Au chant des grenouilles, Urania, la sorcière, tome 1

Le titre est Urania la sorcière, mais tu ne dois pas croire que cette histoire est maléfique ou effrayante; c'est juste qu'il y a une grand-mère un peu médecin. Les héros de cette BD sont en grande partie des enfants animaux (lapins, renard, chouette...) qui forment un groupe d'amis et qui vivent ensemble des petites aventures dans la forêt. Les personnages sont très mignons et attachants. Il y a quelques passages humoristiques.

Au début du livre, il y a une double planche avec le nom des personnages et leur portrait en médaillon. Je trouve que c'est assez pratique pour se repérer. Il y a aussi trois fiches documentaires sur la nature. C'est bien parce qu'elles ne sont pas trop longues (une page), mais ça t'apprend quand-même des choses.

Les dessins de Florent Sacré sont magnifiques, il y a des détails incroyables et très joliment faits. Bravo aussi à Barbara Canepa pour le mélange des couleurs qui est parfait ; il y a des dégradés de couleurs (sur l'eau, dans les feuillages...). Ce n'est ni trop clair ni trop sinistre.

Le livre en lui-même est beau ; même la couverture est réussie, avec son titre en lettres dorées qui cachent plein de secrets ! La série Au chant des grenouilles fait partie de la collection Métamorphose (Oxymore Éditions) dont j'ai déjà lu les Carnets de Cerise, Lulu et Nelson (etc.) qui m'avaient beaucoup plu aussi.

Ce premier tome se finit avec beaucoup de suspense et ça me donne envie de lire les prochains épisodes.

J'ai beaucoup aimé ce livre.

Norma (10 ans)

paru le 29 mai 2024
Oxymore Éditions
48 pages | 14,85€
Barbara Canepa | Anaïs Halard | Florent Sacré

Balle au Pied – Remise en jeu, Lylian, Lesdeuxpareilles, Glénat

Après un accident, une fille passionnée de foot doit se faire amputer d’une jambe. Au début, elle est désespérée mais elle reprend espoir et intègre un nouveau club. Grâce à la rééducation, elle arrive à rejouer. Le scénario prouve que - même en étant handicapé - grâce au courage et à la solidarité on peut réussir un sport. Cette BD n’est pas triste, elle nous apprend que le collectif et l’entraide nous aident à surmonter les épreuves difficiles.

L’histoire m’a plutôt plu, mais pas la BD dans son ensemble. Je n’ai pas trop aimé les dessins. Parfois il y a des belles planches, mais on dirait que personnages surjouent : leurs mimiques sont vraiment trop marquées. Et il y a des passages où les couleurs sont vraiment horribles.

Je ne dépenserai pas mon argent de poche pour acheter le prochain tome de la série !

Norma (10 ans)

Glénat, collection Tchô !
12,50€

Lylian (scénario) | Lesdeuxpareilles (dessins)

Lisou, quand la nuit tombe, Marion Achard, Toni Galmès, Delcourt

L'autrice a recueilli le témoignage de sa grand-tante et en a fait qui BD qui raconte les péripéties que Lisou et sa famille vécurent pendant la guerre. C'est une personne devenue âgée qui raconte son enfance, donc cette histoire peut intéresser les enfants comme les adultes. C'est une BD tout public, même ma tante l'a appréciée, alors qu'elle ne lit pas trop de bandes-dessinées.

Les dessins style aquarelle sont très jolis. J'ai beaucoup aimé ce livre qui est l'un des meilleurs de la sélection du Prix des lecteurs du Journal de Mickey. Je suis impatiente de lire le deuxième tome, qui raconte l'histoire de Mylène (la grande-sœur de Lisou).

Norma (10 ans)

Paru le 28 février 2024
Éditions Delcourt
128 pages | 20,50€

Anna Karénine, Léon Tolstoï, 10/18

Quand j'étais petit, ma Maman m'a totalement divulgaché la fin de Anna Karénine. Je me suis donc longtemps dispensé de la lecture d'un livre de près de mille pages dont je connaissais déjà la fin ! (Combien vous dois-je pour la séance, Docteur.e ?!).

