A Most Violent Year

Un bon film noir américain pour les amateurs, qui privilégie l’esthétique et la psychologie à un véritable suspense

1981, année particulièrement violente à New York, un immigré mexicain qui s’est enrichi dans le commerce très convoité du pétrole, s’efforce de conserver sa place face à des concurrents corrompus.

Abel Morales, l’homme qui s’est promis de réussir sans renoncer à sa moralité – un pari presque impossible à tenir dans un business sans foi ni loi, dans une ville débordée par la criminalité – poursuit avec pugnacité pendant deux heures le fameux rêve américain. Si près d’y parvenir, il refuse de tout perdre : l’empire qu’il a commencé à bâtir, mais aussi la belle maison moderne où il vient d’emménager avec sa famille, où sa très jolie femme invite tout le voisinage pour l’anniversaire de sa fille.

En dehors de quelques moments où il savoure sa réussite, l’ambiance est d’emblée sombre et tendue ; on ressent la tension nerveuse d’Abel qui, tel un athlète au moral d’acier, lutte jour et nuit pour garder à flot son activité – la livraison de pétrole par camion, menacée par de mystérieux agresseurs – sans céder à la tentation de la violence.

J.C. Chandor, jeune cinéaste déjà remarqué pour le thriller financier Margin call en 2011, signe là un film de genre – il se réfère au film noir américain des années 1980-1990 – magistralement mis en scène et interprété. C’est donc un plaisir pour les cinéphiles qui en reconnaîtront les codes : les tractations avec la clique des patrons du pétrole, tous plus ou moins véreux, la femme du businessman, Jessica Chastain, fille d’un truand notoire, un brin vulgaire avec ses fringues de luxe et ses ongles peints, la ville grise, ses terrains vagues et ses bâtiments d’usines désaffectés, les courses-poursuites en voiture ou dans le métro crasseux…

Il ne s’agit pas cependant d’une simple imitation : dans ce film, pas de véritable méchant ou de parrain à affronter, pas de meurtre ou de bagarre spectaculaire, mais une violence urbaine banale dont les auteurs ne sont pas vraiment identifiés. Le réalisateur semble s’amuser à déjouer nos attentes après nous avoir menés sur des pistes qui semblaient connues.

Il faut donc chercher l’intérêt du film ailleurs que dans le suspense et les méandres d’un scénario machiavélique : dans la psychologie des personnages – les époux Morales, dont les caractères se révèlent peu à peu face à l’adversité, les motivations troubles du procureur qui leur intente un procès, la relation presque paternelle entre Abel et son jeune chauffeur mexicain, qui admire et envie son ascension – dans la beauté épurée des plans de New York enneigée, baignée dans une lumière froide ou offerte de nuit à la contemplation d’Abel qui y place toutes ses ambitions, dans la beauté aussi des scènes d’intérieur, souvent plongées dans l’obscurité.

Seuls bémols dans ce sans-faute : quelques longueurs, peut-être, et un Abel Morales un peu agaçant à force de belles formules moralisatrices.A moins que, par cette insistance délibérée, Chandor ne se moque des louables intentions de son personnage

Avec Oscar Isaac, Jessica Chastain, Albert Brooks et David Oyelowo - Studio Canal - 31 décembre 2014 - 2h05

Discours à la nation – Ascanio Celestini – Théâtre du Rond-Point

discours 2

L’art du rire de résistance

Quelques caisses de bois en fond de scène, une guitare, un globe terrestre lumineux, un comédien, un musicien et une pièce composée de textes très habilement écrits. Discours à la Nation d’Ascanio Celestini est un texte pamphlétaire sur notre société moderne et les régimes sociaux-démocrates. Les mots ne pourraient être que pamphlétaires, ils sont de surcroît littéraires. Avec une plume intelligente, ironique, l’auteur italien nous entraîne dans des paraboles saisissantes pour dénoncer les travers de chacun.

La technique, digne d’un Ron Mueck ou d’un Jeff Koons, est d’une redoutable efficacité et amuse. En procédant à un changement d’échelle –l’auteur choisit d’incarner et de grossir à l’extrême la mauvaise conscience- l’ensemble des faits décrits par le conteur produit sur le spectateur un effet de miroir déconcertant. Les horreurs extrêmes, grotesques et cyniques prononcées par le conteur renvoient directement à nos petites lâchetés quotidiennes, nos pensées inavouées. Pire, elles renvoient à de nombreuses réalités médiatiques actuelles.

