne des conseils dans l’écriture.

Les chansons sont douces mais jamais faciles. Il n’y a rien de transcendant dans ce premier album mais on est attiré par le timbre, entre soul, jazz et folk. Yana Bibb a l’art de regarder derrière elle sans être rétrograde ou carrément réactionnaire.

Ses mélodies ne font pas datées. Les reprises ne sont pas des tours de force. Yana Bibb ne perd pas de temps pour se faire plaisir et le partager avec nous. Son disque est nuancé, intelligent, brillant. Bref, le talent est inné chez les Bibb !

Dixiefrog - 2014

Je suis Charlie mais du coup c’est le bordel !

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Bien sûr nous aurions préféré, tous, ou presque (n’est-ce pas les empaffés de JesuisKouaffi ou autres êtres de bas étages au cervelet putride visqueux et de travers) que cela n’arrive pas mais oui, relayé par toute les télés du monde, le peuple français est descendu dans la rue pour faire corps et face à la haine après l’acte barbare généré à l’encontre de la rédaction de Charlie Hebdo, à l’encontre d’une jeune policière innocente et à l’encontre des 4 personnes venues simplement faire quelques courses un jour de shabbat.

Depuis la semaine dernière, les éditions spéciales s’enchainent, de télé en télé, de radio en radio, de presse en presse, pas mal de douleurs et assez peu de compresses mais 3 mots de ralliements « Je suis Charlie ».

Oui mais voilà, du « Je suis Charlie », nous sommes passés petit à petit à l’explication des sous-couches que cela comporté. Si nous faisons simple et direct, derrière le « Je suis Charlie » il est désormais unanimement ou presque (n’est-ce pas les connards de Jesuiscoulabaly ou autres tarés de sous sol au cerveau détraqué et fanatique) avéré que nous sommes « Juifs, catho, musulmans, bouddhistes, noirs, beurres, blancs, jaunes, franc-maçon, de gauche, de droite, de biais, du centre, policiers, dessinateurs, photographes, écrivains, gays, hétéros, bi, trans et libres penseurs »…et j’en passe, en résumé de tout bord, de tout poil, nous ne sommes qu’un, uni, par les liens du mariage de tout ce fabuleux mélange !

Sur le papier ou dans les manifs, c’est tentant, c’est fort, mais au quotidien, à appliquer, bah oui, c’est le bordel !

J’en veux pour exemple, ma gueule. Sur l’ensemble des critères précités, j’avoue avoir dans mon être intérieur déjà quelques cordes à mon arc, je fais de la photo, je suis hétéro, j’avoue plancher en loge, j’écris (preuve en est vous me lisez) et religieusement parlant ma tendance agnostique n’est même plus une tendance mais un fait et ce depuis mon premier jour sur cette putain de planète.

Pas bégueule, comme je suis désormais Charlie, sans Lulu et encore moins Oleg, je dois donc désormais mixer toutes mes religions et tendances politiques dans ma nouvelle vie.

Mais alors question simple, je mange quoi moi comme je suis Charlie !?

D’un point de vue alimentaire, y’a pas à dire, ça restreint quand même méchamment le champ des possibles ! Depuis mon plus jeune âge, je n’ai jamais craché sur une assiette du dimanche soir de coquillettes au jambon…bah de fait, là c’est cramé, jambon=cochonnaille, j’suis charlie donc musulman, donc pas de cochonnaille, donc pas de coquillettes au jambon et si je peux garder mes coquillettes dans l’assiette encore faut-il que je m’assure qu’elles aient bien été égorgées selon le rite de Dhabiha (c’est un rite, pas une chanson du groupe Alliage dans les années 90..Dhabiha te quiero amor, souvenir me ramène ENCORRREEEEE laalalalalalaalala). Et j’le sais où moi d’où elles viennent mes coquillettes et comment elles ont été élevées bordel !

Il ne faut pas non plus que j’oublie de manger Kasher , dixit la Thora (NOONNNNN !!! La Thora n’est une des sœurs Jackson !!! vous le faites exprès là !) Là j’peux manger de la viande mais elle doit émaner d’animaux purs !!! Oula, ça veut dire quoi ? Z’ont jamais mis de coup de kekette à autrui, c’était douche obligatoire tous les matins ? Du coup, j me suis renseigné sur les fruits et légumes…j’pensais être peinard ! Bah tiens, quetchi ! Faut que mes légumes soient rincés à l’eau pure, pas de fruit qui a moins de 3 ans (c’est marqué dessus ?!???) et qui ne contient pas de larves…bon, ça, j’suis pas con, j’en aurai pas bouffé.

