La Cour de Babel

Plongée dans le quotidien d’une classe relais melting pot. Attachant et si enthousiasmant! Venus du Chili, de Roumanie, de Guinée, de Serbie ou de Chine pour « étudier », « se faire un avenir », « devenir une femme libre », ils se retrouvent dans une classe commune avant d’intégrer le circuit scolaire général. (suite…)

Vortex Temporum, Anne Teresa De Keersmaeker

ATDK

Création de 2013, Vortex Temporum est une des multiples pièces récentes d’Anne Teresa De Keersmaecker travaillant la relation entre le mouvement et la musique contemporaine : une autre réussite de la chorégraphe belge. (suite…)

Une nouvelle Amie

Ca commence mal. On connaît le goût pour le kitsch de François Ozon. Là, le grotesque n'est pas loin lorsqu'il fait jouait des jeunes filles en fleurs par deux trentenaires pas très à l'aise dans des robes à smocks. Heureusement Ozon a cet art très fin de jouer avec la théâtralité et la surenchère sans être dans la vulgarité ou la facilité.

Au contraire on retrouve un peu le François Ozon des débuts, celui qui jouait sur la moindre ambiguïté. Cinématographique, physique, moral ou sexuel. Claire perd donc sa meilleure amie, Laura. Désoeuvrée, elle veut aider David, le mari de cette dernière, meurtri et seul avec une petite fille. Elle découvre alors que le choc de la mort de Laura a une conséquence pour le moins inédite chez David...

Bien entendu, Une nouvelle Amie pose un gros problème au chroniqueur qui ne veut pas gâcher le spectacle et le plaisir. Mais il est bon de dire que Ozon s'amuse de nouveau avec notre regard. On est quelque part entre De Palma et Almodovar. Il sait semer le trouble dans les consciences et poser les bonnes questions.

A une époque où la théorie des genres fait peur aux plus conservateurs, Une nouvelle Amie devrait provoquer quelques émois à quelques personnes un peu trop vertueuses. Le film pourrait être une version trash de Desperate Housewives. Néanmoins, Ozon surtout fait du cinéma et c'est assez rare pour qu'on le fasse remarquer: en France, le cinéma c'est plutôt téléfilm France 3.

Ozon lui profite de ses sujets tortueux pour justement composer des récits à tiroir, où la caméra s'adapte à plusieurs points de vue et donc nous perd dans une drôle de drame. Le petit souci vient de la production: le monde dans lequel évolue les héros de cette histoire étrange et fascinante n'est pas crédible. Le grotesque de quelques scènes ressemble à la superficialité. Entre les maisons qui semblent américaines, les bureaux de la défense et les intérieurs un peu trop tocs, le spectateur est souvent arraché à l'histoire pour les artifices un peu trop visibles.

Heureusement les acteurs font tout pour raconter une histoire d'amitié et plus... Romain Duris est parfait mais sert idéalement Anaïs Demoustier, qui devrait enfin être reconnue par la grand public. Cette jeune femme est incroyable. Pour elle, le film peut être vu. Parce qu'il est aussi irritant qu'admirable, ce film doit être vu.

Kiliana Song

A l'heure où le dernier album de Benjamin Flao sort aux éditions Futuropolis, je voudrais revenir sur le précédent album de ce dernier, le magistral "Kiliana song" (2 tomes éditions Futuropolis).

J'avais découvert Benjamin Flao grâce au récit original qu'il avait fait avec Dabitch sur la vie d'Arthur Rimbaud. Cet album "Ligne de fuite" est un momunent d'inventivité où le dessin et le scénario se marrient à merveille autour de ce personnage fascinant que fut le grand poète.

A titre personnel, "Mauvais garçons" ne m'a pas laissé un souvenir imperissable, c'est donc à reculons que je me suis approché de "Kiliana song". Un jeune kenyan en couverture, j'ai pensé à une sorte de Kirikoo pour les grands...un peu dubitatif.

Et puis on est happé par le dessin de Flao. Le soleil de l'Afrique y est représenté avec bonheur, le découpage est original, les cadrages fantastiques, les images sublimes. Chaque case est un tableau.

Très vite on est pris par le récit tonique, rapide et avec une vraie intrigue. Le personnage de Naim est très attachant, enfant iconoclaste et remuant qui essaye de se débrouiller dans cette Afrique qui n'est ps toujours facile à vivre. Au-delà de Naim, tous les protagonistes ont leur place montrant les bons et les mauvais côtés du continent africain. On sourit beaucoup, on rit parfois et surtout on ne peut qu'être touché par tous ces personnages.

Le destin du jeune garçon viendra croiser celui de Ali, l'ultime descendant des gardiens de l'arbre sacré. Le récit d'aventure se double alors d'une fable écolo qui n'est pas dénuée de sens.

Une très très bonne BD (même si je suis souvent enthousiaste...) où Benjamin Flao montre toute l'étendu de son talent capable de raconter aussi bien qu'il sait nous émouvoir avec son dessin.