L’homme au parapluie et Camarades sont des philo-fables qui devraient être enseignées dans toutes les écoles de France pour montrer ce que ne devrait pas être l’économie. Dans la droite ligne de Dario Fo et de ses textes critiques sur l’absurdité de nos sociétés occidentales, Ascanio Celestini fustige l’inaction et l’endormissement consenti de nos sociétés démocratiques individualistes en perte d’idéaux et de combats utopiques collectifs. « Le monde ne change pas, c’est juste ta place dans le monde qui change ». La solidarité économique sonne faux, la lutte des classes n’a plus de nom.

Le texte agit comme un habile électrochoc comique qui égratigne. Un brin anarchiste, un brin caricatural et transgressif. L’objectif théâtral d’éveil des consciences est atteint. Un très jolie liberté d'expression à découvrir. « Et si un jour les Martiens atterrissent, espérons qu’ils seront plus sérieux et plus fâchés que vous. Espérons qu’eux, ils la feront, votre utopique et magnifique révolution. Celle dont vous ne réussissez même plus à rêver. »

 

http://www.theatredurondpoint.fr/

6 janvier – 1er février 2015, 21h
dimanche, 15h30, relâche les lundis
plein tarif salle Roland Topor 28 euros
tarifs réduits : groupe (8 personnes minimum) 21 euros / plus de 60 ans 26 euros
demandeurs d’emploi 18 euros  / moins de 30 ans 15 euros  / carte imagine R 11 euros
réservations 01 44 95 98 21

Confusa

Confusa, le disque du lendemain de fête. Quelques euros pour voyager loin et en toute tranquillité.

Voilà le genre de disque qui vous remet doucement en forme après les repas trop gras de fin d'année, les bonnes résolutions qui vous ne respecteraient jamais et les excès qui font la magie de Noël. En quelques notes, avec un dépouillement total, le groupe Klonk vous offre une digestion légère, facile et délicate.

Vos soucis s'en iront aussi tellement les musiciens font attention à l'harmonie. Ce sont des artistes allemands qui ont gagné un concours et le droit d'enregistrer leur disque dans un prestigieux studio de Cologne: ils ont faim de bien faire et se lancent vite dans des accords qui les passionnent.

On entend parfois des guitares dissonantes mais la force du collectif fascine et repose. Bien entendu il y a quelques expérimentations qui devraient troubler la plénitude mais le guitariste Andreas Volk et ses trois amis n'oublient pas qu'ils sont écoutés et qu'il s'agit de leur premier et peut être unique effort.

Il y a donc de la vitalité sur chacun des morceaux. Les petits jeunes veulent en découdre et prouver leur fraîcheur tout autant que leur virtuosité. C'est un album plein de surprises, qui jouent habilement entre le classicisme et les expériences. Il y a de la jeunesse et du sérieux. Il y a du respect et de l'ambition.

Ils ont bien raison de tout confondre. Leur disque permet une belle élévation, une étonnante contemplation du jazz, la vie, l'amour et les emmerdes. Un disque qui vous emmène loin!

Meta records - 2014

Punk Rock & Mobil Homes

Après Mon ami Dahmer, Derf Backderf confirme qu'il est un très grand dessinateur indépendant, américain, soucieux de défendre la contre culture et la douce anarchie. En période d'intolérance et de violence, cela rassure!

Otto Pizcok, alias Le Baron, est un marginal. C'est un grand costaud qui n'a pas vraiment sa place dans le lycée. Les sportifs l'humilient et il est incapable de se comporter normalement. Mais c'est justement sa singularité qui va faire de lui un héros hors catégorie, entre révolte et fin d'adolescence.

Avec l'aide de deux amis, Otto va découvrir le rock et le punk. Nous sommes au début des années 80 et Otto ne sait pas qu'un trésor se cache dans sa vie un peu pourri, entre son mobil home, sa voiture fantasque et son évidente solitude et la médiocrité qui lui pend au nez: The Bank.

Un temple de la musique. Le jeune homme croise d'abord Klaus Nomi puis les Ramones et beaucoup d'autres figures du sacré et putain de rock'n'roll. Parce qu'il est bizarre, Otto devient une figure de The Bank. La musique va changer sa vie.

Comme dans sa précédente bande dessinée, l'anguleux Derf Backderf observe le petit peuple, l'adolescence cruelle et fragile, l'angoisse existentielle qui peut terrasser des existences. Entre Larry Clark et Robert Crumb, Derf Backderf est un fin scrutateur de l'Amérique pauvre, blanche et un peu réac. Le dessin en noir et blanc est drôle, inhabituel et iconique. Otto impressionne par son charisme naissant et sa loufoquerie plus ou moins candide.