Le vendredi soir, car je suis catho du coup aussi, j’aurai bien fait un filet de merlu, sans crème ni sauce, c’est carême (Mais non pas Cherill !!! Vous êtes lourds avec vos références de chanteuses ringardes) ! Mais en plein ramadan et si mon merlu est pas pur de par le fait qu’il se soit tapé toutes les merlus femelles de son collège quand il était jeune, bah j’suis marron, donc Pizza ! Bah non, elle est pas Kasher puis y’a du jambon ! Oh mais merde !!!

Bon, hormis la bouffe, j’vous explique pas l’emploi du temps que je me tape et le blé que ça me coûte ! Entre mes heures à la mosquée, mes dimanche matin à l’église, mon séjour à la Mecque, mon crochet par Jérusalem, mes détours à la Synagogue, mon budget kipa, mon budget chapelet, mon abonnement à « Coran Magazine Junior », inviter la famille pour mon baptême, mes potes à ma bar mitzvah, mes nuits sans sommeil avec Laylat al-Qadr, sans oublier que du coup comme je suis PS-UMP-UDI-MODEM-FRONT de GAUCHE-EEVL, j’ai toutes les cartes des partis et à l’approche des élections départementales je me dois de soutenir tous les meetings de tous bords confondus, bah oui, vous l’aurez compris, j’ai pas un soir de libre non de dla (oui je ne dis plus nom de dieu du coup, j’ai trop peur de me prendre un pruneau par un fanatique d’une de mes 8 religions ou partis) !!!

Bref, j’suis content d’être Charlie, j’vais continuer de l’être, mais on aurait pu y réfléchir avant car pas mal de charlie de dimanche dernier pourraient, à terme, revenir en arrière vu ce que ça implique !

En vous remerciant mes frères et sœurs Charlie !

Amen, Shalom, Salam aleykoum et puis tout ça,

La Réserve

Ce roman de Russell Banks est une histoire d’amour et de mort, où le mensonge et la folie ont une part importante. Banks en profite pour nous rappeler que les sociétés sont structurées sur l’inégalité. Est-ce démodé ?

La scène inaugurale de La réserve se situe dans un lieu sauvage et préservé des Adirondacks où quelques personnes riches et célèbres ont consitué une "réserve" dans laquelle les gens du coin sont à leur service domestique.

Dans ce lieu paradisiaque, ils se retrouvent le jour de la fête nationale. Les Cole donnnent une réception. Leur fille Vanessa s’est éclipsée dans le jardin et c’est là qu’elle voit l’avion personnel de Jordan Groves se poser.

Jordan Groves est un peintre, renommé autant pour ses toiles que pour ses récits de voyage et pour ses sympathies avec l’idéologie Marxiste. La rencontre entre cet homme-là et Vanessa Cole, fille de bonne famille dévoyée et bordeline, va avoir des retombées qui vont irriguer le dernier roman de Russell Banks.

L’histoire d’amour qui va se jouer entre eux, va mettre plus de trois cent pages à aboutir et elle n’est pas l’enjeu premier de l’écrivain. Ou plutôt ce roman décrit magnifiquement comment une histoire amoureuse, même inaboutie, entraine dans son sillage les proches dans un procesus de destruction.

Banks arrive à un âge respectable, pose son écriture, lui donne une patine classique. Il inclut l’être humain dans la nature et prend autant de temps à décrire la luxuriance des arbres ou des lacs qu’un mouvement de l’âme, une analyse psychologique poussée.

A vrai dire, ce n’est peut-être pas ce que Banks narre qui est fascinant (quoique…), mais la narration elle-même. Il nous emporte sur un fleuve tantôt majestueux, tantôt tumultueux.

Et puis l’on retrouve dans ce roman, de manière assez forte, la famille vécue comme un carcan et comme un nid de mensonges.

Dans de courts passages qui alternent avec le récit principal, l’auteur nous montre Jordan ou Vanessa après que leur histoire ait eu lieu. Il nous fait sentir combien les parcours individuels cotoient l’Histoire et combien parfois, ils peuvent s’y perdre.

En lisant La réserve, on comprend qu’un bon - un grand - écrivain, c’est avant tout une main tendue qui attrape la vôtre et ne la lache plus, et qui fait passer son point de vue autant en contrebande qu’avec des mots et des phrases.

 

Trauma

La petite Béatrice Martin aime bien les gros poilus du rock qui ont tout fait et tout vu. Elle rend pourtant un hommage un peu mou !

On n’en doutait pas une minute : Cœur de Pirate a bon goût. Avec sa tronche de midinette un peu trash (ho les gros tatouages), la Canadienne a rencontré le succès avec des chansons simples mais singulières, un peu loin du lissage commercial.

Francophone, elle a malgré tout une solide culture américaine ce qui a peut être provoqué cette différence plutôt agréable. Pour son album de feignasse, euh de reprises (pardon, ce n’est pas vrai ses titres ont servi pour la BO d’une série canadienne), elle convoque donc des noms prestigieux comme les Stones, Lee Hazlewood ou Bill Withers. Pas mal.