« Ce corps qui parle », Yves Marc

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Qu'ont-ils en commun, les spectateurs attentifs du spectacle "CE CORPS QUI PARLE", les passagers croisés dans les aéroports et les passants de nos villes? Ils ont tous attiré la curiosité bienveillante et l'attention vigilante d'Yves Marc. (suite…)

All is well

Dans le genre « fille de », en voilà une qui possède un héritage incroyable et lourd à porter. Lisa Simone est la fille unique de Nina, légende du jazz vocal, référence ultime et sauvage pour beaucoup de monde. Bref, va pousser la chansonnette derrière parce que tu es la fille de Nina Simone, he bien, inutile de te dire que l’on va t’attendre au tournant !

Elle a donc pris le temps. Lisa Simone a passé onze années dans l’armée. La musique est une passion tardive. Longtemps elle a repris les chansons de Nina Simone. A cinquante ans, elle sort son premier disque sous son nom. Pas une débutante non plus, mais croyez bien qu’elle a calculé son coup.

La voix est suave. L’ambiance lounge est délicieuse. La belle apporte un aspect soul déroutant puis exotique. Chaque instrument a sa place pour imposer une atmosphère souvent enveloppante. Là où sa mère était une tigresse, Lisa Simone joue essentiellement sur la tendresse et le velour. Ca fonctionne. Elle s’éloigne habilement de son encombrante maman.

L’expérience et l’orchestration font donc la différence. Lisa Simone laisse de la place aux autres. Là où sa mère était seule sur scène, bête crainte et sublime, la fille joue l’amitié et un sentiment d’apaisement. Elle a beau avoir fait la guerre, Lisa Simone signe pour la paix.

Elle le dit sur son disque. Elle invite tous les styles du blues, au rock en passant par des notes exotiques. En novice de 50 ans, elle impressionne. Le savoir faire donne de l’éclat. Pas de démonstration facile. Un plaisir immédiat et partagé. C’est un disque lumineux, pas original et qui réchauffe les oreilles. All is well. La positive attitude dans une version plus convenable !

Laborie - 2014

Madman

Sean Rowe n’est pas un minet. Pourtant il est dans l’air du temps. Ce n’est pas non plus un étalon du rock’n’roll. Il a une barbe mais ne joue pas les hipsters. Non, Sean Rowe a juste un regard désabusé, un physique de vieux hardrocker sur le retour et une voix unique en son genre : profonde, grave et qui vous accroche en une seule syllabe.

A l’aube de la quarantaine, la reconnaissance tarde un peu mais l’artiste conserve un enthousiasme intact. Il défend une idée très particulière du rock en y incorporant un blues assez dépouillé, qui va à l’essentiel, qui ne prend jamais la pose.

Son nouvel album transpire l’authenticité. Sean Rowe est un joyeux déglingué qui traverse le rock et l’existence à sa manière. Il est bien un archétype du songwriter américain, hanté par les mythes de sa nation et les racines de la musique. Il a une mille jobs avant de se consacrer à la musique. C’est aussi un type un peu bizarre, un peu marginal, aux chansons singulières mais toujours plaisantes.

Un peu comme si Barry White s’était mis à lire du Jack Kerouac. Le chanteur se promène en toute liberté sur un prisme musical assez large. On l’imagine folk mais finalement les titres piquent des idées à d’autres genres.

Il y a bien de la pop sur certains titres. La surprise est totale et apporte une certaine modernité chez ce poilu New-yorkais. Avec sa voix de baryton, il se permet des choses inouïes et défie avec élégance nos habitudes bien établies. Pas un fou comme le titre du disque l’indique mais certainement un talent fou !

Anti 2014

Au pays d’Alice…

La rencontre entre le jazzman Ibrahim Maalouf et le rappeur Oxmo Puccino aurait dû donner quelque chose d’urbain. Le deux hommes, sensibles à la poésie et peu soucieux de coller aux modes, préfèrent s’échapper dans le pays d’Alice…

Pour Noël, les deux musiciens nous font un cadeau : il revisite le célèbre conte de Lewis Caroll. Toutes les qualités de chacun se retrouvent dans cette succession de scènes classiques et d’idées révolutionnaires.

Ils ne font rien comme tout le monde : même avec un orchestre et un chœur, ils ne peuvent pas s’empêcher de manipuler les styles et bricoler une musique protéiforme basée ici sur une musique classique onirique et lyrique. Il faudra attendre plusieurs minutes avant d’entendre la trompette orientale de Maalouf et quelques beats qui font secouer la tête.

Maalouf et Puccino revisitent donc à leur manière le célèbre conte, raconté si souvent. Il apporte toute l’ambiguïté du texte, entre rêverie et cauchemar. Les mots sont plus secs (la chenille devient une étrange dealer) mais révèlent l’inquiétude qui se cache derrière le texte de Caroll. Le résultat est baroque et bien barré.