La bédé célèbre la passion face à la petitesse, spécialité américaine selon l'auteur. Il dépeint avec un humour ravageur la sauvagerie et la révolte du rock'n'roll à l'aube des années Reagan. Il retrouve parfaitement l'esprit punk et nous fait sentir les émotions, les vibrations et même les notes agressives de musique.

Son récit s'articule sur des anecdotes et des faits d'armes souvent hilarants. C'est aussi touchant, une célébration pétaradante de la différence et une vision rugueuse de la vie adolescente. En deux bédés, Derf Backderf pourrait devenir un grand nom de la bande dessinée.

Ca&La - 154 pages

Le clochard stellaire, Manufacture des Abbesses

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Comme il se fait rare d’écouter de la poésie en plein Paris. Pablo Neruda, René Char, Aragon ou Alain Leprest se trouvent ici réunis par la gouaille d’un clochard solitaire. Allez voir !

C’est l’histoire d’un poète passé sur l’autre rive de la vie. C’est l’histoire d’un homme qui se pensait maudit de Dieu et qui se découvre son préféré. C’est le dialogue d’un solitaire bouleversé dans l’au-delà par un message d’espoir.

Cet être rustre et si délicat à la fois nous parle de nos lumières et de nos ombres, de nos courages comme de nos peurs. Il interroge le libre arbitre, la confiance en Dieu, la complexité de notre être. Sa grandeur autant que sa misère.

Clochard stellaire entrelace les poèmes de Pablo Neruda ou de Louis Aragon avec ceux de Georges de Cagliari, l’auteur de la pièce. Chaque poème parle différemment au spectateur, il le rejoint dans son humanité.

Loin d’être une simple lecture, la pièce est interprétée avec sincérité par Pierre Margot. Même s’il nous perd un peu parfois dans des envolées ésotériques ou métaphysiques et une voix de Dieu digne de Dark Vador, son charisme et sa diction capte notre attention. Et toutes nos émotions.

Par ce voyage en mots, l’auteur nous invite à accueillir le poète qui sommeille en nous. A tisser des liens d’amitié avec cet « ennemi du monde ordinaire, qui devient le gardien de notre seul vrai bien : la beauté. »

Jusqu'au 28 février 2015

La Manufacture des Abbesses

http://leclochardstellaire.fr/

7 rue Véron, 75018 Paris - 01 42 33 42 03

D’un 07 janvier 2015

charlie esteban

07 janvier 2015, 16:29.

De mon bureau j'aperçois une grande roue, des enfants à vélo, un coin de soleil orangé bleuté, un paysage calme d'un jour de janvier, un peu froid, je pense à mes enfants, me demande ce qu'ils font...pensées furtives...

Je n'ai pas déjeuné ce midi, trop "pris" par des trucs du quotidien, par des emmerdes de mec dans son truc, sa chemise clean, les chaussures cirées, observateur juste là quelques instants d’un moment de vie d’un jour quelconque, d’un jour comme tant d’autres auquel on ne prêtera plus attention dans quelques années, voire dans quelques jours.

16 :31, j’ai envie d'une clope, je n’ai pas relevé la tête, je n'avais pas vu, pas lu, pas entendu, et pourtant.

16 :32 Je prends mon téléphone je vois des "Je suis Charlie", m'interroge, ne comprends pas, regarde alors le feed de mes pages Instagram et Facebook, mets l’appli d’I-TV pour comprendre…et je comprends…que ce jour ne sera pas banal…

16 :33 Je glisse un peu, coule, une vague de nausée, de peur, de gris, je me demande si ce n'est qu'un début, m'inquiète lourdement, me glace, repense alors à mes enfants, à mes neveux, aux enfants de France, aux familles, de Charb de Cabu, d’Ahmed, simple flic, mort, pour la France ? Pour la liberté de pensées, la liberté d’expression, notre liberté, votre liberté.

17:02, il fait vraiment très froid. Je n’ai plus l’envie de bosser, plus l’envie de grand-chose, sauf de me battre, de gueuler peut-être, de diffuser humblement une photo, un texte, un cri, des larmes là où je peux.

17 :27, je rejoins une grande place blanche où sont jonchées des carcasses de cabanes de Noël en démontage, je rejoins une petite foule qui deviendra de plus en plus en plus grande au fil des heures.

Tard, après avoir passé la soirée devant les témoignages et les images en boucle sur toutes les chaînes infos, je tente de m’endormir, me dit que la connerie humaine, l'arrogance infâme des êtres petits recroquevillés sur leur fanatisme, leur fausse croyance, leur jeu de vies infâmes et le cerveau nourri de préceptes avides de sang et d'intolérance se résument en 1 phrase "On a vengé le prophète Mohammed, on a tué Charlie Hebdo"...pauvres connards, pauvres idéaux d'un autre temps...comment ont-ils pu ?

