No hit wonder

Voilà donc un petit gars qui annonce la couleur : ne comptez pas sur lui pour la révolution. Ne pariez pas trop sur son succès. Cory Branan ne sera jamais un champion du rock américain. Avec un titre comme No Hit Wonder, il fait preuve une humilité suspecte.

Car ce natif du Mississippi respecte toutes les règles du son du sud des Etats-Unis : c’est du bon vieux rock’n’roll, avec quelques pointes vintage et un accent qui glisse sur une guitare capricieuses et des rythmes empruntés à la country.

Pourtant Cory Branan n’est pas un réac : il est talentueux et son mélange a quelque chose de surprenant et d’ambitieux. Gamin, Cory Branan était fan de metal et c’est peut être ce recul qui permet aujourd’hui au musicien de faire comme les autres mais pas tout à fait. Il rappelle John Mellecamp dans ses grandes œuvres.

Il invite dans son disque des songwriters qui eux aussi ne veulent pas se limiter aux clichés du genre : Tim Easton, Jason Isbell ou Caitlin Rose. Le gratin vient soutenir l’effort du chanteur, son quatrième disque en 12 ans.

Il sait créer des ambiances très différentes à chaque chanson mais tous les titres de cet album sont accrochés au terroir musical. La slide guitar est présente mais il est vrai que la production est sacrément soignée et n’en fait jamais trop. On est bien dans la SunBelt américaine. On serait presque tenté par une séance de rodéo. Branan a le grand mérite de jouer effectivement sur la simplicité. Et la complicité. Des valeurs qui l’intéressent plus que le succès que le suppose le titre. Il y a les « feel good movies », No Hit Wonder est la version disque de ce genre.

Bloodshot - 2014

Agamemnon, Opéra Hip Hop

agamemnonLes "Erinyes"? Les "Atrides"? La "Guerre de Troie"? Ces mots n'évoquent pour vous que de lointains souvenirs de leçons d'Histoire ou de Grec ancien? D' de Kabal et ses fougueux camarades leur redonnent vie dans "Agamemnon", d'après Eschyle, le 9 octobre au Théâtre de Colombes et le 28 novembre au Conservatoire de Puteaux. La troupe de 17 comédiens / chanteurs / slameurs tient la scène pendant 2h15, livrant une performance physique impressionnante dans une interprétation qui réveille le genre de la tragédie antique*. (suite…)

Le Pérugin, maître de Raphaël, Musée Jacquemart André

perugin

Exposition sur le peintre italien Le Pérugin, source d’inspiration de Raphaël.

Une cinquantaine d’œuvres rapproche l’esthétique de Raphaël et de Le Pérugin au Musée Jaquemart André. Peintre à la Cité Médicis, Le Pérugin a apporté des éléments de décor à la chapelle Sixtine au Vatican, une perception singulière de la Vierge Marie et un sens du portrait admiré.

On prend plaisir dans ce musée à pouvoir approcher les toiles. On pose son regard sur la finesse du ciselé des feuilles d’or, le raffinement des tenues, l’harmonie des couleurs. Les yeux ébahis on contemple les drapés, la minutie des traits de visage. Avec un sens du détail et un art des jeux d’ombre et lumière remarquable, sa peinture inspire la sérénité et la tendresse.

Musée Jaquemart André

Moi assassin

Le saviez-vous? Avec son album "Moi, Assassin" Antonio Altarriba et Keko arrive à faire la synthèse d'American Psycho avec le style de Marc Antoine Mathieu! On pourrait même ajouter qu'il y a un peu de Franck Miller aussi.Vous me direz qu'avec un tel parrainage l'album doit être de qualité et bien c'est le cas!

Mais, c'est pas le tout de citer des références, il faut étayer, et bien allons y. BIen sûr nous ne sommes pas à New-York au milieu des années Golden Boys, mais dans le pays basque contemporain, dans ce pays basque oppressant que décrivait Munoz Molina dans "Lune rouge". Le héros est un universitaire, critique d'art. Mais comme le héros de Ellis, c'est un tueur. Un tueur qui n'a aucun besoin (comme si on avait besoin de tuer???), ni aucune nécessité à porter la mort. Il tue gratuitement, avec un mode opératoire toujours différent afin de ne pas passer pour un vulgaire serial killer.