Femme de son époque, elle est aussi branchée sur les stars ombrageuses qui hantent le rock. La blondinette se veut farouche. Elle reprend Amy Winehouse et Pete Doherty, deux joyeux drilles de la descente aux enfers.

Mais tout cela reste étrangement sage. Ca devrait dépoter. L’âme damnée du rock’n’roll aurait dû s’installer dans cet album à la pochette mortuaire. Elle aime les monstres sacrés, un peu toxiques, qui abordaient le rock d’une manière radicale. Sa nostalgie, qui fait son charme, ramollit un peu les reprises, finalement trop apaisées par sa voix si douce. Elle choisit le dépouillement pour célébrer ses idoles mais cela finit par un peu ennuyer. Une certaine saveur un peu crade finit par manquer. Reste le charme de l’interprète…

Barclay - 2014

Souvenirs de Marnie

De l'émotion et des sentiments... Les studios Ghibli redeviennent fréquentables.

Car les ardents défenseurs de Hayao Miyazaki sont devenus aveugles: les dernières productions étaient profondément soporifiques à force de soigner les ambiances et les personnages. Les récits n'avaient plus grand chose de dramaturgique. La beauté était là pour cacher des faiblesses de plus en plus inexcusables. Surtout quand on connaît le niveau du studio et de ses chefs d'oeuvre comme Porco Rosso ou Princesse Mononoke, l'univers de Miyazaki ne faisait plus rêver.

Souvenirs de Marnie arriverait ainsi à la fin du studio. Crise de foi ou de confiance? Les créateurs se demandent si ca vaut le coup de continuer. Souvenirs de Marnie porte peut être les dernières volontés du studio Ghibli et ses artistes qui ont littéralement renversé notre conception du film d'animation.

En apparence le film serait plutôt tourner vers les petites filles et leurs angoisses existentielles. Dans la production actuelle, le film surprend: il parle d'une amitié étrange entre deux jeunes filles qui supportent mal leur solitude. Avec un peu de sarcasme, on pourrait se demander s'il ne s'agit pas d'une version sage, animée et niaise de La Vie d'Adèle.

Plus d'une fois, l'ambiguïté s'invite dans la rencontre entre une petite fille asthmatique venue de la grande ville sur une petite cité balnéaire et une petite blonde délaissée par ses proches. Entre les deux, la liaison est bien curieuse. Heureusement la fin remet tout en place et nous sommes bien dans le romantisme très apaisé du studio Ghibli.

En effet le réalisateur Hiromasa Yonebayashi fait taire toute forme de cynisme. Il profite de la marque de fabrique du studio: une célébration de la nature constante, une musique lyrique, une féminisation de l'émotion et une discrète pointe de fantastique... Le film est un concentré de Ghibli. Le film refuse les grands effets, les raccourcis larmoyants et les facilités narratives.

Moins éthéré que les précédents films, plus contemporain, à la poésie mélancolique et au plaisir évident dans chaque plan, Souvenirs de Marnie est un vrai délice. Un retour aux sources inspiré d'un livre britannique mais dépaysant en diable car conté avec le savoir faire si agréable du studio. Le studio va peut être fermé mais ce film ressemblerait presque à une résurrection.

Walt Disney - 14 janvier 2015 - 1h43

Le Revizor, Gogol, Lucernaire

revizor

Une adaptation fine et réussie de la délicieuse satire de Gogol

Quand Anton Antonovitch, gouverneur corrompu d’une province de la Russie centrale, apprend d’un de ses amis résidant à Saint-Pétersbourg, qu’un haut fonctionnaire du Gouvernement a été envoyé inspecter sa province « incognito » et « avec des instructions secrètes », son sang se glace, l’émoi est total. Que faire des trop nombreux malades se mourant dans les lits miteux de ses hôpitaux crasseux? de l’état lamentable de la voirie ? de la saleté de la ville ? des chantiers payés par le Gouvernement qui n’ont jamais vus le jour ? de l’haleine putride du juge alcoolique et de la cravache qui trône dans la grande salle du tribunal? Car, comme le décor l’incarne simplement (trop?) mais efficacement, tout va à vau-l’eau dans cette province. Que ce soit dans le bureau du Gouverneur, son appartement ou l’auberge de la ville : tout périclite. Ni les meubles ni même la fenêtre ne tiennent plus droit mais aucun habitant ne semble s’en inquiéter, habitués depuis trop longtemps aux détournements à la corruption.