Ce soir, aujourd’hui, demain et après-demain, la France s’appellera désormais Charlie.

Je Suis Charlie

Cabu aimait le jazz.Comme personne. Il aimait ces fous chantants qui virevoltaient entre tous les instruments de musique. Cab Calloway était son idole. Il explorait et illustrait les premiers temps du jazz, celui du big band, cette réunion d'artistes qui ne voulaient que (se) faire plaisir.

Wolinski aimait lui les femmes. Il a passé sa vie à les dessiner. Elles ont inspiré des albums entiers. Elles sont à la source de très mauvaises blagues et de jolis dessins à la poésie naïve. Wolinski, à 80 ans, était un gentil anarchiste, capable de dessiner pour Hara Kiri ou Paris Match. Sage, son irrévérence a subsisté à tous les journaux et toutes les époques.

Tignous aimait la provocation. Il détestait la haine et les bassesses. Il se moquait de tout pour mieux dénoncer les petites horreurs quotidiennes, nos sales lâchetés. Son ton était satirique parfois acerbe. Il était un peu le rocker de la bande de Charlie Hebdo

Charb était le jeune punk. Le convaincu. Pour lui, la grossièreté n'était pas dans l'attitude mais dans les sombres pensées et les silences coupables. Il a toujours brandi un humour graveleux pour dire tout haut ce que l'on pense tout bas. Il poussait les limites du mauvais goût. Ses bédés sont libres et incarnent l'esprit punk qui représente aussi notre esprit franchouillard et farouche.

Honoré aimait enfermer ses illustrations dans des cases. Dessinateur pour de nombreux journaux, il avait pourtant une ouverture d'esprit incroyable. Son indignation et son sens du dessin ont nourri une efficacité incroyable. En un seul dessin, il pouvait tout dire. Nous faire ressentir.

Bernard Maris aimait la littérature. C'est un économiste rigoureux qui se voulait drôle. Qui savait jouer avec les mots et faire sourire avec les problèmes économiques, les égos des industriels et la chute du baril de pétrole. Bernard Maris ressemblait à l'oncle qui sait tout mais qui ne la ramène pas. Qui préfère le rire à la morale et l'austérité.

Le correcteur Mustapha Ourad, la psychanalyste Elsa Cayat, le journaliste Michel Renaud mais aussi les employés et les policiers assassinés aimaient certainement des livres, des films ou des musiciens. Ils avaient des passions, des envies et des valeurs.

Aujourd'hui on n'arrive pas à rire. Des joyeux drilles sont assassinés. On pensait être les seuls à pouvoir lier le mot "culture" et "etat critique". On s'est trompé. Notre meilleur arme contre l'obscurantisme: continuer à défendre la culture, nos passions et nos déceptions. La culture, c'est une manière de refuser l'intolérance et la violence!

Carmen, Dada Masilo, Théâtre du Rond Point

carmen

Une émouvante et fougueuse version de "Carmen", chorégraphiée et interprétée par Dada Masilo, en ce moment au Théâtre du Rond-Point. Quelle énergie! Un spectacle qui nous subjugue! Et pourtant, c'est avec prudence et étonnement que les 16 danseurs saluent et accueillent les applaudissements enthousiastes du public réuni au Théâtre du Rond-Point.

De Carmen, Dada Masilo dit: "Elle est tellement méchante. Elle est tout ce que maman vous dit de ne pas être." De quoi nourrir la créativité provocante, fantaisiste, presque juvénile, de la chorégraphe. Dans cette version toute personnelle, on retrouve les personnages clés: Carmen, la cigarière; son amour le Capitaine; leur rival(e) respectif; et leurs compagnons de travail, de danse, de fête et d'infortune. Pour notre plus grand bonheur, on retrouve aussi les grands airs de l'opéra de Bizet, mais aussi des musiques plus contemporaines de Rodion Chtchedrin et d'Arvo Pärt. Quant à la fable, elle a été triturée et resserrée autour de son noyau dur, l'élément primordial: le désir.

Les rivalités amoureuses, l'art d'inspirer le désir, de le faire enfler et de le retenir, est un superbe sujet pour la danse. Cette compagnie a su s'emparer du sujet et enflammer la scène. Ici les hommes dansent en smoking et les femmes en robe longue: soie écarlate, rose, rouge, or ou verte, bustier de dentelle noire, coiffées de chignons rehaussés d'énormes roses ouvertes.