La réédition récente de chef d’œuvre de la littérature russe du XIXème siècle par la maison 10/18 m'a convaincu de me lancer dans la lecture de cette longue histoire d'amour contrariée. Je pensais qu'une nouvelle traduction justifiait la ressortie du livre, mais en fait non, il s'agit d'une traduction, anonyme, parue en 1886.

Heureusement, la traduction n'a pas du tout vieilli et j'ai été surpris de constater combien ce livre se lisait facilement. De façon habile et agréable, le traducteur (ou était-ce une traductrice?) conserve certains mots en langue originale et les traduit en bas de page. J'aime ce procédé qui permet de se projeter plus facilement en Russie. De la même façon, les références ou les mots compliqués (marmoréen, coterie...) sont expliquées afin de vous dispenser de sortir votre dictionnaire. Tout cela rend la lecture très fluide et c'est tant mieux car le livre est long.

Dans certains livres russes, on se perd dans la multitude de personnages et la multiplicité de leurs pseudonymes. Ici au contraire, le nombre de protagonistes est relativement limité et l'on identifie toujours facilement de qui on parle.
Il y a Lévine, l'idéaliste intransigeant, amoureux éconduit. Kitty, la jeune et belle trahie. Wronsky le bellâtre. Anna la mère de famille terriblement séduisante, Oblonsky le charmeur infidèle et Dolly sa femme blessée.

Pendant près de mille pages, tout ce petit monde de la grande bourgeoisie russe se séduit, se dédit, se trahit. Levine et Anna ont du mal à se satisfaire de leur condition de mortels et cherchent l'Absolu, tandis qu'Oblonsky et Wronsky se contenteraient bien d'une vie de plaisirs. Mais la chair est triste, hélas.

Un vrai feuilleton qui en vaut bien d'autres !

Paru le 20 juin 2024 (réédition)
10/18 Littérature étrangère
984 pages | 10,90€

L’Avare, Molière, Clément Poirée, Théâtre de la Tempête

crédit photo © Fanchon Bilbille

Arrivée avec sous le bras des béquilles multicolores, un parapluie, deux livres, une paire de lunettes de soleil et un mixeur, je me demandais bien comment les comédiens allaient pouvoir jouer de ces objets anachroniques dans l’Avare de Molière. Oui, la consigne donnée aux spectateurs de la pièce de rentrée de la Tempête était claire : sortez de vos placards des objets aussi loufoques qu’inutiles, apportez un encombrant ou un vêtement, cela servira de costumes aux comédiens et de décor bric à brac au plateau. A l’heure de gloire de la récup', rien ne se perd, rien ne se crée, tout peut servir.

Dans son Avare, Clément Poirée tire le trait de la tyrannie du radin. Avec un plaisir sournois, il se joue de notre obsession de la possession. La tristesse solitaire d’Harpagon accrochée à sa caissette ne fait que réveiller notre soif de générosité. Les stratagèmes à rebondissements de l’intrigue se mêlent habilement avec des scènes jubilatoires d’interaction improvisée avec le public complice qui rit beaucoup.

Comme j’étais heureuse ce soir-là pour tous les jeunes présents à La Tempête. Ceux qui, suivant la proposition de leur classe, poussaient pour la première fois la porte d’un théâtre. Les yeux écarquillés, les oreilles grandes ouvertes à la si belle langue de Molière, ils virent que le théâtre vaut 1001 expériences virtuelles. Sans écran, il permet de traverser les époques, de vibrer d’amour et pose question sur la valeur des choses au cœur de notre société de consommation. Aux faux lanceurs d’alerte sur l’ennui au théâtre, montez sur scène le temps d’esquisser quelques pas de danse et retournez à votre place, le sourire aux lèvres.

Oui, il y en a de la générosité et de l'audace dans cet Avare. Sans frontière entre la scène et le public, on vit une expérience interactive : un happening au gré de nos curieux dons. Révélateur de notre société aux 1001 gadgets, la pièce interpelle notre sobriété et la formidable créativité des artistes et artisans habituellement de l’ombre : les costumiers, maquilleurs, décorateurs et éclairagistes pour leur redonner vie.

Je ne saurais terminer sans saluer le talent pétillant des comédiens. Mention spéciale à Mathilde Auneveux : sexy Élise, amoureuse éprise de liberté, Pascal Cesari : hypersensible Cléante avec un panache remarquable, et Nelson-Rafaell Madel : irrésistible Valère, tourbillon d’émotions et de charme malicieux. Cette rentrée à la Tempête est une délicieuse invitation à savourer le reste de leur saison très alléchante. Tour de maître pour cette version très réussie du chef d'œuvre de Molière. 