Les comédiens du collectif Voix de Plume (VdP) sont excellents dans les rôles des provinciaux hébétés à l’annonce de la nouvelle, et benêts ensuite devant celui qu’ils pensent être le Revizor, maladroits à point, avec des soupçons de grossièreté et de naïveté qui les rendent touchants et comiques. Jean-Benoît Terral est particulièrement savoureux dans le rôle du Gouverneur qui, malgré tous les éléments l’accablant, tenter de passer pour un ascète. Face à lui, Ronan Rivière (le Révizor) impressionne par son interprétation audacieuse de l’affabulateur perfide et sans scrupule profitant de l’incroyable méprise. Seul immuable, sur le côté de la scène, le pianiste (Léon Bailly) accompagne subtilement l’intrigue. Un ensemble épatant.

Jusqu’au 25 janvier 2015
Mise en scène de Ronan Rivière et Aymeline Alix
Réduction de Roland Rivière d'après la traduction de Prosper Mérimée

Les Vieux Fourneaux

Les vieux ont encore de la ressource! La preuve avec ce succès en librairie qui devraient faire sourire tous les retraités de l'hexagone!

Car Pierrot, Mimile et Antoine ne sont pas vraiment de vieux grabataires qui bavent et qui s'oublient. Loin de là. Ces trois là sont bien vivants et nous font sentir vivants aussi. On reconnaît assez facilement la fibre humaniste du scénariste Lupano.

Ces trois là, ils pourraient être les héros vieillissants de comédies d'Yves Robert ou des joyeux paillards du Quatrième Age échappés d'un film de Joel Seria. Ils célèbrent l'amitié autour d'une anarchie gentillette et une idée bien précise du jemenfoutisme.

Pour eux, le bonheur se trouve dans les petits plaisirs même s'ils se cachent derrière de grands idéaux du monde ouvrier. Ils sont les vestiges d'une autre époque. Mais il ne faut les enterrer trop vite. C'est ce qu'explique cette bande dessinée, bien "française" dans le bon sens du terme.

Le trio d'amis vont donc d'abord tenter une virée en Toscane pour empêcher un crime passionnel et dans un second tome, ils soutiennent le militantisme plus ou moins agressif. L'envie de faire chier le monde est irrépressible chez ces gais lurons. Des empêcheurs de tourner en rond. Des râleurs. Mais aussi des poètes et des amoureux de la vie.

Immédiatement, grâce aux dessins chauds de Cauuet, on se sent bien avec eux et on n'aime pas arriver à la dernière page. Il n'y a pas de mélancolie. Ils font preuve d'une belle vitalité. Ils nous réconcilient presque avec les dérives en tout genre de notre temps. Les papys font de la résistance et c'est tant mieux!

2 tomes - Dargaud

Les Nouveaux Sauvages

Affreux, bêtes et méchants, les hommes sont capables du pire. Petits sketchs pour désespérer de tous et de tout. Est ce bien le moment?

Depuis une semaine, l'actualité nous le rappelle: les hommes sont des crétins et en plus, ils sont violents! Ce n'est pas du tout un truc typiquement français: en Argentine, on a aussi toutes les chances de voir la société craquer dans une dépression défaitiste et des actions désespérées.

De l'autre coté de la planète, le moral n'est pas vraiment au beau fixe. Depuis une crise financière au début des années 2000, les Gauchos de tout bord doivent avaler des couleuvres et supporter des inégalités de plus en plus insupportables.

La corruption, l'insécurité, la guerre des sexes ou des classes sociales, cela donne un cocktail explosif qu'exploite le réalisateur Damian Szifron dans une demi douzaine de sketchs d'une cruauté poussée à l'extrême. Produit par Almodovar, Les Nouveaux Sauvages est une vaste farce, grotesque et réjouissante de temps en temps.

C'est du burlesque exacerbé sauf que le réalisateur ne cherche pas vraiment d'équilibre: il s'inspire de la comédie sociale mais aussi du western et de ses cousins espagnols: Le Crime Farpait semble être l'influence majeure du film. Mais il maîtrise moins bien l'ironie mordante et la radicalité de la mise en scène.

C'est un peu provocant mais pas assez. C'est tout de même un gros studio qui distribue. Pas de révolution en route. Juste un coup de folie inégal, à cause de son format. Les premiers sketchs sont désopilants. Mais l'énergie se perd en route et l'aspect démonstratif du sketch devient franchement envahissant sur les deux derniers coups de sang qui démontrent à tout prix nos lâchetés sanguinaires et la misère humaine.

Le film fait dans l'esbroufe. Cela marche dans un premier temps avant de perdre de sa consistance, de son aspect iconoclaste. Il faut dire que cela commence très fort avec un avion en folie, une vengeance sociale au fin fond d'un vieux restaurant et un duel en voiture dans la pampa!

Le portrait de la société argentine est exagéré mais il finit aussi par fatiguer. C'est dommage car l'ambition est là. Il n'y a rien de nouveau dans ce film. Rien de sauvage non plus.

Avec Ricardo Darin, Oscar Martinez, Erica Rivas, Rita Cortese - Warner Bros - 14 janvier 2015 - 2h02

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