Tout ceci est retranscrit dans un noir et blanc oppressant utilisé à la perfection comme peut le faire Marc-Antoine Mathieu. La comparaison avec ce dernier s'arrête là Mathieu jouant avec la forme continuellement, ce qui n'est pas le cas ici. On trouve en revanche un clin d'oeil au Sin City de Miller, puisque la seule couleur de l'album est le rouge utilisé chaque fois qu'il y a de l'hémoglobine, ce qui se produit fréquemment.

Le regard sur la société contemporaine en général et le petit monde universitaire en particulier est assez acerbe, les "mandarains" ne se faisant aucun cadeau, même s'ils sont peu nombreux à aller jusqu'au meurtre...Quoique, je vous laisse le soin d'aller jusqu'au bout des 134 pages que compte l'album pour découvrir tout le cynisme de ce petit monde.

Bekame

Depuis que ce nom, Sangatte est apparu dans l'actualité voilà 6 ou 7 ans, je ne peux m'empêcher de penser que le destin a gratifié les immigrants, comme destination, d'un lieu dont le nom raisonne comme une blague franglaise de mauvais goût.

En effet, si vous écrivez "sans gate" et que le deuxième mot est anglais, vous penserez comme moi qu'effectivement, la porte de l'Angleterre n'est pas ouverte pour tout le monde....

Le sujet s'est à nouveau invité dans l'actualité le maire français allant plaider l'aide de l'Angleterre outre-manche et s'est entendu dire que le prblème était franco-françis et qu'en aucun cas la perfide Albion ne l'aiderait. Une fois de plus la façon dont l'Angleterre se fait une idée de l'Europe.

En parallèle, le film "Samba" met aussi en lumière le phénomène de l'immigration contemporaine. Magistralement interprété par Omar Sy et Charlotte Gainsbourg, Toledano et Nakache donnent à réfléchir sur ces hommes qui vivent à côté de nous dans une réalité différente faite de peur et d'espoir, souvent déçu

Aurélien Ducoudray, reporter photographe s'adjoint les services de l'excellent Jeff Pourquié pour dépeindre, au travers des 2 tomes de Békame (2 albums de 94 pages, aux éditions Futuropolis) cette même réalité des gens partis du monde enier espérant trouver en Europe l'El Dorado.

Ducoudray décrit le destin de 2 frères qui se voient séparer dans une ville du Pas-de-Calais (qui n'a pas de nom...). On suit le destin du cadet qui lors de son dernier transport avant l'Angleterre, répétait de l'anglais dans un Walkman tout en contemplant une image du célèbre joueur de foot britannique. Le nom de celui-ci est donc retranscrit phonétiquement et donne le titre à ces 2 albums.

Grâce aux 2 frères, Ducoudray décrit tous les aspects de l'immigration, les passeurs, les combines, les astuces. Comme dans d'autres misères, certaines victimes devienent encore pires que les bourreaux, les moyens de s'en sortir ne sont pas toujours très propres.

Pourquié est moins fougueux dans son dessin que dans les extraordinaires albums commis avec le concours de Pécherot chez Castreman voilà quelques années. On se souvient de "Vague à lame" ou "Des méduses dans la tête " "Ciao Pékin". Rien à jeter dans ces 3 albums, que du bonheur avec toujours un arrière fond engagé et intelligent.

Le style s'est assagi mais il reste nerveux et personnel, s'adaptant parfaitement au propos. Comme dans Samba, les auteurs restent optimistes et d'une grande humanité. Leur point de vue est équilibré, jamais larmoyant. De la grande BD! Un bonheur.

The November Man

Houla ! Il y a encore des gens pour produire des films sans effet spécial et sans une durée délirante. The November Man n’a aucun intérêt sauf son format venu d’une autre époque !

The November Man est une erreur temporelle. Le film est réalisé par Roger Donaldson tout d’abord. Pour les plus jeunes ce nom ne vous dira rien. Pour les plus âgés, ils se rappelleront peut être du réalisateur de Sens Unique, film d’espionnage très eighties avec Kevin Costner et de Cocktail, film culte qui a placé sur orbite, Tom Cruise.

Le gars est donc un revenant et visiblement sa technique et sa mise en scène n’ont pas bougé depuis cette époque là. Tout comme Pierce Brosnan. L’interprète de 007 revient donc lui aussi dans le rôle d’un espion qui a tout vu tout connu durant la guerre froide.

On le réactive et évidemment c’est le début des emmerdes pour ce type qui va être obligé de se battre contre ses anciens amis de la CIA et un Russe forcément fourbe, pédophile et assassin. Mais notre vieil agent secret fait avec son style eighties : il casse tout et s’interroge ensuite sur le bien fondé de ses gestes.