Jusqu’au 20 octobre 2024
Théâtre de la Tempête
Du mardi au samedi 20h, dimanche 16h ,
Cartoucherie, Route du champ de Manoeuvre – 75012 - Paris

Nos ministres à nous : Nilufer Yanya & Marie Pierre Arthur

Pour le prix du ministre de l’intérieur, les nommés sont… des tristes sires, des arrivistes déclarés, des pauvres types pathétiques et peut-être un ou deux qui ont encore la foi. Allez, avouez que cette situation atypique et politique nous amène tout un lot de questions, de ras le bol et un peu d’amusement. Ici, on a décidé de nommer des ministres musicaux.

Et on va commencer par la ministre de la mode. La pochette a tout du truc tape à l’œil. On se dit que l’on est tombé dans un enfer commercial et pompeux. On est en droit de se demander si c’est encore possible de mettre en scène de la bimbo qui vomit des tubes fabriqués par des spécialistes du marketing.

Et puis non, l’anglaise Nilufer Yanya n’est pas une écervelée mais belle et bien une tronche bien faite. Méfiez vous des apparences. Son disque est une réussite éclatante. En bonne Britannique, la jeune femme a tout absorbé de la musique pop et elle produit des morceaux éclectiques, savoureux et surtout que l’on n’attend pas vraiment.

On lorgne beaucoup sur un rock indé mais qui connait aussi les réalités du marché. Il y a de la soul et des morceaux synthétiques. La demoiselle mélange les genres avec une gourmandise assumée.

Au fil des morceaux, My Method Actor se révèle: c’est du bon gros rock à l’ancienne. On pense aux années 90 et toutes ses nanas qui voulaient distordre les règles établies. C’est ce que fait très bien Nilufer Yanya, étrange chanteuse et musicienne assez douée pour nous faire perdre la tête. Parce que Taylor Swift restera le maitre du monde, on peut bien en faire une ministre de la mode, avec autant de bons gouts à chaque mélodie !

Maintenant, on va faire un tour aux affaires extérieures, et nommée la Gaspésienne Marie Pierre Arthur comme ministre de la tendresse. Au Canada, cette chanteuse cristallise toutes les tendances qui traversent le pays. Depuis quinze ans, elle défend un style bien à elle qui va de la discrète confidence à une efficacité empruntée à Springsteen. Le champ des possibles chez elle est simplement incroyable et toutes ses œuvres sont à découvrir.

Car au milieu de tout cela, il y a un cœur. Qui ne change pas. Écouter ses disques, c’est recevoir des nouvelles d’une bonne copine que l’on ne voit jamais assez. On devine qu’elle change mais il y a une sincérité qui subsiste.

Donc les effets sont plus pop et elle avance sur des terrains plus soul que d’habitude. Mais ça lui va bien. La couleur bleue inspire de la joie, de la bonne humeur et une envie de déconcerter. Les chansons sont très éclairées et vont vers des endroits inattendus. Mais la voix reste ce guide chaleureux qui se confie avec de belles nuances. Musicalement, c’est très agréable et la chanteuse continue à être vraie. Difficile de ne pas craquer par elle, encore une fois.

Enfin nous rêvons de mettre Ginger Root pour diriger le ministère de la jeunesse ! Shinbangumi est une belle plage de réjouissances et d'espiègleries en tout genre. Voilà de l’album qui montre que nos jeunes ont des idées.

Bon c’est un jeune de Californie mais il a très bien appris ses leçons : son disque s’amuse à parodier avec élégance les us et coutumes de la pop des années 80. Avec cette petite ironie qui permet d’imaginer que le jeune homme n’est pas qu’un simple copieur prétentieux.

Son disque est très drôle. Souriant même. C’est un album concept mais c’est surtout sautillant, constamment. Les idées fusent. Elles nous caressent dans le sens du poil: on se verrait bien chanter ses titres dans un karaoké.

Ce disque est une petite boule à facettes qui nous fera oublier les tristes sires, les arrivistes déclarés et les pauvres types pathétiques! 