Tout cela est mis en scène avec une vraie ampleur. Ca ne fait pas dans la demi-mesure mais c’est assez étonnant pour être signalé. Maalouf embrasse la musique classique comme un compositeur de musique de film. Quelques instruments sont les acteurs qui se fondent dans la bande son. Intrigant, ce disque pourrait plaire aux petits comme aux grands. C’est en tout cas, un disque qui sort de l’ordinaire et nous venge des titres niaiseux qui peuvent poursuivre nos enfants !

M'ister - 2014

Little tulip

Pour plagier Semprun je reprendrais le titre de l'un de ses derniers livres pour décrire le dernier album de François Boucq et Jérôme Charyn "Little Tulip" paru ces jours-ci dans la collection SIgné des éditions du Lombard. Car c'est bien le dessin qui sauvera Pavel d'un triste destin et qui lui permettra de survivre au goulag.

25 ans après "Bouche du diable", Charyn et Boucq reviennent dans l'Union soviétique de l'après guerre patriotique. Nous sommes dans les années 50. Un jeune couple d'américain admiratif des idées communistes et du travail de Esenstein décide d'émigrer en URSS. Mais Staline y fait régner la terreur, bien vite le couple accompagné de leur fils Pavel seront déportés au goulag. Comment Pavel pourra survivre séparé de ses parents dans l'enfer des camps? Comment finira-t-il par regagner l'Amérique?

Tout cela vous l'apprendrez en lisant cet excellent album. Ce qui est interessant c'est la comparaison avec "Bouche du diable". On retrouve des constantes. Tout d'abord que ce soit le Youri de "Bouche du diable" ou le Pavel de "Little Tulip", tous 2 seront aidés par les pires salopards, même si en parallèle d'autres pourris leur mènent une vie impossible.

Ensuite, l'un comme l'autre se retrouvent très vite orphelins, obligés de se débrouiller par eux mêmes pour s'en sortir dans un monde apre et violent où la loi du plus fort est la règle.

Tous 2 seront initiés, aidés par des "maîtres" qui les aideront à grandir, les protégeant et leur donnant les clefs de leur environnement hostile.

Et par dessus tout, le dessin aura une grande importance dans leur existence. Youri apprendra à comprendre les icônes orthodoxes, initié par un vieux pope devenu son professeur d'anglais. Le père de Pavel apprendra le dessin à son fils et c'est en devenant le tatoueur d'un groupe de prisonnier qu'il arrivera à s'extraire de sa condition de simple détenu. Il est même amusant de retrouver un ukrainien tatoué sur tout l'abdomen dans "Bouche du diable".

Les albums se répondent. Pas vraiment une suite 25 ans après, pas non plus une répétition, quelque chose d'autre, une sorte d'approfondissement. Le dessin de François Boucq tout en étant aussi nerveux et inventif s'est stylisé avec les années. Cela ne gâche rien, on reconnait son trait, c'est toujours aussi beau, chaque case est une histoire à elle seule.

"Little Tulip" est un bel album, à lire avec ou indépendamment de "Bouche du diable". De la grande BD par 2 maîtres du 9ème art.

Milking the stars : The re-imagining of Lost Patrol

Dave Wyndorf est le chanteur à lunettes de Monster Magnet, groupe de space rock : le type croit tellement à son truc qu’il réclame la légalisation des drogues dures ! Le leader de Monster Magnet plane donc très haut et cela s’entend dans la musique du groupe !

Depuis les années 90, le groupe respecte ce mélange peu subtil mais réellement efficace de métal et de musique psychédélique. Ils sont désormais des vétérans et admirés par tous les petits jeunes qui s’attaquent au Stoner, autre genre électrique très à la mode depuis le succès de Queens of the Stone Age.

Pour Dave Wyndorf et ses copains, la musique s’est donc arrêté après Black Sabbath et Deep Purple. Ils gardent précieusement la recette magique et spatiale d’une musique lourde et immersive. Pour leur dixième album, ils nous plongent dans une sorte d’album alternatif au précédent. Le concept est pour le coup un peu bizarre.

Ce n’est pas un remix mais une sorte de continuité de l’album Lost Patrol. Ils continuent de se perdre dans cette inspiration psychédélique et explorer les années 60 et toutes les vapeurs ouatés d’un délire sonore à base d’orgues hammond ou de guitares triturées.

Le groupe réarrange son disque précédent et en profite pour organiser un feu d’artifices assez dingue, entre fantasmes de rock déstructuré et d’hymnes à rallonge avec rythmiques lourdes et un chanteur hurlant, toujours en crise avec le système.

C’est un plaisir puéril mais il est franchement sympathique. Un peu comme si vous regardiez une série B qui assumerait tous les clichés du genre. C’est un peu coupable mais ca peut faire du bien.

Napalm records - 2014

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