Pierce Brosnan joue donc un salaud doublé d’un héros. C’est la bonne et quasi unique idée du film, jouer avec l’ambivalence et le manichéisme. Notre ancien agent est capable du pire. The November Man se veut old school. Tout se passe dans les décors des pays de l’Est. L’action n’est jamais impressionnante. Des types se tirent dessus et de temps en temps une bagnole explose. Rien de plus. Rien de moins.

Mais c’est aussi sans rythme et joué par des acteurs charismatiques comme des pantoufles tandis que le scénario rebondit sur des climax éculés, depuis l’époque glorieuse Gorbatchev-Reagan. On a franchement une hallucination devant cette production pourtant réalisée à notre époque. Sentimental, on devient indulgent, mais c’est sans panache, que November Man vient squatter nos écrans d’automne.

Avec Pierce Brosnan, Olga Kurylenko, Luke Bracey et Will Patton - Paramount - 29 Octobre 2014 - 1h43
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Je, Francois Villon

Frères humains qui après nous lirez ces BD, réjouissez vous car si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plutôt de vous merci. Assez plagié François Villon, je n'en ai ni le talent, ni l'intellingence. Je souhaiterais seulement, comme Jean Teulé et maintenant Luigi Critone, vous faire partager mon affection pour le poète médiéval.

Tout à commencer en 6ème, mes parents évoquent le fait que Brassens chante Villon. L'info me traverse la tête mais s'incruste dans un coin. Pourquoi, simplement parce que j'admire Brassens et que par conséquent, le chanteur ne peut se tromper dans ses goûts.

Et voilà qu'en 3ème ma prof de français nous fait apprendre "La ballade des pendus". Chacun devra la réciter devant ses camarades. Assez timide, mal dans mes pompes, il se trouve que j'ai un gros rhume le jour où mon tour arrive. 3ème, les garçons n'ont pas bien mué, alors quand je déclame le texte avec une voix d'outre-tombe, tous mes potes restent subjugués et les copines se pâment. Je décroche la vedette. Le poète ne me quittera plus, d'autant que mon père m'offre une merveilleuse édition de son oeuvre et mes potes le livre de Teulé pour mes 40 piges.

La boucle est bouclée! Nous y voilà enfin! Teulé raconte dans "Je, François Villon" la vie de ce poète voyou qui se moque des grands, raille les institutions, se moque de ses études bien avant les frasques de 68. Les chapitres sont émaillés de morceaux de poèmes. Je replonge avec bonheur, sous un angle différent, la passion est entière!

D'où mon angoisse quand, en 2011 Luigi Critone adapte le roman de Jean Teulé en BD. Mais cette nouvelle forme que nous donne à redécouvrir le poète avec un plaisir renouvelé. Il y a là une forme de témoin que se passent tour à tour Brassens, Teulé et maintenant Critone. Et Dieu sait que l'affaire n'était pas gagnée.

Delcourt fait beaucoup appel aux dessinateurs transalpins sur ses séries thématiques: Les 7 quelques choses, les évasions etc, etc...Il y a comme toujours, du bon et du moins bon...Critone avait fait les "7 missionnaires", album tout à fait honorable mais assez dans le tout venant ne méritant pas de s'y arrêter plus avant. On pouvait donc craindre, sinon le pire en tout cas pas le meilleur, seulement une adaptation médiocre. Et bien ce n'est pas le cas. Le 2 premiers tomes sont d'une grande qualité.

On regrettera le délai de 3 ans entre les 2 premiers (donc seulement un problème de forme). Sur le fond il restitue le roman de Teulé en l'illustranty de telle manière qu'il ajoute un nouvel élémentt au livre.

Un bel attelage qui rappelle le symbole des templiers: Les 2 cavalires Teule et Critone sur le cheval Villon! Vivement la suite!

Magic in the moonlight

La question que l’on pose chaque année dans les diners : « Alors, il est comment le dernier Woody Allen ? »

Cette année, je vous avoue que la réponse est sérieusement mitigée. Pas comme d’habitude. Trop de blabla. Pas assez de Woody Allen. Blue Jasmine avait placé la barre haute et surtout marqué le retour du réalisateur à New York pour une comédie existentielle et dépressive comme il sait le faire.

Convaincant, il l’est beaucoup moins dès qu’il part en voyage en Europe. Pourtant dans Magic in the Moonlight, il revient en France et l’air du Sud lui fait aussi du bien. C’est presqu’un Woody Allen optimiste qui film cette comédie fantasque, théâtrale et surtout légère.