Dada Masilo, qui vient de Johannesburg, est passée par l'école bruxelloise d'Anna Teresa de Keersmaeker, invente une danse où affleure l'influence africaine et s'approprie ici l'art brûlant du flamenco. La fable y gagne  une fin aussi cruelle que dans le livret de l'opéra de Bizet, mais où les rôles de victime et de bourreau s'inversent; le désir contrarié entraîne la confusion des esprits et la perte des héros.

Car Dada Masilo choisit d'aborder le sujet de la violence sexuelle en tant que crime d'honneur et le drame prend ainsi une connotation toute contemporaine. Le viol exutoire remplace le duel, vengeance conventionnelle plus ou moins policée de l'ancien code d'honneur.

jusqu'au 10 janvier 2015 au Théâtre du Rond-Point

puis en tournée (à Annecy, Besançon, Oyonnax, Blagnac, Alès, Toulon, Macon, Aix-en-Provence) jusqu'au 15 février 2015.

Moan Snake Moan

Le blues scandinave peut il être l'avenir du blues. Un petit génie déboule de ses terres enneigées et rougit une guitare à l'extrême pour notre plus grand bonheur.

C'est la symbiose parfaite entre Robert Johnson et Nick Cave. Le massif et étrange Bror Gunnar Jansson ne passe pas inaperçu... par son talent. Un blues plus que hanté. Un rock délabré. Un quincaillerie vieillotte et sérieusement vintage.

On est pas dans le blues acrobatique. On traîne dans la sueur et la douleur. La guitare du Suèdois claque des accords lourds et les riffs sont tempêtueux. Sacrément ombrageux. La guitare est branchée aux humeurs du compositeurs qui se promène avec une aisance déconcertante dans la mythologie américaine.

Venu du froid, Bror Gunnar Jansson réchauffe le genre avec une dextérité incroyable. Il mélange le blues tenace avec un rock peuplé de personnages bizarres, échappés de Nick Cave ou Tom Waits. Son art observe la face cachée de l'Homme.

Ca faisait longtemps que l'on n'avait pas trouvé autant d'idées noires et des notes aussi incarnées dans des compositions de blues. La voix suit. Un peu nasillarde, elle se casse sur de rugueux exercices de style, plein d'entrain et de plaisir.

On appréciera particulièrement les ambiances amères, tendres et cruels qui se dégagent. C'est une écriture subtile malgré quelques délires sonores. C'est parfois d'une beauté insoupçonnable comme New Moutain Ballad et son violon qui vient vous percer le coeur.

C 'est vraiment atypique et ce bluesman européen a tout ce qu'il faut pour devenir un grand. Franchement le blues de viking c'est la grande classe.

Normandeep blues - 2014

Torobaka, Akram Khan, Israel Galván, Théâtre de la Ville

tobo
Jean Louis Fernandez

Rencontre au sommet de deux virtuoses de la danse. Akram Khan et Israel Galvàn offrent un spectacle novateur à la croisée du flamenco et du kathak indien.

De l’Inde à l’Andalousie, Akram Kahn et Israel Galvàn interrogent les racines de leurs danses respectives. Le Britannique d'origine bangladaise, chorégraphe de génie inspiré par la danse kathak de l'Inde du Nord partage la scène avec le Sévillan et inventeur d'une forme contemporaine de flamenco. Leur création Torobaka tire son nom du rapprochement entre le toro et à la vaca (« vache »), leurs « animaux sacrés » respectifs.

Dans une arène dessinée d’un rond de lumière au sol, les deux danseurs se rencontrent pour la première fois sur la scène du Théâtre de la Ville. Chacun apprend de l’autre et ensemble, ils inventent des formes nouvelles. Sur fond d’admiration réciproque perceptible, ils s’attirent, se défient, s’intriguent.

Les claquettes aux talons rencontrent les grelots traditionnels aux chevilles. Sur fond de musique sacrée, BC Manjunath, percussionniste indien, renversant de technicité synchronise la musique à la danse. Son rythme accompagne à merveille le mouvement des corps.

Avec une ingéniosité remarquable dans les chorégraphies, les gestes, le jeu des mains ils offrent des duos empreints d’une grande liberté. Dommage alors que les moments de danse ensemble se fassent rares au profit de solos qui trainent en longueurs sans grande émotion. Hormis une sublime séquence d’Akram Kahn, dansant assis sur une chaise, dans un tempo endiablé. Mémorable.

Torobaka met ainsi en lumière la richesse multiculturelle de la danse contemporaine à travers deux artistes authentiques.

 

Jusqu'au 05 janvier 2015

Théâtre de la Ville, Paris,

torobaka.com

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