Beetlejuice Beetlejuice, Tim Burton, Warner Bros

Tim Burton continue de se reposer sur ses lauriers mais avec la suite de son premier succès on retrouve un peu l'auteur souriant, ravi de célébrer la différence et les monstres.

36 ans plus tard, Beetlejuice reste ce fantôme débile et grandiloquent. 36 ans plus tard, Michael Keaton ressemble à une version ectoplasmique de Donald Trump. La fiction rejoint enfin la réalité. Beetlejuice s'est fait doubler depuis longtemps par l'ancien président des États-Unis et quelques autres tristes sires qui ont fait de la bêtise un vrai système de pensée.

36 ans plus tard, ce pauvre Beetlejuice semble un peu dépassé. Mais on sait aussi que Tim Burton n'est pas au meilleur de sa forme. Le cinéaste s'est gentiment rangé dans l'usine Disney en recyclant sans éclat son style et ses thématiques sur les désaxés et les marginaux.

Mais on devine rapidement dans ce Beetlejuice Beetlejuice, une énergie que l'on ne voyait pas depuis des années. Tim Burton semble même s'éparpiller dans des idées graphiques loufoques et osées.

C'est le scénario qui va en souffrir rapidement. Difficile de s'intéresser à toutes les histoires secondaires de cet épisode. Les auteurs de la série Mercredi ont rédigé cette suite et cela se voit : rien n'est vraiment concis dans cette histoire qui permet au casting original de revenir pour une histoire éclatée.
Heureusement le film se refuse à dépasser les deux heures. Une preuve d'intelligence, c'est sûr.

Comme le fantastique des années 80 (coucou Stranger Things !) est à la mode, le scénario reste un accessoire et on demande à Burton de recréer cet univers joyeusement anarchique et stylisé.

Donc on aura droit à une nouvelle galerie de monstres marrants et des héroïnes toujours victimes d'un normalisme quasi-faciste. Burton semble vraiment s'amuser et ça fait tout le charme de cette suite un peu lente mais de temps en temps excitante.

D'ailleurs quelques fulgurances (l'idée du bébé Beetlejuice) hargneuses nous réveillent. Oui, Tim Burton est encore vivant ! Il a fallu qu'il passe par le monde délirant des morts pour nous déclarer cela.

Au cinéma le 11 septembre 2024
avec Michael Keaton, Winona Ryder, Jenna Ortega et Catherine O'Hara
1h44 - Warner Bros

La vie secrète des vieux, Mohamed El Khatib, Abbesses

(c) Yohanne Lamoulere Tendance floue

Ce n'est pas tous les jours qu'on voit des vieux sur scène, surtout des vieilles et des vieux "normaux", des bedonnant.e.s, des ridé.e.s, des pas connu.e.s, des pas lifté.e.s ni botoxé.e.s. Ce spectacle est, de ce point de vue, assez extraordinaire.

Mohamed El Khatib a constitué une troupe de vieillards qui nous racontent leur vie secrète, leur vie intime, leur vie sexuelle.

D'abord, elle est délicieuse, cette bande de vieux qui livrent sans pudeur leur sexualité sur un plateau. C'est jouissif de voir ces vieux aux corps plus ou moins abimés nous dire crument leurs plaisirs, passés, présents et (s'ils ont de la chance !) futurs.

"Je ne veux pas mourir sans jouir encore." "Je ne peux pas m'empêcher de penser, à chaque fois que je fais l'amour, que c'est peut-être la dernière fois. Alors je m'applique."

Et puis, le spectacle prend un tour plus militant, plus revendicatif. Yasmine, aide-médicale présente sur scène, nous décrit son quotidien auprès des résidents d'un EPAHD. Son témoignage est enjoué mais aussi immensément triste et extrêmement poignant.

Alors, alors les larmes me sont montées aux yeux. Pour de vrai. J'ai été ému, bouleversé par ces fins de vie et par ces adultes infantilisés (il est vrai qu'ils n'ont pas toujours toute leur tête) à qui l'on refuse les (derniers) plaisirs des sens.

"On a torché nos gosses toute leur enfance (...) et maintenant ils viennent nous faire chier !".