C’est peut être ce qui manquait dernièrement à l’auteur de Midnight in Paris : un certain détachement, un plaisir de mettre en scène sans aucune sentence et bon mot inspiré par le temps qui passe et une certaine misanthropie.

Impossible de ne pas reconnaître dans Stanley Crawford, prestidigitateur à succès dans les années 20 et chasseur d’imposteurs de renommée internationale. Avec lui, les médiums de tout poil peuvent se méfier.

Un ami vient donc le chercher pour trouver la faille chez Sophie Baker, ravissante jeune femme qui communique avec les morts et semblerait escroquer une famille américaine, riche et incrédule, installée dans le Sud de la France.

Stanley ne va pas longtemps résister au charme indéniable de la jeune femme. Son pouvoir de séduction semble plus fort que ses pouvoirs paranormaux. Arrogant et bourru, l’Anglais va voir ses certitudes mises à mal !

L’animal aigri peut il devenir un être papillonnant entre le plaisir et l’amour ? Les sentiments rendent ils toujours aussi niais ? Le faux peut il révéler le vrai ? L’émotion est elle meilleure que la raison ? L’illusion peut elle sauver nos mornes existences ?

Pour les amateurs, ne vous inquiétez pas : Woody Allen continue de s’interroger et de se mettre en scène par le biais ici d’un Colin Firth irrésistible en spécialiste du canular, sûr de lui et peu aimable. Il est tout simplement génial.

Ce qui change c’est le plaisir visible du metteur en scène. Chaque année, il sort un film mais sur celui-ci, il semble s’amuser avec des comédiens investis (épatante Emma Stone qui donne une nouvelle jeunesse à Woody Allen, subjuguée comme il le fut avec Scarlett Johansson), une photographie soignée, une bande son toujours euphorisante et une nostalgie partagée. Les années 20 sont incarnées avec délice et joliesse. Il y a de l’enthousiasme dans ce film mélancolique et doux. Ce n’est pas dans les habitudes du clown triste et angoissé que peut être Woody Allen. Il arrive encore à nous surprendre. C’est là que se trouve la magie de son talent !

Avec Colin Firth, Emma Stone, Eileen Atkins et Marcia Gay Harden - Mars Distribution - 22 octobre 2014 - 1h35

#Chef

Le cinéma de Jon Favreau est un peu à l’image de son physique imposant : c’est un peu lourd ! Second rôle sympathique, il a réussi à percer en s’écrivant un film, Swingers, avec son ami de toujours, le rigolo Vince Vaughn. Il s’offre le premier rôle et depuis il a prouvé qu’il était un couteau suisse pour Hollywood.

Il continue d’apparaître dans les productions hollywoodiennes dans des petits rôles mais sait aussi gérer les gros budgets en tant que réalisateur. On lui doit deux Iron Man et un nanar couteux Cowboys et Envahisseurs.

Il ne fait pas dans la dentelle mais sa bonhommie rassure visiblement tout le monde : les investisseurs comme les spectateurs aiment bien Jon Favreau. #Chef creuse dans cette voie : son physique massif cache donc un amoureux des plaisirs gourmands, un type à l’humeur rabelaisienne. Loin des grosses productions, #Chef est une comédie californienne sur l’art de la cuisine !

Par californien, il faut traduire, un peu nunuche, un peu loufoque, un peu ensoleillé, complètement cramé du ciboulot. Comme dans les œuvres de Zach Braff, Jon Favreau nous conte le chemin de croix atypique d’un type attardé qui va enfin grandir, souvent au contact de son propre enfant et de la femme qui l’aime, ici, une bimbo latine (l’actrice Sofia Vergara), erreur de casting monumentale et finalement un renfort inattendu pour le film.

Favreau joue donc un chef qui souffre de ne pas être son propre patron. Au fil des engueulades avec sa direction, il fait un burn-out en même temps qu’il découvre les réseaux sociaux. Lorsque tout semble perdu, il redécouvre les joies de la paternité, de l’amitié et de la technologie. En récupérant un vieux van tout pourri pour faire de la cuisine, il deviendra un roi de la food truck, un père attentif et pourquoi pas un amoureux crédible !

C’est parfois indigeste. Le film dans sa conception est trop long (plein de stars jouent des petits rôles : il faut les placer). Les bons sentiments pourraient être à tout moment trop copieux. Mais comme c’est Californien, c’est exotique. L’optimisme de Jon Favreau, sa simplicité et ses envies restent déconcertantes et non dénuées de charmes !

Ce n’est pas raffiné pour continuer dans les références culinaires mais ca ne manque pas de piment non plus dans sa difformité, sa production un peu hasardeuse et sa bande son sensationnelle, hymnes multiples du Sud des Etats-Unis. Un film avec de l’appétit ne peut pas être mauvais !

Avec Jon Favreau, Sofia Vergara, John Leguizamo et Dustin Hoffmann - Sony Pictures - 29 Octobre 2014 - 1h50

L’herbe des Nuits

Daté et intemporel, lent et nostalgique, le nouveau Modiano n’a rien de nouveau, mais tout de Modiano et c’est bien là l’essentiel.

Vingt-septième roman de Patrick Modiano. Vingt-septième miniature délicate, intemporelle, évaporée qui nous entraîne dans le passé de l’auteur. Aux lisières du souvenir personnel et de la fiction effleurée, comme sans y toucher… Vingt-sept roman qui, les années passant, finissent par n’en faire plus qu’un dans le souvenir du lecteur. Car, on a beau savoir que Modiano écrit toujours la même histoire, sur le même ton, dans le même style, se contentant de bouger (très légèrement) le curseur temporel ou le contexte dans lequel évoluent ses personnages, on ne se lasse pas vraiment de son offrande nostalgique annuelle. Chaque parution est la promesse d’un moment d’apaisement, d’une bulle fragile et éphémère dans un monde en perpétuelle agitation. Un roman de Modiano, c’est un Paris des années soixante, souvent nocturne, toujours lent. Un Paris où l’on se déplace à pied sans subir les bruits de la ville, les embouteillages, la foule… Un Paris fantasmé dont toutes les scories désagréables auraient été effacées par le temps. Un Paris provincial…

A l’aune de cette « élégante recherche du temps perdu », L’herbe des nuits est un Modiano qui ne déçoit pas. On s’y ennui gentiment, mais on apprécie ce luxe devenu rare de ne pas lire « utile ». On apprécie son style élégant sans jamais être poseur ou prétentieux. On se laisse bercer par une torpeur lénifiante qui nous soulage de nos maux. Qui nous anesthésie un peu tout en nous promenant dans une capitale qui n’existe plus aujourd’hui. C’est que Modiano n’est pas avare en détails topographiques, au point que l’on fini par se demander si son ambition suprême n’est pas de répertorier précisément les changements urbanistiques  intervenus à Paris ces cinquante dernières années : « Par la suite, je suis souvent passé sur le trottoir où étaient le Royal Saint-Germain et l’hôtel Taranne, mais ils n’existaient plus ni l’un ni l’autre […] » page 112, « Nous étions prêts à nous engager rue de Rennes et à la suivre jusqu’à Montparnasse. Mais au seuil de cette grande rue triste et rectiligne qui se perdait à l’horizon – la tour Montparnasse ne l’endeuillait pas encore de sa barre noirâtre […] » page 113, « Elle me regardait, stupéfaite, immobile sur le trottoir, à la hauteur de ce qui est maintenant l’entrée du Monoprix et qui était alors un jardin abandonné où se réfugiaient des dizaines et des dizaines de chats errants. » page 114…

Le reste peut même sembler prétexte à publier. Dans L’herbe des nuits, ce prétexte prend la forme, comme souvent, d’un souvenir. Celui d’une jeune femme à l’identité incertaine avec laquelle il aurait eu une vague liaison dans les années soixante. Qui était-elle vraiment ? Dans quelles affaires louches était-elle impliquée ? Qui étaient ces hommes avec lesquels elle traitait ? Pas d’emballement, toutefois. Ne vous attendez pas à un thriller à l’ambiance insoutenable. Avec Modiano, rien n’a vraiment d’importance, tout glisse, tout passe avec une sorte d’élégante indifférence. Pas de début ni de mot de la fin. Juste deux mois d’été (ou bien était-ce d’hiver, lui-même n’est sûr de rien) auprès de Dannie (ou bien était-ce Mireille ou Dominique, il ne sait pas vraiment)… Et le reste à l’avenant. Reste le plaisir de cette parenthèse dans le temps, de ce moment suspendu, de ces 177 pages en dehors du temps, qui font du bien. Demeure la seule question qui vaille désormais : à quandL’herbe des nuits en pharmacie et remboursé par la Sécurité sociale ?

176 Pages - Folio

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