Et puis, lorsque j'ai pris conscience que Yasmine n'était pas aide-soignante mais comédienne (Yasmine Hadj Ali), je me suis senti floué et, oserais-je le dire? trahi. Bien sûr, c'est du théâtre et je sais que tout est faux. Sauf que le metteur en scène laisse entendre que ce sont des "vrais" gens qui racontent leur histoire (il parle de "théâtre documentaire"). Or si Yasmine est une comédienne, alors...

Alors, on peut douter de tout. A y bien regarder, il m'a semblé que El Khatib servait la soupe à son public. Avec ses faux airs provocateurs et naïfs, son spectacle flatte en réalité son public dans le sens du poil. A des spectateurs majoritairement blancs et bourgeois, il présente des vieux - majoritairement blancs et bourgeois eux-aussi - qui, s'ils ne sont plus de première jeunesse, ont une pêche d'enfer et un appétit sexuel rassurants.

"J'ai 91 ans et, je n'ai pas peur de le dire - j'espère qu'il n'y a pas d'enfants dans la salle - j'ai envie de faire l'amour tous les jours."

Alors, je me suis dit que Mohamed El Khatib est un roublard. C'est un spectacle plaisant à regarder et très très efficace. Presque trop.

Jusqu'au 26 septembre 2024
au Théâtre de la Ville de Paris - Abbesses(dans le cadre du Festival d'automne 2024)
Puis en tournée.

Durée 1h10
de 8 € à 33 €

A son image, Thierry de Peretti, Pyramide Distribution

Cela débute par un accident de voiture. La conductrice meurt. La famille, les amis et son parrain se réunissent. Les souvenirs remontent soudainement à la surface et permet un beau portrait de femme, perdu entre l’Amour et l’Histoire.

Car le réalisateur Corse Thierry de Peretti ne s’attarde pas sur le deuil mais bel et bien sur la vie. A travers la vie d’Antonia, il décrit une génération corse sacrifiée aux causes passionnées de l’indépendantisme. La violence se glisse derrière leurs rires et leurs joies de jeunes adultes.

Cela pourrait être terriblement didactique et dénonciateur. Le réalisateur, qui adapte un roman de Jérôme Ferrari, préfère scruter les émotions avec un joli sens rétro de la narration. Il y a une voix off pour nous guider dans cette histoire dramatique, où les hommes sont des pantins, tandis que les femmes subissent le chaos.

Cependant ce n’est jamais tragique. Les années de plomb de la Corse sont montrés par un habile montage qui vient constamment se heurter à la rayonnante jeunesse symbolisée par Antonia, femme curieuse et courageuse.

Le combat va au-delà des armes et des altercations avec la police, la lutte se fait par des émotions plus complexes et désormais romanesques. Le réalisateur applique pour l’occasion une belle évocation du métier de photographe. Antonia, comme un peu chaque Corse, témoigne et prend sur elle pour comprendre les maux de son île.

Tournés avec des inconnus, les convictions de chacun explosent dans des discussions amicales et la politique s’immisce dans chaque fait et geste de chacun. La densité de l’âme corse se propage partout. Impossible d’être un innocent. Difficile de ne pas se sentir à un moment ou à un autre, coupable.

La description d’une simple destinée devient une fresque à laquelle on s’attache rapidement, emporté aussi par cette réflexion sur l’importance de l’image, du souvenir et de l’art finalement. Avec des moyens humbles, le cinéaste calme les outrances de l'histoire pour remettre l'humanité au centre d'un récit plein de surprises. A Son Image évoque, suggère et fait une part belle à la sensibilité. On devine souvent ce qu'aurait pu être ce film sur un sujet grave. A la place, on a droit à une œuvre luxuriante.
A l'image de l'île !

au cinéma le 04 septembre 2024
1h 53min
Pyramide Distribution

L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt, Géraldine Martineau, Palais-Royal

Après un documentaire en 2022* et une grande exposition en 2023**, le théâtre rend enfin hommage à la grande comédienne Sarah Bernhardt.

Sa légende (en partie façonnée par elle-même) prétend qu’elle fut la première star. On dit que les journalistes, critiques et chroniqueurs de son temps, ont usé pour elle tous les superlatifs. Au-delà de la comédienne adulée, qui a inspiré des auteurs comme Edmond Rostand, Oscar Wilde ou Victor Hugo, il faut reconnaître que l’histoire de la vie de Sarah Bernhardt est proprement extraordinaire. Pour rester factuel, on peut sans exagérer qualifier Sarah Bernhardt comme suit : aventurière (première actrice française à oser une tournée aux États-Unis), indépendante (refusant de dépendre d’un homme ou d’une institution), engagée et courageuse (elle a soutenu Dreyfus, Zola, transformé son théâtre en hôpital militaire pendant la guerre de 1870, est partie en tournée sur le front pour soutenir le moral des soldats pendant la première guerre mondiale, a continué à se produire sur scène malgré l’amputation d’une jambe…). Sa biographie***, les témoignages et hommages qui lui ont été rendus, ne laissent aucun doute sur le caractère hors norme de cette femme-artiste-chef-d’entreprise.

C’est ce qui a poussé Géraldine Martineau à écrire et à mettre en scène un spectacle en son honneur : nous faire mieux connaître ce modèle féminin de liberté, de désobéissance et d’audace. Sébastien Azzopardi, Directeur du Théâtre du Palais-Royal, lui-même descendant de Sarah Bernhardt, ne pouvait que soutenir un tel hommage. Depuis le 27 août, le Palais-Royal accueille donc cette nouvelle création de Géraldine Martineau : non seulement un hommage haut en couleur mais aussi un régal pour les cinq sens, un rassemblement festif, joyeux et exubérant, porté par huit acteurs et deux musiciens (Florence Hennequin au violoncelle et Bastien Dollinger au piano et à la clarinette).

Ce spectacle musical, qui a impliqué aussi la création de quarante costumes et cinq chansons originales, nous offre tout ce qu’on préfère, le meilleur de la scène : une troupe qui virevolte, un spectacle qui nous cueille et nous emporte, quand le rythme est enlevé sans être étourdissant. C’est surprenant. On y apprend des vérités historiques. On est touché par des chansons, des dialogues et des voix qui portent loin. On admire des talents qui vibrent, on partage des moments de connivence et de grâce. Et c’est contagieux : le public applaudit debout cette troupe unie.

Il faut souligner que cette troupe de dix artistes interprète trente-cinq personnages différents et que le spectacle nous fait traverser différentes époques (la vie de Sarah Bernhardt s’étire de 1844 à 1923) et deux continents.

Les chansons d’Estelle Meyer**** (dans le rôle-titre), auteur et interprète, ainsi que les créations musicales de Simon Dalmais, créent une atmosphère envoûtante. Et malgré tout le panache, l’audace, la détermination de Sarah Bernhardt, qui pourraient camper un caractère assez dur, ce qu’on retient du personnage c’est davantage : l’innocence, la pureté de cœur et l’amour de la vie.

Courez admirer ces merveilleux artistes et redécouvrez grâce à eux cette icône nationale.

*Sarah Bernhardt. Pionnière du show-business, écrit et réalisé par Aurine Crémieu (Fr., 2022, 53 min).
** Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star, une exposition organisée au Petit Palais en 2023, pour les 100 ans de sa mort.
*** Ma double vie, autobiographie de Sarah Bernhardt, Phébus éditions.
**** Estelle Meyer a reçu un prix pour sa chanson Pour toutes mes sœurs ; elle a rencontré son public grâce à son tour de chant Sous ma robe mon cœur (2019) et à son seul-en-scène inspiré par la figure de Gisèle Halimi : Niquer la fatalité, chemin en forme de femme (2023).

A partir du 27 août 2024
au Théâtre du Palais-Royal
38 rue de Montpensier
75001 Paris
infos / resa :  01 42 97 40 00 / resa@theatrepalaisroyal.com / www.theatrepalaisroyal.com

Avec Estelle Meyer, Marie-Christine Letort, Isabelle Gardien, Priscilla Bescond, Blanche Leleu, Sylvain Dieuaide, Antoine Cholet, Adrien Melin, Florence Hennequin et Bastien Dollinger

Trending

L’Apparition, Perrine le Querrec

Dulcolax, pub au vent

Loomie et les Robots, Le Funambule

Most Discussed

F.A.I. 2009 / BERTRAND BELIN et TATIANA MLADENOVICH

Et la laïcité bordel !

Diamond Dogs / David BOWIE / (EMI – 1974/ Rééd.2004)

Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu?